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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
4 février 2007
Paris
Lib Charles Gosselein
2° édition
Lettres à Camille sur la physiologie
Isidore Boudon (1796-1861)
1848

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 isidore bourdon
 
 
 
p 51-52
LETTRE VII.
Sur la faim, l'abstinence et la diète.
 
Chacun connaît la signification de ce mot : iI sert exprimer le vif désir d'aliments nécessaires. Mais il est souvent usurpé par des appétits factices, par des goûts capricieux; on confond ainsi les saillies de la sensualité avec l'aiguillon du besoin. Il est en effet des personnes qui, ignorent absolument ce que c'est que la faim, tant l'inertie, née du désoeuvrement, rend leurs digestions interminables.
 
Il en est qui ne se donnent quelque mouvement hors de leurs habitations somptueuses qu'afin de dîner avec attrait, ou du moins sans répugnance; car si la faim assaille sans cesse l'indigence, comme perspective inconjurable, si ce n'est comme réalité, la satiété gâte les délices de l'opulence désœuvrée. Tous ces promeneurs si brillants et si enviés qui inondent de poussière la banlieue des capitales ,vous pensez peut-être que la vanité, l'amour de la campagne ou de la dissipation les poussent ainsi, vers le milieu de chaque beau jour, au delà des remparts d'une grande cité! erreur, c'est uniquement la gourmandise.
 
Réveillés un peu avant midi, ces malheureux Sybarites, au plus léger coup de clochette, voient apparaître sur un guéridon gracieux, et tout près de leur chevet, assiégé d'ombres et d'ennuis, une coupe séduisante dont la vapeur parfumée n'éveille en eux nulle tentation, tant leur appétit, la nuit précédente, s'est profondément assoupi au sein d'un médianoche bruyant ou d'un souper mystérieux. Cependant viennent les nouvelles de la veille, la gazette, la correspondance : on se met à lire.
 
Mais, pour un billet qui fera sourire ou espérer, d'autres lettres sont là qui ramènent à la vie réelle et rendent le front soucieux : alors on bâille, on se détire, on récapitule ses chagrins, et, pendant cela, le déjeuner refroidit et la faim reste endormie:
Parmi les voluptés dont ils croient s'enivrer,
Malheureux! ils n'ont pas le temps de désirer.
 
Vous donc qui voulez savourer à longs traits toutes les jouissances d'une vie fortunée , fuyez les excès, fuyez la mollesse. Tout se flétrit sous leurs mains, tout se glace et meurt à leur souffle. Pour jouir, il faut désirer. Or, naît-il des désirs sans travail et sans tempérance? Le bonheur est comme le ciel , qui sans doute l'éternise on ne le conquiert que par des sacrifices, et l'on en jouit déjà du moment qu'on l'espère. Une des consolations de l'artisan, assurément c'est la faim, cet ardent appétit que le travail fait naître et satisfait.
 
Un Dieu qui prit pitié de la nature humaine,
Mit auprès du plaisir le traavail et la peine;
La crainte l'éveilla, l'espoir guida ses pas,
Ce cortége aujourd'hui l'accompagne ici-bas.
 
p 56-59
Phénomènes et dangers de la faim.
 
Ceux qui ont décrit les effets de la faim en ont presque toujours exagéré les souffrances. Quand on interroge les hommes qui ont éprouvé de longs jeûnes, on acquiert la certitude que les mauvaises digestions sont souvent plus douloureuses qu'une faim de plusieurs jours. L'essentiel alors est de rester en repos, de dormir de temps en temps, et d'avoir un peu d'eau pour se désaltérer, car le grand tourment résultant de l'inanition, c'est la soif. L'heure des premiers repas est la plus difficile à traverser, surtout si celui qui pâtit a des habitudes régulières, s'il est jeune, robuste, impatient, mais principalement s'il agit plus qu'il ne pense et ne médite.
 
Alors il survient des bâillements, des pandiculations; les intestins se contractent avec bruit, et bientôt le sentiment de la faim s'affaiblit un peu : mais le corps a déjà perdu de son énergie, et l'on sent quelque propension à prendre du repos et à dormir. Le sommeil est alors plus profond, et peut-être plus prolongé que de coutume; il est néanmoins plus souvent interrompu, plus troublé par les songes, et il se compose de petits sommes, coupés par des intervalles inégaux. Quand ensuite on se réveille décidément, on est tout étonné de I'éprouvér qu'une faim si tolérable après un jeune de vingt à trente heures; mais le lendemain, les lassitudes augmentent, les somnolences sont plus fréquentes; alors aussi le visage se décolore et s'affaisse, et, comme il perd son expression en même temps que sa couleur, cette froide uniformité de tous les traits fait paraître la figure plus allongée.
 
Voilà pourquoi l'on use de cette dernière épithète pour caractériser la physionomie de ceux qui endurent la faim. Cependant, d'autres symptômes apparaissent : le sang étant plus appauvri et réparti par un coeur plus faible, toutes les sécrétions languissent, tout se dessèche : la peau, la bouche, le gosier, les intestins, la vessie. Les urines sont épaisses, colorées et presque taries, alors même qu'on aurait bu abondamment. La constipation devient de plus en plus absolue; le ventre, après chaque assoupissement, se retire et se concentre, comme s'il était pressé dans un étau, et de la sorte le corps n'éprouve plus presque aucune déperdition, si ce n'est par la transpiration pulmonaire, c'est-à-dire par l'haleine.
 
Mais la soif, une soif vive et perpétuellemeni renaissante, voilà le véritable supplice de ceux qui endurent la faim. La bouche et la gorge se dessèchent alors comme dans la fièvre; la langue est comme collée au palais, tant la salive est devenue rare, et cela même est un bienfait de la prévoyance suprême, car ce presque entier tarissement de la salive, et cette viscosité de la langue et du palais, tout cela amortit le sentiment de la faim, à la manière des maladies aigu. Le coeur est alors sensiblement affaibli. Si l'on essaie de mesurer le pouls au moyen du sphygtnomètre, on voit qu'il ne communique plus à la colonne de mercure d'aussi grandes oscillations, et qu'il se laisse plus aisément déprimer que de coutume.
 
L'inanition affaiblit également la chaleur vitale aux corps éjeûnés, il faut des vêtements plus chauds, des couvertures plus épaisses, encore a-t-on souvent beaucoup de peine à réchauffer les extrémités. Assurément, la privation d'aliments lors de la retraite de Moscou, multiplia les cas de congélation mortelle.
 
Quant à l'esprit, on serait souvent étonné de la lucidité des idées en des personnes qui supportent l'abstinence sans l'avouer; on serait surpris de la précision lumineuse de leurs discours leur discernement, leur sagacité, leurs à-propos ont parfois la soudaineté du génie. II eu est de même du caractère : leur langueur, leur tristesse, se transforment souvent tout à coup en élans de joie, en puérils éclats de gaieté. La faiblesse née de l'inanition favorise l'instabilité de l'humeur et les subites vicissitudes de l'âme. L'imagination de ceux qui jeûnent a la même mobilité que celle des enfants, que celle de convalescents et des femmes; mais prompte à s'enflammer, elle s'éclipse l'instant d'après : toute application d'esprit est alors impossible.
 
Toutefois, le Corse Viterbi a conservé assez de force de tête jusqu'au seizième jour de sa lente agonie, pour décrire heure par heure les tourments de l'inanition volontaire qui devait le préserver d'une mort infamante. Près de s'éteindre, et quoique totalement privé de nourriture depuis seize jours, cet homme énergique conservait encore sa raison, et donnait à sa haine envers des ennemis acharnés autant qu'implacables, des expressions d'une horrible justesse. On voit l'exaspération et le désespoir dans le journal où il décrit l'agonie de la faim : on n'y voit nulle part la déraison on la douleur.
 
Toutefois, l'inanition portée à un certain degré détermine assez fréquemment des souffrances vers cette partie du ventre qu'on nomme épigastre; et comme la gastrite donne lieu à une douleur analogue, on a vu plus d'un médecin inexpérimenté ou systématique s'autoriser de ce symptôme d'inanition pour rendre la diète des malades inopportunément plus rigoureuse.
 
Lettre XXIII
Sur le sommeil (31 octobre 1829)
p 360
 
Vous connaissez les préludes du sommeil: ces langueurs, cette faiblesse paresseuse, cet abattement des forces, cette mollesse et cet embarras des pensées qui précèdent l'assoupissement. On bâille, on détire le membres, on s'allanguit; la mémoire se perd, on balbutie des expressions incohérentes, les idées n'ont plus ni suite ni justesse. Remarquez que les approches du sommeil sont analogues à celles de la mort, dont le sommeil est véritablement l'image assez ressemblante.
 
p 366
Le sommeil avait débuté par une expiration subite, et c'est une profonde inspiration qui le termine. Le réveil est l'image de la vie commençante, comme l'assoupissement ressemble à la mort. On exécute alors des demi-bâillements, des pandiculations des efforts à glotte fermée, et cela débarrasse instinctivement les poumons du sang trop abondant qui les opprime.
 
Remarquez, Camille que les sens et la pensée ne reprennent pas aussitôt leur plein exercice et leur entière lucidité. Le sommeil a son crépuscule comme le jour commençant, sa convalescence comme les maladies. Les premières heures du réveil ressemblent à une sorte d'enfance.
 
Dictionnaire physiologique
p 411
BAILLEMENT: est toujours accompagné de l'élévation du voile du palais et de la contraction des muscles internes de l'oreille; d'où résulte une sorte de bruissement confus. Signe d'ennui, de langueur et d'abattement; moyen propre à déguiser les vives émotions. On ne bâille involontairement ni dans les vives agitations de l'âme ni pendant le règne des souffrances. Voilà pourquoi l'on bâille quelquefois pour feindre l'indifférence et dissimuleer de réelles émotions.