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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 
Les observations de la thèse de RF Trautmann
1901  
 
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mise à jour du
9 mars 2008
texte en pdf
 
le bâillement
pages 210-216
 
1821
Chat-logomini
 
Nicolas Philibert Adelon
1782 - 1862
Dictionnaire de médecine
 
tome III ARG_BUT (572p)
 
chez Béchet jeune libraire
place de l'école de médecine n°4
 
Paris 1821
adelon
 

BAILLEMENT, s. m. , oscitatio, mot que l'on fait dériver de balare, bèler, probablement à cause du bruit qui accompagne l'action organique qu'il désigne. On appelle ainsi un phénomène tout à la fois respiratoire et expressif, consistant en une inspiration plus ample, plus profonde et plus involontaire qu'une inspiration ordinaire, accompagnée d'un grand écartement des mâchoires, et suivie d'une expiration prolongée, qui se fait le plus souvent avec un bruit sourd. C'est proprement une espèce d'inspiration qui, comparée avec une inspiration ordinaire, offre les différences suivantes: 1°) le thorax se dilate davantage ; 2°) dès lors une plus grande quantité d'air est introduite dans le poumon, et cet air s'y précipite avec une plus grande rapidité, et du premier coup est porté plus profondément dans les ramuscules de cet organe; 3°) tandis que dans l'inspiration ordinaire le jeu des muscles qui l'effectuent est, jusqu'à un certain point, dépendant de la volonté , c'est plus irrésistiblement, et comme d'une manière convulsive, qu'agissent ces mêmes muscles pour opérer le bâillement; 4°) enfin tandis que dans l'inspiration ordinaire les phémomènes sont bornés au thorax , et que la face y est étrangère, dans le bâillement les muscles des machoires partagent sympathiquement la contraction convulsive des muscles inspirateurs,et il en résulte cette ample ouverture de la bouche, qui caractérise l'expression fariale de cet acte.

On voit par-là que dans le bâillement, étudié sous le rapport de son mécanisme, il y a deux choses à considérer, le jeu du thorax et celui de la face, comme cela est dans le rire, le sanglot et quelques phénomènes analogues. Le jeu du thorax est à peu près le même que dans une inspiration ordinaire, sinon que l'action est portée plus loin, et est plus irrésistible. Dans toute inspiration, une impression dépendante soit de la présence du sang veineux qui vient dans le poumon se changer en sang artériel, soit du besoin d'air et d'oxygène, est ce qui décide l'action des muscles inspirateurs. Il en est de même dans le bâillement; seulement cette impression est plus forte, d'où résulte une contraction des muscles plus énergîque, plus prompte et plus involontaire, et une plus grande ampliation du thorax. Celle-ci est telle, qu'il parait alors se faire dans le poumon un vide là où il ne s'en fait pas d'ordinaire; d'où résulte la plus grande force avec laquelle l'air extérieur s'y précipite, la plus grande profondeur à laquelle il y parvient, et ce qui porte à croire que dans ce bâillement l'air est plus complétement renouvelé dans le poumon que lors d'une inspiralion ordinaire. Du reste, ce sont les mêmes muscles qui agissent; le diaphragme de même s'enfonce dans l'abdomen; les intercostaux soulèvent les côtes. Quoique leur contraction soit plus irrésistible que dans une inspiration ordinaire, on peut encore l'arrèter; on sait qu'on peut réprimer l'envie de bâiller. Le bâillement n'en est pas moins un phénomène involontaire; d'abord la faculté qu'on a de le réprimer porte plus sur l'expression faciale de cet acte que sur l'action du thorax; ensuite l'indépendance où est cet acte de la volonté est assez prouvée par l'impossibilité où nous sommes de le produire à notre gré; on peut bien en simuler l'expression faciale, mais on n'éprouve pas alors le sentiment intérieur qui le précède, et qui est, comme tout autre, un soulagement.

nicolas adelon
Le jeu de la face dans le bâillement est aussi simple. Consécutivement à l'impression qu'ont reçue les nerfs des muscles inspirateurs, et qui a appelé l'action de ces muscles, et à cause des connexions sympathiques qui unissent ces nerfs et ceux des muscles des mâchoires, celles-ci sont convulsivement écartées, et la bouche grandement ouverte, offre à l'air qui se précipite dans le poumon le plus libre accès possible. Ce n'est pas ici le lieu de détailler les muscles qui agissent; ce sont les abaisseurs de la mâchoire inférieure, et les sous-maxillaires : il doit suffire d'indiquer la cause qui décide leur action; c'est l'impresson même qui frappe les nerfs moteurs du diaphragme et des autres muscles inspirateurs, et qui leur est sympathiquement transmise. Aussi leur contraction est-elle convulsive comme celle de ces muscles. Il est sûr que les impressions reçues par les nerfs diaphragmatiques, par exemple , sont, en vertu d'une loi primitive de l'organisation, plus particulièrement partagées par les nerfs des muscles moteurs de la face d'où résulte l'association d'action qui se manifeste dans ces parties lors du rire, du sanglot, du bâillement et des autres phénomènes expressifs de cet ordre. Nous disons que ce sont les muscles abaisseurs de la mâchoire inférieure qui surtout sont sympathiquement contractés. M. Magendie veut que les élévateurs agissent aussi. On sait que les muscles sont susceptibes de présenter, quand l'influx nerveux menace de leur manquer, un genre d'action particulier qui a pour but de le rappeler, et qu'on appelle pandiculation : on sait que ces pandiculations se manifestent aux approches du sommeil , aux premiers temps du réveil , c'est-à-dire à peu près dans lesmêmes circonstances que lebâillement. Or M. Magendie croit que ce mode d'action entre pour quelque chose dans l'expression faciale du bâillement; il conjecture que la bouche s'ouvre dans cet acte, en partie par une contraction des muscles de la machoire inférieure, et en partie par une pandiculation des muscles élévateurs de cette machoire. Nous ne contestons pas l'existence des pandiculations en général , ni leur réalité dans les muscles des machoires en particulier; nous reconnaissons même que ces dernières s'observent souvent dans les mêmes. circonstances que le bâillement; mais elles sont distinctes de ce phénomène; et comme, pour l'ouverture de la bouche, il faudrait qu'il y eût eu même temps pandiculation des muscles élévateurs, et contraction des muscles abaisseurs, il n'est pas probable que la première circonstance ait part à l'écartement des machoires qui se voit dans le bâillement.
 
Enfin, comme le propre de la respiration est d'employer aussitôt l'air qui est introduit dans le poumon, et d'exiger un prompt renouvellement de cet air, on conçoit pourquoi le bâillement se termine par une expiration; et comme ce bâillement a fait pénétrer une très grande quantité d'air, il faut que l'expiration qui suit soit très prolongée, pour l'expulser en entier. Celle expiration participe du reste, du caractère de vivacité qu'avait l'inspiration qui la prècède. Quant au bruit qui est propre au bâillement, il tient au bruissement de l'air à travers les voies respiratoires, soit au moment où cet air entre, soit à l'instant où il sort; et lorsqu'un son véritable l'accompagne, c'est qu'en traversant le larynx, l'air s'est brisé contre la glotte, et que les muscles intrinsèques de cette partie, partageant la contraction convulsive du diaphragme, ont imprimé à cet air des vibrations. Tel est le mécanisme du bâillement; pour en avoir d'ailleurs une notion complète, il faut rapprocher ce que nous venons d'en dire de la description de l'inspiration. Venons maintenant aux autres points de l'histoire de ce phénomène, c'est-à-dire à ses causes et à ses effets.
 
Le bâillement étant une espèce d'inspiration doit avoir à peu près les mêmes causes et les mêmes résuItats; et étant une inspiration plus ample, il doit éclater principalement dans toutes les circonstances qui exigent que l'inspiration soit plus grande. Le but de toute inspiration est d'introduire dans le poumon toute la quantité d'air dont a besoin, pour se changer en sang artériel, le sang veineux qui est alors présent dans ce viscère. Par conséquent toute inspiration devient plus ample quand la quantité d'air à introduire doit être plus grande. Or cette nécessité a lieu dans deux circonstances, quand il y a plus de sang veineux rassemblé, dans le poumon, et quand l'air qu'on respire est de mauvaise qualité, et est peu riche en oxygène. Dans le premier cas en effet, comme il y a plus de sang veineux dans le poumon, il y a nécessité d'y faire entrer une quantité plus grande de l'élément qui le change en sang artériel ; et dans le second, comme l'air est peu riche en principe respirable, il faut suppléer par sa quantité à ce qui lui manque en qualité. En un mot, les inspirations se modifent pour leur fréquence et leur ampleur, de manière à proportionner toujours la quantité d'air qu'elles introduisent avec la quantité de sang veineux qui vient dans le poumon subir l'hématose artérielle, et à prévenir tout embarras dans la circulation pulmonaire. Or tout cela est complétement applicable au bâillement, et explique pourquoi il survient dans les diverses circonstances de santé et de maladie dans lesquelles on le voit se produire. Toutes se rapportent aux deux circonstances que nous venons de mentionner, savoir, l'état de l'air respiré, et la quantité de sang veineux qui arrive au poumon. Il faut y ajouter la facilité avec laquelle éclate par de nombreuses causes physiques ou morales dans les nerfs moteurs des muscles inspirateurs, l'impression spéciale qui détermine l'acte du bâillement.
 
Ainsi, dans l'état de santé, le bâillement éclate par le séjour dans le vide, par la situation dans un air non renouvelé, parce que dans ces cas l'air manque ou est peu riche en oxygène, et qu'on cherche à suppléer en en introduisant beaucoup, à ce qui manque en qualité. C'est par la même raison que le bâillement est un phénomène précurseurs de toutes les asphyxies graduelles. On bâille aux approches du sommeil, parce que la paralysie momentanée, qui va saisir tous les muscles du corps semble vouloir saisir aussi ceux de la respiration, d'où résulte une diminution passagère dans les inspirations; et comme cependant la circulation a continué de même, et par conséquent a amené dans le poumon la même quantité de sang veineux à changer en artériel, on conçoit qu'il n'y a plus eu assez d'air pour effectuer cette conversion, et qu'un peu de sang veineux restant dans le poumon, il s'est fait un léger embarras dans la circulation pulmonaire: alors des bâillements surviennent automatiquement pour introduire une plus grande masse d'air, toute la quantité nécessaire pour artérialiser le sang veineux restant, et rétablir l'équilibre. C'est parce que le bâillement éclate dans toutes les circonstances où existe cette accumulation de sang veineux dans le poumon , cet embarras dans la circulation pulmonaire, qu'on a considéré ce phénomène comme un remède physiologique destiné à dissiper cet engorgement; et il est sûr en effet que son entier accomplissement est suivi d'un sentiment de bien-être. A juger par ce sentiment, on croirait que l'air extérieur que le bâillement introduit dans le poumon a vaincu dans cet organe l'obstacle qui y entravait la circulation. On bâille aussi premiers instants du réveil, parce que, pendant le sommeil , l'inspiration s'est faite dans un mode autre que pendant la veille et que, lors du passage d'un de ces modes à l'autre, il a y eu momentanément diminution dans les inspirations, défaut d'équilibre entre la quantité d'air introduite et la quantité de sang veineux à charger en sang artériel, d'où est résulté un léger engorgement pulmonaire qui a appelé à sa suite le phénomène propre à le dissiper.
 
On bâille dans la faim, la fatigue, parce que l'inspiration ressent elle-même l'atteinte de la faiblesse qui frappe toute 1'économie, et qu'il survient par conséquent le même embarras pulmonaire que dans les cas précédents. Il en est de même de l'ennui, affection essentiellement débilitante, et dont le bâillement est le signe ordinaire, soit que cette affectionait agit en ralentissant directement, l'action des muscles inspirateurs, soit qu'elle ait agi en ralentissant la circulation pulmonaire. Enfin le bâillement arrive en beaucoup de cas, parce que consécutivement à une impression reçue par d'autres parties du corps, les nerfs régulateurs de l'inspiration ont développé celle qui détermine le bâillement, comme dans le bâillement par imitation, par réminiscence. On ne peut pas dire pourquoi less nerfs des muscles de la respiration sont plus susceptibles que tous les autres d'être modifiés par les impressions qui retentissent dans les centres nerveux, et par conséquent dans les affections morales : mais ce fait est certain. Parmi les preuves qu'on en peut citer, une des plus remarquables est la tendance qu'a le bâillement à survenir par imitation et réiminiscence : on voit bâiller, on parle de bâiller, et aussitôt le bâillement se produit; c'est que, par suite des connexions qui unissent les différentes parties nerveuses, l'impression reçue par le cerveau a fait naitre dans les nerfs des muscles inspirateurs celle qui commande ce pnénomène.
 
De même, le bâillement est un des symptômes les plus fréquens des maladies: cela tient à ce que l'affection morbide modifiant la circulation, amène cet embarras dans la ciculation pulmonaire auquel le bâillement est le prochain remède, ou à ce que cette affection transmet l'iritation qui la constitue aux nerfs moteurs des muscles inspirateurs, et en sollicite la contraction convulsive. Ainsi il procède d'ordinaire le frisson fébrile, les éruptions, les hémorragies, les attaques de goutte, d'hystérie, d'hypocondrie et même d'épilepsie. Il se manifeste souvent après de grandes blessures, des évacuations excessives, des inflammations internes. Il survient quelquefois chez les femmes nouvellement enceintes, chez celles qui ont des dérangements dans la menstruations, pendant le travail de l'enfantement; et dans ce dernier cas, il annonce que les forces sont opprimées, épuisées, et par conséquent que l'accouchement sera difficile. S'il est joint dans les maladies à de mauvais symptômes, il est un signe fâcheux ; par exemple, dans les fièvres ataxiques, la fièvre jaune, la peste, s 'il est uni à des symptômes de faiblesse, et s'il se répète fréquemment, il anonce un grand danger. Enfin, en ayant égard aux deux circonstances que nous avons dit commander des inspirations plus grandes, et à la facilité avec laquelle les nerfs des muscles inspirateurs développent l'impression qui fait naitre le bâillement consécutivement à des impressions reçues par les autres parties nerveuses du corps, on peut facilement expliquer l'apparition de ce phénomène dans les maladies, et justifier le jugement que portent de lui, dans les divers cas, les séméiologistes (Adelon).
 
L'encyclopédie méthodique Vicq d'Azyr 1782-1832
Dictionnaire des sciences médicales 1812-1822 Charles-Louis-Fleury Panckoucke
Dictionnaire de médecine Béchet ed. Adelon 1821
Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques ou "Andral" 1829