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mise à jour du
11 septembre 2003
 Comptes-rendus de la société de biologie (Paris)
1905;2:11-12
Note sur le bâillement
Charles Féré
13/06/1852 - 22/04/1907
interne de JM Charcot à La Salpétrière, puis médecin de l'hospice de Bicêtre
 
Bâillements chez un épileptique Charles Féré
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière 1888 (vol 1, n°4, p163-169)
 
Epilepsie Charles Féré 1893
Les observations de la thèse de RF Trautmann en 1901

Chat-logomini

 
Le bâillement est une inspiration grande et forte indépendante de la volonté, avec écartement plus ou moins considérable des mâchoires et suivie d'une expiration prolongée (Littré). C'est une contraction spasmodique de tous les muscles inspirateurs qui est précédée et provoquée par une période de respiration superficielle (1) exprimant un besoin d'air, et plus facile à constater chez certains malades sujets au bâillement fréquent.
 
Le bâillement est provoqué par la fatigue, le besoin de dormir, l'ennui, la faim, la digestion laborieuse, la monotonie des sensations ou des actes. Il se présente dans des conditions très variables : Buffon l'attribue à la douleur ou au plaisir. Cette dernière cause peut inspirer le doute ; pourtant on peut vérifier l'observation de Mantegazza signalant que des jeunes filles qui voient entrer dans un salon une personne sympathique de l'autre sexe étouffent des bâillements ; ce phénomène n'est pas exclusif aux jeunes sujets du sexe féminin. Il peut exprimer la contrainte.
 
Le bâillement est contagieux, l'imitation le produit: excité par la vue ou par l'ouïe il peut être provoqué par une image mentale (Ch. Richet). Cette circonstance peut laisser un doute sur l'origine des bâillements que je vais signaler; mais leur association a peut-être plus d'intérêt que leur cause.
 
Quand on répète à l'ergographe l'effort a des intervalles courts et égaux, il se produit des oscillations du travail, des alternatives de baisse et de relèvement, généralement peu marquées sauf dans le cas d'échauffement, et dont on ne peut pas toujours déterminer la cause (distractions, images, excitations sensorielles, etc.); mais au cours d'expériences nous avons relevé une cause particulière constamment provocatrice de baisse notable et momentanée du travail.
 
J'étais resté dans le doute sur les résultats des expériences relatives à l'orientation (2); j'en ai fait d'autres et en particulier dans lesquelles j'ai travaillé les yeux clos pendant toute l'expérience comprenant vingt efforts séparés par une minute de repos. Au cours de ces expériences se sont manifestés généralement plusieurs fois des bâillements inusités dans les expériences analogues, à défaut de l'obscurité dont l'effet est dépressif (3). Le bâillement ne s'est jamais produit pendant le travail, mais seulement pendant les intervalles de repos. Quand le bâillement se manifeste dans la dernière moitié du temps de repos, il est suivi par une dépression du travail très notable (1/4 à 1/3). Quand on constate une dépression moindre mais suffisante pour caractériser une fatigue inusitée, c'est que le bâillement va se produire et accentuera la dépression à l'effort suivant. Dans tous les cas il se fait un relèvement consécutif, à moins que les bâillements se succèdent en prolongeant la dépression.
 
La réalité de la dépression de l'activité volontaire corrélative avec le bâillement n'a pas seulement un intérêt physiologique, mais aussi un intérêt clinique. Je connais un épileptique qui est débarrassé de ses grands accès convulsifs mais il est sujet à des bâillements à propos desquels il lui arrive assez souvent de lâcher un objet qu'il tenait à la main ; il prétend qu'il ne perd pas connaissance. Il faut attendre les effets du traitement sur les bâillements parétiques, avant de juger leur nature: ils peuvent constituer une exagération d'un état normal, et non pas d'un symptôme épileptique.
 
(1) Ch. Féré. Bâillement chez un épileptique (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1888, p. 165). - Les épilepsies et les épileptiques, 1890, p. Ob.
(2) Note sur l'influence de l'orientation sur l'activité, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1901, t. LVII, p. 244. - Les expériences récentes ne font que confirmer les anciennes, elles seront communiquées.
(3) Ch. Féré. Travail et plaisir etc., in-8, 1904, p. 102, 119-121.
 
 
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Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier