Les internes de JM. Charcot
 
 Les biographies de neurologues
 
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
20 juin 2014
 Les biographies de neurologues
Paul Richer
17/01/1849 - Chartres - 17/12/1933 - Paris
L'attaque d'hystéro-épilepsie
 
O. Walusinski
 
extrait version française de
 
Following Charcot
A forgotten History of Neurology and Psychiatry
 
Croquis de JM. Charcot par Paul Richer
Statuette représentant une maladie de Parkinson
 
 
Paul Richer Médailleur

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Paul Richer naît à Chartres le 17 février 1849, fils de commerçants en draps et tissus. Sur le chemin de l'école, il contournait tous les jours la célèbre cathédrale, dont les façades sont ornées d'innombrables personnages à même de stimuler l'imagination du jeune Paul. La vue des tailleurs de pierres, réparant l'édifice, n'est sans doute pas pour rien dans le goût que P. Richer manifestera pour la sculpture. Malicieux et fort turbulent, ses parents furent obliger de le changer plusieurs fois d'écoles, ses bouffonneries exaspérant ses professeurs. Las, ils se rangèrent à l'idée de le placer dans une pension disciplinaire, chez les frères maristes à Montluçon en 1865. Un professeur de dessin y remarqua ses aptitudes graphiques de premier ordre et l'encouragea à se perfectionner. Après le baccalauréat obtenu en 1869, il commence ses études de médecine quand éclate la guerre avec la Prusse. Affecté aux ambulances de Dujardin-Baumetz, il eut le baptême du sang à Loigny, en aidant à l'amputation de cuisse du général de Sonis. Conservé au musée du Val de Grâce, son tableau « l'ambulance de Loigny » immortalisera ses émotions. Nommé externe juste après la Commune, il dessinait toujours chez ses patrons successifs Eugène Bouchut, Jules Bucquoy, etc [33].
 
paul richer
Paul Richer interne de JM Charcot en 1878
 © Extrait de l'Album de l'internat de La Salpêtrière conservé à la Bibliothèque Charcot à l'hôpital de la Salpêtrière
(Université Pierre et Marie Curie, Paris)  
 
Marc Séé publie, en 1875, « Recherches sur l'anatomie et la physiologie du coeur », richement illustré de dessins réalisés par son externe. Quelle amer déception pour P. Richer, lorsque le livre paraît. Il s'aperçoit que nulle part ne figure son nom comme illustrateur de l'ouvrage. Désormais, il signera tous ses dessins ! Le 23 décembre 1874, il est nommé troisième à l'internat, collègue de promotion de Jules Déjérine et Maurice Letulle. C'est ainsi qu'au cours d'un stage chez Théophille Gallard, à l'hôpital de la Pitié, il décorera la salle de garde d'une fresque au fusain, assurant sa renommée parmi ses collègues et patrons. JM. Charcot préside en 1874 la thèse de Henri Meillet, intitulée « Des déformations permanentes de la main au point de vue sémiologique médicale ». L'auteur, ami de P. Richer, l'avait sollicité pour illustrer son travail. JM. Charcot fut subjugué par la beauté des dessins et proposa immédiatement à P. Richer de venir le rejoindre à La Salpêtrière pour y finir son internat [34].
 
Encouragé par DM. Bourneville, P. Richer s'engage, sous la direction de JM. Charcot, dans sa thèse « Etude descriptive de la grande attaque hystérique, ou attaque hystéro-épileptique et ses principales variétés ». Passant des heures innombrables dans les salles de malades, il guettait un geste, une attitude, une expression, transcrite rapidement sur le papier. Au final, cette thèse, soutenue en 1879, magnifiquement illustrée, lui servit de base pour la publication, en 1881, de son livre « Etudes cliniques sur l'hystéro-épilepsie ou grande hystérie ». En 1882, JM. Charcot le nomme responsable de son laboratoire. Son patron, ami d'artistes, collectionnait les oeuvres d'art. Il trouva en P. Richer un amateur d'art l'aidant à publier toute une série de critiques scientifiques d'oeuvres d'art, paraissant dans la Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière. Jean-Baptiste Charcot, le fils du maître, fréquentait, enfant, le laboratoire de La Salpêtrière où P. Richer lui faisait découvrir des jouets électriques, grande nouveauté à cette époque. Son témoignage nous est précieux. Il nous apprend que P. Richer était affecté de daltonisme, ce qui explique qu'il ait préféré apprendre la médecine plus que la peinture et que son oeuvre soit uniquement composée de croquis et dessins puis plus tard de gravures et de sculptures, mais jamais de peintures. Comme nous le précise P. Legendre, « l'artiste a fini par l'emporter sur le médecin ». Membre de l'Académie de Médecine depuis 1898, il succède en 1903 à Mathias Duval (1844-1907) à la chaire d'anatomie artistique à l'Ecole des Beaux Art. « Le professeur possédait avec une égale maîtrise l'anatomie, la physiologie, le dessin et le modelage ». Il exécutera de nombreux monuments à la gloire de la médecine française : Pasteur et la découverte du charbon à Chartres en 1903, hommage à JM. Charcot et à l'hydrothérapie à Lamalou dont le buste en bronze, légué à la ville de Lamalou les Bains en 1903 par Madame Charcot, fut fondu pendant l'occupation par les Allemands [35].
 
paul richer loigny
Paul Richer Loigny, la nuit du 2 décembre 1870 (Musée des Invaides Paris)
 
Dans la Nouvelle Iconographie de La Salpêtrère, il accumule des observations d'anatomie morphologique : Le Bourrelet Sus rotulien (1886), Note sur le plis fessier (1889). Son ouvrage artistique majeur paraît en 1890, consacrant 500 pages à « L'anatomie artistique, description des formes extérieures du corps humain ». Sous doute marqué par les descriptions et préoccupations de son collègue Charles Féré sur les dégénérés, il se passionne pour « les canons scientifiques et artistiques » du corps humain publiant en 1890 puis 1893: « Canon des proportions du corps humain ». Le directeur de La Salpêtrière, sur l'insistance de JM. Charcot, avait fait aménager au Chef de laboratoire, artiste, un atelier dans les dépendances du service où il se consacrait à dessiner ses planches. C'est là que P. Richer entreprit de modeler une collection de statuettes destinées à l'enseignement de la neurologie. Ses figurations de la pathologie sont encore conservées à la bibliothèque Charcot de La Salpêtrière : une malade atteinte de paralysie glossio-labio-laryngée, un myopathique et une malade figée dans sa maladie de Parkinson [36,37]. Nous ne pouvons développer ici la carrière de sculpteur de P. Richer mais proposons un texte inédit, manuscrit de P. Richer, développant sa philosophie de la création artistique, trouvé dans un carnet datant de 1898. Il y notait des passages de livres qu'il avait lus afin de s'en servir comme citations dans ses écrits (collection privée Thomas-Scheller, Paris 6):
 pauul richer
extrait de
Une leçon de Charcot à La Salpêtrière
tableau de André Brouillet 1887
 
« La fièvre du beau, l'ardeur de l'inspiration la chaleur de l'invention, l'émotion, voluptueuse et intense de la création artistique ne se retrouvent à proprement parler que dans le premier jet d'une oeuvre d'art, l'esquisse ou la maquette. Dans l'exécution de l'oeuvre, ces sentiments violents, et dont l'exaspération empêche la continuité prolongée, font place à des sentiments plus doux mais non moins profonds La joie de créer persiste mais comme contenue cela domine tout le reste, s'étend sur toute l'oeuvre. L'inspiration et l'invention font place au choix raisonné, au discernement conscient, à la méthode scientifique, au goût artistique. Il existe, à ce moment, une grande différence entre la peinture et la sculpture, pas si grande cependant, qu'on le croirait au premier abord. La touche de peinture est définitive tandis que le travail du sculpteur sur la glaise qui obéit si facilement à son doigt doit plus ou moins disparaître dans l'exécution en matière définitive, bronze ou marbre. La touche du peintre n'est comparable dans le métier de sculpteur qu'à un coup de ciseau de l'artiste qui achève son marbre. Et comme le coup de ciseau, l'oeuvre achevée disparaît de la perfection de la forme, de même dans un tableau terminé la peinture apparaît comme d'une coulée sans trace du travail même du pinceau. Voyez Léonard de Vinci. Quelle émotion bien différente de l'ardeur qui le secoue au début, gagne l'artiste qui achève son oeuvre, au fur et à mesure que se produisent les degrés successifs de cet achèvement alors qu'il voit se présenter et se compléter l'image d'abord indécise et incorrecte de l'esquisse. Ce n'est plus la fin de la composition, l'ardeur de l'invention mais c'est la douce émotion qui naît d'une perfection qui se complète progressivement. Et sûrement, l'émoi du pontonnier qui touche au port, l'émoi du but entrevu qui s'approche, mieux que cela, l'émoi de l'amant, qui la fureur de ses sens calmés, pénètre l'âme de sa bien aimée qui se révèle peu à peu et dont l'image morale se complète et s'achève à ses yeux charmés, dans un immatériel éblouissement. Mais un bonheur ne va pas sans mélange. Autant la joie de l'esquisse est sans intimation parce qu'aveugle, autant le bonheur de l'oeuvre fut de réflexion laisse de prise à l' incertitude et au découragement. Quel désespoir si cette pierre précieuse, ce diamant pur objet de tous les soins, n'était qu'un vil morceau de verre. Quel décevant mirage si tant d'efforts n'aboutissaient qu'à l'erreur. De là les hésitations dont bien peu de grands maîtres sont exempts mais que domineront bientôt la foi en leur génie ou plutôt la force aveugle qui les pousse à créer. L'artiste crée comme l'herbe pousse, comme l'oiseau chante, comme la fleur embaume ..... »
paul richer
P. Richer termina sa carrière comme inspecteur général de l'enseignement du dessin, bien extraordinaire parcours pour un neurologue. Sa retraite n'entama pas son énergie ne cessant de produire gravures, médailles et statues, notamment celle de Alfred Vulpian, toujours visible aux abords de la faculté de médecine de Paris [33]. Il s'éteignit à 84 ans, seul de nos quatre disciples de JM Charcot, étudiés ici, à vivre vieux.
 
paul richer chartres
Monument Pasteur, Dr Roux et le charbon. Chartres
paul richer chartres
 
Références
33°) Anonyme. Biographies médicales. 1930;36:65-76.
 
34°) Gilles de la Tourette G. Le Dr Paul Richer. Le Progrès Médical. 1898;8:10.
 
35°) Prioux R. Paul Richer. Thèse pour le doctorat en médecine. Paris. 1947 n°548.
 
36°) Charcot JB. Paul Richer. Le Progrès Médical. 1934:615-618.
 
37°) Charcot JB. Paul Richer. Paris Médical. 1934;92:316-320.
 
monument JM. Charcot à Lamalou les Bains par P. Richer
 
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statuette représentant une maladie de Parkinson P. Richer 1895
 
Augustine Gleizes (1861) une hystérique à La Salpêtrière
 
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paul richer henri meillet
auteur de la thèse: "Des déformations permananetes de la main au point de vue sémiologique médicale"
Illustrée par Paul Richer et l'introduisant auprès de JM. Charcot.
 
paul richer
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paul richer
paul richer
paul richer
Stèle en hommage à Valentin Magnan (1835-1916)
Hôpital Saint Anne Paris inaugurée le 17 mars 1908