Observation 61 -p273-274- Troubles
respiratoires, instabilité motrice,
troubles du caractère et état
hypertonique anormal des membres du
côté droit, sans parkisonisme
à la suite d'une encéphalite
épidémique. Persistance de ces
troubles vingt-huit mois après le
début de l'encéphalite.
La jeune Marguerite S...agée de 11
ans, est amenée à la
Salpétrière en octobre 1921 pour
des grimaces et des troubles respiratoires qui
existent depuis février 1921. Un an
auparavant, le 29 février 1920, l'enfant
s'est plaint d'avoir mal à l'oreille
gauche (?), et elle n'a pas dormi pendant trois
nuits. Elle parlait continuellement, voyait des
personnages imaginaires. Dans la journée
elle dormait un peu. On ne sait pas si à
ce moment-là elle a eu quelque
symptôme oculaire.
Ensuite, elle a été prise d'un
sommeil continu, jour et nuit, et de
fièvre aux environs de 38°. Elle a
même eu un jour 39°1. Elle est
restée couchée trente jours,
somnolente, ne se plaignant de rien, ne
présentant aucun mouvement anormal. Elle
était soignée pour une
méningite ou une typhoïde. Lorsque
l'enfant s'est relevée, on n'a rien
remarqué, sauf sa faiblesse. Le sommeil
était redevenu normal. Cependant,
à plusieurs reprises, elle a eu des
crises de tremblement
généralisé, ne
s'accompagnant d'aucune sensation de froid. En
juillet : son sommeil devient agité, son
caractère capricieux, elle fait des
grimaces, surtout a des mouvements des yeux
(?).
A la suite d'un séjour au bord de la
mer, les grimaces augmentent, et des troubles
respiratoires apparaissent. La mère dit
elle-même : « elle était comme
un chien essoufflé ». L'enfant
présente aussi des crises de hoquet et
de bâillements et se lève, la
nuit en criant. Ces troubles persistent jusqu'en
décembre 1921. Les crises de hoquet
existent encore, même au-delà de ce
temps, après le repas.
Antécédents: enfant né
à terme, naissance normale, ni
frère, ni sur, une fausse couche
avant cette enfant. Pas de convulsions, ni de
chorée. Rougeole à 3 ans.
Néphrite à 5 ans. On n'a jamais
rien remarqué d'anormal du
côté droit, l'enfant a appris
à écrire sans difficulté.
Père : bien portant. Mère : en
bonne santé, mais a eu une chorée,
à 15 ans et dit avoir conservé une
instabilité du côté gauche.
Une soeur du père a eu aussi une
chorée à 11 ans, pendant six
mois.
En janrvier 1922, ou remarque que l'enfant
est plus raide du côté droit. En
mai 1922, l'état est le suivant: face
normale, symétrique. L'enfant qui avait
beaucoup maigri, a sensiblement
engraissé. Debout : elle se tient
légèrement penchée sur le
ciité droit, le bras droit tenu en
retrait. Au cours de la marche: le retrait du
bras droit est encore beaucoup plus
marqué. Celui-ci est tenu
demi-fléchi, légèrement en
arrière, la face dorsale de la main
appliquée contre la fesse droite, la
paume regardant en arrière, les bras
très légèrement
fléchis. L'enfant steppe
légèrement du côté
droit. Le membre supérieur droit est dans
un état d'hypertonicité,
d'ailleurs variable mais qu'on apprécie
cependant par la recherche des mouvements
passifs, l'extension complète de
l'avant-bras est difficile. Ou sent une
résistance, d'ailleurs
légère, que l'on ne retrouve pas
du côté gauche, et l'on
éprouve très nettement la
sensation de la «roue dentée».
La flexion elle-même, par moment
présente ce phénomène, mais
cette hypertonicité n'est pas constante.
Au niveau du membre infèrieur droit, on
retrouve, dans la position assise, une certaine
résistance aux mouvements passifs, mais
celle-ci disparait complètement lorsque
l'enfant est allongée. Dans cette
dernière position, la raideur du membre
supérieur elle-même diminue, mais
ne disparait jamais complètement. Les
mouvements passifs au niveau du cou sont tout
à fait normaux: flexion, extension et
latéralité. Mouvements actifs:
sont tous nomalement exécutés.
Mais lorsqu'on lui fait relever les bras, la
paume droite regarde en avant, tandis que la
gauche regarde en dedans et on retrouve cette
asymétrie chaque fois que l'on fait
exécuter l'acte. Pas de flexion
combinée de la cuisse et du tronc. Force
segmentaire normale et sensiblement égale
d'un côté à l'autre au
niveau des membres, sauf pour la flexion de la
jambe droite, légèrement
diminuée. La flexion du cou est aussi
légèrernent dimuée. Au
niveau de la face, aucune asymétrie. Tous
les mouvements de la face sont normaux, et
exécutés avec une bonne force. Le
peaucier se contracte également bien des
deux côtés. Réflexes
massétérin normal. Du voile et du
pharynx : normaux. Papilles égales,
droite un peu déformée.
Réagissent lentement à la
lumière. Réflexes tendineux:
radial, tricipital , nettement plus vifs
à droite, d'ailleurs vifs aussi à
gauche. Cunino-pronateur semble égal des
deux côtés. Rotuiens; vifs des deux
côtés, plus vifs à droite.
Achilléens: sensiblement normaux,
égaux. Plantaires: réponses peu
nettes. Il existe une hyperextension
spontanée du gros orteil droit qui
gène l'interprétation. Ceependant,
tendance à à l'extension à
droite. Pas de clonus. Aucun trouble d'ordre
cérébelleux. Aucun trouble de la
sensibilité aux divers modes. L'enfant
bouge continuellement, est
«insupportable», mais très
intelligente.
En résumé: épisode
primitif en février 1929. Délire,
somnolence, puis insomnie avec tics de la face
et polypnée. Crises de tremblement
généralisé, de
bâillements, de hoquet. Un an
après on remarque la raideur du
côté droit, hypertonie; aspect de
petite hémiplégie. Extension de
l'orteil à droite. Exaltation des
réflexes tendineux droits.
Observation 7 - p181-183 - Petites
myoclonies des membres avec spasme de
l'hémiface droite survenue quatre mois
après le début de
l'encépahlite. Gravidité.
Gabrielle F...âgée de 32 ans,
brodeuse, vient à La
Salpêtrière en juin 1920 pour des
mouvements involontaires qui existent depuis un
mois. Le 6 janvier 1920, alors qu'elle
était en très bonne santé,
enceinte et à terme, elle a
remarqué, en se levant, qu'elle voyait
double et trouble, et qu'elle ressentait une
grand envie de dormir. Elle avait aussi un
bourdonnement incessant de l'oreille gauche.
Elle a pu se lever, mais a dû se recoucher
tant elle avait sommeil. Plusieurs tentatives de
lever ont été suivies du
même insuccès. Elle n'avait aucun
autre symptôme à ce
moment-là: ni douleurs, ni salivation, ni
mouvements, ni troubles de la mastication ou de
la déglutition. La température
avait été prise et
considére comme normale par le
médecin. Elle est restée dans cet
état pendant deux jours.
Le deuxième jour, accouchement
normal, en neuf heure, d'un garçon bien
portant en apparence. Le lendemain de
l'accouchement, elle avait moins fortement
sommeil, ne se sentait pas malade, mais
éprouvait encore une sensation de
brouillard devant l'il gauche qui a
subsisté depuis lors. Après dix
jours de cet état elle s'est
levée. Elle a remarqué alors que
sa figure « n'était pas droite
» ; la bouche était tirée en
haut et à droite, ce qui la gênait
pour parler. A la fin d'avril, comme les
troubles oculaires persistaient, elle est
allée voir un ophtalmologiste qui lui a
dit qu'elle avait une paralysie faciale
droite.
Vers le 15 mai, elle a ressenti une douleur
dans la main et le bras droit « comme quand
on s'est couché sur le bras et que
ça fait très mal » et elle a
remarqué des mouvements anormaux dans
l'avant-bras et la main droite. Ces mouvements
ont augmenté, et se sont propagés
à l'épaule droite. Cinq on six
jours après sont apparus des mouvements
des deux pieds, mais prédominant en fait
au pied gauche; depuis lors, les mouvements
augmentent, et elle continue à souffrir
intensément de la main et du bras droits,
«comme si on me cassait le bras»
dit-elle, En outre elle a encore sommeil et
présente des crises intermittentes de
bâillements :
« pendant une
demi-heure je n'arrêtais pas de
bâiller ». Elle n'a jamais
eu de mouvements anormaux auparavant à
aucune période de la vie. Bonne
santé jusqu'alors. A eu la grippe en
1918. Mariée. A trois enfants, dont un
est mort de troubles gastro-intestinaux, n'a pas
eu de fausse couche.
A L'examen du 1 juin 1920, on constate:
état spasmodique très
marqué de l'hémiface droite.
Bouche complètement étirée
et relevée vers la droite: sillon
naso-génien de ce côté
beaucoup plus marqué. Le menton est
plissé, surtout dans la portion droite,
le spasme des muscles de la houppe du menton
provoque à ce niveau une petite fossette.
La tête est légèrement
penchée sur la gauche, la face un peu
tournée vers la droite. Dans l'ouverture
de la bouche, les deux incisives
supérieures droites sont seules
découvertes ; en bas elles sort un peu
étirées vers la gauche. La langue
n'est pas déviée, mais le
paraît à cause du spasme facial ;
elle est finement trémulante.Le peaucier
droit se contracte plus fortement que le gauche.
L'occlusion des yeux est normale. L'occlusion
des yeux isolément est impossible, mais
l'a toujours été. Elle peut
siffler et souffler normalement. En outre on
constate: un mouvement presque constant de
rotation du membre supérieur droit en
dehors ou en dedans. Celui-ci s'accompagne d'un
redressement de la main sur le bord radial, avec
légers mouvements un peu reptants,
parfois plus brusques, de flexion et d'extension
des doigts. En même temps, les orteils
gauches exécutent de petits mouvements
alternatifs de flexion et d'extension, avec
parfois, une ébauche de flexion du genou
et de rotation du membre à peine
perceptibles. Aucun autre mouvement ailleurs. La
forme du mouvement et sa période
paraissent constante.- Pas de modification
appréciable dans la position assise ou
dans le décubitus.
Pendant le sommeil, les mouvments
disparaîtraient presque
complètement. Ces mouvements sont
augmentés par des actes
coordonnés: coudre, tenir un verre, par
exemple la malade dit qu'elle a eu une
période de tristesse tout à fait
anormale «sans raison» au début
de l'apparition des mouvements, et qu'elle
serait plus irritable depuis ce temps. L'examen
neurologique systématique montre : Force
segrnentaire: normale à tous les segments
au niveau des membres. Normale aussi au niveau
du tronc. Flexion de la tête
légèrement diminuée.
Extension, de la tête bonne. Toits les
mouvements de la mâchoire sont
exécutés avec une force normale.
Réflexes radial, cubito-proijatcur,
tricipital : plus vifs à droite.
Rotuliens vifs, sensiblement égaux.
Plantaires: flexion nette à gauche, moins
nette à droite, pupilles égales,
réagissant normalement à la
lumière. Pas de strabisme, pas de
diplopie provoquée. Pas de nystagmus.
Réflexe massétérin: normal.
La recherche du signe de Chvosteck ne montre pas
d'hyperexcitabilité faciale. Le «
doigt sur le nez » est parfaitement
exécuté à gauche. A droite,
lenteurs, et ressauts à l'arrivée
du doigt. Elle dit elle-même qu'elle est
gênée au niveau du coude et qu'elle
souffre à ce niveau : «on dirait
qu'on me tire le bras». Les marionnettes
sont moins bien exécutées à
droite. Au niveau des membres inférieurs,
les différentes manoeuvres, talon au
genou, talon à la fessee sont
parfaitement exécutées. Aucun
trouble de la sensibilité aux divers
modes, sauf de petites erreurs d'identification
des orteils dans la recherche du sens des
attitudes.
En août 1920: l'hypertonie de
l'hémiface droite a un peu
diminué, et les mouvements sont moins
fréquents. On constate encore quinze
mouvements du membre supérieur droit par
minute. Ces mouvements consistent en une
fermeture brusque des doigts demi-fléchis
en même temps qu'une adduction brusque du
bras, avec ébauche de rotation externe.
Il existe encore quelques mouvements fugaces des
doigts de la main gauche. Les mouvements des
orteils gauches sont beaucoup moins
fréquents, mais on y voit encore des
mouvements d'extension. Ceux de la jambe et de
la cuisse ont disparu. Les troubles de la vue
persistent. La malade accuse des crises de
bâillentents qui durent une demi-heure
environ et se produisent surtout le soir.
Elle accuse une sensation fréquente de
corps étrangers dans la gorge, qui
provoque une tendance au hemmage. La tristesse
et l'irritabilité ont disparu. Le pouls
est à 76 régulier. Respiration :
22 par minute, un peu inégale. Fin
octobre 1920 : mouvements spasmodiques
continuels de l'hémiface droite, avec
sensation de tiraillement à ce niveau.
Fin décembre 1920 : les mouvements de la
face ont disparu et l'asymétrie faciale
est diminuée, mais les mouvements
persistent au niveau des membres.
En janvier 1922 : la face est redevenue
presque normale mais il existe encore le spasme
qui provoque une fossette au niveau du menton,
à droite. On constate encore des
secousses myocloniques que l'on peut inscrire
dans le triceps droit. On constate aussi de
petites secousses d'abduction dans le bras
gauche mais beaucoup plus rares et des
mouvements des orteils gauches. Elle se plaint
d'un besoin de sommeil anormal, et même
d'un «besoin irrésistible de fermer
les yeux». Mais son caractère est
redevenu normal. Réflexes tondineux :
tous normaux et égaux. Plantaires :
flexion un peu moins nette à droite
qu'à gauche.
En résumé: apparition
de mouvements involontaires myocloniques, quatre
mois après une atteinte
d'encéphalite survenue au cours d'une
grossesse. L'épisode primitif qui n'a
entravé en rien, semble-t-il,
l'accouchement ni la santé de l'enfant,
s'est manifesté par sommeil, diplopie et
vue trouble, sans fièvre, pendant dix
jours. Puis spasme facial (ou paralysie ?).
Enfin apparition de mouvements anormaux des
membres, précédés de
douleurs au niveau de leur première
localisation. Ces mouvements sont rythmiques et
disparaitraient presque complètement
pendant le sommeil; s'accompagnent de tristesse
et d'irritabilité. Il persiste encore des
phénomènes myocloniques et de
petits mouvements des orteils, en même
temps qu'une tendance très marquée
au sommeil, deux ans après
l'épisode primitif. Ces mouvements ont
prédominé à droite, mais il
en existe aussi à gauche. On constate une
ébauche d'extension de l'orteil à
droite.
Encéphalite léthargique
Cruchet, Moutier, Calmettes Soc méd hop
Paris 27 avril 1917