La Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière porte le deuil d'un
de ceux qui ont coopéré le plus
efficacement à sa fondation. La
précoce disparition de Gilles de la
Tourette a douloureuseent ému tous
ceux qui ont collaboré avec lui au
succès de cette Revue ; ils ont
à coeur de rappeler ici la large part
de travail qui fut la sienne.
Au temps où florissait
l'enseignement de Charcot, son entouge
éprouva tout naturellement le
désir de faire connaître les
richesses cliniques et iconograpbiques
accumulées depuis de longues
années à la
Salpêtrière. La collection
d'uvres d'art intéressant la
médecine recueillie par Charcot et
Paul Richer, les belles images dues au crayon
et au burin de ce dernier, enfin
l'inépuisable série de
photographies faites dans le service par M.
Albert Londe, représentaient une mine
inconographique unique au monde, dont la
publication pouvait rendre un service
signalé à la Neurologie. Gilles
de la Tourette était alors chef de
clinique. Il s'offrit pour annexer à
cette documentation imagée les
observations cliniques et les travaux
anatomo-pathologiques correspondants. Sous
cette triple impulsion, et sous la haute
autorité du Maître, la Nouvelle
Iconographie de la Salpêtrière
fut fondée, au mois de janvier 1888.
Elle n'a cessé de prospérer
depuis 17 ans.
La collaboration de Gilles de la Tourette
fut surtout active peut les premières
années. Qu'on en juge par la simple
énumération des travaux
signés de son nom :
En 1888, L'étude et la marche de
l'hémiplégie hysiérique
étudiée par la méthode
des empreintes, Cinq cas de maladie de
Friedrich, en collaboration avec Blocq et
Huet.
En 1889, Contribution à
l'étude de la nutrition dans
l'état normal et dans la fièvre
du goître exophtalmique, en
collaboration avec Cathelineau, Contribution
à l'étude des troubles
trophiques dans l'hystérie (atrophie
musculaire et dème), en
collaboration avec Dutil, L'hystérie
dans l'armée allemande,
Considérations sur la courhe des
excrétions dans l'attaque de sommeil
hystérique, en collaboration avec
Cathelineau, De la superposition des troubles
de la sensibilité et des spasmes de la
face et du cou chez les hystériques,
De la technique à suivre dans le
traitement par la suspension de l'ataxie
locomotrice et de quelques autres maladies du
système nerveux, Un cas de
syringomyélie, en collaboration avec
Zaguelmann.
En 1890, Considérations sur les
ecchymoses spontanées et sur
l'état mental des hystériques,
Contribution
à l'étude des bâillements
hystériques, en collaboration avec
Huet et Georges Guinon, Modifications
apportées à la technique de la
suspension dans le traitement de l'ataxie
locomotrice et de quelques autres maladies du
système nerveux.
En 1892, considérations sur la
médecine vibratoire, ses applications,
sa technique.
En 1893, Deux observations pour servir au
diagnostic des paraplégies
syphilitiques, en collaboration avec Hudelot.
Charcot (article nécrologique).
En 1894 Sur un cas d'ostéite
déformante de Paget, en collaboration
avec Magdelaine.
En 1895, Le sein hystérique.
Nature hystérique de la tétanie
des femmes enceintes, en collaboration avec
Bolognesi, Notion étiologique de
l'hérédo-syphilis dans la
maladie de Little, en collaboration avec A.
Fournier, Automatisme ambulatoire, en
collaboration avec A. Fournier et K0hne, La
lésion médullaire de
l'ostéite déformante de Paget,
en coloration avec Marinesco.
En 1896, La syphilis
héréditaire de la moelle
épinière.
En 1897, Pathogènie et prophylaxie
de l'atrophie musculaire cez les
hémiplégiques, Traitement de
l'ataxie par l'élongation vraie de la
moelle, en collaboration. avec Chipault.
En 1898, Traitement de l'ataxie
locomotrice par l'élongation vraie de
la moelle épinière, en
collaboration avec Gasne.
En 1899, Un cas de syphilis
héréditaire de la moelle, en
colboration avec Durante.
En 1900, La marche dans
l'hémiplégie.
Gilles de la Tourette a également
consacré dans la Nouvelle Iconographie
de la Salpêtrière plusieurs
articles à la critique médicale
des uvres d'art.
Nous lui devons en particulier une
série d'études sur des
Caricatures satiriques contre Mesmer; la
critique d'un chapitre de Carré de
Montgeron, intitulé, le Miracle
opéré sur Marie-Anne
Couronneau. De lui aussi, le Masque de
Pascal, Un buste d'Evêque
guérissant les écrouelles, Sur
un tableau perdu de Rubens
représentant la guérison de
possédés, Un dessin
inédit d'Adrien Broureprewer, Un
bas-relief d'Alfred Boncher (Tobie rendant la
vue à son père). Son style
alerte, souvent aiguisé d'une pointe
d'ironie, donnait à ces études
un réel attrait.
Il était curieux des choses du
passé, aussi bien en
littérature qu'en Art. Il aimait
à rechercher dans les vieux livres les
passages qui peuvent intéresser le
médecin d'aujourd'hui, et
c'était un plaisir pour lui que
d'interpréter avec les connaissances
scientifiques actuelles ces observations
tombées dans l'oubli.
C'est ainsi qu'il a publié une
étude critique captivante sur
Sur Jeanne des Anges, la
possédée des Ursulines de
Loudun et en collaboration avec le professeur
Brouardel La mort de Charles IX. C'est ainsi
également qu'il se passionna pour
l'uvre de Théophraste Renaudot,
qu'il a contribué mieux que personne
à faire revivre. Il fut un des plus
ardents à réclamer une statue
pour le créateur des «
Consultations charitables » et de la
« Gazette ». Et il eut la grande
satisfaction de voir son désir
réalisé au delà de toute
espérance.
Mais ce n'est là qu'une faible
partie de l'uvre de Gilles de la
Tourette. Son principal ouvrage, qui marque
une date dans l'histoire de la
Neuropathologie est son Traité
clinique et thérapeutique de
l'Hystérie, d'après
l'enseignement de la
Salpêtrière. On y trouve,
condensés en trois volumes, tous les
travaux sous l'impulsion de Charcot, ont
été entrepris pour
l'étude de la grande névrose,
et dont un grand nombre sont personnels
à Gilles de la Tourette : La nutrition
dans l'hystérie, Les attaques de
sommeil hystérique, etc. Il a
consacré également un gros
volume à l'étude de
l'étude de L'hypnotisme et des
états analogues au point de vue
médico légal, et une
monographie aux Myélites
syphiltiques.
Enfin, il s'est efforcé d'isoler
une forme morbide, « affection nerveuse
caractérisée par de
l'incoordination motrice accompagnée
d'écholalie et d'échoprolalie
», « maladie des tics convulsifs
», communément
désignée aujourd'hui sous le
nom de Maladie de Gilles de la Tourette.
Cette brève
énumération des travaux de
Gilles de la Tourette est loin d'être
complète. Elle permettra cependant
d'en entrevoir l'étendue et
l'importance de son labeur, sutout si l'on se
rappelle que l'auteur devait
prématurément renoncer à
poursuivrir tâche, dès
l'âge de 45 ans.
Grâce à la puissante
impulsion qu'elle a reçue dès
le début grâce au concours
infatigable de tous ses collaborateur, la
Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière, pour la
prospérité de laquelle Gilles
de la Tourelte n'a ménagé ni
son activité ni son influence, est
désormais en mesure de poursuivre
l'uvre diffusion scientifique et
artistique qui fut sa raison d'être et
tient à honneur d'étendre de
plus en plus.