| 
                     Je n'ai pas à exposer ici tout ce qui
                     est relatif au pouvoir excito-moteur ou
                     réflexe. Cette théorie est
                     aujourd'hui connue de tout le monde, et les
                     ouvrages de physiologie la traitent avec tous
                     lest détails qu'elle comporte.  Je demanderai seulement à
                     résumer, sous forme de propositions,
                     quelques points applicables à mon
                     sujet. 1°) Une excitation émanée
                     d'un point quelconque de l'économie, et
                     transmise par des fibres nerveuse sensitives
                     soit à la moelle épinière,
                     soit à l'encéphale, se
                     réfléchit, par l'entremise de ces
                     centres nerveux, sur des fibres nerveuses
                     motrices, pour donner lieu à des
                     mouvements auxquels la volonté reste
                     complétemeut
                     étrangère. 2°) Ces mouvements se manifestent et
                     dans les muscles de la vie animale et dans ceux
                     de la vie organique. 3°) L'excitation centripète qui
                     se réfléchit par des mouvements
                     dans l'un ou l'autre de ces ordres de muscles,
                     ou dans l'un et l'autre à la fois, peut
                     elle-même être
                     éprouvée et transmise par des
                     nerfs cérébro-rachidiens ou par
                     des filets du grand sympathique. 4°) Ces excitations
                     périphériques suivant qu'elles
                     arrivent ou non jusqu'au siège de la
                     perception des sensations, se transforment ou
                     non en sensations; elles sont donc
                     perçues ou non perçues, senties ou
                     non senties. 5°) Ce pouvoir excito-moteur est
                     inhérent en propre à la moelle et
                     complétement indépendant du
                     cerveau et du cervelet; il se manifeste avec
                     plus d'énergie quand la moelle est
                     affranchie de l'influence
                     cérébrale. Diverses substances
                     peuvent le modifier: la strychnine et l'opium
                     l'exaltent; l'éther, selon M. Longet, la
                     jusquiame, d'après Marsball-Hall, le
                     diminue. 6°) La réaction motrice a une
                     tendance constante à se faire par les
                     filets moteurs naissant le plus près des
                     racines sensitives qui ont transmis
                     l'excitation. 7)) Lorsque l'excitation est plus forte, ou
                     que l'excitabilité est augmentée,
                     la réaction s'étend aux racines
                     motrices sur une plus grande longueur de la
                     moelle, tant au-dessus qu'au-dessous du point
                     d'insertion des filets excités; elle peut
                     même s'étendre à la
                     totalité des racines motrices. Ainsi une excitation locale
                     extrêmement vive, ou bien quand
                     l'excitabilité est fort augmentée,
                     une excitation locale même très
                     légère peut determiner des
                     convulsions générales. 8°) L'excitabilité du bulbe et
                     de la moelle allongée se traduit
                     principalenent par des mouvements des muscles
                     respiratoires; elle est mise en jeu surtout par
                     les excitations des muqueuses et des
                     téguments externes. Du reste, les
                     excitations qui portent sur les terminaisons des
                     nerfs ont beaucoup plus d'aptitude à
                     déterminer des mouvements réflexes
                     que celles qui sont appliquées
                     directement à un tronc nerveux. 9°) L'excitabilité
                     réflexe s'épuise lorsqu'elle est
                     provoquée un grand nombre de fois de
                     suite. Alors, si de nouvelles excitations sont
                     produites, les réactions musculaires
                     diminuent d'énergie pour cesser
                     bientôt tout à fait. Plus
                     l'excitabilité est exaltée, plus
                     elle s'épuise vite par sa mise en action.
                     C'est ainsi que survient la mort dans
                     l'empoisonnement par la strychnine. 10°) L'excitabilité
                     réflexe est, au contraire, entretenue et
                     augmentée lorsqu'on la met en jeu
                     à certains intervalles. Par exemple, deux
                     grenouilles décapitées
                     étant données, si l'une est
                     laissée dans un repos absolu pendant
                     plusieurs jours, et qu'on excite
                     modérénent l'autre à
                     plusieurs reprises chaque jour, au bout de ce
                     temps l'excitabitité réflexe de la
                     seconde sera considérable; il suffira de
                     la toucher légèrement pour causer
                     des convulsions générales; la
                     première au contraire ne jouira que d'une
                     excitabilité très faible des
                     excitations, même violentes, ne
                     détermineront que des mouvements peu
                     étendus. Telles sont les conditions principales de
                     manifestation du pouvoir intrinsèque dela
                     substance grise de la moelle, pouvoir qui la
                     fait agir comme un vrai centre de
                     réflexion motrice en dehors de toute
                     influence cérébrale. Cette puissance intrinsèque propre
                     à la moelle n'est pas mise en jeu
                     seulement par les impressions que lui
                     transmettent les nerfs rachidiens sensitifs ou
                     les filets du grand sympathique. Les nerfs de
                     sensibilité spéciale sont aussi
                     capables de provoquer des mouvements
                     involontaires. C'est ainsi que lorsque l'oeil
                     est menacé, les paupières se
                     ferment; un bruit violent produit le même
                     effet. Certaines odeurs provoquent des
                     manifestations motrices, le vomissement par
                     exemple. Il est vrai que le défaut de
                     relation entre les racines de ces nerfs et la
                     moelle n'est qu'apparent. Aujourd'hui, on
                     incline à reconnaître la
                     continuité entre leurs racines blanches
                     et les faisceaux postérieurs du bulbe
                     prolongés dans l'encéphale. Mais ce ne sont pas seulement les nerfs
                     rachidiens ou autres qui peuvent mettre en jeu
                     cette excitabilité motrice de la moelle;
                     les excitations directes de l'encéphale
                     peuvent le faire. Marshall-Hall a rejeté la
                     possibilité de ce fait, en
                     considérant ces mouvements comme le
                     résultat d'un acte psychique, une
                     manifestation de la volition; mais comme le fait
                     remarquer M. Louget, le bâillement
                     et le vomissement peuvent avoir lieu par cela
                     seul qu'on voit ou qu'on entend bâiller ou
                     vomir quelqu'un; à coup sûr, ce
                     n'est pas, là un acte volontaire. M.
                     Longet raconte que lui-même, après
                     avoir passé plusieurs jours en mer, ne
                     pouvait pas s'empêcher de vomir au
                     souvenir des angoisses qu'il avait
                     endurées. On ne l'accusera pas d'avoir
                     contribué volontairement à
                     renouveler ses tourments. Est-ce par un effet de la volonté
                     qu'une impression purement morale fait jeter un
                     cri, faire un bond ou changer de couleur? Que de
                     fois au contraire de pareils mouvements
                     involontaires trahissent-ils une émotion
                     que l'on voudrait cacher? Tout le monde connaît les effets de la
                     frayeur; les coliques qui affligent les jeunes
                     recrues un premier jour de bataille ne tiennent
                     bien certainement qu'à une impression
                     morale et sont tout à fait
                     involontaires. On voit donc, en résumé, que
                     la moelle épinière et la moelle
                     allongée ont une propriété
                     spéciale qui les rend aptes à
                     déterminer des mouvements,
                     indépendants de la volonté,
                     à la suite d'une excitation qui leur est
                     transmise soit par les fibres sensitives qui s'y
                     insèrent directement, soit par les fibres
                     de sensibilité spéciale ou les
                     fibres de la vie organique qui leur sont
                     médiatement unies, soit enfin par les
                     portions des organes encéphaliques
                     uniquement propres à recueillir des
                     impressions morales et intellectuelles. En un
                     mot, chaque portion sensitive du système
                     nerveux, quelle que soit sa
                     spécialité d'action, qu'elle
                     appartienne à la vie organique ou
                     à la vie animale, est propre à
                     déterminer dans la moelle la modification
                     inconnue dans sa nature à la suite de
                     laquelle les fibres motrices
                     réagissent. Les circonstances où cette
                     propriété est mise en jeu sont
                     extrêmement fréquentes, tous les
                     phénomènes sympathiques sont de ce
                     nombre. On voit aussi par les expériences
                     que cette excitabilité est susceptible
                     d'augmentatlon ou de diminution. C'est à
                     son augmentation qu'est due cette
                     susceptibilité aux impressions qui
                     distingue la plupart des personnes atteintes de
                     maladies nerveuses, et à laquelle on a
                     donné divers noms sans savoir en quoi
                     elle consistait. C'est elle que l'on appelle
                     ordinairement état nerveux, que M.
                     Gendrin désigne sous le nom de
                     mobilité nerveuse, et que beaucoup
                     d'Anglais, entre autres Todd, dénomment
                     polarité nerveuse. C'est de cette excitabilité
                     réflexe de la moelle
                     épinière, et de la moelle
                     allongée en particulier, que me
                     paraissent dépendre les
                     phénomènes convulsifs de
                     l'épilepsie.
                     
                      |