AP-HP 1884, internes en médecine de La
Salpétrière
Georges Edouard Gilles de la Tourette
(1855-1904), médecin des Hôpitaux de Paris,
neurologue de l'école de J.M. Charcot à
l'hôpital de la Salpêtrière à
Paris est le deuxième en haut à
gauche
Aux confins de la
neurologie et de la psychiatrie, l'étude du
syndrome de Gilles
de La Tourette
représente un modèle tout à fait
pertinent pour comprendre les bases du comportement, tant
sur le plan des neurotransmetteurs que sur le plan
anatomique (mise enjeu du cortex préfrontal, des
ganglions de la base et du système limbique),
génétique et peut-être immunologique.
Une meilleure compréhension de cette affection
apportera non seulement des bénéfices
thérapeutiques immédiats pour les patients,
mais également un progrès dans la
connaissance de la physiologie du
comportement.
Ce texte est extrait d'un article du Professeur M
Dugas paru en 1985 à l'occasion du centenaire de
la description princeps Le Concours
Médical 1985; 107; 26; 2543-2550
Avant d'appartenir aux descriptions médicales,
le mot « tic » était déjà
employé dans le langage familier. En 1702,
Müller divise les convulsions cloniques et toniques,
et c'est à cette époque que le mot tic est
employé pour la première fois. «
N'est-il pas significatif qu'un mot aux allures si peu
scientifiques ait pénétré de vive
force dans la terminologie médicale? Ici, le grec
et le latin ont tort, l'acception du mot tic est si
précise qu'on ne saurait imaginer une meilleure
adaptation d'une idée à un nom et d'un nom
à une idée. Il porte en lui comme une
spécificité de définition puisqu'il
se retrouve dans toutes les langues » (Brissaud,
préface du livre de Meige et Feindel, les tics et
leur traitement. Paris, Masson ed 1902). Mais, s'il est
médicalement consacré, ce terme va servir
à désigner des mouvements tout à
fait dissemblables; en 1756, André, chirurgien de
Versailles, décrit le «tic douloureux de la
face». Trousseau, dans
sa leçon : « Des diverses espèces de
chorées » (Des diverses espèces de
chorées; Clin Méd Hôtel Dieu Paris,
1873,2,264-271), donne une excellente description des
tics : « Je parle du tic non douloureux qui consiste
en des contractions instantanées, rapides,
involontaires, généralement limitées
à un petit nombre de muscles, habituellement aux
muscles de la face, mais pouvant aussi en affecter
d'autres, celui du cou, du tronc ou des membres... Chez
l'un, c'est un clignotement des paupières, un
tiraillement convulsif de la joue, de l'aile du nez, de
la commissure des lèvres, qui donnent au visage un
air grimaçant; chez un autre, c'est un hochement
de tête, une contorsion brusque et passagère
du cou se répétant à chaque instant;
chez un troisième, c'est un soulèvement
d'épaule, une agitation convulsive des muscles
abdominaux ou du diaphragme; c'est en un mot une
variété infinie de mouvements bizarres qui
échappent à toute description... Ces tics
sont en quelques cas accompagnés d'un cri, d'un
éclat de voix plus ou moins bruyant, très
caractéristique... c'est encore une tendance
singulière à répéter toujours
le même mot, la même exclamation, et
même l'individu profère à haute voix
des mots qu'il voudrait bien retenir. »
A la banalité du tic vulgaire (« il n'est
personne qui n'ait eu l'occasion de rencontrer des
individus qui en sont affectés »Trousseau),
qui constitue « non une maladie mais une
infirmité » (Charcot JM), s'oppose le tableau
impressionnant du syndrome décrit en 1885 par
Gilles de la Tourette : «Etude sur une affection
nerveuse caractérisée par une
incoordination motrice accompagnée
d'écholatie et de coprofalie » à
partir de 9 observations, ayant toutes
débuté dans l'enfance. Dès juin
1885, Charcot critiquait le terme d'incoordination
motrice : La maladie de Gilles de la Tourette «
quel joli nom pour une maladie aussi horrible »,
dira une malade de Shapiro (Shapiro AK, Shapiro E, Bruun
Rd, Swette RD, Gilles De La Tourette syndrome, New York,
Raven Press 1978) comprend trois éléments
principaux : les tics, la coprolalie et
l'écholalie. « Les tics diffèrent des
tics ordinaires par leur intensité et par la
complexité des mouvements qui simulent une
chorée (CharcotJM). Et tant que les
pédiatres ont observé des chorées de
Sydenham, l'erreur diagnostique avec le syndrome de
Gilles de la Tourette a été
fréquente. Le fait que les tics peuvent être
volontairement suspendus pendant un certain temps
explique sans doute cette remarque d'Oddo, de Marseille,
en 1899 : « Le choréique fait ses mouvements
devant le public, le tiqueur le fait dans la coulisse.
» Certains tiqueurs, après avoir
contrôlé leurs tics phonatoires, se
précipitent dans les toilettes pour «
décharger » leurs tics.
Le mérite de Gilles de la Tourette n'est pas
seulement d'avoir réuni en une description
clinique remarquable des observations jusque-là
mal individualisées (notamment les observations IX
et X d'Itard, 1825; cette dernière est la
célèbre marquise de D., vue plusieurs fois
par Charcot, décédée à 85 ans
et l'observation N° 1 du mémoire de Gilles de
la Tourette), c'est aussi d'avoir décrit
l'évolution si caractéristique de cette
affection chronique mais fluctuante. Pendant la phase
initiale, les symptômes progressent et se modifient
lentement sur une période de quelques mois. Les
anciens tics peuvent persister ou être
remplacés par de nouveaux tics. L'intensité
des symptômes croît et décroît
spontanément, ou bien ceux-ci s'accentuent
à la suite d'un stress ou s'atténuent
lorsque le sujet est motivé par une
activité non anxiogène. Les tics peuvent
être intenses pendant une certaine période,
par exemple six mois, et ensuite décroître,
spontanément, jusqu'à un niveau quotidien
à peine décelable. « La maladie
sommeille » disait Gilles de la Tourette. Ces
successions de phases d'accentuation et de diminution des
tics, les fluctuations et les modifications des tics au
cours de l'évolution sont un critère
diagnostique important. Certains tics peuvent
disparaître définitivement après une
période plus ou moins longue, d'autres peuvent
disparaître puis réapparaître, ce qui
rend délicate l'appréciation de la valeur
des traitements. Cette évolution se poursuit toute
la vie, sans que l'on observe une aggravation du syndrome
après les premières années. Voir une
observation de Charcot dans les mardi de La
Salpétière de 1887.
La pertinence de la description de Gilles de la
Tourette, qui consacrait une nouvelle entité
clinique, a plus été reconnue aux
Etats-Unis d'Amérique qu'en France. La conception
uniciste redécouverte du syndrome de Gilles de la
Tourette, surtout après les premières
publications mentionnant l'action favorable de
l'halopéridol sur les tics (Seignot JN: un cas de
maladie de Gilles De La Tourette guéri par le
R1625, Ann Med Psychol, 1961, 119, 578-579). Les
critères retenus dans le Manuel diagnostique et
statistique des maladies mentales DSM-III pour le
diagnostic du syndrome de Gilles de la Tourette
concordent parfaitement avec la description princeps de
celui-ci. Voir physiopathologie et hypothèses
étiologiques au chapitre tics
et tocs.
Présence de tics moteurs multiples et d'un ou
plusieurs tics vocaux, à un moment quelconque au
cours de l'évolution de la maladie mais pas
nécessairement de façon simultanée
(un tic est un mouvement - ou une vocalisation - soudain,
rapide, récurrent non rythmique et
stéréotypé).
Les tics surviennent à de nombreuses reprises
au cours de la journée (généralement
par accès) presque tous les jours ou de
façon intermittente pendant plus d'une
année durant laquelle il n'y a jamais eu
d'intervalle sans tics de plus de trois mois
consécutifs.
La perturbation entraîne une souffrance morale
marquée ou une altération significative du
fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres
domaines importants.
Début avant l'âge de 18 ans.
La perturbation n'est pas due aux effets
physiologiques directs d'une substance, ni à une
affection médicale générale.