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mise à jour du
21 février 2002
Bulletin intérieur société française pour l'étude du comportement animal
1974;1:26-35
Revue sur le comportement de bâillement chez les vertèbrés
Bertrand L. Deputte
Directeur de Recherche au CNRS , UMR 6552 - Université de Rennes 1. Station Biologique 35380 Paimpont
Index de tous les travaux du Prof BL Deputte

Chat-logomini

Le bâillement, dans l'espèce humaine est une activité exempte de toute ambiguité quant à son schéma moteur d'exécution. La multiplicité de ses circonstances d'apparition rend floue sa causalité et discutée sa fonction. Avant d'aborder ce qu'il peut être dans l'ensemble des classes de Vertébrés, nous extrairons de la définition qu'en donne Comroe pour l'espèce humaine, deux caractéristiques : - une caractéristique musculaire :"Ecartement large des machoires" et aussi "Extension et raideur des extrémités et du tronc". - Une caractéristique respiratoire : "Inspiration longue ... suivie d'une expiration lente".
 
C'est à partir de ces deux caractéristiques, respiratoire et musculaire d'étirement que l'on peut rechercher la présence ou l'absence du bâillement dans les différentes espèces animales, voire dénoncer certaines ambiguités. En première approximation, c'est une activité que l'on retrouve chez tous les Vertébrés, des Poissons aux Primates. Si le bâillement est souvent mentionné, il est rarement décrit et très rarement étudié dans ses caractéristiques motrices ou fonctionnelles. Si l'on se réfère encore une fois à ses deux composantes respiratoire et musculaire (étirement) on doit le distinguer de tous les autres mouvements d'ouverture de bouche comme le "Gaping" des Oiseaux ou des Reptiles ou les mimiques "Bouche ouverte" ("Open mouth displays").
 
Certains auteurs travaillant sur les Poissons et les Oiseaux se sont trouvés confrontés à ce problème d'analogie entre la bâillement tel qu'il est défini dans l'espèce humaine et ce qu'ils observaient chez les représentants de ces deux classes de Vertébrés. Chez les Poissons, les auteurs ont dénoncé la confusion possible en définissant le terme "Yawning" ou "Gähnen" avec précision et en insisant sur la composante d'étirement sans pour autant omettre la composante respiratoire malgré la présence de la respiration branchiale.
 
Par contre chez les Oiseaux, la confusion entre le "vrai" bâillement et des mouvements l'ouverture de bouche décrits comme des bâillements est possible. McKinney et d'autres auteurs préfèrent utiliser le terme "Jaw-stretching" (étirement des machoires) évitant ainsi une analogie discutable . En revanche Heinroth affirme que le bâillement n'existe pas chez les Oiseaux. Que les bâillements décrits chez les différentes classes de Vertébrés possèdent les 2 caractéristiques d'étirement et de respiration ou seulement celle d'étirement, ils apparaissent dans 2 grandes catégories de. situations : dans les situations de repos, dans les situations de conflit (- soit dans un contexte agressif - soit dans un contexte sexuel.)
 
Les situations de repos comprennent les phases précédant ou suivant le sommeil et les phases de repos diurne. Ces situations sont en partie équivalentes à celles que Comroe définit chez l'homme comme des situations "ayant en commun un état de diminution de conscience de l'environnement".
 
Le bâillement de "repos" semble présent chez toutes les classes de Vertébrés , il apparait avec l'ensemble des mouvements dits de "confort", étirement, grattage, nettoyage etc ... En outre, dans ces circonstances l'étirement du corps ou des membres et le bâillement sont souvent associés. Cette association peut donner lieu à une véritable corrélation positive : le "Räkeln-Syndrom". Cette corrélation peut n'être que relative selon la définition de Von Holst. A l'opposé, d'autres auteurs soulignent que bâillement et étirement sont 2 activités indépendantes l'une de l'autre. Il est plus probable quand l'animal est en position de repos, dans des phases d'inactivité, le mouvement semblant inhiber son apparition. Le bâillement, associé ou non à d'autres mouvements de confort, est comme eux lié au rythme d'activité journalier étant susceptible de subir des modifications saisonnières. En outre, il est lié à l'ontogénèse. Il est signalé la plupart du temps comme une activité précoce. Sa fréquence d'apparition évoluerait au cours de la croissance de l'animal. Si certains primatologues voient sa fréquence, chez les mâles, augmenter du jeune à l'adulte en fonction de la taille des canines, d'autres auteurs voient sa fréquence diminuer au cours de la croissance. Cette raréfaction serait due à un ralentissement du métabolisme respiratoire confirmant la dépendance étroite entre le bâillement et milieu interne Ce fait est aussi valable pour les Homéothermes que pour les Poekilothermes : les jeunes Poissons, en particulier, respirant plus vite que les grands.
 
Le bâillement apparait soit avant le sommeil soit avant et après mais le plus souvent après. De ce fait, et en raison de sa liaison avec le métabolisme respiratoire, il serait caractéristique d'un certain niveau bas d'éveil, par ses deux composantes, respiratoire (et son influence sur la circulation) et d'étirement (liaison avec le tonus musculaire). Il pourrait jouer un rôle dans la régulation thermique. Mais le bâillement peut apparaitre lors des situations liées au repos ou à la somnolence, lorsque l'animal est en conflit, conflit se produisant le plus souvent dans des contextes agonistiques liés au comportement social (comportement sexuel inclus). Dans ces circonstances il est décrit comme étant en général plus rapide, répétitif à fréquence élevée. On note de plus toutes les ouvertures de bouche possibles et cela semble avoir une influence sur la répétitivité de l'acte : un bâillement rapide et incomplet ayant plus de chance d'être suivi par un second bâillement qu'un bâillement profond.
 
Ce type de bâillement semble être général chez les Vertébrés. Il est fréquent, dans les études faites sur les Primates, de ne trouver décrit que le bâillement qui apparait dans les situations de conflit, (toutefois quelques espèces en sont dépourvues). Il est alors nommé "bâillement de tension" ou "tension yawn" ou encore "bâillement de menace" ou "Threat yawn". Il apparait comme étant soit une activité de déplacement ayant ou non une valeur de signal ; soit un élément du complexe comportemental agonistique. Les situations de conflit peuvent être naturelles ou provoquées expérimentalement : - naturelles -en liaison avec le comportement sexuel - en liaison avec le comportement social (tension à l'intérieur d'un groupe au entre groupes -en présence d'une stimulation extérieure au groupe - expérimentales, - par des techniques d'introduction en liaison avec le comportement sexuel ou avec le comportement social. L'ensemble des conflits est du type Approche-Evitement.
 
Dans les situations énoncées ci-dessus, le bâillement de "conflit" du point de vue de son schéma moteur peut être identique ou différend du bâillement de "repos". Il correspond alors à une activité de déplacement telle que la définissent Duncan. Cela nous conduit à penser, à la suite des observations de Sauer et des travaux de Delius sur les Oiseaux que le bâillement de "conflit" assumerait comme les autres activités liées au sommeil apparaissant dans les situations de conflit (accroupissement; "raccourcissement" du cou) une fonction de De-Arousal. Mais on peut aussi penser, à la suite des travaux de Andrew que le stress induit par les situations de conflit peut reproduire un environnement physiologique identique à celui observé dans les situations suivant le sommeil (inverse du De-Arousal) mais aussi le précédent. Cet environnement serait caractérisé par une vaso-constriction des vaisseaux périphériques provoquant un abaissement de la température corporelle. Le bâillement de tension serait une activité de déplacement non parce qu'elle apparait "hors du contexte" (puisque les stimuli proprioceptifs du bâillement autochtone sont présents) mais parce qu'il apparait dans des situations de conflit.
 
Un seul auteur Rasa , semble-t-il,a tenté une approche, indirecte, de l'environnement physiologique, en injectant dans un aquarium contenant des Pomacentridés, de l'A.C.T.H. ce qui a eu pour effet d'augmenter pendant un certain temps la fréquence des bâillements de ces Poissons. L'injection d'A.C.T.H. aurait reproduit artificiellement l'état interne de "haute excitation induite par la frustration". Lebâillement de tension-activité de déplacement peut avoir une fonction de déclencheur social visuel. Cela semble être le cas chez de nombreuses espèces de Primates. Il faut alors distinguer la direction du bâillement. Le bâillement de "conflit" dirigé vers un congénère est plus probablement suivi d'attaque et agirait donc comme une véritable menace. Néanmoins lorsqu'il n'est pas dirigé il peut être l'expression du conflit Attaque-Fuite, dans la mesure où le Looking-away serait un moyen d'éviter les interactions en refusant le contact visuel. üans ce cas la valeur communicative de l'acte serait faible (12,31)
 
Le bâillement dirigé, considéré comme un véritable élément de menace, aurait pour but l'exhibition des canines chez le mâle. Cette opinion ne fait pas l'unanimité dans la mesure où les bâillements de ce type existent chez les femelles et où en expérimentant sur la communication visuelle, un bâillement dirigé provoque la même quantité de réponses positives que le Lipsmacking considéré comme une activité d'apaisement.
 
En résumé dans les situations de conflit le bâillement apparaitrait soit - comme une activité de déplacement - comme un élément de communication visuelle inclus dans des séquences agonistiques.
Nous sommes donc en présence de trois catégories de bâillement classées selon la situation d'occurence:
- bâillement de "Repos" - bâillement de "Conflit" - bâillement de "Conflit" dirigé
 
Si les causalités sont différentes quant à l'environnement externe, on peut supposer une identité d'environnement interne pour le bâillement de "repos" et pour la bâillement de "conflit" - Activité de déplacement. Le bâillement de "repos" serait une conséquence de l'"ambiance" physiologique de l'entrée en sommeil ou du réveil et non un acte responsable de l'apparition de ce comportement. La similitude de causalité interne se traduira par une identité de fonction, celle d'augmenter la température corporelle à la suite d'un refroidissement induit par une vaso-constriction des vaisseaux périphériques, (fonction homéostasique). Le bâillement de "conflit" dirigé se distingue apparement des deux autres quant à sa fonction, (menace) Même si le bâillement est un comportement peu fréquent chez la plupart des Vertébrés hors des périodes de sommeil ou de repos, sa réapparition dans les situations conflictuelles chez de nombreuses espèces, pose un problème. La recherche de sa solution passe par la recherche directe ou indirecte de l'identité ou de la différence de sa causalité interne.
 
Ethological study of yawning in primates Deputte BL
Behavioral effects of an antiandrogen in adult male rhesus Macaques
Some comparative aspects of yawning in Betta splendens, Homos sapiens, Panthera leo, Papio sphinx R Baenninger
Yawning in old world monkey, Macaca nigra Hadidian
The influence of age, sex, rank on yawning behavior in two species of macaques Troisi A, Aureli F
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Pandiculation: the comparative phenomenon of systematic stretching AF Fraser

Derived activities: their causation; biological signifiance, origin and emancipation during evolution
Tinbergen N Quart Rev Biol 1952;27:1-32
 
An interpretation of the "displacement phenomenon"
Bindra D British J Psychology 1959:32:236-268
 
Displacement activities and arousal
Delius J Nature-1967;214:1259-1260
 
Displacement activities as a behavioral measure of stress in nonhuman primates and human subjects
Troisi A Stress 2002;5(1):47-54
 
A modest proposal: displacement activities as an indicator of emotions in primates
Maestripieri D, Schino G, Aureli F, Troisi P Anim Behav 1992;44:967-979
 
The effects of fluoxetine and buspirone on self-injurious and stereotypic behavior in adult male rhesus macaques
Fontenot MB, Padgett EE et al Comp Med 2005;55(1):67-74
 
Effects of outdoor housing on self-Injurious and stereotypic behavior in adult Male Rhesus Macaques (Macaca mulatta)
Fontenot MB, Wilkes MN, Lynch CS J Am Ass Laboratory Animal Science 2006; 45(5):35-43
 
Extinction deficits in male rhesus macaques with a history of self-injurious behavior
Lutz C, Tiefenbacher S, Meyer J, Novak M. Am J Primatol 2004;63(2):41-48
 
Inhibition of social behavior in chimpanzees under high-density conditions
Aureli F, de Waal FB Am J Primatol 1997;41(3):213-28
 
Frequencies and contexts of gape yawn displays of free-ranging Patas Monkeys
Zucker EL, Gerald MS, Kaplan JR Am J Primatol 1998;45(2):215
 
Pandiculation: the comparative phenomenon of systematic stretching
Fraser AF Appl Anim Behav Sci 1989;23:263-268
 
 An ethological interpretation of stereotypy induced by environmental stimulus
Beckmann H, Zimmer R Arch Psychiatr Nervenkr 1981;230(1):81-89
 
Revue sur le comportement de bâillement chez les vertébrés.
Deputte BL Bull interne société française pour l'étude du comportement animal.1974;1:26-35.
 
Uber das Gähnen bei Vögeln
Bergmann H Die Vögelwelt 1966;87(5):134-138
 
Zur Frage des Gähnens bei der Vögel
Löhrl H Die Vögelwelt 1967;88(3):85-86
 
Maintenance activities
Dilger W Zeitsch. Tierpsychologie 1960;17:649-685
 
Yawning in the Greenfinch
Harrison JO AUK 1968;55:511
 
Yawning and other maintenance activities in the South African Ostrich
Sauer EG, Sauer EM The Auk 1967;84:571-587
 
Zum geruchlichen Beutefinden und Gähnen der Kreuzkröte
Heuser H Zeitschrift für TierPsychologie 1958;15:94-98
 
New evidence for a locus coeruleus norepinephrine connection with anxiety.
Redmond DE, Wang Y Life Sciences 1979;25(26):2149-2162
 
Limbic-midbrain lesions and acth-induced excessive grooming
Colbern D et al. Life Sciences. 1977;21:393-402
 
Aggression does not increase friendly contacts among bystanders in geladas (Theropithecus gelada) Leone A, Mignini M, Mancini G, Palagi E. Primates. 2010;51(4):299-305.