La lettre d'information du site
 
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
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Yawning: its cycle, its role
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Le bâillement foetal
http://www.baillement.com 
 
mystery of yawning

resolutionmini

 

 

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mise à jour du
13 mars 2002
Rev Prat Med Gen
2000;14(487):259-263.
lexique
Pourquoi bâillons-nous?
A propos d'une enquête en médecine générale
Olivier Walusinski
Le premier Holter pour les bâillements 
. l'examen clinique du bâilleur
Yawning : comparative study of knowledge and beliefs, popular and medical Walusinski O. et al.

Chat-logomini

« On se demande comment il se fait que bâiller se communique comme une maladie j e crois que c'est plutôt la gravité, l'attention et l'air de souci qui se communiquent comme une maladie; le bâillement au contraire, qui est une revanche de la vie et comme une reprise de santé, se communique par abandon du sérieux et comme une emphatique déclaration d'insouciance. » Alain, « Propos sur le bonheur», 1928
 
Résumé:
 
Objectif: Comprendre la place physiologique ou pathologique du bâillement dans la vie. A quoi sert-il de bâiller ? Le bâillement est-il un élément sémiologique utile à décrypter ? Quels médicaments influencent le bâillement? Méthode: Un questionnaire est soumis à 100 consultants tout-venant.
 
Résultats: Le bâillement, accompagné d'étirements, survient essentiellement au lever, isolément avant l'endormissement. Il accompagne différents troubles du système nerveux végétatif. Disparaissant en cas de syndrome extrapyramidal, il peut être une gêne sociale quand sa fréquence dépasse 20 bâillements par jour. Les neuroleptiques l'estompent, alors que les dopamimétiques en déclenchent des salves.
 
Conclusion: Cette étude est l'occasion d'une mise au point sur la physiologie du bâillement, sa place au cours de certains troubles neurologiques, sur l'effet des psychotropes. Elle montre que la curiosité en médecine générale permet de lever un voile sur un symptôme ignoré de la plupart des traités de neurologie ou de psychiatrie.

La finalité de nombreuses actions ou fonctions de notre corps est aisément intelligible : manger, uriner, parler, voir, etc. D'autres sont plus mystérieuses: dormir, rêver, hoqueter, bâiller. Il est curieux de constater que depuis des siècles, le bâillement ait été si peu étudié tant d'un point de vue physiologique que pathologique. Oublié comme symptôme diagnostique depuis le XIXe siècle, il n'apparaît guère dans les nombreuses publications sur le sommeil. Seules trois thèses lui ont été consacrées, en France, en un siècle. Fort de ce constat, nous avons essayé d'amorcer une enquête sur le bâillement chez des consultants en médecine générale.
 
Matériel et méthodes
 
Pendant une semaine, du 11 au 17 septembre 1998, les 100 premières personnes en consultation ont été soumises, en fin de rendez-vous, à un questionnaire, et ce, quelle que soit la cause de leur venue au cabinet (cf. encadré ci-dessous). Pour les enfants, les réponses ont été données par les parents. Cela se rapproche plus d'une enquête d'opinion que de mesures scientifiques rigoureuses. Fiche d'enquête: - Âge - Nombre estimé de bâillements par jour - Horaires - Association avec des étirements 0/N - Facteur déclenchant - Sensibilité aux bâillements d'autrui - Déclencheur vers autrui - Que procure le bâillement? - Quelle fonction a le bâillement?
 
Bâiller fait partie des actes banals, à peine conscients, de la vie quotidienne. Il leur a souvent fallu quelques instants de réflexion pour se remémorer une journée et réfléchir au nombre de bâillements. Les chiffres donnés ne sont donc qu'une estimation. Peut-être aurait-il fallu demander à chacun de noter ces événements au cours d'une journée et d'étudier les résultats a posteriori. L'enquête en aurait cependant été singulièrement complexifiée. Ce modeste échantillon de 100 patients montre néanmoins une répartition très proche en tranches d'âge des données fournies par les relevés des caisses sur la clientèle entière (tableau I).
 
Tableau montrant le nombre de personnes interrogés par tranches d'âges
Âges
Nombre
0-10 ans
15
11-20 ans
10
21-30 an
6
31-40 ans
8
41-50 ans
5
51-60 ans
13
61-70 ans
15
71-80 ans
18
81-90 ans
10
Résultats
 
Nombre de bâillements par personne
D'après notre enquête (tableau II), il existerait simultanément, au sein d'une même population, des individus qui ne bâillent jamais mais aussi des personnes pouvant bâiller plus de 20 fois par jour, ce qui est souvent (mais pas toujours) vécu comme un handicap, et parfois associé à une pathologie endocrinienne (cf. encadré p. 262). Est-ce vrai ou est-ce une absence de perception de cette activité réflexe banale? La crainte de contrevenir à certaines règles de civilité, qui édictent de ne pas bâiller en face d'autres personnes, amène-t-elle à nier une activité naturelle? A l'autre extrême, il semble que bâiller plus de 20 fois par jour soit un handicap. Soulignons que le total fait plus de 100 car une même personne peut bâiller à différents moments
 
Tableau du nombre de bâillements par jour
Bâillements à différents moments

Nb bâillements

Nb consultants

horaire

Nb Personnes

0

5

le matin

75

1-5

49

Le soir

49

6-10

30

Post-prandiaux

31

11-15

9

autres moments

12

16-20

5

sans idée

40

>20

2

Moments privilégiés
Trois moments privilégiés de la journée sont marqués par des bâillements: le matin au réveil, le soir avant le coucher, et la période digestive du midi (tableau III). Les bâillements surviennent par salves de 2 à 3 le plus souvent.
 
Les étirements
Il ressort nettement que les étirements y sont associés lors de l'éveil essentiellement (tableau IV). Les étirements se raréfient avec le vieillissement Ils majorent une sensation de bienêtre très souvent évoquée. Associés à l'idée d'un éveil musculaire, « de mise en route », ils rappellent les étirements associés à l'échauffement pratiqué par les sportifs avant l'effort. La durée du sommeil, la pratique d'une sieste ou non ne paraissent pas en modifier la fréquence.
 
Sensibilité au bâillement d'autrui
Soixante-dix pour cent des personnes questionnées disent être sensibles au bâillement de l'entourage: voir bâiller les fait bâiller (tableau V). Curieusement, peu de patients ont été capables de préciser s'ils déclenchaient le bâillement des autres. Est-ce qu'en bâillant soi-même on perd l'attention de ce qui se passe autour ? Est-ce une gêne sociale, comme une crainte d'une interprétation péjorative, d'avoir besoin de bâiller soi-même et donc de faire bâiller les autres ? Hors les bébés, grands bâilleurs, tous ont la capacité d'inhiber les symptômes les plus affichants du bâillement, mais ne peuvent empêcher le déclenchement de celui-ci.
 
Signification et fonction du bâillement
Soixante pour cent des personnes interrogées insistent sur la sensation de mieux-être qui suit brièvement le bâillement. Les autres ne savent pas. A la question de la signification, du rôle physiologique, les réponses sont très pauvres. Souvent aucune idée n'est indiquée, ou alors, est évoquée l'association à la fatigue.
 
Nb de personnes s'étirant
Nb de personnes chez qui une activité déclenche les bâillements

le matin

78

lire

11

post-prandiaux

7

regarder la télévision

28

le soir

35

spectacle

3

Le total ne fait plus 100 car on peut bâiller à différents moments.

écouter un orateur

5

travail répétitif

3

réunion de famille

2

ennui

85

sensibilité au b d'aurtrui

70

déclencheur vers autrui

12

Données actuelles sur le bâillement
 
Étymologiquement, le verbe bailler vient du vieux français bâiller dont l'origine latine bataculcere signifie être béant, ouvert [1]. C'est pour cela qu'une robe, un corsage ou une porte baille, bien que ne sachant ni respirer ni dormir!
 
Qu'est-ce qu'un bâillement?
C'est un cycle respiratoire paroxystique, comportant, durant 5 à 10 s, des mouvements se succédant toujours dans la même chronologie [2]:
- une inspiration ample, lente et très profonde avec la bouche largement ouverte (l'expansion du pharynx peut quadrupler son diamètre par rapport au repos) ;
- un bref arrêt des flux ventilatoires à thorax plein, souvent associé à des mouvements d'étirements des membres;
- une expiration passive.
 
Le tout peut s'accompagner de bruits d'intensité variable, modulables volontairement ou non. Les mouvements thoraciques et diaphragmatiques ne diffèrent en rien d'une inspiration banale, alors que l'importance de l'ouverture pharyngo-laryngée accompagnant un visible abaissement du cartilage thyroïde et de l'os hyoïde est propre au bâillement. A ce moment s'ouvrent les trompes d'Eustache, entraînant une brève baisse de l'audition; une ouverture du cardia provoque un appel d'air intragastrique responsable d'une impression de plénitude abdominale. De nombreux muscles du faciès se contractent, donnant de multiples mimiques, sans ordre précis. Les sécrétions lacrymales sont brièvement gênées dans leur écoulement par la compression des canaux lacrymaux, une larme perle alors à la paupière. Une goutte de salive déborde la lèvre largement éversée, bouche grande ouverte. Cette association complexe et synergique de mouvements est un réflexe car elle est de survenue involontaire. Mais une fois enclenché, le bâillement peut être Le soir modulé par la volonté, soit en accentuant toutes les phases, soit en minimisant l'ouverture de la bouche et l'expiration. Il survient Sans idée 40 souvent par salves de deux ou trois cycles, accompagnées de mouvements d'étirement du tronc en hyperlordose, des membres en hyper-extension (sauf au niveau des mains où paumes ouvertes ou poings fermés sont possibles) [5]. Moindre audition, paupières fermées, sensation de plénitude corporelle concourent à une relative perte de contact avec l'environnement. Le bâillement est souvent perçu comme une jouissance, un bref bien-être [7].
 
Interprétations historiques du bâillement, phylogenèse
Pendant des siècles, les explications du bâillement n'étaient que variations sur les théories d'Hippocrate: « bâiller chasse le mauvais air des poumons » ou « bâiller répartit le flux sanguin vers le cerveau» [10]. Charcot, toujours lui, donne des descriptions détaillées du phénomène et en observe d'incoercibles, d'origine neurologique ou hystérique [11]. L'étude réelle du bâillement n'est entreprise qu'en 1901 par Trautman qui, dans sa thèse, explique les mouvements respiratoires, les muscles impliqués, le contrôle neurologique de ceux-ci. Il est important de noter que le bâillement existe chez tous les vertébrés et est surtout indiscutable chez les mammifères [121. On retrouve toujours la chronologie identique des temps respiratoires associés à des mouvements d'étirement. Il semble bien exister un lien avec le degré de vigilance et le sommeil comme chez l'homme, mais aussi un code de langage non verbal exprimant une menace, une force contenue d'agressivité, de dissuasion, ou d'un leurre réduisant l'attention d'un agresseur. Suivant le mode de vie, isolé ou en groupe, la signification peut varier, exprimant sommeil, jeux, alerte, parade sexuelle [4]. Le curieux phénomène d'imitation, de contagiosité du bâillement à l'origine du célèbre dicton « un bon bâilleur en fait bâffler sept » n'est retrouvé que chez les primates supérieurs et l'homme.
 
Le bâillement est associé à la somnolence, que ce soit en état de fatigue à l'approche de l'endormissement, ou au sortir de celui-ci au réveil [13]. L'éveil semble le moment privilégié de l'association bâillements et étirements. L'ennui générateur d'une baisse de la vigilance favorise les bâillements [14]. La grossesse, la plénitude gastrique, ou le jeûne sont des circonstances où la fréquence des bâillements augmente. Le mal des transports débute par des crises de bâillements répétés. De même, lors de l'installation d'un malaise vaso-vagal [15], la sensation de malaise général s'accompagne de bâillement et de sudation. La pratique de l'échographie a montré que le foetus bâille pendant la vie intra-utérine [16]. La revue anglaise New Scientist du 10 avril 1999 rapporte un travail du centre de diagnostic prénatal de Signal Montain (Tennessee) où W Blackburn et R. Roberts estiment que le bâillement, détecté dès la 1 1e semaine, constitue un élément essentiel au bon développement pulmonaire du foetus [171. Nous avons tous constaté que nouveau-nés et petits nourrissons bâillent très fréquemment, avec des étirements prolongés.
 
Physiologie et fonction du bâillement
Oublions les théories anciennes infirmées par les explorations contemporaines (les taux d'hormones thyroïdiennes restent stables, tout comme les gaz du sang artériel ou veineux pendant et après le bâillement) [3,4]. Pendant les bâillements, on note un ralentissement des vitesses du flux carotidien plus qu'une accélération. Une structure précise comme centre du bâillement n'a jamais été identifiée. Bon nombre d'arguments cliniques et pharmacologiques permettent de penser que le bâillement fait intervenir les régions bulbaires et pontiques, avec des connexions frontales et à la moelle cervicale [1-4, 11-13, 15, 18-25]. Les muscles qui se contractent pendant le bâillement dépendent de nerfs crâniens (V, VII, IX, X, XI, XII) et cervicaux (C1-C4). Pendant les quelques heures que peuvent vivre des anencéphales, il a été noté qu'ils bâillaient et s'étiraient. Des patients atteints de locked-in syndrome, bien que paralysés, bâillent encore [26]. L'étirement par l'examinateur d'un membre en hypertonie pyramidale d'un hémiplégique peut parfois déclencher un. La régulation du sommeil et de l'éveil est sous la dépendance d'une quinzaine de circuits différents et redondants, situés principalement dans le pont (adrénergique), dans le pédoncule (dopaminergique), dans l'hypothalamus (histaminergique), dans la région basifrontale de Meynert (cholinergique). Il existe des réseaux contrôlant l'éveil qui doivent être inhibés pour que le sommeil apparaisse. Le déclenchement du bâillement pourrait intervenir « en effet latéral » de ces réseaux [19].
 
La participation du système dopaminergique
Elle peut être mise en évidence par l'administration de faibles doses d'apomorphine, agoniste mixte des récepteurs Dl -D2 des synapses dopaminergiques qui induit des bâillements [16,20,24,27,28]. De fortes doses les font disparaître au profit de stéréotypies ou de dyskinésies. Un agoniste Dl pur ne déclenche pas de bâillements, quelle que soit la dose. Ceux-ci paraissent donc induits par la stimulation des récepteurs D2 à seuil d'excitation bas (soit autorécepteurs inhibiteurs de la libération dopaminergique, soit récepteurs post-synaptiques). L'injection d'apomorphine à un patient parkinsonien déclenche un bâillement à la minute pendant les dix premières minutes, ainsi qu'en fin detest, une heure après. De même, un parkinsonien qui se «débloque» sous L-dopa bâille au moment du déblocage.
 
Le rôle de l'hypothalamus et de l'hypophyse
On a pu démontrer [25,29] que l'hypophysectomie supprime les bâillements, alors que l'ocytocine (par activation cholinergique) les induit et qu'ils sont inhibés par l'atropine. Il existe un réseau hypothalamique ocytocinergique impliqué dans le bâillement, au niveau paraventriculaire, qui reçoit des influences activatrices dopaminergiques et glutamatergiques, et des influences inhibitrices opioïdes. Ce réseau projette sur l'hippocampe d'une part et la région bulbopontique d'autre part (celle qui est probablement exécutive du bâillement) [23,24].
 
L'influence sérotoninergique
Elle est révélée par l'injection de 5HTP (hydroxytryptophane), précurseur de la sérotonine, qui potentialise les bâillements induits par l'apomorphine mais reste sans effet en son absence. Une déplétion sérotoninergique provoquée par toxique [5,7 DHT (dihydroxytryptophane) ] dans le striatum inhibe les bâillements induits par l'apomorphine. Il y aurait une modulation présynaptique des systèmes dopaminergiques du striatum par les voies sérotoninergiques provenant du raphé dorsal [4].
 
La voie cholinergique
Une voie finale cholinergique [28] est probable car la piocarpine et la physostigmine, agonistes muscariniques, sont de puissants déclencheurs des bâillements que l'atropine ou la scopolamine, antagonistes, inhibent. Ces expérimentations montrent que les voies cholinergiques sont le maillon commun à tous les mécanismes déclenchant des bâillements pharmacologiquement induits.
En résumé, il semble exister une voie mésolimbique dopaminergique (noyau A 10-septum) et une voie cholinergique (septum-hippocampe). A noter enfin que les variations circadiennes cholinergiques et dopaminergiques concordent avec celles du bâillement chez le rat [18,27-29].
 
Le bâillement symptôme
Toutes les atteintes du tronc cérébral peuvent être des causes de troubles de la vigilance associés à des bâillements répétés. Les atteintes corticales et sous-corticales les favorisent aussi. En neurologie [26], le bâillement peut être noté de façon anormalement plus fréquente dans un nombre élevé de pathologies sans être jamais constant:
 
- hypertension intracrânienne (méningite, hémorragie méningée);
- infections (trypanosomiase, tabès, poliomyélite, séquelles d'encéphalite d'herpès ou de rougeole) ;
- sclérose latérale amyotrophique; - sclérose en plaques;
- lésions vasculaires du tronc cérébral et de la capsule interne; - intoxications oenoliques ou au monoxyde de carbone;
- coma acidocétosique; - hypoglycémie;
- lésions des lobes frontaux; - myasthénie.
- le bâillement peut représenter une aura chez certains épileptiques [21,22].
 
En psychiatrie, il est un symptôme hystérique: Charcot cite une observation d'une malade bâillant 8 fois par minute soit 480 fois à l'heure! [11]. Dans le livre de Déjérine de 1914 Sémiologie des affections du système nerveux, le bâillement n'est noté comme pathologique que dans l'hystérie, cessant pendant le sommeil et réapparaissant dès le réveil, par salves de 30 à 60 min plusieurs fois par jour. Enfin, le bâillement n'est jamais signalé dans la littérature consacrée aux mouvements anormaux (maladie de Huntington, maladie des tics ou maladie de Gilles de la Tourette).
 
Il ne faut pas minimiser les causes iatrogéniques. Les traitements neurologiques ou psychiatriques (imipraminiques, valproate de sodium), la sismothérapie (bâillements et érections sont associés), le sevrage morphinique déclenchent des salves de nombreux bâillements [21,25]. Alors que les neuroleptiques type halopéridol suppriment les bâillements, ceux-ci peuvent réapparaître en accompagnement des dyskinésies tardives. Cela est à rapprocher de la rareté du bâillement chez les malades parkinsoniens qui ne s'étirent jamais. Petit signe sémiologique, la raréfaction ou la disparition du bâillement évoque un syndrome extrapyramidal [1-5,11-16,18-27,29, 30]. Signalons enfin que le bâillement peut se compliquer d'une luxation de la mâchoire dont il est la première cause.
 
PATHOLOGIE ENDOCRINE ET BÂILLEMENTS:
 
EXEMPLE n°1
 
- Une femme de 40 ans, trisomique 21, a un diabète insulinodépendant après avoir eu une maladie de Basedow. Elle est bien insérée familialement, bien équilibrée pour toutes ses fonctions endocrines. Son niveau intellectuel est élevé compte tenu de son handicap chromosomique. Mais elle ne ressent aucune entrave sociale, et ne retient aucun bâillement, en aucune circonstance. Elle en ressent un très grand bien-être et aucune gêne; seule sa mère prie de l'excuser à chaque fois!
 
 
 
 
EXEMPLE n°2
 
- Un homme de 34 ans, opéré 9 mois plus tôt d'un adénome hypophysaire pour acromégalie débutante, dit bâiller fréquemment depuis cette chirurgie.
 
Toutes ses fonctions endocrines paraissent parfaitement équilibrées. Il est le seul à évoquer une gêne sociale à ses bâillements répétés fréquents. Fait curieux, il n'avait jamais signalé spontanément une fréquence accrue de bâillements avant d'être interrogé.
Dans ces deux cas, le symptôme « bâillement » est associé à une pathologie endocrine.
Discussion et Interprétation
 
Chez les différents types de vertébrés, le système nerveux central répond à un plan général commun d'organisation, et montre, des plus anciens aux plus récents d'entre eux, une complication graduelle en rapport avec des niveaux de vie de plus en plus indépendants et fonctionnellement de plus en plus élevés. Certaines formations correspondraient à des activités nerveuses rudimentaires propres aux vertébrés inférieurs mais qui, bien que non apparentes chez les vertébrés supérieurs, n'ont pas disparu de leurs gènes. Au cours du long processus de l'évolution, des fonctions sont inhibées par une activité neurologique plus élaborée, mais pas perdue.
 
Rappelons les travaux du Pr Lapresles qui a étudié « le nystagmus du voile du palais [30]. Dans cette pathologie, le voile du palais est animé de mouvements involontaires rythmiques à 100/mm. L'anatomopathologie retrouve une hypertrophie de l'olive avec lésions ischémiques plus haut situées (noyau dentelé controlatéral). Il apparaît que la destruction de cette voie libère une fonction « enfouie », dépendant d'une structure archaïque, qui par comparaison avec les animaux à branchies, contrôlait l'automaticité des mouvements rythmiques de celle-ci. L'existence du bâillement chez tous les vertébrés peut s'expliquer comme la persistance d'une fonction archaïque, mobilisant un contrôle « enfoui» (des branchies?) libéré par brèves périodes. Plus généralement, tout mouvement anormal (tic, myoclonie, dystonie) résulte d'une libération d'une fonction par perte de son contrôle sus-jacent.
 
L'imitation du bâillement propre à l'homme évoque l'échopraxie de la maladie de Giiles de la Tourette, ou de certains syndromes frontaux. Le développement du cortex préfrontal est spécifique aux bipèdes et peut donc expliquer ce curieux phénomène. Le bâillement est-il un équivalent du tic ? Il s'en rapproche par le côté involontaire mais maîtrisable temporairement, par la sensation de besoin irrépre30ssible suivi d'un soulagement agréable, proche d'une compulsion. Rappelons que le traitement des tics par les neuroleptiques fait disparaître les bâillements.
 
 
Conclusion
 
Associé à notre état de vigilance, le bâillement apparaît donc comme une fonction « archaïque » dont le rôle prédit une augmentation d'activité du sujet. Il n'a rien à voir avec la qualité du sommeil, l'heure du coucher ou du lever. Il garde encore de nombreux mystères à éclaircir.
 
 
Remerciements au Pr Y.Agid et au Dr I. Arnulf du groupe hospitalier La PitiéLa Salpêtrière pour leurs précieux conseils.
 

Abstract : Why do we yawn?
 
Our objective is to understand the physiological or pathological meaning of
 
the process of yawning in man's life. What is the use of yawning? Is yawning a semiological element which is useful to decipher? Which drugs can influence yawning.
 
Method. A questionnaire is submitted to one hundred ordinary consultants.
 
Results. Yawning mainly occurs when getting up, usually accompanied by stretches, and isolated before falling asleep. It goes with different disorders of the vegetative nervous system. It disappears in the cases of extrapyramidal syndrome and can be socially embarrassing when its frequency exceeds twenty yawnings a day. Neuroleptics will finish it, where as dopamimetics will set off bursts.
 
Conclusion. This study was the opportunity of shedding light on the physiology of yawning, its importance in the case of some neurological disorders, and the effect of psychiatric medication. It proves that the curiosity of a general practitioner makes it possible to bring to light a symptom too often ignored by most of the treatises on neurology or psychiatry.
 
Rev Prat Med Gen 2000; 14(487) :259-63.

Références
 
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