resolutionmini
 
Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
7 décembre 2008
Journal de Neurologie
(Société belge de neurologie)
1899:361-374
Les parakinésies
De Buck
1899
 
la parakinésie brachiale oscitante
In english : Hand up! Yawn and Raise Your Arm

logo

 
L'étude des troubles de la motilité a fait dans ces derniers temps des progrès sérieux. Nous devons ces progrès au concours efficace des anatomistes et des cliniciens. Il existe cependant deux chapitres de la pathologie motrice où l'anatomie n'a pas tenu le pas à la clinique et où le jour commence à peine à se faire. Ce sont les chapitres des mouvements cloniques et des soi-disant mouvements associés.
 
Nous avons récemment, à propos de l'exposé d'un cas de spasme rythmique, tâché de résumer l'état de la question du clonisme pathologique. Un cas remarquable de mouvements associés, que nous observons en ce moment, nous met à même de faire également sur cette dernière question un travail de synthèse et de faire valoir quelques idées qui nous sont personnelles.
 
Qu'entend-on, aujourd'hui, par mouvements associés ? Quand, dit von Monakow, dans l'accomplissement de nos actes volontaires il se produit des mouvements non voulus et ne contribuant pas au parachèvement de l'acte volontaire, soit dans les autres parties du corps, soit dans le membre même mis en mouvement, on parle de mouvements associés (Mitbwegungen). De pareils phénomènes se produisent quelquefois chez l'homme normal, lors de mouvements brusques, précipités. On ne peut donc pas dans tous les cas y attacher une signification pathologique. Ce symptôme se constate fréquemment chez les hémiplégiques et, fait étonnant, s'étend même aux extrémités d'organes qui échappent à l'empire de la volonté. Ces processus n'accompagnent même pas seulement les mouvements volontaires, mais aussi les mouvements réflexes (bâillement, éternuement, etc...) ».
 
On a décrit jusqu'ici quatre sortes de mouvements associés pathologiques:
 
1°) Mouvements associés du côté sain ou du côté malade accompagnant les mouvements volontaires, exécutés au moyen de l'extrémité saine ou au moyen de l'extrémité paralysée.
 
2°) Mouvements associé tant dans les extrémités saines que dans les extrémités malades à la suite de mouvements involontaires produits par excitation réflexe (bâillement, éternuement, miction, défécation, etc.).
 
3°) Mouvements associés du çôté paralysé accompagnant des mouvements passifs exécutés avec le membre sain symétrique ou accompagnant l'extension d'articulations contracturées.
 
4°) Mouvements de substitution (Ersatzbewegungen de Senator),c'est à-dire des mouvements involontaires survenant dans des muscles doués de motilité volontaire en même temps que d'autres mouvements voulus ou en lieu et place de ces derniers, que ces mouvements involontaires se passent dans un autre segment du même côté ou du côté opposé ou dans les muscles antagonistes de ceux dont la contraction est voulue. Ces mouvements de substitution peuvent aussi avoir une origine réflexe (Senator).
 
Ces mouvements associés monolatéraux, homonymes et hétéronymes ont été signalés comme complications post-hémiplégiques.
 
Chose curieuse, dans les diplégies cérébrales les mouvements associés bilatéraux auraient été très rarement observés. Dans sa statistique portant sur 270 cas de diplégie cérébrale infantile, Freud ne signale aucun cas de mouvements associés bilatéraux.
 
Dans un article de la Cyclopoedia of the diseases of children de Keating, Sachs divise les mouvements anormaux des enfants diplégiques en choréiformes, athétosiques, associés, rythmiques et ataxiques. Dans une statistique de 39 cas il ne signale qu'un cas de mouvements associés bilatéraux. C. Westphal aurait observé un cas de synkinésie bilatérale se manifestant du côté des membres supérieurs chez un hémiplégique.
 
Van Wayenburg relate le cas d'une synkinésie bilatérale chez un garçon de 5 ans et demi. Celui-ci était né à 6 mois. Les mouvements secondaires, intéressant les membres supérieurs et surtout les mains, se produisaient d'une façon tout à fait symétrique aux mouvements primitifs et avec une intensité égale. Les mouvements associés n'accompagnaient ni les mouvements passifs, ni l'excitation réflexe. La force développée d'un côté s'amoindrissait sensiblement quand le garçon s'appliquait à combattre la production du mouvement associé de l'autre côté (inhibition symétrique associée). La force absolue développée par les membres supérieurs était d'un tiers inférieure à celle des garçons bien constitués du même âge. Les muscles semblaient normaux. Les mouvements combinés avaient un certain caractère spastique. Sensibilités normales, Réflexes normaux, à part le réflexe patellaire, qui était exagéré.
 
Ce cas de synkinésie bilatérale symétrique portant surtout sur les mouvements de précision des membres supérieurs serait, d'après l'auteur, l'unique cas signalé dans la littérature.
 
A part les cas d'hémiplégie et de diplégie, les mouvements associés, se retrouvent encore assez fréquemment dans l'idiotie, qui est souvent le résultat de processus cérébraux connexes de ceux qui entraînent les diplégjes et dans la paralysie générale.
 
On les a encore observés dans les paralysies spinales, les névrites périphériques, le tabès.
 
On a donné de ces mouvements associés des interprétations pathogéniques très diverses. Il n'a guère que sur le mécanisme de ceux qui accompagnent les mouvements passifs d'extension de membres contracturés qu'on est assez généralement d'accord. On attribue, en effet, ceux-ci à ce fait que l'extension des muscles contracturés facilite l'action de leurs antagonistes.
 
Quant aux autres mouvements associés, accompagnant les mouvements volontaires ou réflexes, on a imaginé pour les expliquer les théories les plus diverses. Westphal qui avait vu une synkinésie bilatérale succéder à la lésion corticale d'un seul hémisphère, croyait que de l'écorce d un hémisphère partent des fibres qui se rendent aux ganglions de la base du même côté et de là dans la voie pyramidale croisée, puis d'autres fibres qui, par le corps calleux et la commissure grise antérieure se rendent aux ganglions de la base (corps strié et noyau lenticulaire) du côté opposé et de là de nouveau dans la voie pyramidale croisée. C'est par ces dernières fibres que s'opérerait l'association des mouvements volontaires. A l'état normal nous serions capables d'inhiber par les fibres commissurales et par la voie cortico-basale ces mouvements secondaires associés. Quand cette voie cortico-basale est atteinte d'un côté on observe la synkinésie même bilatérale.
 
Ces idées de Westphal, qui ne s'appliquent qu'à une catégorie limitée de mouvements associés, ne cadrent pas avec nos conceptions anatomiques et physiologiques modernes relatives au corps strié et au noyau lenticulaire.
 
D'après Hitzig, chaque acte moteur est normalement très compliqué et accompagné d'une série de mouvements secondaires indispensables: fixation de certaines articulations, contractions des antagonistes pour la graduation et la régularité de l'acte. Ces associations de mouvements sont anatomiquement et physiologiquement préformés, tant dans la moelle sous forme d'associations musculaires fonctionnelles que dans les centres moteurs corticaux sous forme de. combinaisons d'actes. Plusieurs de ces actes combinés sont bilatéraux. La combinaison et la dissociation des mouvements est une affaire d'habitude, d'éducation, où l'excitation se joint à l'inhibition, et qui suppose l'intégrité parfaite de toutes les voies motrices. Quand certaines voies motrices corticales sont lésées. le mécanisme des actes sera troublé Certains mouvements exigeront des efforts de volonté beaucoup plus énergiques, d'où la diffusion facile de l'excitation sur des centres non préposés au mouvement, surtout que les voies inhibitrices sont à leur tour atteintes, et la naissance de mouvements associés aux mouvements volontaires.
 
Quant à la diffusion anormale des mouvements réflexes, elle peut être interprétée par l'exagération de l'irritabilité de la moelle.
 
Ziehen admet à peu de chose près, la théorie de la diffusion de Hitzig. Il signale, en effet, quatre mécanismes qui peuvent contribuer à la naissance des mouvements associés:
 
1°) Il peut s'opérer le passage d'une excitation d'intensité anormale à la partie contro-latérale du système nerveux par les nombreuses fibres commissurales que celui-ci possède du haut jusqu'au bas.
 
2°) L'écorce motrice est en rapport avec les cellules radiculaires spinales des deux côtés (voie pyramidale croisée et directe).
 
3°) Toutes les sections corticales et spinales du système moteur possèdent des fibres d'association qui relient les centres d'action. La coordination repose sur ce fait et rend quelquefois difficile l'isolement, la dissociation d'un mouvement. Cette difficulté peut être augmentée à l'état pathologique.
 
4°) Les collatérales des cylindraxes et les dendrites favorisent l'irradiation de l'excitant, qui est souvent d'autant plus fort (excitant volontaire, exagération de l'irritabilité réflexe) que la lésion corticale est plus profonde.
 
Van Wayenburg pour expliquer son cas de synkinésie bilatérale symétrique chez un enfant diplégique admet le mécanisme suivant: Il part du fait, avancé par Woroschilow et Weiss, démontré fonctionnellement par Pitres et anatomiquement par Déjérine et Thomas, que chaque moitié de la moelle épinière reçoit des fibres des deux hémisphères (bilatéralité des mouvements des yeux, de la langue, du larynx, des muscles masticateurs, des muscles du tronc) ; durant la première enfance les membres supérieurs et inférieurs agissent symétriquement. Plus tard, par l'exercice, on acquiert l'habitude d'exécuter isolément les mouvements les plus compliqués Les libres pyramidales prennent une constitution anatomique en rapport avec cette dissociation La voie contro-lalérale s'achève, se perfectionne ; la voie latérale rétrograde. Chez l'enfant né avant terme, la myélinisation marche top vite (Fleschig), le système nerveux est faible, le temps d'exercice nécessaire au perfectionnement du faisceau pyramidal, à la dissociation des mouvements, fait défaut au début de la vie. L'enfant se trouve ainsi dans un état d'infériorité marquée au point de vue de la motilité volontaire.
 
Pour expliquer, par le phénomène se l'irradiation (voyez Ziehen) la naissance des mouvements de substitution de Westphal, il faut rappeler le fait anatomo-phvsiologique prouvé par Hering, Sherrington, sur lequel Mann s'est basé pour formuler sa théorie de la contracture, nous voulons dire le fait de la contiguité, dans l'écorce, des centres d'innervation antagonistique (fléchisseurs et extenseurs, adducteurs et abducteurs, etc.).
 
Voilà l'état actuel de la question si importante des mouvements associés.
 
Exposons maintenant notre cas de mouvements associés et voyons s'il est susceptible de l'une ou l'autre des interprétations mentionnées ci-dessus.

 
Mme J. A..., de Wetteren, 40 ans, ménagère, dentelière.
 
Antécédents héréditaires. - Le père est mort d'hémorragie cérébrale, à70 ans. Il ne buvait pas. La mère a succombé dans la démence sénile à 78 ans. Deux frères et trois soeurs sont en vie et ne présentent aucune tare nerveuse ou autre.
 
Antécédents personnels. - La patiente a fait un érysipèle et une fièvre typhoïde vers l'âge de 20 ans. Elle a eu une bonne instruction primaire. Elle se montra toujours intelligente. Elle était bonne mère, bonne épouse. Le caractère était peut-être un peu irritable. Elle a eu quatre enfants, dont trois sont morts en bas âge. Le dernier, qui vit, est un bon produit. Rien ne nous autorise à soupçonner une infection syphilitique. Pas d'usage d'alcooliques.
 
Le dernier accouchement eut lieu le 28 décembre 1898. Durant sa grossesse la femme avait présenté de l'albuminurie, de l'oedème des membres inférieurs, mais pas d'éclampsie. L'accouchement fut tout à fait naturel et ne dura qu'une demi-heure environ. Les suites furent normales durant un demi jour, puis survint une frayeur subite; elle eut la sensation, dit-elle, comme si quelque chose voulait sortir de ses parties génitales. Depuis lors elle ne se souvient plus de rien. D'après les renseignements fournis par la famille, elle resta plongée durant trois semaines dans un coma accompagné de temps en temps de convulsions généralisées. Quand, après trois semaines de coma, la conscience commença à se reproduire, on constata que tout le corps était atteint de paralysie flasque: et d'insensibilité, du moins à la douleur. Aphasie totale.
 
La parole et les mouvements ont commencé à revenir après deux mois et demi, mais on a constaté dès le début que les mouvements et la parole étaient anormaux. La femme était très peureuse et très émotive. Elle n'a jamais présenté de délire ni d'hallucinations. Elle marche depuis trois mois environ.
 
Il est regrettable que nous n'ayons pu nous procurer de renseignements plus exacts, la femme n'ayant guère eu de soins médicaux.
 
Etat actuel. - Femme bien constituée, ayant toutes les apparences de la santé physique. Mais ce qui frappe en l'examinant, c'est son attitude. Qu'elle soit assise ou debout, elle n'est pas dans l'attitude habituelle du repos, les membres supérieurs pendants ou reposant sur les genoux. Ceux-ci se trouvent en demi-flexion au-devant du thorax croisés l'un sur l'autre. Le regard est baissé et la figure exprime la mélancolie. L'attitude a souvent une apparence cataleptique.
 
Motilité. - Marche légèrement fauchante et talonnante à base large. Quand elle est observée et qu'on fixe son attention, elle marche moins bien que quand elle est seule et tranquille. Pas de Romberg.
 
La personne est incapable d'accomplir l'acte le plus simple exigeant quelque précision. Elle parvient à s'asseoir, mais pas à prendre une position indiquée sur le siège; elle parvient à se baisser, mais ne saurait ramasser un objet du sol; elle parvient à lever une jambe, niais ne peut chausser la pantouffle qu'elle a perdue; elle parvient encore moins à la ramasser. Quand on lui demande de lever le bras droit, elle fait des efforts énergiques, le bras droit vient croiser le tronc et se mettre dans l'aisselle gauche, le bras gauche s'étend en arrière du tronc, puis la main gauche vient pincer avec effort les jupons. Quand on lui demande de toucher le bout du nez avec la main droite, celle-ci s'épuise en efforts le long du tronc, la main gauche se rapproche du nez et la face s'incline en avant; elle ne parvient pas à prendre un stéthoscope posé sur la table, à cueillir une fleur. Quand on lui demande de donner la main, elle fait avec les deux mains les mouvements les plus désordonnés, mais ne parvient avec aucune à toucher la main qu'on lui tend.
 
Les actes de précision sont tout aussi désordonnés et associés du côté des membres inférieurs que du côté des membres supérieurs.
 
Les mouvements généraux de la-tête. flexion, extension, rotation de la face, sont assez bien exécutés. Mais on retrouve le même défaut rie dissociation dans le jeu de la mimique.
 
Elle pousse bien la langue, mais quand on l'engage à la pousser avec force, on voit entrer en actions divers autres muscles de la face et des membres.
 
Quelque soit le mouvement qu'on lui fasse exécuter, plus on la prie de faire attention et plus les caractères désordonnés du mouvement augmentent.
 
Langage. - Il n'existe pas de surdité verbale. La personne entend, comprend tout ce qu'on lui dit.
 
La parole spontanée est bien articulée, mais il existe de la paraphasie caractérisée par l'allitération de lettres, de syllabes et quelquefois de mots entiers, toutefois on parvient à la comprendre. La paraphasie n'existe donc qu'à un degré peu marqué.
 
La paraphasie se dénote d'une façon plus marquée dans la dénomination d''objets usuels. Citons quelques exemples: schrijfboek = krijrnboek, crayon =. cranion, zaakhorlogie schooneschen, zakanus, voorschoot = struidoek, sieutel. La répétition des mots est également défectueuse. Exemples : vinger =velem, brigadier = brenadier, commissaris kerms ; sollicitée de répéter le pater, elle bredouille des phrases comme celle-ci : Ons toekome mv rijk =- ons toekôme niet ons krijme.
 
La récitation est très imparfaite. Le même pater récité devient : Onze rader die in de hemelen zijt, komt in den hernel en vergeef ons onze schulden (agitation, prétend ne pas se rappeler) en leist ons niet in bekoring nie van de dood onzer dood. Il y a dans cette récitation des caractères paraphasiques associés à de l'amnésie. Cette amnésie se retrouve également dans le langage courant et la patiente la caractérise en disant je sais bien mais je ne puis pas le dire; elle a l'idée mais ne parvient pas à évoquer le mot.
 
Elle parvient cependant à réciter en série les chiffres de 1 à 50.
 
Il existe de la cécité verbale; elle reconnaît tant bien que mal les lettres isolées, mais ne lit que quelques rares mots (par exemple son propre nom, patriote). Elle ne parvient pas à épeler, à dire combien de syllabes ou de lettres il y a dans un mot écrit ou imprimé (expérience de Proust-Lichtheim) elle ne parvient pas à composer les mots les plus simples (bie, Marie), quand on met à sa disposition des lettres isolées de très grand volume (écriture typographique). Enfin la lecture mentale est abolie. Nous lui demandons par écrit: Quel âge avez-vous? Comment s'appelle votre enfant? Voulez-vous une pomme? Elle ne répond rien. Elle ne lit pas plus les chiffres que les mots.
 
Impossible d'expérimenter sur l'écriture, le dessin; elle ne parvient pas à tenir un porte-plume ni à tracer une ligne sur le papier. Il ne faut pas plus songer à un essai d'écriture in vacuo. Il n'y a pas de cécité psychique, elle comprend la nature des objets, interprète les images d'animaux, etc.
 
Tonus musculaire. - Exagération qui augmente avec les mouvements volontaires. Il existe donc de la contracture intentionnelle, qui s'étend à tout le corps.
 
Dynamométrie. - L'évaluation de la force musculaire au dynamomètre Collin est impossible.
 
Sensibilités - Les sensibilités à la température et à la douleur sont relativement bien conservées. Il n'en est pas de même de la sensibilité au tact qui est largement affectée Le sens musculaire et articulaire et le sens stéréognostique sont également très largement affectés. Elle ne reconnaît pas la position de ses membres, ni les objets vulgaires qu'on lui met dans la main. Elle ne parvient pas à évaluer des poids même très lourds.
 
La sensibilité osseuse explorée au diapason semble assez bien conservée partout.
 
Le goût, l'odorat et l'audition sont conservés.
 
Vision. (Examen spécial de M Rogman.) - Acuité visuelle avec verres correcteurs de la myopie et en fixant des deux yeux : 5/30 de la normale.
 
Skiascopiquement l'état de la réfraction est OD= 3D_2 DO° OG=3D_3 DO°
 
Myopie avec astigmatisme.
 
L'oeil gauche est atteint d'un léger strabisme externe.
 
Distingue les caractères les plus fins des optotypes Snellen, mais ne parvient pas à lire une phrase (cécité verbale et paraphasie).
 
Examen ophtalmoscopique négatif.
 
Le sens chromatique persiste.
 
A l'examen périmétrique, il existe donc un rétrécissement très marqué du champ visuel. La vision est abolie totalement dans la moitié gauche de l'oeil droit et presque totalement dans la moitié homonyme de l'oeil gauche Hemianopsie latérale homonyme.
 
La sensibilité de l'iris à la lumière est normale voie directe et par voie réflexe (oeil congénère).
 
Réflexes. Réflexe plantaire très faible à droite et caractérisé par flexion des trois doigts externes; à gauche flexion normale des orteils, pas (le contraction du tibial antérieur ni du tenseur du fascia-lata. Le réflexe plantaire douloureux est également presque nul des deux côtés.
 
Réflexes abdominal et épigastrique abolis.
 
Réflexes pharyngien, conjonctival, cornéen, normaux.
 
Tous les réflexes tendineux sont exagérés des deux côtés du corps.
 
Psychisme. La mémoire des jours, des dates, des lieux est relativement bien conservée. L'orientation est assez bonne. Elle répond, abstraction faite de la paraphasie, assez correctement aux questions du schéma de Sommer.
 
Il n'y a guère que la question : Dans quelle année sommes nous qui reçoit une réponse fautive : 1890, mais elle sait que nous sommes à la fin du siècle.
 
Le calcul mental est largement atteint; elle parvient tout au plus à faire quelques additions élémentaires. La soustraction, la multiplication et la division sont impossibles.
 
Elle reconnaît les principales pièces de monnaie, mais ne parvient pas à les compter. 10 + 2 + 2 centimes= 24
 
Elle ne reconnaît pas l'heure à la montre. Ii existe une très grande émotivité et de la tendance à la tristesse.
 
Systèmes végétatifs. Coeur et vaisseaux normaux.
 
Digestion excellente. Fonctions intestinales bonnes. Urines : pas d'albumine, pas de sucre.
 

Notre patiente, sous l'influence de l'urémie et des attaques épileptiformes consécutives, a été atteinte d'un processus diplégique, probablement de nature hémorragique. Elle présenta en effet, au retour de la conscience, qui suivit le coma éclamptique, une paralysie flasque de tout le corps ainsi que des troubles de la sensibilité et de l'aphasie totale. La diplégie d'emblée a été rarement signalée chez l'adulte et caractérise surtout certains processus cérébraux de la première enfance.
 
Peu à peu les symptômes diplégiques s'amendèrent; les mouvements et la parole revinrent, tout en restant sérieusement troublés. C'est dans ces troubles de la motilité et de la parole que gît, à notre avis, le grand intérêt du cas.
 
Tout d'abord la parole spontanée est paraphasique et se caractérise par des allitérations de lettres, de syllabes et de mots entiers. La paraphasie se retrouve encore plus marquée dans la dénomination d'objets usuels et dans la récitation.
 
La répétition des mots est défectueuse.
 
La vision verbale et la lecture mentale son largement troublées.
 
Il existe aussi de l'aphasie amnésique; elle a souvent de la peine, dans le langage courant, à évoquer des mots et nous dit alors: « je sais, mais je ne parviens pas à le dire». On retrouve nettement le phénomène dans la récitation du pater.
 
L'écriture est totalement impossible dans ses divers modes à cause des troubles de la motilité.
 
Il n'existe pas de cécité psychique.
 
Comment interpréter ces troubles de la parole ? Le fait de la lésion du centre visuel verbal gauche est rendu très probable par l'existence d'une hémianopsie homonyme du même cote. hémiopie qui dans le cas actuel est l'expression l'une lésion du centre visuel cotical.
 
Le centre auditif verbal est respecté se même que le centre phonétique verbal, mais la répétition défectueuse montre que la voie d'association sensitivo-motrice n'est pas Intacte.
 
Quant à la paraphasie et à l'aphasie amnésique nous nous rangeons à l'avis de Pitres pour faire de ces phénomènes des syndromes spéciaux, qui peuvent à la rigueur exister isolément et qui sont dus à la lésion des voies d'association psychiques entre la sphère d'idéation et les centres moteur et sensoriels verbaux.
 
Nous ne voulons pas insister ici plus longuement sur ces intéressants symptômes. Nous reviendrons à une prochaine occasion sur les troubles du langage, de la sensibilité, etc , chez notre patiente Nous avons hâte d'aborder la question des autres troubles de la motilité, qui ont surtout inspiré ce travail et qui en légitiment le titre et la partie préliminaire relative aux mouvements associés.
 
Notre patiente n'est maîtresse d'aucun de ses mouvements. Il n'y a guère que les actes qui sont passés dans le domaine de l'automatisme qui s'opèrent avec une certaine harmonie. Tous les actes où intervient la volonté, qui sont le fruit d'une éducation coordinatrice et associatrice et qui partent des centres moteurs corticaux, ont perdu toute régularité, toute harmonie, et sont devenus franchement inexécutables. Une des premières causes de ce fait réside dans la contracture intentionnelle. Tout mouvement volontaire s'accompagne en effet de rigidité dans le membre utilisé. Cette contracture semble ici se confondre avec des mouvements de substitution, car quand la malade devrait ponter un membre dans une direction donnée, on voit la contracture surgir dans les muscles antagonistes et contrarier jusqu'à un certain degré, l'exécution du mouvement voulu.
 
La disharmonie des actes tient ensuite à la perte du sens musculaire et il n'y a pas à contester que dans le trouble moteur intervient un certain degré d'ataxie cérébrale.
 
Mais outre la contracture et l'ataxie il faut tenir un compte très large des mouvements associés (Mitbeweguugen) et des mouvements de substitution (Ersatzbewegungen) qui accompagnent le mouvement voulu ou s'y substituent. Jamais une simple ataxie ne pourrait expliquer un tel désordre musculaire qui rend impossible l'acte le moins complique de la vie. Les mouvements associés portent sur les segments du corps d'un même coté et du opposé (bilatéralité). IIs ne présentent pas de symétrie. Plus est grand l'effort déployé par la personne pour exécuter un acte quelconque et plus énergiques, plus étendus sont les mouvements associés Quand on lui fait pousser la langue avec effort ses bras se lèvent ou s'abaissent de même que les membres inférieurs et toute la mimique faciale entre à son tour en jeu. Presque tous les muscles du corps participent à l'acte de pousser fortement le langue.
 
Jusqu'ici tous les phénomènes synkinésiques, qui sont très intéressants par leur étendue et leur bilatéralité, ne laissent cependant pas de pouvoir être interprétés par le phénomène de l'irradiation de l'effort volontaire, tel que nous l'avons exposé d'après les vues de Hitzig, Ziéhen, etc .....
 
Mais où l'interprétation du phénomène commence à devenir plus difficile, c'est quand on voit l'influence exercée sur ces synkinésies par l'émotivité et par l'attention. Quand la femme ne se sait pas observée, qu'elle est abandonnée à elle dans la solitude, on lui voit exécuter avec une aisance relative des mouvements assez compliqués, comme celui de se gratter la figure, les cheveux, etc. Lui ordonne-t-on peu après d'exécuter le même mouvement, elle en est totalement incapable par suite de la naissance d'une série de mouvements associés, substitutifs.
 
Ce phénomène nous a donné à réfléchir et nous avons cherché d'en donner une interprétation anatomo-physiologique. Nous nous sommes rappelé que Pitres avait observé la même influence défavorable de l'attention sur la paraphasie et nous avons pensé qu'il existe des parakinésies, dont la paraphasie, la paragraphie, la paramimie ne sont que des variantes, se rapportant aux troubles correspondants de centres moteurs spécialisés.
 
La parakinésie différerait de la synkinésie par ce fait que dans la dernière le rapport entre l'idée et l'acte est parfaitement conservé et qu'il ne s'agit que d'une simple diffusion de l'influx nerveux, au niveau des centres moteurs, provenant de ce que celui-ci doit être beaucoup plus énergique pour obtenir un effet utile, tandis que dans la première le rapport entre l'idée et le mouvement serait troublé et que tout en ayant très bien l'idée de l'acte à exécuter, le patient ne disposerait plus librement de la coordination et de la dissociation (dynamogénie et inhibition), mais celles ci seraient mêlées, altérées comme le sont les sons articulés dans la paraphasie, les mouvements graphiques dans la paragraphie et les mouvements mimiques clans la paramimie. Notre cas d'aiIIeurs serait un exemple de ces quatre variétés de parakinésies. On comprend parfaitement ainsi que plus l'attention intervient, plus l'irradiation de l'influx idée-moteur augmente et avec elle le désordre, la disharmonie des mouvements.
 
A côté donc des synkinésies par altération des centres de projection et des éléments moteurs sous-corticaux, nous distinguons les parakinésies par lésion des fibres d'association reliant les centres idéogènes et les centres de projection.
 
Si nous recourons maintenant à notre schéma, Ie siège des lésions déterminant les parakinésies serait sur le trajet des lignes Ni, Nu, NI, taudis que les synkinésies seraient dues à des lésions des centres j, h. f et des éléments nerveux moteurs sous-jacents.
 
Notre patiente a l'idée de ses actes, mais ne parvient pas à évoquer l'image kinétique correspondante ; tout comme le paraphasique ne parvient pas à évoquer le mouvement d'articulation approprié à l'expression phonétique de son idée et le parigraphique le mouvement spécialisé du bras nécessaire pour tracer le signe graphique correspondant à l'idée.
 
Il est évident que le trouble parakinésique, dans notre cas, n'est pas pur. Il se complique de la contracture intentionnelle, de l'ataxie et d'un certain degré de synkinésie dans I'effort, par irradiation de l'influx volontaire dans les centres de projection, mais la personne indique nettement le phénomène de parakinésie ou de défaut d'évocation de l'image kinétique en disant, quand on lui commande un mouvement: "Je comprends bien ce que vous voulez, mais je ne parviens pas à le faire", et quand on insiste sur le fait de savoir si c'est peut-être la contracture ou la synkinésie qui l'empêchent d'exécuter l'acte, elle répond non, c'est que je ne sais comment faire, la même chose que pour la paraphasie, la paragraphie.
 
Quand nous parlons de rupture entre les centres des images kinétiques et la sphère d'idéation, nous admettons avec Pitres que les centres idéogènes ne désignent pas un point limité de l'encéphale, mais nous différons d'avis avec lui quand il admet que ces soi-disant centres ne sont pas anatomiquement et fonctionnellement différenciés au point qu'on puisse les considérer comme l'organe propre et exclusif des opérations mentales. Pour nous il existe entre les neurones de projection des neurones d'association sensitivo-moteurs, qui relient entre elles les diverses images sensorielles et kinétiques qui nous mettent en rapport avec le monde extérieur; mais au-dessus de cet étage nous mettons un autre ordre de neurones d'association, qui soit les neurones psychiques, les neurones évocateurs des images sensori-motrices, le véritable organe différencié des facultés purement psychiques. Ces neurones rie se localisent pas dans un centre limité, mais existent sur toute la surface du cerveau où ils forment la sphère psychique ou les sphères psychiques, en opposition avec les sphères sensorio-motrices.
 
C'est donc dans la transmission de la sphère mentale à la sphère de images de motilité que se produit la perturbation qui donne jeu à la parakinésie. -
 
Les mouvements associés tels qu'on les a décrits jusqu'ici dans la période post-hémiplégique, dans les diplégies, la paralysie générale et l'idiotie, les paralysies médullaires surtout unilatérales, les névrites périphériques et même le tabès, doivent être subdivisé en synkinésies et para kinésies.
 
Dans la première catégorie entrent tous les mouvements associés et substitutifs, tant homolatéraux, qu'hétérolatéraux et bilatéraux, qui ne reposent que sur la diffusion de l'influx nerveux à des centres plus ou moins éloignés de ceux appelés naturellement à entrer action, parce que l'effort nécessaire à cette dernière est plus énergique qu'à l'état normal par suite des lésions qui augmentent la difficulté de la conduction ou l'irriadiation réflexe.
 
La seconde catégorie renferme les mouvements associés par trouble de l'association idéo-motrice ;dans cette catégorie rentrent la paraphasie, la paragraphie, la paramimie.
 
La nature organique des lésions dans notre cas est incontestable. L'hystérie ne complique pas le tableau, car il n'existe ni antécédents, ni stigmates actuels. Quant à la localisation du processus, il nous semble qu'il faut la placer dans les circonvolutions occipitales et pariétales.
 
Nous ne croyons pas à une lésion sous corticale du faisceau pyramidal, parce que la contracture n'est pas durable, mais seulement intentionnelle (nous reviendrons plus tard sur ce phénomène), et parce que le réflexe plantaire n'est pas paradoxal (Babinski).
 
Abercrombie J, Gendrin A Des maladies de l'encéphale et de la moelle épinière Germer-Baillière 1835
Abercrombie J Yawning and apoplexy Medical Times and Gazette 1863;1:656-661
Bauer G. et al Involuntary motor phenomena in the locked in syndrome J Neurology 1980;223;:91-198
Bertolotti M. Etude sur la pandiculation automatique des hémiplégiques Rev Neurol 1905;2(19): 953-959
Blin O, Rasol O, Azulay JP, Serratrice G. A single report of an hemiplegic arm stretching related to yawning J Neuro Sci 1994;126:225-227
Brissaud E, Pinard, A, Reclus P Pratique médico-chirurgicale Hémiplégie par A Souques Masson 1907, p538-539
Brissaud E Leçons sur les maladies nerveuses Masson 1895, p458
Darwin E. Zoonomia 1801
de Buck Classification des mouvements anormaux associés à l'hémiplégie Rev Neurol 1899;6:361-365
Furtado D. Provocation spinale d'un réflexe de bâillement. Rev d'oto neuro ophtalmologie.1951;23(1):
Ghika J., Bogousslavsky J. Dissociated preservation of automatic-voluntary jaw movements in a patient with biopercular and unilateral pontine infarcts Eur Neurol 2003;50:185-188
Heusner A P Yawning and associated phenomena Physiological Review 1946;25:156-168
Klippel M et Monier-Vinard R. Hémiplégie flaccide. Nouveau Traité de Médecine. Masson. 1928 p 316
Lanari A., Delbono O. The yawning and stretching sign in hemiplegics Medicina (B Aires) 1983;43(3):355-35
Liecey Nouvelle observation de bâillement convulsif périodique Le Courrier Médical 1879;29;334-336
Liégey Deux observations de bâillements intermittents Gazette médicale de Strasbourg 1851; p118-119
Louwerse E Forced yawning as a pseudobulbar sign in amyotrophic lateral sclerosis J Neuroscience Research 1998, sup, 392
Mulley G. Assoctiated reactions in the hemiplegic arm Scand J Rehab Med 1982;14:117-120
Ogle JW. Arm rising during yawning The Medical Times and Gazette. 28 february 1863 p 213
Pierre Marie La Pratique Neurologique Hémiplégie, mouvements associés Masson 1911, p477-480
Pierre Marie et Léri A. Mouvements involontaires dans les membres paralysés 1911 Nouveau Traité de médecine et de thérapeutique Brouardel, Gilbert, Thoinot JB Baillière Ed 1911 p283-291
Purves-Stewart J. Le diagnostic des maladies nerveuses 1939
Quoirin E. Elévation involontaire du membre supérieur chez l'hémiplégique lors d'un bâillement Thèse doctorat en médecine Poitiers 2002
Thomson HC Associated movements in hemiplegia : their origin and physiological significance Brain 1903;26:515-523
Töpper R, Mull M, Nacimento W Involuntary stretching during yawning in patients with pyramidal tract lesions: further evidence for the existence of an independent emotional motor system European J Neurology 2003;10:495-499
Trautmann R. Le bâillement Thèse Bordeaux; 1901-02; N° 40; 86 pages
Vulpian A Leçons sur la physiologie générale et comparée du système nerveux faites au Museum d'histoire naturelle. Rédigées par E.Brémond. Paris, Baillière, 1866
Vulpian A Maladies du système nerveux Paris, Doin, 1879
Walshe FMR  On certain tonic or postural reflexes in hemiplegia with special reference to the so called "associated movements".   Brain, 1923;46:1-37
Wimalaratna HS, Capildeo R. Is yawning a brainstem phenomenon ? a stroke patient who stretched his hemiplegic arm during yawning Lancet 1988;1(8580):300