resolutionmini

mise à jour du
17 juillet 2005
Revista de Neurología
2005;41(1):63-64
Traduction de
M. Lebrun
O. Walusinski
Bostezos y epilepsia del lóbulo temporal
Yawning and temporal lobe epilepsy
Bâillements et épilepsie du lobe temporal
 
Medrano V, Selles-Galiana MF, Fernandez-Izquierdo S,
Mallada-Frechin J,
Diaz-Gonzalez F, Piqueras-Rodriguez L.
Hospital Vega Baja, 03314 Orihuela, Espana

Chat-logomini

La classification établie par la Ligue Internationale contre l'Épilepsie (ILAE) distingue l'épilepsie mésiale (interne) et l'épilepsie néocorticale (externe) du lobe temporal (1). Les crises épileptiques temporales mésiales ont leur origine dans l'hippocampe, l'amygdale et le gyrus hippocampique (2). La présence de sensations épigastriques angoissantes, à la phase initiale de la crise, la présence d'automatismes oro-mandibulaires et d'autres automatismes gestuels impliquant les membres supérieurs et le visage, le regard vague, la durée prolongée de la crise, une certaine forme d'absence et l'inexistence de généralisation secondaire ont été associés aux crises de la région mésiale temporale (3). La revue de la littérature permet d'identifier, quelques publications, assez succintes, décrivant des bâillements contemporains de crises d'épilepsie, tant chez des rongeurs que chez l'homme (4,5), en particulier des crises d'origine temporale (6,7).
 
Le bâillement est un acte réflexe, très banal, observé chez de nombreux vertébrés. Depuis l'antiquité, il a suscité la curiosité et intéressé de nombreux philosophes et physiologistes. Les mécanismes physiologiques qui président à son déclenchement et les structures anatomiques qui en coordonnent le déroulement sont divers et actuellement encore partiellement méconnus. Chez l'Homme, le bâillement apparaît physiologiquement au réveil, lors de la somnolence, quand la fatigue, l'ennui, la faim perdurent et, parfois, à l'occasion de réactions émotionnelles (sexualité ?). Des bâillements anormalement fréquents et répétés ont été associés à diverses pathologies neurologiques (9) : tumeurs du lobe frontal ou du tronc cérébral, des accidents vasculaires cérébraux, des encéphalites, des céphalées (migraine), l'intoxication alcoolique, la sclérose en plaques, la paralysie supra-nucléaire, la sclérose latérale amyotrophique, après thalamotomie (10,11,12).
 
Nous décrivons, ici, le cas d'une patiente atteinte de crises d'épilepsie partielle temporale dont chaque crise débute par des salves de bâillements irrépressibles. Cette femme de 61 ans a pour antécédents une dysthymie bipolaire, des migraines, et une polyarthrose. Elle présente, depuis plus de deux ans des épisodes stéréotypés, d'apparition brusque, qui débutent par une sensation de gêne épigastrique ascendante, suivie de bâillements irrépressibles, d'une transpiration profuse. Ces bâillements se répètent pendant une trentaine de minutes. Secondairement s'installent une somnolence, une faiblesse et une fatigue générale durant plusieurs heures. La fréquence de ces épisodes varie mais sont récurrents plusieurs fois par jour, tant pendant la veille que le sommeil. La malade ne manifeste aucun trouble du sommeil ou d'autre nature. L'IRM ne visualise aucune lésion anatomique anormale. Un ECG standard de veille ne décèle aucune anomalie électrique. Cette déficience diagnostique conduit à enregistrer un vidéo-EEG de veille et de sommeil.
 
 irm
 
Après la réalisation d'une stimulation lumineuse intermittente et deux périodes d'hyperventilation, alors que la patiente est au repos et sans aucune stimulation, débute une crise de façon abrupte: bâillements en série, à une fréquence de 3 à 4 par minute, durant chacun de 15 à 20 secondes. L'épisode va durer cliniquement 46 minutes. Progressivement, la fréquence des bâillements se réduit pour cesser avec la crise. Ces bâillements sont constamment accompagnés d'automatismes moteurs à type de frottements du nez avec la main et de vocalisations associées à quelques mots répétés (connotation plaintive). L'EEG enregistré simultanément à cette crise montre un rythme de base ralenti, au niveau duquel s'intercale une abondante activité électomyographique propre aux mouvements des bâillements. Il n'est pas noté d'onde spécifique ni d'activité paroxystique particulière tout au long de cet épisode. Pendant la période post-critique immédiate, la patiente s'endort en sommeil lent (non REM I) pendant 5 minutes, puis manifeste un micro-éveil. La phase de sommeil non-REM II, qui suit, permet d'enregistrer une activité paroxystique, à type de pointe-onde, au niveau temporal gauche, sans diffusion aux aires homologues controlatérales, ni généralisation. A son réveil, la patiente est amnésique de sa crise, des bâillements et des automatismes moteurs et vocaux qui les accompagnaient.
 
Le diagnostic de crise épileptique temporale complexe mésiale a conduit à mettre en route un traitement par oxycarbamazépine à la dose de 300 mg toutes les 12 heures. Les crises ont progressivement disparu en deux semaines. La malade demeure depuis totalement asymptomatique.
 
Les symptômes cliniques stéréotypés, associés aux données électroencéphalographiques post-critiques, caractérisent une épilepsie partielle complexe d'origine temporale mésiale: angoisse épigastrique initiale, perte différée du contact avec l'environnement, automatismes moteurs focaux (en particulier les frottements digito-nasaux), automatismes verbaux, l'absence de généralisation secondaire. Bien que les enregistrements électroencéphalographiques per-critiques n'aient pas permis de mettre en évidence une altération caractéristique du tracé, la symptomatologie répétitive et stéréotypée, le contrôle complet par le traitement anti-comitial, la présence de pointes-ondes, en sommeil profond, localisées au lobe temporal gauche suggèrent, avec prégnance, une origine comitiale aux manifestations cliniques. La présence de bâillements répétés et incontrôlés, comme chez notre patiente, a été rarement décrite au cours de l'épilepsie mésiale (2,3).
 
Bien que les bâillements puissent être une forme de crise épileptique chez les rongeurs comme chez l'Homme, les données de la littérature sont rares (4,5). La neurophysiologie du bâillement comprend différents neuromédiateurs tels la dopamine, l'oxyde nitrique, le glutamate, l'ACTH, le GABA, la sérotonine, les hormones sexuelles et les opiacés. Le cycle veille-sommeil semble en moduler la fonction au niveau du tronc cérébral (formation réticulée) et du diencéphale. Le contrôle cortical est sans doute possible chez l'homme adulte. La dopamine stimule la libération d'ocytocine au niveau du noyau paraventriculaire de l'hypothalamus, qui active une voie cholinergique vers l'hippocampe. Les opiacés inhibent les bâillements induits par la dopamine ou l'ocytocine. Il semble que les bâillements, les cycles veille-sommeil et l'épilepsie temporale partagent des circuits neuroanatomiques et des neuromédiateurs communs.
 
Les mécanismes mis en jeu en fin de crise sont mal cernés mais les expérimentations animales plaident pour l'intervention des opiacés endogènes comme le suggèrent la réduction tant en durée qu'en symptômes de la période post-ictale après injection de morphinomimétiques et leur majoration après injection de naloxone (14). La phénytoïne, active au moins partiellement dans l'épilepsie temporale, agirait comme inducteur de la libération d'opiacés endogènes (15). Les opioïdes endogènes pourraient faire partie d'un système "protecteur", inhibiteur de la crise, au travers du déclenchement des bâillements (7,9) ce qui permettrait d'inférer que le bâillement est l'expression comportementale d'une induction opiacée inhibitrice de la récurrence des crises d'épilepsie temporale. Toutefois, une hypothèse plus simple serait que les bâillements participent de la crise épileptique par une implication du lobe temporale qui reste à identifier.
 
V. Medrano a, F. Selles-Galiana b, S. Fernández-Izquierdo a, J. Mallada-Frechín a, F. Díaz-González c, L. Piqueras-Rodríguez a.
 a Servicio de Neurología. Hospital General de Elda.
b Servicio de Neurofisiología. Hospital General de Alicante.
c Centro de Salud de Biar. Alicante, España.
 
Correspondencia: Dr. Vicente Medrano Martínez.
Ctra. Elda-Sax, s/n. E-03600 Elda (Alicante).
E-mail: vmedrano714k@cv.gva.es
  
BIBLIOGRAFÍA
1. Commission on Classification and Terminology of the International League Against Epilepsy. Proposal for revised classification of epilepsies and epileptic syndromes. Epilepsia 1989; 30: 389-99.
 
2. Volcy-Gómez M. Epilepsia del lóbulo temporal
mesial: fisiopatología, características clínicas, tratamiento y pronóstico. Rev Neurol 2004; 38: 663-667.
 
3. Maillard L, Vignal JP, Gavaret M, Guye M, Bibaren A, McGonigal A, et al. Semiologic and electrophysiologic correlations in temporal lobe seizures subtypes. Epilepsia 2004; 45: 1590.
 
4. Quan WB, Andy OD, Dearman C, AndrewsM, Rockhold RW. Cocaine-induced brainstem seizures and behavior. Integr Physiol Beba Sci 1992; 27: 117-129.
 
5. Donat JF; Wright FS. Unusual variants of infantile spams. J Child Neurol 1991; 6: 313-8.
 
6. Penfield W, Jasper H. Epilepsy and the functional anatomy of the human brain. Boston: Little-Brown; 1954. p. 416-8.
 
7. Muchnik S, Finkielman S, Semeniuk G, De Aguirre MI. Bostezo y epilepsia del lóbulo temporal. Medicina 2003; 63: 137-9.
 
8. Schiller F. Yawning? J Hist Neurosci 2002; 11: 392-401.
 
9. Muchnik S, Finkielman S, Semeniuk G,Aguirre MI. Bostezo. Medicina 2003; 63: 229-32.
 
10. Jacome DE. Compulsive yawning as migraine premonitory symptom. Cephalalgia 2001; 21: 623-625.
 
11. Jacome DE. Primary yawning headache. Cephalalgia 2001; 21: 697-9.
 
12.Williams DR. The yawning reflex: an upper motor neuron sign in amyotrophic lateral sclerosis. Neurology 2000; 55: 1592-3.
 
13. Argiolas A, Melis MR. The neuropharmacology of yawning. Eur J Pharmacol 1998; 343:1-16.
 
14. Egel JR, Caldecott-Hazard S, Bandler R. Neurobiology of behavior: anatomic and physiological implications to epilepsy. Epilepsia 1986; 27: 3-13.
 
15. Jackson HC, Nutt DJ. Investigation of the involvement of opioid receptors in the action of anticonvulsants. Psychopharmacology 1993; 111: 486-90.
 
-Specchio N, Carotenuto A et al. Ictal yawning in a patient with drug-resistant focal epilepsy: Video/EEG documentation and review of literature reports.Epilepsy Behav 2011
ictalspect
 
eeg
 
Patiente ayant une DNET temporale droite externe et présentant des crises de sémiologie temporale interne. Exploration par une électrode latéro-lésionnelle (LL), une électrode occipito-temporale interne (OT) et l'EEG de surface. Tracé de sommeil paradoxal (noter les mouvements oculaires rapides en A). Début de la crise sur l'électrode OT en B. Au bout de 25 secondes, activité rythmique en surface sur la région temporale (C). La patiente se réveille en fin de crise et rapportera a posteriori avoir eu un rêve.