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mise à jour du
23 mars 2008
Presse Med
2008;37(4 Pt 2):643-647
Paralysies faciales périphériques d'origine dysbarique
Cyril d'Andréa, Jean-Louis Méliet, Frederik Staikowski
Urgences hyperbarie. St Pierre. La Réunion

Chat-logomini

Peripheral facial palsy secondary to middle-ear over-pressure
 
Facial baroparesis is an ischemic neurapraxia of the facial nerve. Elle It occurs after airplane trips or prolonged diving.
This paralysis is due to the tympanic promontory. Several promoting factors have been identified, including tubal dysfunction, hypotension, and neuro tropic virus, Simple maneuvers can make it disappear: yawning, swallowing, or a Toynbee maneuver. Treatment is based on normobaric or even hyperbaric oxygen bare therapy. During airplane flights, the paralysis often disappears at landing.
La paralysie faciale dysbarique est un événement rare mais évoluant le plus souvent favorablement. Elle est liée à un changement de pression dans le milieu dans lequel se trouve le sujet, responsable d'une neuropraxie ischémique de la septième paire crânienne. Dans la littérature, on la trouve sous divers noms : "baroparésie faciale", "paralysie faciale alternobanque" ou "paralysie faciale baro-alternative". On peut la rencontrer dans 2 circonstances : lors d'une plongée ou d'un vol en avion. Des manoeuvres simples peuvent souvent permettre de faire disparaître ces paralysies faciales périphériques en quelques secondes.
 
Épidémiologie
 
La recherche dans Medline en croisant les termes "barotrauma", "facial palsy", "diving", "aviation" fait apparaître cette maladie environnementale dans peu de cas, avec une prédominance au cours de la plongée, soit un total de 23 cas par rapport à ceux décrits au cours de séjours en avion qui recouvrent 5 cas. Le caractère transitoire avec une récupération parfois spontanée est probablement l'élément déterminant dans le fait que peu d'articles évoquent ce problème.
 
Mécanisme lésionnel
 
La baroparésie faciale peut se définir comme une neuropraxie ischémique du nerf facial par compression lors d'un barotraumatisme de l'oreille moyenne secondaire à une augmentation de la pression dans la caisse du tympan.
 
La trompe d'Eustache (TE) assure la communication entre la caisse du tympan et l'oropharynx. Elle permet l'équilibration des pressions entre ces 2 éléments anatomiques lors de changements de pression dans l'environnement. À la pression atmosphérique, l'absorption continue de l'oxygène contenu dans la caisse du tympan par la muqueuse crée une dépression de 0,4 hpa/min. Toutes les 2 à 3 min environ, un mouvement de déglutition contribue à rétablir l'équipression, permettant l'ouverture physiologique de la trompe par la mise en jeu des muscles péristaphylins externes et internes insérés sur le voile du palais. La mise en communication de la caisse du tympan avec les voies aériennes supérieures permet une rééquilibration rapide des pressions.
 
Selon la loi de Boyle et Mariotte la variation de volume d'un gaz est inversement proportionnelle à celle de la pression. Normalement, lors d'une diminution de la pression ambiante, la pression dans la caisse du tympan augmente légèrement jusqu'au seuil d'ouverture passive de la TE, soit 52 hPa. Lorsqu'il existe un obstacle ou une impossibilité à l'ouverture de la TE, la baisse de la pression ambiante entraîne une surpression dans la caisse tympanique. En cas de déhiscence de la partie tympanique du nerf facial, cette surpression entraîne une compression des vasa nervorum à l'origine de la neuropraxie ischémique du nerf facial, conduisant à l'apparition d'une paralysie faciale périphérique.
 
Des expériences chez l'animal ont montré que si cette neuropraxie persiste plus de 3,5 heures, des lésions définitives apparaissent.
 
Au moins 2 mécanismes sont nécessaires pour qu'une paralysie faciale dysbarique apparaisse.
 
• Une dysperméabilité tubaire est souvent décrite dans les cas publiés, caractérisée par une inflammation locale conduisant à une difficulté à l'ouverture de la trompe d'Eustache. Ceci renforce l'idée de ne pas plonger lorsqu'il existe une infection nasosinusienne.
 
• Des expériences chez l'animal ont montré que le flux sanguin dans les vasa nervorum du nerf facial diminue s'il y a une augmentation de la pression de l'oreille moyenne transmise à travers une déhiscence du canal facial. De même, une diminution de la pression artérielle en deçà d'un certain seuil peut entraîner une neuropraxie du nerf facial si elle est inférieure à la pression capillaire de ce dernier. En effet Tzadik fait apparaître une neuropraxie lorsque la pression artérielle chute (par injection de nitroprusside IV) en dessous de la pression appliquée au nerf facial. Un état d'hypotension chez le sujet exposé à cette hyperpression localisée dans la caisse du tympan pourrait constituer un facteur favorisant.
 
Une autre théorie, pouvant expliquer le faible nombre de publications, est celle d'une infection par un virus neurotrope qui fragiliserait le nerf facial, et le rendrait ainsi plus sensible à une hyperpression dans la caisse du tympan, ce qui signifierait que c'est la conjonction de plusieurs facteurs qui serait responsable de ces paralysies faciales périphériques et non seulement une dysperméabilité tubaire. Aucune étude n'a cependant permis de la démontrer.
 
Circonstances de survenue
 
Toute diminution rapide de la pression ambiante peut être responsable d'une paralysie faciale périphérique.
 
En plongée 
En plongée en scaphandre, la pression hydrostatique augmente de 1 bar tous les 10 m de profondeur : 10 m, la pression absolue est de 2 bars, correspondant à la somme de la pression atmosphérique (1 bar) et de la pression hydrostatique (1 bar). Au cours de la descente, la fonction équipressive de la TE rétablit l'équipression entre la caisse du tympan et le rhinopharynx. Au cours de la remontée, la réduction de pression s'accompagne d'une augmentation de volume des masses d'air. Une dysperméabilité tubaire peut donc entraîner une hyperpression à l'intérieur de la caisse du tympan et une compression du nerf facial déhiscent, aboutissant alors à une paralysie faciale périphérique. La fréquence de cette déhiscence dans les cas cliniques ne peut être rapportée pour les raisons suivantes: les articles étaient trop anciens pour la réalisation d'un scanner et seules des tomographies, de faible sensibilité, montrent rarement cette déhiscence ou encore, par choix des auteurs, elle n'a pas été recherchée.
 
Des cas de rupture du tegmen tympani ont été constatés par ce même mécanisme, avec formation d'un hémopneumoencéphale consécutif au passage d'air de la caisse du tympan vers la région temporale, associé à des déchirures vasculaires. Un autre nerf crânien peut être concerné par ce même mécanisme : la branche sous-orbitaire du nerf trijéminal peut être lésée en cas d'obstacle du méat maxillaire.
 
En avion
En avion en vol à une altitude > 6 000 m (20 000 pieds), la pression cabine est rétablie à une valeur maximale de 2 438 m (8 000 pieds). Cette "altitude cabine" varie suivant le type d'appareil, et équivaut le plus souvent à 1500-2000 m. Elle correspond à une pression ambiante de 0,83 à 0,79 bar, avec un minimum de 0,73 bar. Cette hypopression par rapport au niveau de la mer entraîne une augmentation de volume des masses gazeuses de l'organisme de 20 à 30 %, suffisante pour entraîner une neuropraxie du nerf facial en cas de dysfonction tubaire: la différence de pression entre l'oreille moyenne et la pression cabine serait de 266 hPa à 8 000 pieds, pression supérieure à la pression capillaire.
  
Signes cliniques
 
Les symptômes précédant l'apparition de la paralysie faciale périphérique sont variables suivant les individus qui rapportent souvent une sensation d"oreille bouchée" ou de "plénitude de l'oreille" mais rarement une douleur de l'oreille du côté concerné. En plongée, un vertige alternobarique a été rapporté de façon concomitante : une surpression unilatérale dans la caisse du tympan stimule en effet le système labyrinthique, à l'origine du vertige. La paralysie faciale périphérique peut apparaître dans l'eau (près de la surface) ou rapidement après l'émersion. L'examen montre une paralysie faciale périphérique sur le plan moteur parfois accompagnée d'une dysgueusie avec un goût métallique ressenti et situe la lésion entre le ganglion géniculé et la corde du tympan. Un seul cas rapporte une lésion en amont du ganglion géniculé par atteinte du nerf grand pétreux avec sécheresse et douleur de l'oeil homolatéral à la paralysie faciale. L'examen à l'otoscope trouve un bombement du tympan en rapport avec la surpression régnant à l'intérieur de la caisse tympanique.
  
Prise en charge
 
La prise en charge de ces paralysies dysbariques doit se faire dans les 3 heures, car le risque de lésions axonales définitives apparaît après ce laps de temps. Le but est soit de diminuer la pression à l'intérieur de la caisse du tympan, soit d'augmenter la pression capillaire afin qu'elle soit supérieure à celle de l'oreille moyenne.
 
Pour diminuer la pression dans la caisse du tympan, des manoeuvres simples ayant pour but de vider la caisse doivent être essayées. Un bâillement, des déglutitions vont par contraction des muscles péristaphylins favoriser l'ouverture de la trompe d'Eustache. La manoeuvre de Toynbee (inspiration nez pincé suivie d'une déglutition) favorise une dépression et crée une aspiration de l'air contenu dans la caisse du tympan. L'utilisation de décongestionnants locaux a le même but diminuer l'oedème de la trompe d'Eustache et de son méat dans le rhinopharynx pour permettre à l'air contenu dans la caisse du tympan de s'évacuer. En dernier recours, une myringotomie permet d'obtenir l'équipression.
 
En avion, la variation de pression dans la caisse du tympan est résolue à l'atterrissage, à condition que l'altitude d'atterrissage soit inférieure ou égale à celle du décollage, faisant disparaître les signes de paralysie faciale. Lors de récidives fréquentes, une mise en place d'un aérateur transtympanique permet aux sujets concernés de voyager sans problème.
 
Un autre moyen thérapeutique est d'assurer une oxygénation locale suffisante. L'augmentation du contenu sanguin en oxygène, par inhalation d'oxygène à fort débit, s'oppose aux effets de l'ischémie ; l'air contenu dans la caisse est progressivement éliminé par ventilation de la trompe d'Eustache, ou résorbé localement.
 
L'oxygénothérapie hyperbare, généralement avec une mise en pression peu importante de l'ordre de 1,2 ATA (atmosphère technique absolue) avec respiration d'oxygène pur, a été utilisée pour traiter ce type de barotraumatisme. Cette thérapeutique combine en effet les actions de l'oxygénation et de l'augmentation de la pression ambiante: la pression à l'intérieur de la caisse du tympan diminue sous l'effet de la loi de Boyle et Mariotte, si bien que le gradient de pression entre la pression capillaire et la pression dans la caisse du tympan s'inverse, permettant une revascularisation des vasa nervorum. Dans le même principe, de rares descriptions de réimmersion dans le milieu se sont avérées efficaces.
 
Le délai de récupération sous traitement, quand il est précisé, est variable suivant la technique utilisée : la récupération totale sous oxygénothérapie hyperbare fut constatée en moins de 2 min, sous oxygénothérapie normobare à fort débit dans les 15 min. En revanche, la récupération peut se faire de façon spontanée le plus souvent entre 20 et 40 min, parfois plus rapidement en 30s ou 5 min, mais les descriptions ne permettent pas de savoir si les sujets ont utilisé une technique d'équilibration telle qu'un bâillement, une déglutition ou une manoeuvre de Toynbee. Dans tous les cas, la plupart des sujets décrivent une sensation de "libération" de l'oreille. Des séquelles motrices sont retrouvées lors d'une consultation tardive.
 
L'identification de cette affection permet d'éviter des erreurs diagnostiques pouvant avoir des conséquences thérapeutiques et professionnelles. En plongée, les paralysies faciales dysbariques, de symptomatologie périphérique, doivent être distinguées des accidents de décompression qui se caractérisent par des paralysies faciales centrales. On évitera ainsi un traitement lourd avec recompression de plusieurs heures en chambre hyperbare. Chez le plongeur professionnel, une telle erreur peut impliquer un arrêt de son activité pendant environ 6 mois.
 
 Conclusion
 
Les paralysies faciales dysbariques sont des paralysies faciales périphériques que l'on rencontre lors d'une diminution de la pression ambiante. Elles concernent des sujets ayant une dysperméabilité tubaire due le plus souvent à une infection rhinopharyngée. D'autres éléments comme une infection par un virus neurotrope qui fragilise le nerf facial pourraient jouer un rôle important associé à un état d'hypotension. Elles ont lieu au cours de plongées en scaphandre ou lors de vols en avion. Des manoeuvres simples sur place peuvent faire disparaître les symptômes. Que ce soit en mer ou en vol, des conseils peuvent être donnés pour diminuer la pression à l'intérieur de la caisse du tympan : déglutition, bâillement, manoeuvre de Toynbee, utilisation de décongestionnants locaux (si disponibles), voire la mise sous oxygène au masque à haute concentration que l'on trouve aisément dans les 2 circonstances. Elles peuvent être évitées en s'assurant d'une fonction équipiessive (perméabilité) satisfaisante de la trompe d'Eustache avant de subir une variation de pression ambiante.
 
Radiopaque contrast dye in nasopharynx reaches the middle ear during swallowing and/or yawning
Winther B et al
Acta Oto-Laryngologica
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The role of the Eusatchius tube and the tympanal muscles in yawning
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Revue de Laryngologie Otologie Rhinologie
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Yawning with regard to the respiratory organs and the ear
Laskiewicz A
Acta Oto laryngologica (Stockholm)
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Remarques sur la signification physiologique du bâillement
Lepp FH
Bull Group Int Rech Sci
Stomtol Odontol
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Evaluation of Eustachian tube function by sonotubometry: results and reliability of 8 kHz signals in normal subjects
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