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mise à jour du
6 décembre 2001
La Lettre du Pharmacologue
1996;10:217-219
 Le bâillement en neuropsychopharmacologie clinique
0livier Blin
Laboratoire de pharmacologie médicale et clinique
Hôpital de la Timone, Marseille
 
Chat-logomini
Le bâillement, phénomène physiologique, porteur d'une signification d'ennui ou de fatigue dans l'opinion générale, trouve sa finalité comportementale dans la stimulation de la vigilance et le maintien de l'éveil (1). Son déroulement a été étudié par Barbizet (1958), qui décrit une succession obligatoire de trois phases dont la durée totale n'excède pas 10 secondes : la première phase est active, inspiratoire, associée à l'ouverture progressive de la bouche, la deuxième correspond à l'acmé de l'ouverture buccale et de la dilatation pharyngo-thoracique ; la troisième, expiratoire, est passive et s'accompagne d'un retour à l'état antérieur. Le bâillement est un acte involontaire, associé à un état psychique particulier caractérisé par un obscurcissement de la conscience qui accompagne la diminution des afférences sensorielles, suivi d'une sensation de bien-être.

Le bâillement, longtemps considéré comme un phénomène négligeable, a trouvé sa place, ces dernières années, dans les recherches neurobiologiques. Au moins chez l'animal, de nombreux systèmes de neurotransmission sont impliqués dans ce comportement. Nous évoquerons ici l'utilisation du bâillement en pharmacologie clinique, où son intérêt semble manifeste principalement dans l'approche in vivo du fonctionnement des systèmes dopaminergiques.

Nous avons montré dans deux études, menées en double aveugle contre placebo, que de faibles doses d'apomorphine induisaient des bâillements chez le volontaire sain (2, 3), confirmant ainsi les résultats de travaux antérieurs (4, 5, 6). Dans nos études, l'apomorphine a été administrée à des doses faibles, infra-émétisantes: 0,1-0,2-0,4 mg (1) et 0,5-1-2 pg/kg (3). Aucune relation dose-effet n'a pu être mise en évidence. Cependant, pour de très faibles doses d'apomorphine (inférieures à 0,5 Mg/kg), la survenue de bâillements est inconstante, alors que les sujets réalisent de nombreux soupirs. Pour des doses élevées (supérieures à 7 Mg/kg), le nombre de bâillements induits par l'apomorphine tend à diminuer (6), suggérant l'existence d'une courbe dose-effet en cloche. Dans une étude réalisée sur 12 volontaires qui recevaient comme seul produit actif l'apomorphine (2 Mg/kg) à 9 h, 10 h, 12 h et 16 h, nous n'avons pas mis en évidence d'influence de l'heure d'administration de l'apomorphine sur le nombre de bâillements induits. Il est à noter que, concernant le nombre de bâillements spontanés, des données partielles font état d'une fréquence élevée de bâillements aux heures de transition entre la veille et le sommeil, alors que la fréquence la plus faible est observée durant l'après-midi (7). Une forte variabilité interindividuelle est observée en ce qui concerne la fréquence du bâillement spontané chez le volontaire sain (figure 1). Nous avons étudié si cette variabilité influençait la réponse induite par l'apomorphine.

Les premiers résultats obtenus suggèrent que, sur une période de temps donnée, l'augmentation du nombre de bâillements induits par l'apomorphine n'est pas directement liée au nombre de bâillements initiaux. Il est à noter que 5 volontaires sur les 20 testés ne bâillent pas durant le test, que ce soit à l'état basal ou lors de l'administration d'apomorphine. Ces constatations devraient influencer les critères de sélection des volontaires participant à ce type d'études.

Le bâillement induit par l'apomorphine peut être utilisé dans l'étude des antagonistes dopaminergiques. Ainsi les bâillements induits par apomorphine sont-ils antagonisés par des neuroleptiques typiques (halopéridol à la dose de 20 pg/kg en injection intramusculaire 30 minutes avant l'administration de 10 pg/kg d'apornorphine) et non par un antagoniste des récepteurs de la dopamine ne franchissant pas la barrière hématoencéphalique (dompéridone), soutenant l'hypothèse de la mise en jeu des systèmes dopaminergiques centraux dans le bâillement. En revanche, un neuroleptique atypique, tel le sÙlpiride à la dose de 2 mg/kg en injection intramusculaire, n'antagonise pas les bâillements induits par cette même dose d'apomorphine (4). Nous avons étudié, dans une étude en groupes parallèles, randomisée contre placebo, réalisée chez le volontaire sain, l'effet d'un prétraitement par une dose unique d'amisulpride (300 mg) sur les bâillements induits par l'apomorphine (2 Mg/kg) administrée 3 heures plus tard. L'amisuipride, à fa dose utilisée et dans ces conditions, n'a pas entraîné de diminution significative du nombre des bâillements induits par l'apomorphine chez le volontaire sain.

A la lumière des résultats obtenus, le bâillement induit par l'apomorphine a été utilisé pour évaluer la réactivité dopaminergique centrale chez le patient migraineux (8). Une étude menée en comparaison d'un groupe contrôle a montré un nombre de bâillements induits par apomorphine supérieur chez les patients migraineux, suggérant l'existence d'une hypersensibilité dopaminergique centrale chez ces patients. Ce résultat a été confirmé par un autre groupe (9),

Nous avons récemment montré que des patients schizophrènes déficitaires présentaient, tant à l'état basal que lors de l'administration d'apomorphine (2 lÀg/kg), un nombre de bâillements inférieur à celui de témoins appariés sur l'âge et le sexe, évalués dans les mêmes conditions (figure 2). Cette diminution de réponse à l'apomorphine est concordante avec les résultats obtenus par l'équipe de Crow montrant que les deux tiers des patients schizophrènes étudiés ne bâillent pas après administration de 0,75 mg d'apomorphine par voie souscutanée (10). Ces résultats peuvent être rapprochés d'une étude récente en tomographie par émission de positons (TEP) qui, dans une sous-population de patients schizophrènes non traités présentant des symptômes négatifs, observe une corrélation inverse entre les signes négatifs (émoussement affectif notamment) et la densité des récepteurs D2 striataux, suggérant une diminution de leur densité dans cette forme clinique de schizophrénie (11).

Les résultats obtenus dans ces différents travaux et leur confrontation avec les données de l'expérimentation clinique et animale permettent de discuter la localisation pré- ou postsynaptique des récepteurs dopaminergiques impliqués dans le bâillement. Un hypothèse de travail peut être proposée, qui repose cependant sur des postulats dont il n'existe pas d'évidence directe. Le bâillement serait dû à la stimulation de récepteurs dopaminergiques présynaptiques, situés dans des structures sous-corticales (striatum par exemple). Chez le schizophrène déficitaire et en comparaison des témoins, la diminution du bâillement spontané ou survenant sous l'influence de faibles doses d'apomorphine serait due à une diminution de la densité des récepteurs dopaminergiques D2, suggérée par les données de TEP (11). Cependant, on ne peut pas préjuger de la localisation pré- ou post-synaptique de ces récepteurs D2. Par ailleurs, l'hypodopaminergie frontale observée chez ce type de patients (12) pourrait, du fait du contrôle des voies cortico-sous-corticales, modifier la libération de dopamine sous-corticale.

Dans la maladie de Parkinson, la perte des neurones doparninergiques lors de la dégénérescence de la voie nigro-striée rendrait compte de la faible fréquence du bâillement spontané généralement notée chez ces patients.

Chez le volontaire sain, l'induction du bâillement par de faibles doses d'apomorphine et la disparition de cet effet pour des doses plus élevées (6) sont en faveur de l'hypothèse de la stimulation d'autorécepteurs dopaminergiques. La suppression des bâillements induits par l'apomorphine lors d'un traitement par l'halopéridol, neuroleptique bloquant les récepteurs dopaminergiques D2 striataux vraisemblablement tant pré- que post-synaptiques, est compatible avec cette même hypothèse. En revanche, l'absence de suppression des bâillements induits par l'apomorphine après un traitement par des antagonistes de la dopamine benzamides substitués: sulpiride (4) ou amisulpride (notre expérience) à une dose ayant des effets bénéfiques sur les symptômes négatifs de la schizophrénie (13), et donc entraînant vraisemblablement un blocage des autorécepteurs, est difficile à expliquer simplement. Compte tenu de l'activité antagoniste D3 des benzamides substitués, ces résultats sont également difficiles à intégrer dans l'implication proposée des récepteurs D3 dans la survenue du bâillement induit par les agonistes dopaminergiques (14).

Cependant, il est possible d'imaginer que les faibles doses de benzamides substitués pourraient être à l'origine d'un blocage des récepteurs présynaptiques, en particulier ceux des neurones dopaminergiques méso-corticaux, et donc d'une augmentation de la transmission dopaminergique corticale. C'est l'hypothèse qui est proposée pour expliquer l'effet clinique d'une telle dose sur les symptômes négatifs de la schizophrénie (13). Cette augmentation de la transmission dopaminergique corticale pourrait être responsable d'un freinage de la libération de dopamine sous-corticale (12).

Concernant le système cholinergique, une étude menée en double aveugle contre placebo de l'effet de la scopolamine sur les bâillements spontanés chez le volontaire sain n'a pas montré de différence significative entre ces deux traitements (15). Ces résultats ne sont pas en faveur d'un rôle facilitateur du système cholinergique dans le bâillement, suggéré par la pharmacologie expérimentale.

Concernant les autres systèmes impliqués dans le contrôle du bâillement, aucune étude pharmaco-clinique n'a encore été publiée. Néanmoins, la littérature mentionne des étiologies médicamenteuses du bâillement, basées sur des observations cliniques d'origine anecdotique (tableau I). Certaines viennent étayer les résultats des travaux effectués en pharmacologie expérimentale. En revanche, les cas de bâillements intensifs rapportés chez l'homme sous clomipramine ou fluoxétine suggèrent le rôle possible de récepteurs sérotoninergiques différents des récepteurs 5HT1A dont la stimulation, chez l'animal, diminue les bâillements induits par l'apomorphine (16).

CONCLUSION : Dans le domaine de la pharmacologie clinique, le bâillement est un des indices d'évaluation de la réactivité dopaminergique centrale. Dans une approche pharmaco-clinique, le bâillement induit par l'aponiorphine pourrait être utilisé dans l'étude de la relation dose-effet d'antagonistes dopaminergiques tels que les benzamides substitués. Pour ces molécules, le rapport des doses entraînant le blocage des récepteurs pré- ou post-synaptiques est élevé et pourrait Justifier l'utilisation de faibles doses dans le traitement des symptômes négatifs de la schizophrénie et de fortes doses dans celui des symptômes positifs. Toutefois, le seuil entre les doses dites faibles et les doses dites élevées reste encore imprécis. L'étude des agonistes partiels des récepteurs dopaminergiques pourrait également bénéficier de ce type d'approche. Enfin, l'étude du bâillement induit par l'apomorphine pourrait être proposéedans l'approche pharmaco-clinique d'une modulation indirecte des systèmes dopaminergiques.`

Physiology of Oxytocin

Références bibliographiques

  1. Askenazy J.J.M. Is yawning, an arousal defense reflex?J Psychol 1989:123: 609-21.
  2. Blin O, Danjou P, Warot D, Fondarai J, Puech AJ, Induction of yawning by low doses of apomorphine in healthy volonteers. Psychiaitr Psychobiol 1988: 3: 195-9.
  3. Blin 0., Masson G., Azulay J.P.. Fondarai J., Serratrice G. Apomorphine induced yawning and blinking in healthy volonteers. Br J Clin Pharmacol 1990, 30: 769-73.
  4. Corsini G.U, Piccardi AI.P, Boccheta A. Beirnardini S, Del Zompo M. Behavioural effects of apomorphine in man: dopamine receptors implications. vol. 2. Clinical Pharmacology. Raven Press Ed. New York 1981: 13-24.
  5. Lal S, Grassino A, Thavundayil YX, Bubrovsky B A simple method for study of yawning in man induced by the dopamine receptor agonist, apomorphine. Progr Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry 1987; 11; 223-228
  6. Lal S. Apomorphine in the evaluation of dopaminergic function in man. Prog Neuropsychophamacology Biol Psychiatr 1988; 2-3: 117-64.
  7. Greco, M.; Baenninger, R.; Govern, J. On the context of yawning: when, where, and why? Psych. Rec. 1993. 43:175-183
  8. Blin O, Azulay JP, Masson G, Aubrespy G, Serratrice GApomorphine-induced yawning in migraine patients: enhanced responsiveness Clin Neuropharmacol 1991 Feb;14(1):91-5
  9. Del Bene F., Poggioni M., de Tommasi F Video assessment of yawning induced by sublingual apomorphine in migraine. Headache 1994: 34: 536-8.
  10. Ferrier IN, Johnstonc EC, Crow TJ. Clinical effects of apomorphine in schizophrenia Br J Psychiatry 1984, 144: 341-8.
  11. Martinot J.L et coll. Central D2 receptors and negative symtoms of schizophrenia. Br J Psychiatry, 1994. 164. 27-34.
  12. Davis K., Kahn S., Grant K, Davidson M. Dopamine in schizophrenia a review and reconceptualisation Am J Psychiatry 1991: 148, Il: 1474-87.
  13. Boyer P, Lecrubier Y., Puech A.J., Dewailly L, Aubin F Treatment of negative symptoms of schizophrenia with amisulpride Br J Psychiatry 1995, 166; 68-72
  14. Kostrzewa, R. M. and R. Brus. Is dopamine-agonist induced yawning behavior a D3 mediated event? Life Sci (1991) 48(26): 129.
  15. Skorzewska, A., Y. Tesfaye, et al Effect of scopolamine on spontaneous yawning in men.Neuropsychobiology 1993 27(1): 17-20.
  16. Simon P, Guardioda B, Bizot-Espiard J, Schiavi P, Costentin J. 5HTIA receptors agonists prevent in rats the yawning and penile erection induced by direct dopamine agonists. Psychopharmacol 1992: 108: 47-50

    Tableau I. Étiologies médicamenteuses du bâillement (d'après Askenzy) voir iatrogène

 
Voir l'illustration : Schematic model of neurotransmitter circuits that are involved in the three states of vigilance
A trial of subcutaneously injected apomorphine for parkinsonian off-state events Dewey RB
Neural basis of drug induced yawning
Cooper SJ, Dourish CT in Neurobiology of Stereotyped Behaviour