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mise à jour du 22 septembre 2002
 
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bailleuse
Un roman d'amour dont l'argument principal est le bâillement, il fallait oser l'écrire. C'est fait. Découvrez la bâilleuse de Alain Teulié édition Médium - L'école des loisirs. Paris
 
« La bâilleuse
Jimmy est beau, très beau. C'est le plus beau du collège. Jimrny est raisonnable, très raisonnable. C'est le plus présentable aux parents. Jimmy est brillant, très brillant. C'est le plus éblouissant des amis. Évidemment, toutes les filles sont folles de lui. Jimmy aussi, d'une certaine façon, est fou de toutes les filles. Il se demande comment il va faire pour les départager, et trouver LA femme de sa vie. Un dimanche matin de janvier, une très belle jeune fille s'asseoit en face de lui dans le bus, le regarde, le subjugue. Puis se met à bâiller. Et subitement, elle devient une autre, une moche, un monstre. Alors, de simple manifestation de fatigue sans prétention, ce bâillement devient pour jimmy une source d'interrogation métaphysique. Dis-moi comment tu bâilles, je te dirai qui tu es ! Et le voilà parti à la recherche de la bâilleuse idéale, celle à quijainais il n'aura envie de dire bye-bye! »

Tout a commencé dans un autobus.

Un dimanche glacial de janvier, assez tôt le matin, pour rendre visite à sa tante Christine qui habitait à Montrouge, jimmy a pris le 68, tout près de chez nous, place de Clichy. Il était encore mal réveillé et il avait emporté Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier, pour relire le moment où le bel Augustin descend l'escalier en portant dans ses bras Yvonne de Galais.

Tout cela pour dire qu'il était ce matin-là dans des dispositions plutôt romantiques.

C'est aux environs de l'Opéra qu'une fille de notre âge est montée dans le bus et s'est assise en face de lui.

Avant même de lever les yeux, Jimmy a su qu'elle était belle et que cette journée coinmençait bien. Et puis il l'a vue et il a pensé que ce dimanche-là risquait d'être l'un des plus beaux de sa vie.

Jimmy espérait à chaque arrêt qu'elle ne descendrait pas au suivant. Avec un peu de chance, elle allait aussijusqu'à mairie de Montrouge. Il imaginait en riant qu'elle allait aussi chez sa tante Christine - ce qui était peu probable.

Leurs regards avaient fini par se croiser. Si Paris était derrière les vitres un film froid en gris et blanc, un feu bizarre semblait vouloir prendre dans l'autobus.

Dix minutes, environ, passèrent. Il y eut encore des regards tentés et des regards manqués. La belle jeune fille semblait soucieuse, absorbée par quelque pensée noire.

Mais c'est aux abords de Denfert-Rochereau qu'elle se révéla, tout simplement, fatiguée. Jimmy s'apprêtait à lui adresser la parole, il avait enfin trouvé une phrase pas trop banale pour engager la conversation lorsque l'inconnue, après s'être retenue en fermant les yeux, se Mit à bâiller en ouvrant si grand la bouche que Jimmy en découvrit d'un coup tout l'intérieur: une grotte dont l'entrée était délimitée par un mince fil de salive qui se rompit bientôt, un gouffre de chair humide et sombre, barré au fond par une stalactite en forme de bout de doigt. Sa langue se plia en deux comme une crêpe où l'on va répandre du miel et ses lèvres s'ouvrirent pour découvrir des gencives que les racines des dents faisaient onduler en dizaines de dunes rosâtres.

Elle avait, selon lui, terriblement changé.

Ses joues plissées, son nez retroussé, son front déformé, son cou tendu, avaient donné naissance à un double terrifiant dont la jeune fille était l'original. Jimmy eut vraiment l'impression qu'elle était devenue une sorte de monstre, le temps d'un bâillement.

Elle descendit à l'arrêt de la porte d'Orléans et disparut dans la brume matinale du boulevard de ceinture.

Dix nuinutes plus tard, il neigeait très fort sur Montrouge. Jimmy était accoudé sur la toile cirée du deux pièces de sa tante Chrisune, devant un bol de chicorée brûlante.

Elle lui demanda:

- Qu'est-ce qui ne va pas, Jimmy ? Tu es livide.

- Ça va, dit Jimmy. je ne suis pas bien réveillé, c'est tout.

Sur ce, il se mit à bâiller.

Aussitôt, il se leva et courut vers le miroir d'une armoire dans la pièce voisine pour voir à quoi il ressemblait en bâillant. Il arriva trop tard et ne vit qu'un visage rendu écarlate par les radiateurs poussés à fond.

- Qu'est-ce que tu fais? demanda-t-elle. Tu es devenu fou?

- Pardon, dit Jimmy. J'ai des fourmis dans les jambes. C'est le froid...

- je vais monter le chauffage, dit-elle.

...... pour la suite il faudrait mieux acheter le livre