Introduction
Qu'est-ce qu'un bâillement
Bâiller : l'étymologie
Quand bâillons-nous ?
Interprétations historiques
Pourquoi bâillons-nous?
Contagion du bâillement (2004)
Phylogénèse
Neurophysiologie du bâillement
Schémas anatomiques, embryologie
Sémiologie et examen clinique
Complications : manoeuvre de Nélaton
Bâillements pathologiques
Bâillements iatrogènes
Enquête en médecine générale
Observations et cas cliniques
Les mystères restant à éclaircir
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 Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
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vittel baillements
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
 

 mise à jour du
19 mai 2005
une interview par Sylvain Fesson
technikart

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Depuis quelques semaines, Vittel a mis en place une campagne d'affichage sur Paris qui montre, en gros plan, des gens bâiller. La campagne agit en deux temps, l'un (le teasing) a commencé par juste montrer des visages bâillant, l'autre (la révélation) a fini par apposer sur ces images le logo et le slogan de la marque : « reVittelisez-vous ».
 
vittel baillement
 
Comment et pourquoi vous êtes-vous intéressé au bâillement ?
 
Je suis médecin de campagne depuis 30 ans. J'ai commencé à m'intéresser au bâillement après avoir été consulté par un homme importuné par des salves de 10 à 20 bâillements répétées plusieurs fois par jour. Je n'ai pas su trouver la solution et ai alors commencé une quête d'informations, très peu fournies à l'époque. Seul le neurologue le dr J. Barbizet avait publié un article en 1958.
 
Que vous inspire, au juste, l'utilisation du « bâillement » dans une publicité commerciale ? Cela vous étonne-t-il ?
 
Pour moi, le bâillement est un acte d'allure réflexe ayant une origine au niveau de l'hypothalamus et du tronc cérébral, extériorisant l'action de contractions musculaires sur les mécanismes de l'homéostasie de l'éveil, de la satiété et de la sexualité.
 
Je ne comprends pas l'image qui lierait le bâillement avec l'eau. Implicitement bâillements = fatigue et de façon simpliste eau minérale = stimulation. C'est aussi faux que de penser que l'eau fait maigrir comme les publicités antérieures l'insinuaient.
 
J'avais vu en Hollande lors d'élections une publicité de dénigrement du premier ministre bâillant lors d'une séance au parlement. En France, Raymond Barre a laissé cette réputation de bâiller en séance. Je pense qu'un orateur a trois types d'écoutants, ceux qui suivent avec attention, ceux qui dorment, et ceux qui bâillent, c'est à dire qu'ils luttent pour ne pas s'endormir. C'est un signe pour l'orateur d'améliorer la forme et l'intérêt de ses propos....
 
En scandant le slogan performatif « reVittelisez-vous », la célèbre marque d'eau minérale semble condamner le bâillement. Bâiller est-il vraiment un signe de fatigue, une fatigue à laquelle l'apport d'eau peu remédier ?
 
Le bâillement stimule l'éveil, la vigilance ce que l'eau minérale ou du robinet n'a aucun pouvoir de faire.
 
Ici la pub, qui fantasme depuis toujours de pouvoir conditionner nos comportements, joue de toute évidence sur la caractéristique majeure et mystérieuse du bâillement, à savoir qu'il communicatif, voire « contagieux ». Qu'en est-il ?
 
Je ne vois pas le lien entre cette pub et la réplication (ce n'est pas une contagion, rien ne se transmet matériellement). La réplication appartient au registre des hominidés capables d'empathie, c'est à dire de la capacité à décoder l'état émotionnel de l'autre. La réplication du bâillement semble être un élément de mise à niveau des niveaux d'éveil dans des situations peu stimulantes, transport en commun, salle d'attente. je ne vois pas en quoi l'eau intervient dans ce processus.
 
En tout cas, boire n'a jamais empêcher de bâiller sauf pendant le temps de la déglutition.
 
Comment cette « contagion » opère-t-elle ? Une image fixe représentant quelqu'un qui bâille comme le font ces affiches est-elle suffisante pour déclencher le bâillement de qui la contemple ? Les publicitaires auraient-ils, dans ce cas, réussi leur coup en nous mettant « en condition » de bâillement ?
 
Il semble que la personnalité joue un rôle dans la sensibilité au bâillement d'autrui. Les empathiques y sont très sensibles, les schizoïdes très peu. Une image fixe peut, mais rarement et pas chez tout le monde, déclencher des bâillements. Mais il est certain que lire un texte sur le bâillement fait bâiller. De nombreux visiteurs de mon site m'en ont fait part !
 
Le mimétisme qui est en jeu dans le bâillement est-il un comportement social ? Si oui, peut-on dire que bâiller est un « geste » créateur de lien social ?
 
Il ne faut pas confondre empathie et sympathie. La réplication du bâillement n'implique aucune connaissance de l'autre, ni de reconnaissance explicite d'aucune nature. Ce n'est pas un mimétisme ni une imitation, il n'y a aucun effet de la volonté, ni désir de faire bâiller l'autre, ni de capacité à empêcher le déroulement du bâillement si on reçoit cette réplication.
 
Ce n'est pas un créateur de lien. Chez les macaques, il semble que les bâillements plus fréquents du mâle dominant participe d'une ritualisation comportementale permettant d'afficher face aux autres mâles le statut de dominant, c'est à dire d'avoir plus de chances de transmission de ses gênes. Mais pas chez l'Homme où cette caractéristique n'existe pas.
 
En même temps, on éprouve un inexprimable sentiment de bien-être lorsqu'on bâille, qui nous coupe du monde extérieur. D'où cela vient-t-il ? Bâiller est-il donc pas un acte « hédoniste » et régressif ?
 
Le bâillement est une forme limitée au cou et à la face d'un étirement généralisé des muscles antigravitaires qui se nomme pandiculation. L'information en retour des muscles vers le cerveau stimule l'éveil mais implique aussi le système de récompense ( cela s'appelle l'interoception). Dans ces mécanismes neurobiologiques, la dopamine intervient comme dans tous les mécanismes du plaisir (structures anatomiques : hippocampe, amygdale, lobe frontal, système limbique) tels l'orgasme, l'effet des drogues licites ou non.
 
La plainte de bâillements incomplets m'est fréquemment formulée. Elle participe à l'anhédonisme, qui entre dans le cadre de l'anxiété et la dépression. Les techniques comportementales telle la relaxation permettent la résurgence du plaisir d'un bon bâillement.
 
Bâiller exprime-t-il notre part animal ou notre part typiquement humaine ?
 
Bâiller est un comportement phylogénétiquement très ancien puisque déjà présent chez les reptiles; il se remarque autant chez les oiseaux que les poissons... Son origine ontogénique est très précoce vers 12-13 semaines de grossesse chez l'Homme. Quand je dis l'Homme j'embrasse toutes les femmes ! Rien de spécifiquement humain. Ce qui nous est spécifique c'est notre capacité à réfléchir à nos bâillements... comme à nos autres comportements sans pouvoir pour autant nous empêcher de bâiller. La réplication du bâillement n'est retrouvée que chez les hominidés, qui ont développé (d'un point de vue évolutionniste darwinien) ce que les anglosaxons nomme Theory of mind sans traduction satisfaisante en français.
 
Finalement, cette pub ne met-elle pas, malgré elle, le doigt sur un tabou ? Les convenances sociales de bonne tenue et l'impératif économique qui gouverne nos vies dans les grandes villes du système néolibéral («  Plus ton travail te monopolise et te speede, plus tu es sublime ») nous interdisent plus ou moins de bâiller ouvertement. Bâiller c'est contre-productif, c'est mettre tout à coup en parenthèse (enchantée ?) le cours effréné du monde et de nos vies modernes pour souffler…
 
Bâiller n'a rien de contre productif. Au volant sur une autoroute, les bâillements répétés sont un signe de la lutte contre l'endormissement, une alarme à prendre en compte pour arrêter au plus vite de conduire au risque de s'endormir au volant.
 
Suivant les cultures (Inde, Moyen Orient) la signification est différente : peur de voir des esprits entrer dans le corps ou au contraire des éléments de l'âme quitter le bâilleur. La main devant la bouche est une sécurité contre les entrée sou les sorties!!!!
 
La vie que vous qualifiez de speed est génératrice de bâillements. La faute à Edison est d'avoir perturbé les rythmes biologiques circadiens auxquels pourtant personne ne peut se soustraire sinon à en perdre la santé ou en mourir, comme personne ne peut se soustraire au bâillement, avec ou sans Vittel. Mais en fait cette victime de la pub "vit-elle?"
 
 
On se prend presque à rêver que cette pub ait l'effet inverse de celui escompté, qu'elle nous réveille et nous fasse lâcher prise en déclenchant une orgie de bâillements, une sorte de grand court-circuit dans notre quotidien collectif réglé comme du papier à musique ! Qu'en pensez-vous ?!
 
Je serais ravi que cette pub fasse s'interroger sur le bâillement plus que sur l'eau minérale dont personne n'a besoin, l'eau du robinet lui étant bien supérieure.
 
Car finalement, si l'on résume, on découvre que la pub nous inculque une dangereuse « inversion des valeurs ». En reprenant vos propos et ceux du philosophe Alain que vous citez sur votre site, on s'aperçoit en effet que le bâillement n'est pas le signe d'une vitalité « en crise » mais plus celui d'une « reprise de santé » d'une « revanche de la vie » qui s'autorégule face au stress et aux carences que lui inflige… Comme elle en a l'habitude, la pub essaie de nous faire croire que nous sommes des êtres fragiles et perpétuellement en manque pour nous faire consommer alors que tout est en nous…
 
bravo Alain qui n'a pas connu la pub actuelle.
Le propre de la pub est de faire croire que le superflu est indispensable alors que son honneur devrait être de faire réfléchir.
 
Vous dites que bâiller c'est la vie, mais c'est donc, en vertu de tout ça, si on l'assume et le comprend, « une voie du Bonheur », non ? On dirait presque que le bâillement est chez vous partie prenante d'une certaine philosophie, mystique ou conception poétique des choses. Qu'est-ce que « la découverte et l'apprentissage » du bâillement vous ont appris ?
 
Le bâillement ouvre les yeux sur la Vie depuis l'embryologie, l'éthologie, la neurophysiologie, les sciences neurocognitives. etc.. car
 
La Vie s'est reproduire la Vie, c'est sa seule finalité. Il faut donc trois comportements universels et seulement trois : survivre en étant adapté aux alternances jour nuit de la rotation de la Terre (face aux prédateurs, être en éveil), se nourrir, se reproduire. Et bien à chacun de ses mécanismes est associé une forme de bâillements. Non pas que le déroulement en soit différent, mais les mécanismes déclenchants diffèrent dans un seul but optimiser le comportement associé.
 
Tout cela et bien d'autres choses sont à découvrir sur http://www.baillement.com
 
vittel baillement
 
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pour la science
 
Pour La Science
A lire, page 66, dans le numéro 312, d'octobre 2003