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mise à jour du
10 juin 2007
Paris - PUF
1975
p230-232
Les comportements instinctifs
le bâillement
Gaston Richard

Chat-logomini

Il est nécessaire d'évoquer les interpretations diverses du comportement dit de « bâillement »
 
Les Sauer montrent chez l'Autruche qu'il participe à la régulation de l'état physiologique; il est d'abord induit, puis activé par des stimuli endogènes, mais il peut être facilité et dirigé par des stimuli de l'environnement si l'animal est suffisamment motivé. Comme cela semble également le cas chez beaucoup d'animaux, il est corrélé avec l'apparition de la fatigue; il intervient quand les activités motrices sont réduites à un minimum et joue un rôle de relaxation de la tension dans un groupe, conduisant ainsi à l'endormissement collectif.
 
Tout à fait à l'opposé se situe le « bâillement» des Poissons (Rasa, 1971), qui n'est pas associé à l'endormissement ou à une chute de tension, mais davantage à un accroissement d'activité, il ne semble pas ici associé à la physiologie respiratoire et n'est pas contagieux dans le cadre social. Par contre, il élèverait plutôt le niveau de l'activité cinétique du Poisson jouant un rôle régulateur des équilibres entre cette activité et l'excitation interne. En effet, si on élève artificiellement le niveau d'activité motrice, même si le niveau d'excitation est fort, la fréquence de bâillement diminue. Un faible niveau de motricité lié à un fort niveau d'excitation augmente la fréquence du bâillement; il en est de même si on ajoute de l'ACTH à l'eau de l'aquarium.
 
Par une étude minutieuse du cerveau antérieur et du tronc cérébral du Goéland et de la Mouette rieuse avec des stimulations électriques, Delius (1967) parvient à délimiter des loci correspondant au comportement de toilettage et à les distinguer d'autres loci correspondant à l'induction d'autres activités. Or, dans bien des cas (et avec une différence significative) la stimulation des loci liés aux comportements de toilettage provoque (avec des fréquences variables) des comportements ou des postures comme regard fixe dirigé vers le bas, picorage, bâillement, accroupissement, relaxation, sommeil. Les mouvements de mandibulation, de secouage de tête, les mouvements latéraux de la queue peuvent être induits par la stimulation des mêmes régions.
 
Deliss en vient à penser que le comportement de toilettage peut être inclus dans les signes d'activation d'un système plus ou moins unitaire conduisant au de-arousal (diminution de l'état de vigilance conduisant à l'endormissement). Comme des drogues hypnotiques (pentobarbitol, tribromoéthanol) induisent également du comportement de toilettage et les autres mouvements cités ci-dessus; comme des corrélations du même type ont pu être faites sur le Chat et le Rat, on peut penser que le toilettage et peut-être d'autres comportements apparaissant lors de déplacements sont plus ou moins sous le contrôle des mécanismes physiologiques responsables du sommeil.
 
Ceci se compare au fait que, dans les conflits, les frustrations, les oppositions, l'animal semble souvent (mais pas toujours) être très éveillé.
 
Delius suggère alors que, si un conflit peut avoir un effet augmentateur de l'éveil, les comportements de déplacement comme le toilettage seraient l'expression sur le plan moteur de la mise en jeu d'un mécanisme homéostasique, lequel s'opposerait à l'augmentation d'éveil par l'activation d'un système inhibiteur du même éveil.
 
Ceci rejoint les conceptions de Berlyne qui a suggéré l'existence d'une homéostasie de l'éveil; le sommeil se manifesterait alors dans les cas de déplacement comme une extrême de la régulation du comportement.
 
Nous devons souligner à l'appui de ces vues que le comportement de toilettage, dans les conditions naturelles de son expression, se place en général dans les chaînes nycthémérales avant l'endormissement qui suit un repas, ou avant la recherche du lieu de sommeil en fin de période active.
 
On peut alors considérer que beaucoup au moins des activités apparaissant lors des déplacements (toilettage, etc.) font partie de l'une des chaînes obligatoires conduisant au sommeil et que leur rôle dans ces chaînes tient soit à une suppression de l'attention de l'animal vers des stimuli nouveaux, soit à l'effet engendré par des stimulations répétitives.
 
En tout cas, il faut souligner que toutes les activités déplacées, qu'elles expriment totalement ou partiellement les schèmes moteurs qui leur sont propres, représentent en réciproque à tout ce qui vient d'être dit une mesure possible de l'état de vigilance, d'attention ou de conflit d'un animal. Cette capacité d'expression synthétique d'un état global, comme d'ailleurs leur inclusion « improbable » dans une chaîne séquentielle finalisée, a permis à la pression sélective de leur donner une valeur de signal particulier dans tous les actes ritualisés dont nous avons déjà parlé.