"...seeing a dog and horse and
man yawn, makes me feel how much all animals are
built on one structure" Charles
Darwin 1838,
Notebook
La description du déroulement du
bâillement est comparable dans toutes les
espèces associant large ouverture de
bouche, temps respiratoires, étirements.
Chez les quadrupèdes le dos peut se
déformer en dos rond (carnivores - chats,
chiens).Les primates
non humains bâillent assis (mais
peuvent bâiller en marchant) avec par
exemple, soit à un haussement
d'épaules (mangabés), soit
à une contraction des muscles de la nuque
dessinant une "bosse de zébu" (macaques).
Le port de la tête se fait en
hyperextension cervicale à l'inspiration,
suivie d'une flexion à l'expiration. Il
s'associe à des émissions sonores
de modulations différentes suivant la
phase et les types de bâillements . C'est
à partir de ces deux
caractéristiques respiratoire et
musculaire que l'on peut rechercher l'existence
du bâillement dans les différentes
espèces animales, le distinguant des
autres ouvertures de bouche. Présent chez
les vertébrés depuis les poissons
à respiration branchiale (exemple :
Lepomis
macrochirus, poisson
pomacentridé, vivant en groupes
sociaux, ou Betta
splendens, ou Eupomacentrus partitus ou
les
têtards), il s'observe chez le
crocodile, les reptiles
(The problem of yawning
in reptiles Luttenberger F), l'iguane
(voir photos) et
tous les mammifères et chez
les oiseaux. Le bâillement de certains
poissons
est associé à la chasse et
l'alimentation. La chauve-souris
bâille dans des interactions sociales
proches de celles des primates. Chez les
cétacés, connus pour ne dormir que
d'un hémisphère à la fois,
la Béluga, l'Orque, possède toute
une gamme d'expressions faciales et corporelles
dont un bâillement impressionnant qui
dévoile 32 à 40 dents en cheville.
(voir baillement
d'orque). La girafe ne bâille pas,
mais dort très peu par périodes de
1 à 30 minutes. Curiosité, les
équidés qui respirent
exclusivement par les nasaux, et sont incapables
de le faire par la bouche, bâillent
néanmoins. Le poulain
est réputé pandiculer 40 à
50 fois par jour. Les bandicoots
à long nez . Le
bâillement chez le chien. Tomczyk
N.
Il semble possible d'établir une
loi : plus un animal subit une pression
vitale forte de prédateurs, moins il
dort, moins il bâille. Les carnivores
dorment plus longtemps et bâillent plus
fréquemment que les herbivores,
comme si un parallèle existe entre
bâillement, durée de sommeil et une
ration alimentaire calorifique importante, de
faible volume, rapidement
ingérée.
Chez les
primates non humains, le bâillement
de repos est commun à tous les
individus quel que soit leur âge et leur
sexe, également identique chez un
même mâle avant l'éruption de
ses canines et après qu'elles aient
atteint leur taille définitive. Il
apparait avant mais surtout après le
sommeil (ou les phases de repos diurne). Mais il
existe un autre type de bâillements
apparaissant en dehors des phases de sommeil ou
de repos, après des interactions sociales
diverses en relation avec notamment la sexualité
ou des conflits. Ces bâillements quasiment
restreints aux mâles adultes et aux
mâles qui jouent le rôle de leader
dans leur groupe peuvent être
qualifiés de "bâillements
d'émotivité", soulignant
ainsi qu'ils sont déclenchés par
une "tension psychologique". Les mâles
bâillent ainsi plus souvent que les
femelles, et cette fréquence augmente
avec l'apparition des caractères sexuels
secondaires (descente testiculaire, croissance
des canines voir photo ci-dessous), maximale
chez les mâles adultes. Le
bâillement est sous la dépendance
partielle des androgènes:
la castration de macaques mâles adultes
entrainent une diminution marquée de la
fréquence des bâillements tandis
que des injections de dihydrotestostérone
exogène rétablit la
fréquence des bâillements. Enfin
l'injection d'un antiandrogène non
stéroïdien (hydroxyflutamide)
bloque les effets d'injections de
testostérone, reproduisant les effets de
la castration. ( Frequencies
and contexts of gape yawn displays of
free-ranging Patas Monkeys EL Zucker )
Sex
homone influences on yawning behavior
Holmgren R.
Les vétérinaires connaissent
bien les bâillements
répétés des chiens dans
leur salle d'attente. Ces bâillements de
stress témoignent de la contre-action
apaisante du bâillement (activité
cholinergique para-sympathique) après la
décharge adrénegique du stress.
Assez siimlairement, l'éthologie
décrit des activités de
détente, c'est à dire
dérivatives, displacement
activities, dont le bâillement
fait partie.
Quelle
valeur communicative le bâillement peut-il
avoir dans le contexte d'un groupe social ?
Tout ce qui est visible par un partenaire peut
prendre une valeur informative. Les signaux de
communication, proprement dits, ont
été mis en forme au cours de
l'évolution pour fonctionner comme des
codes partagés par tous les individus
d'une espèce conduisant à la
modification du comportement du
congénère à qui le signal
est adressé ou qui le perçoit. Le
bâillement est potentiellement
perçu par un congénère sans
être spécifiquement adressé.
Il apparaît toujours à la fin d'une
interaction au cours de laquelle une
quantité plus ou moins grande de signaux,
stricto sensu, a été
échangée. Aucune modification du
comportement du congénère n'a pu
être mise en évidence à la
perception d'un bâillement. On ne peut
alors accorder à ce dernier qu'une valeur
communicative secondaire. Comme le
bâillement d'émotivité est
associé à un individu particulier,
il peut servir à renforcer la place
particulière que cet individu occupe au
sein du groupe. Une telle fonction ne peut
être inférée au
bâillement de repos qui lui, bien que
morphologiquement identique, n'est
associé à aucun individu
particulier. Les travaux récents
concernant le
comportement d'attachement
(mère-enfant; individu-groupe,
individu-individu ) montre le rôle
essentiel de l'oxytocine et du noyau
paraventriculaire de l'hypothalamus, comme pour
le bâillement; un lien permettant de
comprendre le baîllement d'émotivité
des primates ? (voir The
neurobiology of attachment TR Insel, LJ
Young)
En 2017
est parue la première étude
scientifique consacrée
aux baillements des
éléphants,
indiquant sa fréquence plus
élevée lors du réveil.
L'éléphant manifeste des
capacités d'empathie; en corallaire il
semble exitser une réplication alias
contagion des bâillements entre
éléphants, à moins que ce
ne soit que des comportements synchrones chez
des aniamux vivant au même rythme
veille-sommeil.
Le bâillement, testostérone
dépendant, découvre et expose
les longues canines des mâles. Les
primates non humains étant
essentiellement végétariens, une
perspective utilitariste expliquerait ce
comportement comme une exposition
ritualisée "d'armes dissuassives". Une
telle hypothèse ne résiste pas aux
faits d'observation, au moins chez les
mangabés à joues blanches et les
macaques à longue queue. Dans le cas du
bâillement d'émotivité, plus
spécifique des mâles donc plus
susceptible d'exposer des canines de bonne
taille, il apparaît à la fin des
interactions au cours desquelles de nombreux
signaux communicatifs permettant le
déroulement particulier de cette
interaction ont été
échangés. Contrairement aux autres
signaux, le bâillement, et donc les
canines, a une très faible
probabilité d'être perçu.
Une analyse électromyographique a
montré que, lors du bâillement, le
découvrement des canines est purement
passif et est lié au degré
d'ouverture maximal de la bouche. Cette
étude a souligné une
différence essentielle entre la
menace, le signal spécifique de mise
à distance, et le
bâillement. Trois
caractéristiques sont à la base de
cette différence: 1- Alors que la
durée de la menace et son
intensité sont totalement
dépendants du comportement du partenaire
auquel elle est adressée, le
déroulement du bâillement est
immuable et totalement indépendant de
quel comportement que ce soit de la part du
partenaire. 2- La menace, chez tous les
primates, consiste au moins en une fixation
visuelle intense de l'émetteur vers le
partenaire menacé. Alors que cette
fixation visuelle n'est accompagnée que
par une rétraction du scalp chez les
mangabés à joues blanches, elle
s'accompagne d'une ouverture de la bouche chez
les macaques à longue queue. Cette
fixation visuelle est maintenue tant que le
partenaire n'a pas cédé le terrain
ou mis fin à l'interaction. Le
bâillement n'implique pas
nécessairement que le bâilleur,
initialement, regarde un congénère
et une fois le bâillement est
déclenché, il implique un
relévement de la tête
accompagné le plus souvent par une
fermeture des yeux. 3- Enfin dans la menace qui
est un signal spécifique qui ne
présente aucune ambiguité pour les
partenaires, les canines restent toujours
masquées, alors qu'elles sont largement
découvertes dans le bâillement qui
n'inclut aucun indice de directionalité
vers un partenaire en particulier.Les
bâillements ne peuvent, en aucun cas,
être considérés comme des
formes de menace.Voir l'avis de Charles Darwin
en 1889 : l'expression
des émotions chez l'homme et les
animaux. (Voir le bâillement de
soumission du Morse : A
comparative study of facial exxpressions of two
species of pinnipeds E Miller)
On retrouve des
bâillements propres aux mâles
dominants chez l'hippopotame. Aucun
dosage de testostérone n'a
été pratiqué che
l'hippopotame. Mais l'imporance de l'ouverture
de la bouche, l'allongement des canines sont
caractéristiques du statut de l'animal au
sein du groupe. Curieusement ces
bâillements sont associés à
une manière particulière de
déféquer et d'utiliser la queue
pour disperser les déjections, notamment
avant un combat ou pour intimider un autre
mâle ou une femelle.
Chez les mammifères sauf l'Homme,
bâillement et érection sont
associés. Les mécanismes
physiologiques ne sont pas tous
élucidés. A noter le rôle
des aires
préoptiques latétales dans le
déclenchement de l'érection
associée au sommeil paradoxal.
Le bâillement nait dans des structures
archaïques du cerveau communes à
tous les vertébrés.Chez les
différents types de
vertébrés, le système
nerveux central répond à un
plan général commun
d'organisation, et montre, des plus anciens aux
plus récents d'entre eux, une
complication graduelle en rapport avec des
niveaux de vie de plus en plus
indépendants et fonctionnellement de plus
en plus élevés. Certaines
formations correspondraient à des
activités nerveuses rudimentaires propres
aux vertébrés inférieurs:
chordencéphale, centre de réflexes
locaux et régionaux (tronc
cérébral). Le
mésencéphale des reptiles
véritable cerveau primitif (voies
senitives centripètes, et motrices
centrifuges) devient le lieu de centres
secondaires chez les mammifères à
écorce ou pallidum
développé. Ces activités
nerveuses rudimentaires, bien que non apparentes
chez les vertébrés
supérieurs, n'ont pas disparu de leurs
gênes. Au cours du long processus de
l'évolution, des fonctions sont
inhibées par une activité
neurologique plus élaborée, mais
non perdues. Voir un tableau
synthétique de la
phylogénèse du système
nerveux.
le bâillement de
l'anguille
Rappelons les travaux du Professeur Jean
Lapresles qui a étudié
"le
nystagmus du voile du palais" (ou
myoclonie du voile du palais) : dans cette
pathologie, le voile du palais est animé
de mouvements involontaires rythmiques à
100 par minute. L'anatomo-pathologie retrouve
une dégénérence
hypertrophique de l'olive avec lésions
ischémiques plus hautes situées
(accident vasculaire du noyau dentelé
contro-latéral; relation somatotopique de
ces structures). Ainsi est mise en
évidence une voie dento-olivaire
(l'hypertrophie de l'olive résulte d'un
fibrose par perte neuronale de
désafférenatation progressive) .
Ces territoires commandent le voile du palais et
correspondent aux cinq premiers arcs branchiaux.
Ce petit mouvement rythmique involontaire est
interprêté comme un homologue d'un
réflexe respiratoire chez les vertébrés
porteurs de branchies. Réflexe
enfoui, constamment inhibé mais qui
répparait sous forme de clonies
rythmées lorsques structures qui le
contôlent sont détruites. Ainsi, au
cours de l'évolution le système
nerveux utilise tout et n'oublie rien. Les
fonctions de déglutition et de
respiration, solidaires chez les espèces
aquatiques par proximité du pharynx et
des arcs branchiaux, le sont encore chez les
espèces aériennes où elles
sont subtilement synchronisées.
Déglutition et bâillements sont des
marqueurs qualitatifs de maturation du tronc
cérébral.
L'existence du bâillement chez tous
les vertébrés peut s'expliquer
comme la persistance d'une fonction
archaïque, et ayant un rôle de
langage non verbal. Alors que chez les humains,
le bâillement public a souvent une
signification sociale défavorable, chez
les animaux, le bâillement est plus
fréquent chez les individus en groupe
qu'isolés. (voir article intégral
de Baenninger : Some
comparative aspects of yawning)
Il semble que les carnivores bâillent
est plus fréquemment que les herbivores,
que plus un animal est sur ses gardes en raison
d'un risque vital par pression de
prédateurs, moins il dort moins il
bâille. C'est la richesse de l'apport
calorique sous un petit volume rapidement
ingéré qui permet aux carnivores
un luxe de sommeil et donc de bâillements.
L'herbivore doit manger beaucoup plus longtemps
et ne peut dormir autant, et bâillant donc
moins.
Des études menées chez le
chien domestique indiquent que des
bâillements répétés
peuvent témoigner
d'anxiété, en particulier en cas
de séparation d'avec le maître
(dosage du cortisol salivaire): Stretching
and yawning as stress's
symptom by animals.
Enfin, il semble que le bâillement
puisse devenir un réflexe
conditionné comme les test de
renforcement par des récompenses
alimentaires l'ont montré chez des
primates non humains:
Louboungou
M, JR Anderson Yawning, scratching, and
protruded lips : differential conditionability
of natural acts in Pigtail Monkeys Primates
Anderson JR,
Wunderlich D Food-reinforced yawning in
Macaca tonkeana American Journal of
Primatology