Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
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Le bâillement foetal
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mise à jour du
12 novembre 2009
 
Jules Cotard
1840 - 1889
 
O. Walusinski
 
Les internes de JM. Charcot
 
 Les biographies de neurologues
 
La lettre d'information du site 
 
L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
 
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier
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Charles Bouchard (1837-1915) succède à Cornil et sera interne pendant deux années, séparées par l'année d'internat de Jules Cotard (1864 et 1866). En mars 1866, Bouchard lit à la Société de Biologie « une note sur une altération des petites artères de l'encéphale qui peut être considérée comme la cause la plus fréquente de l'hémorragie cérébrale ». Ce travail réalisé avec Charcot décrit les anévrysmes, baptisés depuis lors, anévrysmes de Charcot-Bouchard. A côté des études sur la sclérose combinée des cordons postérieurs de la moelle, c'est l'époque au cours de laquelle Charcot est plongé dans l'étude « de l'apoplexie et du ramollissement cérébral ». Il préside, en 1866, la thèse de Ivan Poumeau « du rôle de l'inflammation dans le ramollissement cérébral ».
 
jules cotard
Jules Cotard en 1879
 © Extrait de l'Album de l'internat de La Salpêtrière conservé à la Bibliothèque Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière
(Université Pierre et Marie Curie, Paris)  
 
Jules Cotard (1840-1889) va continuer ces recherches. Cotard est célèbre pour le syndrome éponyme. Reçu à l'internat de 1863, comme Valentin Magnan (1835-1916), il s'oriente pendant la première année vers la chirurgie. Très imprégné des idées de la philosophie positiviste d'Auguste Comte, la méthode anatomo-clinique élaborée par Charcot et Vulpian comble son esprit cartésien . Dans son éloge, en 1894, Antoine Ritti dira : « Il fut un des ouvriers de la première heure de cette Ecole qui, depuis, sous la haute direction et grâce aux remarquables travaux de son illustre chef, eut des destinés si brillantes. Il s'y passionna pour les recherches sur la pathologie du système nerveux, qui, déjà, y étaient en honneur, avec la conviction qu'elles pourraient donner un jour la solution de ces problèmes délicats de la nature humaine que la philosophie cherche en vain depuis des siècles, en dehors de la méthode scientifique ».
 
Sa première publication, cosignée de Charcot, paraît en 1865 dans Les Mémoires et Comptes-rendus de la Société de Biologie: « Sur un cas de zona du cou avec altération des nerfs du plexus cervical et des ganglions correspondants des racines spinales postérieures ». Il y décrit le calvaire vécu par une femme de 78 ans atteinte d'un cancer du sein métastasé aux vertèbres cervicales, souffrant d'atroces douleurs névralgiques du plexus brachial et chez qui apparaît un zona du bras, dix jours avant son décès. A l'autopsie, la vertèbre C4 est totalement tassée; la moelle et les racines sont intactes mais l'examen macro et microscopique dévoile à Cotard une forte inflammation des ganglions spinaux et des troncs nerveux du plexus. L'origine infectieuse du zona étant inconnue à l'époque, il conclut que l'éruption est la conséquence de cette inflammation, que le zona est une névrite de cause mécanique.
 
jules cotard
autographe de Lucien Cotard, son fils
 
C'est à cette époque qu'il sympathise avec Jean-Louis Prévost (1838-1927), interne depuis 1864 de Vulpian dont le service est proche de celui de Charcot. Genevois ayant étudié à Zurich, Berlin et Vienne, Prévost prépare sa thèse dont le thème lui a été suggéré par Vulpian : « De la déviation conjuguée des yeux et de la rotation de la tête dans certains cas d'hémiplégie » (1868), signe clinique négligé antérieurement. Peu après, il repartira pour Genève où il créera un laboratoire de recherche où travailleront deux élèves célèbres Paul Dubois (1848-1918) et Jules Dejerine (1849-1917). Lorsque celui-ci décide de parfaire sa formation à Paris, Prévost recommandera et introduira Dejerine auprès de Vulpian. Prévost et Cotard mettent en commun des observations qu'ils ont recueillies pendant leur internat « de ramollissements cérébraux », terme proposé par Léon Rostan afin de différencier l'aspect anatomopathologique du cerveau de l'encéphalite et de l'apoplexie (hémorragie). Ils lisent leur travail à la Société de Biologie, présidée par Charcot, en décembre 1865 : « Etudes physiologiques et pathologiques sur le ramollissement cérébral ».
 
Si François Bayle (1662-1709) a donné, le premier, une description des calcifications et des plaques au niveau des artères cérébrales, il a été également un pionnier dans la conception de l'apoplexie en son « Tractus de apoplexia » publié en 1677. Il fallut cependant attendre 1856 pour que Rudolf Virchow (1821-1902) propose, en Allemagne, le concept de thombo-embolisme. A partir d'observations fournies par Charcot et des travaux de Cotard et Prévost, Adrien Proust (1834-1903) développera ces concepts dans sa thèse d'agrégation en 1866. Notons que Maxime Durand-Fardel (1815-1899) les avaient déjà suggérés antérieurement.
 
Prévost et Cotard vont expérimenter, chez le lapin, l'effet de la ligature des carotides, de l'injection de poudres fines (sporules de lycopode) ou plus volumineuses (graines de tabac). Ils établissent ainsi que les paralysies diffèrent suivant l'importance de l'occlusion et son caractère proximal ou périphérique. Les graines de tabac oblitèrent l'artère cérébrale moyenne et causent un ramollissement rosé, non hémorragique, comparable à celui qu'ils avaient constaté au cours des autopsies de leurs malades. Ils décrivent la chronologie évolutive des lésions, d'abord faites des signes « anémiques » et plus tard d'infiltrations hémorragiques. Usant de manomètres et de tubulures en caoutchouc, Cotard montre que la pression artérielle est maximale au contact de l'obstruction, générant « une fluxion collatérale dans les petites branches naissant au voisinage de l'oblitération » aussitôt après l'occlusion mais qu'elle baissera quand les collatérales se dilateront en compensation. Enfin, plus tard, une inflammation s'installe autour des régions nécrobiosées, expliquant les théories inflammatoires de leurs devanciers, au début de XIX° siècle, de François Broussais (1772-1838) et Louis-Florentin Calmeil (1798-1895) en passant par François Lallemand (1790-1853) et Jean Cruveilhier (1791-1874). En dernier lieu, ils constatent une cicatrisation, d'aspect graisseux, de la zone infarcie. Cette magistrale description anatomopathologiques des conséquences de l'obstruction aigue d'une artère cérébrale vaudra à Cotard et Prévost le Prix Godard, décerné par l'Académie de Médecine, et leur titularisation de membres de La Société de Biologie présidée par Charcot.
 
Cotard soutient sa thèse en 1868, dirigée par Charcot et consacrée à « L'étude sur l'atrophie partielle du cerveau ». Il traite du point de vue clinique et anatomopathologique des atrophies partielles du cerveau compatibles avec la vie, à partir de 52 observations dont 6 qu'il a recueillies dans les dossiers accumulés par Charcot. Il en déduit que ces atrophies sont l'ultime évolution de processus antérieurs à la naissance ou apparus dans la toute petite enfance, d'origine hémorragique, infectieuse, malformative ou de cause obscure. Chose originale, il souligne que l'état de l'intelligence ou des capacités motrices et sensorielles ne permet pas de prédire l'importance ou la localisation de l'atrophie découverte à l'autopsie. A l'heure (1861) où la localisation frontale gauche du langage est proposée par Paul Broca (1824-1880), Cotard montre que des enfants hémiplégiques droits, dès la petite enfance, n'ont pas d'aphasie : « Il est extrêmement remarquable que, quel que soit le côté de la lésion cérébrale, les individus hémiplégiques depuis leur enfance ne présentent jamais d'aphasie, c'est à dire d'abolition de la faculté du langage avec conservation plus où moins complète de l'intelligence. Dans nos observations d'atrophie, remontant à la première l'enfance, l'intelligence n'est jamais mieux développée que la faculté du langage, on n'observe jamais cette impossibilité d'exprimer les idées, ce contraste singulier entre les facultés intellectuelles et les facultés d'expression qui donnent aux aphasiques une physionomie si originale. (...) De ces propositions qui résument les faits décrits dans nos observations, nous sommes en droit de conclure tout d'abord que, lorsqu'un hémisphère cérébral a été détruit pendant la première enfance, l'autre hémisphère peut le suppléer dans ses fonctions et qu'il suffit de l'un quelconque des deux hémisphères pour l'exercice sensiblement normal des facultés intellectuelles. Il n'y a donc pas de différence fondamentale entre les propriétés des deux hémisphères. Ce fait avait déjà été établi par Gall et après lui par d'autres observateurs. Dans ces derniers temps, les cas si curieux d'aphasie avec lésion de l'hémisphère gauche seulement, sur lesquels M. Broca a appelé l'attention, sont venus mettre en doute la symétrie fonctionnelle des deux hémisphères. Il semblait qu'on fût obligé, ou bien d'admettre des fonctions différentes pour les régions symétriques des deux hémisphères, ce qui renversait toute la physiologie cérébrale, ou bien de supposer que certaines facultés ne peuvent s'exercer sans le concours synergique des deux hémisphères. (...) Lorsque les faits semblent se contredire, c'est à coup sûr qu'ils sont mal interprétés ». On ne peut qu'admirer la hardiesse de Cotard d'établir, en sa thèse de doctorat, face à un jury de professeurs distingués, des conclusions si tranchées et justes.
 
Après la guerre de 1870, Cotard s'installera en clientèle toute en fréquentant les consultations de Charles Lasègue (1816-1883) à la Préfecture de Police. C'est là qu'en 1874, Lasègue le présente à Jules Falret (1824-1902) qui recherche un médecin adjoint pour sa Maison de Santé de Vanves. Il y exercera 15 ans, emporté à 49 ans par une diphtérie contractée en soignant celle de sa fille. Après avoir publié, en 1877, l'article « Folies », dans le Dictionnaire Encyclopédique des Sciences Médicales d'Amédée Dechambre (1812-1886), c'est le 28 juin 1880 que Cotard présente, devant la Société Médico-Psychologique, son mémoire intitulé « Du délire hypochondriaque dans une forme grave de la mélancolie anxieuse », considéré comme l'acte de naissance du syndrome de Cotard. En 1882, une étude plus structurée l'amènera à l'appeler, lui-même, « le délire des négations ». En 1892, Emmanuel Régis (1855-1918) proposera de donner le nom de syndrome de Cotard au Délire systématisé chronique ».
 
Pourtant, la description clinique originale n'a pas, à elle seule, assuré une célébrité posthume à Cotard. Interne d'Adrien Proust (1834-1903), il a été invité à plusieurs reprises à des dîners auxquels assistait Marcel Proust. Celui-ci a grandement favorisé sa notoriété en baptisant un de ses personnages Professeur Cottard, dans « A la recherche du temps perdu ». Un des biographes de Marcel Proust, George Painter explique : « Dr Cottard est un amalgame, en réalité, du Dr Pozzi, avec son pince-nez, et le clignement d'yeux involontaire est celui du professeur de Marcel Proust, Albert Vandal. Quant à son nom, il résulte de la conjonction de celui d'un des élèves d'Adrien Proust, Jules Cotard, et de celui du Dr Cottet d'Evian. Marcel Proust décrit le professeur Cottard comme un professionnel intègre et note l'acuité de son rapide coup d'oeil, assurant un diagnostic sans faille ». C'est tout le portrait, dans la vraie vie, de Jules Cotard.
 
jules cotard
 
jules cotard