Il est nécessaire d'évoquer
les interpretations diverses du comportement dit
de « bâillement »
Les Sauer
montrent chez l'Autruche qu'il participe
à la régulation de l'état
physiologique; il est d'abord induit, puis
activé par des stimuli endogènes,
mais il peut être facilité et
dirigé par des stimuli de l'environnement
si l'animal est suffisamment motivé.
Comme cela semble également le cas chez
beaucoup d'animaux, il est corrélé
avec l'apparition de la fatigue; il intervient
quand les activités motrices sont
réduites à un minimum et joue un
rôle de relaxation de la tension dans un
groupe, conduisant ainsi à
l'endormissement collectif.
Tout à fait à l'opposé
se situe le « bâillement» des
Poissons (Rasa,
1971), qui n'est pas associé à
l'endormissement ou à une chute de
tension, mais davantage à un
accroissement d'activité, il ne semble
pas ici associé à la physiologie
respiratoire et n'est pas contagieux dans le
cadre social. Par contre, il
élèverait plutôt le niveau
de l'activité cinétique du Poisson
jouant un rôle régulateur des
équilibres entre cette activité et
l'excitation interne. En effet, si on
élève artificiellement le niveau
d'activité motrice, même si le
niveau d'excitation est fort, la
fréquence de bâillement diminue. Un
faible niveau de motricité lié
à un fort niveau d'excitation augmente la
fréquence du bâillement; il en est
de même si on ajoute de l'ACTH à
l'eau de l'aquarium.
Par une étude minutieuse du cerveau
antérieur et du tronc
cérébral du Goéland et de
la Mouette rieuse avec des stimulations
électriques, Delius
(1967) parvient à délimiter des
loci correspondant au comportement de toilettage
et à les distinguer d'autres loci
correspondant à l'induction d'autres
activités. Or, dans bien des cas (et avec
une différence significative) la
stimulation des loci liés aux
comportements de toilettage provoque (avec des
fréquences variables) des comportements
ou des postures comme regard fixe dirigé
vers le bas, picorage, bâillement,
accroupissement, relaxation, sommeil. Les
mouvements de mandibulation, de secouage de
tête, les mouvements latéraux de la
queue peuvent être induits par la
stimulation des mêmes régions.
Deliss en vient à penser que le
comportement de toilettage peut être
inclus dans les signes d'activation d'un
système plus ou moins unitaire conduisant
au de-arousal (diminution de l'état de
vigilance conduisant à l'endormissement).
Comme des drogues hypnotiques (pentobarbitol,
tribromoéthanol) induisent
également du comportement de toilettage
et les autres mouvements cités ci-dessus;
comme des corrélations du même type
ont pu être faites sur le Chat et le Rat,
on peut penser que le toilettage et
peut-être d'autres comportements
apparaissant lors de déplacements sont
plus ou moins sous le contrôle des
mécanismes physiologiques responsables du
sommeil.
Ceci se compare au fait que, dans les
conflits, les frustrations, les oppositions,
l'animal semble souvent (mais pas toujours)
être très
éveillé.
Delius suggère alors que, si un
conflit peut avoir un effet augmentateur de
l'éveil, les comportements de
déplacement comme le toilettage seraient
l'expression sur le plan moteur de la mise en
jeu d'un mécanisme homéostasique,
lequel s'opposerait à l'augmentation
d'éveil par l'activation d'un
système inhibiteur du même
éveil.
Ceci rejoint les conceptions de Berlyne qui
a suggéré l'existence d'une
homéostasie de l'éveil; le sommeil
se manifesterait alors dans les cas de
déplacement comme une extrême de la
régulation du comportement.
Nous devons souligner à l'appui de
ces vues que le comportement de toilettage, dans
les conditions naturelles de son expression, se
place en général dans les
chaînes nycthémérales avant
l'endormissement qui suit un repas, ou avant la
recherche du lieu de sommeil en fin de
période active.
On peut alors considérer que beaucoup
au moins des activités apparaissant lors
des déplacements (toilettage, etc.) font
partie de l'une des chaînes obligatoires
conduisant au sommeil et que leur rôle
dans ces chaînes tient soit à une
suppression de l'attention de l'animal vers des
stimuli nouveaux, soit à l'effet
engendré par des stimulations
répétitives.
En tout cas, il faut souligner que toutes
les activités déplacées,
qu'elles expriment totalement ou partiellement
les schèmes moteurs qui leur sont
propres, représentent en
réciproque à tout ce qui vient
d'être dit une mesure possible de
l'état de vigilance, d'attention ou de
conflit d'un animal. Cette capacité
d'expression synthétique d'un état
global, comme d'ailleurs leur inclusion «
improbable » dans une chaîne
séquentielle finalisée, a permis
à la pression sélective de leur
donner une valeur de signal particulier dans
tous les actes ritualisés dont nous avons
déjà parlé.