Le bâillement consiste en une
                     longue et profonde inspiralion spasmodique,
                     suivie par une brève expiration ; il
                     s'accompagne de sons caractéristiques, de
                     mouvements des membres, du tronc, de la
                     contraction du tensuer du tympan, du
                     larmoiement. Le bâillement est
                     déterminé par des nombreuses
                     causes: le sommeil, la fatigue, la faim,
                     l'ennui, la fatigue physique; il peut se
                     reproduire par la volonté, l'imitation,
                     la suggestion; il est fréquent dans
                     l'anémie cérébrale, dans
                     certaines intoxications, en particulier dans le
                     morphinisme, après la brusque suppression
                     de ce médicament, dans l'intoxication
                     bromique, dans l'encéphalite
                     épidémique, dans la forme
                     pseudo-parkinsonnienne de cette affection, dans
                     la myasthénie bulbaire, dasn les tumeurs
                     cerebelleuses, dans certaines névrose,
                     dans l'hystérie, etc.
                     
                     La genèse et le mécanisme de ce
                     phénomène ne sont pas bien
                     précisés. La plupart des auteurs
                     le considèrent comme un acte automatique
                     compliqué, d'autres ailleurs comme un
                     acte réflexe. Le bâillement, ainsi
                     que tous les mouvementss automatiques et
                     instinctifs, consiste en une réaction
                     coordonnée de plusieurs muscles, se
                     produit par de nombreux facteurs se relie
                     à une disposition interne de l'organisme
                     (besoin de sommeil. faim, etc.). Insabato
                     envisage ce phénomène comme un
                     acte d'automatisme réflexe d'origine
                     extra-pyramidale.
                     
                     Le siège du bâillement doit se
                     rechercher, à mon avis, dans les centres
                     nerveux, d'où proviennent les mouvements
                     automatiques el instinctifs, c'est-à dire
                     dans les centres corticaux. Tous les mouvements
                     qu'on fait par imitation, par suggestion,
                     à savoir le sourire, le rire, le pleurer,
                     les bâillements, etc., ont un
                     caractère psychique. James, Janel,
                     Monakow et Grasset admettent que les mouvements
                     automatiques ont leur origine dans les centres
                     corticaux; James est également d'avis que
                     le cortex représente le siège des
                     instincts, puisqu'ils constituent une action de
                     perception; l'anesthésie corticale
                     entraine laperte d'instincts très
                     importants(Janet). Les mouvements automatiques
                     et instinctifs sont considérês
                     comme la répétition automatique de
                     mouvements qui tout d'abord ont
                     été volontaires et qui ensuite
                     s'effectuent automatiquement par le
                     réveil des images motrices
                     correspondantes siègeant dans les centres
                     corticaux kinesthésiques.
                     
                     Or, si le bâillernent est un momentent
                     automatique, instinctif, on doit logiquement
                     présumer qu'il a sont point de
                     départ dans les centres corticaux
                     kinesthésiques; on concevra dès
                     lors qu'il puisse se reproduire par la
                     volonté, par l'imitation et qu'il se
                     rencontre souvent chez les sujets émotifs
                     et chez les hystériqucs présentant
                     une hyperexcitabilité des centres en
                     question. Il faut ajouter que de nombreux
                     physiologistes, pour expliquer le fait que
                     certains sentiments : la joie, la tristesse se
                     traduisent par des phénomènes
                     respiratoires, comme le rire, le pleurer, les
                     bâillements, etc.. invoquent des centres
                     respiratoires corticaux (Luciani) ; la
                     participation de cortex dans le bâillement
                     est admise aussi par Calligaris.
                     
                     Le bâillement, dans la pluralité
                     des cas, présente un rapport très
                     étroit avec le sommeil. Insabato et
                     Callilgaris sont d'avis qu'il est l'expression
                     du besoin de sommeil, un équivalent
                     hypnique. Notons pourtant que le
                     bâillement est aussi provoqué par
                     la faim, par l'anémie
                     cérébrale et par certaines
                     affections ne montrant aucun rapport avec le
                     sommeil. On ne peut pourtant douter que ce
                     phénomène ne se relie, dans la
                     pluralité des cas, au sommeil; il
                     constitue un des signes les plus
                     caractéristiques du besoin de sommeil. Il
                     précède d'ordinaire le sommeil,
                     mais nous le constatons aussi après ce
                     phénomène, si le sujet a encore
                     besoin de dormir. Le bâillement
                     provoqué par le sommeil est
                     attribué, par Insabato,
                     Calligaris et par G.
                     Lévy, à la diminution du tonus
                     musculaire, déterminée par ce
                     phénomène. Insabato, à
                     l'appui de ce consept, relève
                     l'association très fréquente des
                     bâillements avec les étirements. Il
                     est pourtant à noter que les
                     étirements ne s'observent pas dans
                     l'encéphalite épidémique,
                     dans le morphinisme, dans la myasthénie
                     bulbaire où les bâillements sont
                     très fréquents; ils se rencontrent
                     par contrte dans les crises cataplectiques,
                     consistant dans la brusque disparition du tonus
                     musculaire, tandis que dans ces crise, les
                     bâillements sont absents. N'oublions pas
                     que le bâillement constitue un
                     phénomène respiratoire.
                     
                     Le sommeil se traduit sans doute par la
                     diminution du tonus musculaire et par les
                     étirements, mais il détermine
                     aussi la diminution du tonus respiratoire.
                     Pendant le sommeil, diminuent les mouvements
                     respiratoires et la ventilation pulmonaire avec
                     rédiuction de l'oxygène
                     inspiré et de l'acide carbonique
                     expiré. Le rythme respiratoire, au cours
                     du sommeil profond est inégal
                     irrégulier, montre parfois une tendance
                     manifeste à la respiration
                     périodique; ce phénomène a
                     été constaté par Mosso
                     dans le sommeil profond des sujets sains et dasn
                     le sommeil de haute montagne. Ces faits
                     décèlent la participation
                     respiratoire bulbaire du sommeil. Telle
                     participation s'accorde avec les recherches de
                     Zondek et Bier, qui, pendant le sommeil
                     provoqué par les barbituriques, ont
                     observé que les noyaux bulbaires sont
                     imprègnés du brome hypophysaire,
                     alors que cet élément diminue dans
                     l'hypophyse. On concevera dès lors que
                     cette sécrétion bromique cause de
                     dépression focntionnelle du noyau
                     respiratoire bulbaire et entraine par
                     conséquent la diminution d
                     el'activité respiratoire et le tendance
                     à la respiration périodique,
                     remarquées dans le sommeil profond. La
                     bulcapnine à doses
                     modérées, provoque la smnolence,
                     associée à l'hypotonie du noyau
                     respiratoire bulbaire (Busciano et Gullotta). La
                     morphine, à doses élevées,
                     entraine la dépression du même
                     noyau et la respiration périodique.
                     
                     L'hypotonie du noyau respiratoire bulbaire
                     dans le sommeil est vraisemblablement
                     favorisé par l'anémie
                     cérébrale, constaté par
                     Mosso,
                     Tarchanoff et Hill, au début de ce
                     phénomène. Le besoin de sommeil se
                     traduit par des phénomènes de
                     vasoconstriction cérébrale et par
                     des bâillements qui s'atténuent ou
                     disparaissent dasn la position couchée.
                     Ces considérations suggèrent
                     l'idée que le bâillement du sommeil
                     constitue une réaction automatique
                     instinctive des muscles respiratoires,
                     provoquée par l'hypotonie des muscles
                     respiratoires, provoquée par l'hypotonie
                     du noyau respiratoire bulbaire et la diminution
                     du tonus respiratoire qu'on remarque dans le
                     sommeil.
                     
                     L'origine respiratoire du bâillement
                     est confirmée par la pathologie de ce
                     phénomène. Il a été
                     signalé dans l'encéphalite
                     épidémique, soit dans la phase
                     léthargique, soit dans les syndromes
                     pseudo-parkinsoniens de cette affetlion
                     (Sicard et Paraf,
                     Fischer, Insabato, Lévy, Froment et
                     Paliard, etc.). Rappelons que les accès
                     de bâillement, dans l'encéphalite
                     épidémique, s'associent à
                     de graves phénomènes
                     respiratoires. Calligaris, en de nombreux cas
                     d'hypertonie parkinsonienne
                     post-encéplialitique, a observé
                     que les accès de bâillements sont
                     précédés et s'accompagnent
                     de la faim de l'air. Les
                     phénomènes respiratoires de
                     l'encéphalite épidémique,
                     à savoir l'apnée, la
                     polypnée, la respiration
                     périodique, etc., sont attribués
                     par Marie, Lévy, Mendicini, Francioni, F.
                     Négro, à des lésions
                     bulbaires; ces lésions ont
                     été constatées par
                     Guillain
                     Alajouanine, Kalk, Cohn, Panlian, Calligniris,
                     Négro, Ponticaccia. Ces données
                     appuient d'idée que les
                     bâillements, dans
                     l'épidémique, relèvent de
                     la dépression du noyau respiratoire
                     bulbaire.
                     
                     Les bâillements ont été
                     constatés, par Macewen, au cours des
                     tumeurs cérébelleuses qui
                     entrainent souvent la compression, la
                     déformation, le déplacement, le
                     ramollisssement des noyaux bulbaires.
                     
                     Les bâillements sont fréquents
                     dans la myasthénie bulbaire (maladie
                     d'Erb-Goldflam). Dans un cas rapporté par
                     Albertoni dominaient les
                     phénomènes respiratoires:
                     l'apnée, la réspiration
                     périodique etc. Ces
                     phénomènes attribués
                     à la dépression du noyau
                     respiratoire bulbaire, s'associaient à
                     des bâillements continus, que l'auteur
                     envisagea comme un phénomène
                     respiratoire, une inspiration automatique,
                     spasmodique pour suppléer à la
                     diminution de la capacité respiratoire.
                     Albertoni admet que le bâillement active
                     la nutrition du noyau respiratoire bulbaire;
                     l'absence des bâillements chez les
                     myasthéniques relève de la
                     paralysie de ce noyau.
                     
                     Moi-même en 1907, j'ai constaté
                     les bâillements en un cas de
                     myasthénie bulbaire. Une femme de 37 ans
                     montrait un syndrome typique d'Erb-Goldflam, une
                     asthénie intense à la suite des
                     plus faibles efforts musculaires, qui touchait
                     en particulier les muscles innervés par
                     les nerfs ponto-bulbaires et s'accompagnait de
                     la réaction électrique de Jolly.
                     La malade présentait aussi des troubles
                     respiratoires très marqués; les
                     plus légers efforts musculaires causaient
                     la diminution de l'activité respiratoire,
                     avec tendance à l'apnée; elle
                     était incapable de faire une profonde
                     inspiration. Ces phénomènes
                     respiratoires s'accompagnaient de
                     bâillements continus; la malade mourut par
                     des complications pulmonaires. Dans ce cas,
                     comme comme dans le cas relaté par
                     Albertoni, on constatait un rapport très
                     étroit entre les bâillements et les
                     phénomènes respiraloires
                     bulbaires. Signalons aussi un cas observé
                     par mon fils, M. Salmon; il a été
                     appelé chez un malade, présentant
                     un état comateux consécutif
                     à une hémorragie
                     cérébrale et une respiration
                     périodique d'origine bulbaire; ce
                     phénomène respiratoire
                     s'accompagnait de bâillements très
                     fréquents, qui disparurent avec la
                     respiration périodique après les
                     injections de prostigmine.
                     
                     Tous ces cas parlent pour une
                     corrélation intime entre les
                     bâillements et les
                     phénomènes respiratoires bulbaires
                     et pour l'origine respiratoire du
                     bâillement. Ce phénomène
                     consiste, à mon avis, en une
                     réaction automatique et instinctive des
                     muscles respiratoires, provoquée par la
                     diminution du tonus respiratoire, par la
                     dépression fonctionnelle du noayau
                     respiratoire bulbaire. On concevra pourtant que
                     ce phénomène d'origine
                     respiratoire, puisse se reproduire par
                     l'imitation, la suggestion, la volonté,
                     par des stimuli émotifs
                     déterminant le réveil de l'image
                     motrice corticale correspondante.
                     
                     Les bâillements montrent un rapport
                     très étroit avec le système
                     neuro-végétatif. Ils sont
                     très fréquents dans les syndromes
                     parkinsoniens post-encéphalitiques qui se
                     relient à un déséquilibre
                     neuro-végétatif,
                     caractérisé par l'hypertonie
                     parasympathique, par de nombreux
                     phénomènes vagotoniques: la
                     sialorhhée, l'hyperhydrose,
                     l'hypersécrétion lacrymale, la
                     bradycardie, l'accentuation du réflexe
                     occulocardiaque, etc. L'hypertonie musculaire
                     s'accentue par les remèdes vagotoniques
                     et s'atténue par l'atropine et la
                     scopolamine, déprimant le tonus
                     parasympathique. Or, Insabato
                     a observé que les bâillements dans
                     ces syndromes disparaissent dans la phase de
                     rigidité musculaire et d'hypertonie
                     vagale, et réapparaissent lorsque cette
                     phase cesse par l'atropine et la scopolamine,
                     déterminant la dépression du tonus
                     parasympathique; les bâillements
                     étaient donc entravés par
                     l'hypertonie vagale, et favorisés par
                     l'hypotonie vagale. Les bâillements sont
                     fréquents chez les myasthéniques,
                     qui présentent de nombreux signes
                     d'hypotonie para sympathique; la diminution du
                     réllexe oculo-cardiaque, la tachycardie,
                     l'absence de la réaction à
                     l'atropine, la diminution de la réaction
                     à l'histamine, etc. Les troubles
                     respiratoires de ces malades, à savoir
                     l'apnée, la respiration
                     périodique, etc., s'améliorent par
                     la prostigmine, qui augmente le tonus du vague.
                     Or, les rapports de l'hypotonie vagale avec les
                     bâillements sont élucidés
                     par la notion que le vague exerce une action
                     régulatrice sur le noyau respiratoire
                     bulbaire (Héring, Luciani, Breuer,
                     Stéfani); la stimulation
                     électrique du vague entraîne le
                     tétanus inspiratoire; la réseclion
                     du même nerf provoque l'apnée; la
                     respiration périodique a
                     été constatée chez les
                     sujets sains dans la haute montagne,
                     déterminant une parésie des vagues
                     (Luciani); le phénomène de
                     Cheyne-Stokes relève souvent des
                     lésions du vague (Tizzoni, Sacchi,Murri).
                     On concevra, dès lors, que les
                     bâillements et les phénomênes
                     respiratoires dus à la dépression
                     du noyau respiratoire bulbaire s'accentuent par
                     l'hypotonie vagale et s'atténuent par
                     l'hypertonie vagale.
                     
                     En résumé, le bâllement
                     est un phénomène respiratoire
                     automatique, provoqué par de nombreuses
                     causes: le sommeil, la faim, l'ennui, etc. Il a
                     son siège dans les centres corticaux
                     kinesthésiques, où résident
                     les images des mouvements automatiques,
                     instinctifs; il s'accentue chez les sujets
                     émotifs et chez les hystériques,
                     montrant l'hyperexcitabilité de ces
                     centres ; il se reproduit par l'imitation, par
                     la volonté. Le bâillement
                     consistant en un acte respiratoire a une
                     genèse respiratoire; il est
                     fréquent dans le sommeil,
                     déterminant la dépression
                     fonctionnelle du noyau respiratoire bulbaire,
                     dans l'intoxication de morphine, dans
                     l'anémie cérébrale
                     entraînant la dépression du
                     même noyau; on le constate souvent dans
                     l'encéphalite épidémique,
                     dans la myasthénie bulbaire, dans les
                     tumeurs cérébelleuses, dans les
                     états comateux retentissant sur les
                     noyaux bulbaires. Le bâillement est
                     favorisé par l'hypotonie vagale,
                     étant donnés les rapports
                     fonctionnels du vague avec le noyau
                     respiratoire; il s'améliore par la
                     prostigmine qui augmente le tonus
                     parasympathique. Ces considérations
                     plaident en faveur de l'origine respiratoire du
                     bâillement et expliquent sa
                     fréquence dans les syndromes bulbaires
                     susmentionnés, entraînant la
                     dépression fonctionnelle du noyau
                     respiratoire.
                     
                     Résumé. Lebâillement est
                     un phénomène respiratoire
                     automatique ayant son siège dans les
                     centres corticaux, kinesthésiques,
                     où résident les images des
                     mouvements automatiques, instinctifs; il se
                     reproduit par l'imitition, par la
                     volonté. Ce phénomène a une
                     genèse respiratoire ; il est
                     fréquent dans le sommeil, dans
                     l'intoxication de morphine, dans l'anémie
                     cérébrale, entraînant la
                     dépression fonctionnelle du noyau
                     respiratoire bulbaire, dans la myasthénie
                     bulbaire, dans l'encéphalite
                     épidémique, dans les tumeurs
                     cérébelleuses, dans les
                     états comateux retentissant sur les
                     noyaux bulbaires. Le bâillement est
                     favorisé par l'hypotonie vagale et
                     s'améliore par les médicaments
                     vagotoniques.