-
-
- JM
Charcot et une patiente
ataxique
1875 la seule photo connue de
Charcot avec un malade
-
- L'étude des bâillements
hystériques est de date récente,
car nous ne connaissons aucun travail sur ce
sujet avant la Leçon du mardi 23 octobre
1888, dans laquelle M. le professeur Charcot
présenta aux auditeurs de la Clinique la
malade qui fait l'objet de notre première
observation.
-
- Avant cette date, les recherches
bibliographiques que nous avons faites sont
restées muettes sur cette manifestation
dont nous pouvons aujourd'hui rapporter, cinq
observations, y compris celle qui sert de base
à la leçon de M. Charcot. Trois
d'entre elles ont été recueillies,
dans le service de la Clinique. Nous pouvons en
conclure, en nous basant surtout sur le grand
nombre d'hystériques qui
fréquentent la Salpêtrière,
que c'est là une manifestation assez rare
de la névrose. A ce titre, ces
phénomènes méritaient
d'être le sujet d'un travail d'ensemble
dans lequel nous rapporterons les opinions de
notre éminent maître, les
corroborant par les nouveaux faits que nous
avons recueillis.
-
- Nous ne pouvons cependant passer sous
silence un travail de M. Ch. Féré,
publié ici mème, sur les
"Bâillements chez un épileptique" ,
dans lequel cet auteur distingué parle
également du bâillement chez les
hystériques. « Ce
phénomène, dit-il, est
fréquent dans les psychoses à
forme dépressive, dans l'hypocondrie, la
mélancolie; on le voit aussi dans
l'hystérie. Dans cette dernière
névrose, il peut tenir au ralentissement
général des
phénomènes nutritifs ou constituer
une sorte de spasme. »
- Le passage est trop court pour nous fournir
des matériaux à utiliser dans une
description; nous emprunterons toutefois
à ce travail les éléments
d'un diagnostic différentiel. Aussi bien,
du reste, n'est-ce pas presque toujours avec
l'épilepsie que le diagnostic s'impose
lorsqu'il s'agit de manifestations
hystériques ?
-
- Nous ajouterons qu'il ne s'agira pas dans
notre description des bâillements qui
peuvent survenir dans l'hystérie comme
dans tout autre état pathologique ou
même physiologique, mais bien de
phénomènes relevant directement de
la névrose au même titre que la
toux, la dyspnée, la chorée
rhythmée qui, du reste, comme l'a
montré M. le professeur Charcot,
s'entremêlent parfois avec la
manifestation pathologique dont nous allons
parler.
-
- II
- On peut concevoir que les bâillements
soient la première
révélation de l'hystérie,
mais cela ne ressort pas de nos quatre
observations ou toujours ils ont
été précédés
d'autres phénomènes ne laissant
aucun doute sur l'état pathologique du
sujet. Ces manifestations antérieures
peuvent être fort variées, on s'en
fera, du reste, une idée par la lecture
des quatre cas suivants, particulièrement
du premier et du troisième qui furent
pendant longtemps l'objet d'une observation
attentive.
-
- Obs I. Ler..., Augustine, dix-sept
ans, domestique, est entrée le
aoùt 1888, à la
Sapêtrièrej service de la Clinique
des maladies du système nerveux.
-
- Antécédents
héréditaires. - Père
inconnu. ~ Mère, trente-cinq ans,
domestique, est nerveuse, vive et
emportée~ mais n'a jamais eu d'attaques
de nerfs. Les grands-parents maternels ne
paraissent pas avoir eu
d'antécédents nerveux. Une tante,
âgée actuellemenent agée de
vingt quatre ans, a eu, à dix-huit ans,
« une maladie de nerfs »
caractérisé par un hoquet
persistant qui a duré trois mois; elle
n'a jamais eu d'attaques convulsives. Une autre
tante (trente et un ans) et deux oncles
(dix-neuf et sept ans) sont bien portants.
-
- Antécédents personnels. - La
malade a été élevée
à la campagne chez sa grand'mère,
jusqu'à l'âge de quatorze. ans. Son
développement, pendant la première
enfance, paraît avoir été
régulier jusqu'à l'âge de
trois ans. Depuis cet âge, jusqu'à
huit ans, elle a eu fréquemment des
attaques convulsives revenant par moments
presque tous les jours et même plusieurs
fois par jour. Elle tombait, perdait
connaissance, mais d'après ce qu'elle a
entendu raconter, elle se débattait peu,
tout son corps se raidissait et la face
était violacée; pas de morsure de
langue, pas de mictions involontaires. A huit
ans, elle eut une série d'attaques plus
longues, ayant duré plus de vingt-quatre
heures. Un peu plus tard, elle fut atteinte
d'une chorée qui dura trois mois. A cette
époque, les personnes qui la soignaient
eassayèrent à plusieurs reprises
d'arrêter les mouvements choréiques
en lui attachant les bars, mais ces manoeuvres
n'eurent pour résultat que de
déterminer des attaques convulsives avec
perte de connaissance. Un an après, elle
fut reprise de chorée, pendant le
même temps environ. De neuf à dix
sep ans, Ler... n'a pas eu d'attaques et est
restée indemme de manifestations
morbides. Elle n'a jamais eu de rhumatisme.
-
- Elle était, depuis l'âge de
quatorze ans, domestique chez une vieille dame
aux environs de Paris, lorsque, vers le
commencement du mois de mai de cette
année elle fut prise, sans cause
appréciable, d'enrouement en même
temps que d'une toux quinteuse et continuelle.
L'enrouement était très
prononcé et la voix se trouvait presque
entièrement voilée. La toux
sèche et quinteuse persistait pendant
toute la journée, puis disparaissait
pendant la nuit pour réapparaître
le matin au réveil. Néanmoins la
malade avait un sommeil très agité
et tombait souvent de son lit, mais elle ne
saurait dire si, à ce moment, elle vait
des attaques convulsives. Comme ces troubles
persistaitent, elle se décida, au bout de
quinze jours, à consulter un
médecin. Parmi diverses
médications employées, des
injections sous-cutanées, d'éther,
dit-elle, pratiquées tous les deux jours,
ont réussi seules à calmer sa toux
mais seulement pour quelques heures, ou pour un
jour entier au plus. L'enrouement disparut
bientôt et, quelque temps après, la
toux se calma; mais, vers le commencement de
juin, apparut un bâillement continuel,
entrecoupé par moments de quintes de
toux, semblable à celui qui persiste
encore aujourd'hui.
-
- En outre, dans le courant de juillet, elle
fut prise d'anorexie s'accompagnant de
vomissements dès qu'elle essayait de
prendre quelque nourriture. Toutefois,
l'intolérance de l'estomac pour les
aliments n'était pas complète; si,
après avoir vomi ce qu'elle venait de
prendre, elle persistait à manger,
l'estomac conservait alors les aliments. (on la
nourrissait presque exclusivement, à ce
moment avec du lait et de la poudre de
viande.)
-
- Cette anorexie et ces vomissements
cessèrent bientôt, au bout d'une
quizaine de jours; mais comme les
bâillements persistaient et ne se
trouvaient pas modifié par aucune
médication, pas même les injections
sous-cutanées, qui
précédemment avait
arrêté pour un instant les quintes
de toux., ma malade se présenta au
commencement de mois d'août à la
consultation de La Salpêtrière et
fut admise dans le service de la Clinique.
-
- Actuellement, le phénomène
prédominant est le baîllement, qui
se continue san trêve pendant la
journée entière et ne cesse que
pendant le sommeil. Par moments, les
bâillements sont entrecoupés de
quintes de toux. Le rythme respiratoire se
trouve complètement modifié et la
respiration ne s'effectue pendant plusieurs
minutes consécutives que par des
bâillements seuls ou par des
bâillements entrecoupés de
secousses de toux. Les tracés suivants,
recueillis avec le pneumographe de Marey,
permettent de se rendre compte de ces
modifications.
-
- Sur la figure 37, le mode respiratoire a
été inscrit pendant quatre minutes
consécutives. Pendant les deux
premières minutes,
représentées par les deux lignes
inférieures (la figure représente
32 secondes de chacune de ces minutes), la
respiration normale est remplacée par des
bâillements. Pendant les deux autres
minutes (voir les deux lignes
supérieures), des secousses de toux
apparaissent entre les bâillements.
-
- Sur la figure 38, les secousses de toux sont
encore bien plus marquées. Les
bâillements, comme on peut le voir sur les
tracés qui précèdent ou sur
ceux qui suivent, sont parfois simples,
c'est-à-dire figurés par une seule
inspiration suivie bientôt d'une
expiration brusque, mais, le plus souvent, ils
sont composés par deux ou plusieurs
mouvements inspiratoires successifs,
séparés par une expiration
incomplète.
-
- Ils s'accompagnent rarement de
pandiculations; seulement la malade porte
fréquemment l'une ou l'autre main devant
sa bouche pour masquer son
bâillement.
-
- Il existe des stigmates permanents de
l'hystérie : anesthésie totale du
bras droit; anesthésie de la
moitié droite du tronc, en arrière
seulement; rétrécissement
concentrique du champ visuel à 40°,
des deux côtés; dyschromatopsie
pour l'il droit : le rouge et le jaune
sont seuls nettement perçus; abolition
presque absolue du goût et de l'odorat des
deux côtés; diminution de la
sensibilité pharyngée; diminution
de l'ouïe du côté droit;
douleur provoquée par la pression de la
région ovarienne gauche.
-
- La malade a été
réglée pour la première
fois à l'âge de treize ans; depuis
cette époque, les règles ont
été régulières
jusqu'au début des accidents actuels,
mais elles n'ont pas paru depuis le mois
d'avril. Il n'existe cependant aucun signe de
grossesse.
- De taille moyenne, elle conserve un
embonpoint modéré et un bon
état de la santé
générale malgré les
troubles anorexiques et les vomissements dont
elle a souffert pendant quelques semaines avant
son entrée.
-
- 1er septembre. - Les bâillements
persistent à peu près aussi
fréquents et conservent les mêmes
caractères; toutefois les secousses de
toux nerveuse qui les accompagnaient souvent
sont devenus beaucoup plus rares.
-
- Le tracé suivant (fig. 39),
représente la respiration de la malade
pendant 8 minutes consécutives (chaque
ligne correspond à 32 secondes de chacune
de ces 8 minutes). Il montre que la respiration
s'effectue uniquement par bâillements; les
intervalles séparant les
bâillements sont marqués presque
tous par une apnée complète en
expiration, durant de 2 à 7 et 9
secondes. Il existe en moyenne de sept à
huit bâillements par minute. - Le pouls
est régulier mais peu fréquent,
cinquante-six pulsations par minute, aussi bien
avant qu'après l'inscription du
tracé.
-
- Dès les premiers jours de sa
présence à la
Salpêtrière, on a remarqué
des crises un peu spéciales, revenant
irrégulièrement à deux ou
trois jours d'intervalle, et se montrant
principalement après les quintes de toux:
la malade s'endort tout à coup, le corps
et les membres sont raides et
contracturés, et elle reste inconsciente
pendant un temps variable de un quart d'heure
à une on deux heures. Elle
présente souvent du délire,
pendant quelques minutes, au moment où
elle se réveille,
- Depuis quelques jours les crises sont plus
complètes et se rapprochent davantage de
l'attaque d'hystérie ordinaire. E]les
sont annoncées actuellement par un
sentiment d'étouffement ou par la
sensation d'une boule montant de
l'épigastre à la gorge ; en
même temps, la malade entend des
bourdonnements dans les oreilles, puis elle perd
connaissance.
- Des convulsions cloniques assez
étendues apparaissent alors, puis
l'attaque se termine habituellement par un
sommeil analogue à celui des crises
précédentes. D'autres fois, les
bâillements représentent de
véritables crises
précédées des
phénomènes d'aura que nous venons
d'indiquer. Pendant ces crises, on observe
presque toujours un mélange de quelques
autres phénomènes appartenant
à l'attaque ordinaire : raideur des bras
avec contracture, secousses classiques des
quatre membres, demi-conscience au réveil
avec léger délire.
-
- Les mêmes stigmates que ceux qu'elle
présentait à son entrée
existent toujours.
-
- 15 octobre Les troubles
précédents se sont notablement
amendés. La malade reste de plus en plus
longtemps sans être prise de ses
bâillements; lorsque ceux-ci reviennent,
ils sont moins fréquents et surtout il
existe entre chaque bâillements des
mouvements respiratoires ordinaires se
rapprochant plus ou moins de la respiration
normale. Les deux tracés suivants
forunissent la preuve.
-
- La figure 40 représente la
respiration de la malade inscrite pendant 5
minutes consécutives (chaque ligne
reproduite correspond à 49 secondes de
chacune de ces minutes). Il existe encore
quelques bâillements séparés
par une apnée complète en
expiration; mais entre la plupart des autres,
les mouvements respiratoires reparaissent; peu
nombreux et superficiels par moments, ils sont
par d'autres, plus fréquents et plus
amples bien que encore assez
irréguliers.
-
- La figure 41 présente les mêmes
caractères, avec cette différence
toutefois qu'en plusieurs endroits, les
mouvements respiratoires sont plus
réguliers et se rapprochent davantage des
mouvements respiratoires normaux, comme on peut
s'en assurer en jetant les yeux sur la figure
42. celle-ci représente la respiration
d'une autre hystérique du service. Ici
les mouvements respiratoires sont normaux, plus
fréquents cependant que d'ordinaire, en
raison de l'émotovité très
grande de cette malade; ils présentent
aussi, par intervalles assez longs, des
inspirations plus profondes et
supplémentaires (soupirs). Nous
reproduisons encore ici fig 43, à titre
de comparaison le tracé de
bâillements produits chez une
hystériques, mise en présence de
la malede qui fait l'objet de cette observation,
après avoit été
placée en état de somnambulisme
provoqué. bien que ces bâillements
produits par imitation représentent assez
bien, à première ve, les
baillements de la malade, le tracé y
décèle des différences
notables: les baîllements y sont presque
tous uniques, composés d'un seul temps et
non deux ou trois bâillements secondaires,
comme chez la malade; de plus, l'inspiration et
l'expiration sont séparés par un
plateau inspiratoire assez prolongé.
-
- La malade a quitté la
Salpêtrière, le 31 octobre 1888,
à peu près guérie de ses
bâillements. Ceux-ci ne reviennent plus
qu'à de longs intervalles et par
accès assez courts. En dehors de ces
accès, la respiration est redevenue
normale. Les quintes de toux ont disparu depuis
longtemps. Les crises convulsives sont aussi
devenues très rares, mais les stigmates
hystériques, que nous avons
signalés plus haut persistent.
-
- Le traitement suivi a consisté en
électrisation statique, hydrothrapie, et,
à l'intérieur, préparations
ferrugineuses. -
-
-
- Obs. II. - Mme X... vingt-cinq ans,
vient à Paris consulter le Dr Auvard,
pour des troubles utérins (octobre
1888).
- La mère de la malade a des crises
d'hystérie. - A partir du moment,
où elle a commencé à
être réglée, Mme X... a
souffert de douleurs très vives dans le
bas-ventre à chaque période
menstruelle. De plus elle riait et pleurait sans
motifs d'une façon excessive.
-
- Elle s'est mariée il y a deux ans, et
est accouchée il y a huit mois d'un
enfant bien portant. Pendant sa grossesse sont
survenus chez elle des accidents nerveux
variés. Elle avait parfois la sensation
d'une boule qui lui remontait jusqu'à la
gorge; elle avait alors des sifflements
d'oreille, des battements dans les tempes; il
lui semblait qu'elle allait défaillir.
Parfois alors survenait une attaque
véritable avec cris, contorsions,
etc.
-
- Quelque temps après l'accouchement,
survint un gonflement du ventre avec douleur
dans le flanc gauche. Ce gonflement d'abord
intermittent devint ensuite permanent et la
malade se croyant atteinte d'une
péritonite ou d'une affection des organes
génitaux vint consulter le Dr Auvard qui,
ne trouvant aucune altération de ces
organes et pensant à des troubles
purement nerveux voulut bien demander à
M. Gilles de la Tourette d'examiner la malade
avec lui.
- Nous constatons chez Mme X... une
hémianesthésie gauche
incomplète avec perte du sens musculaire
de ce côté, sensation de pesanteur
des membres gauches qui sont faibles; la main
gauche laisse parfois échapper l'objet
qu'elle tient. Ovarie gauche.
-
- Mais, ce qui frappe le plus vivement notre
attention, ce sont les bâillements
réitérés qui affectent la
malade pendant la durée de notre examen.
À des intervalles très
rapprochés, elle porte la main à
sa bouche essayant de retenir un
bâillement qu'elle ne peut vaincre.
Interrogée par nous au sujet de ces
bâillements, elle nous dit que depuis
trois mois environ, elle est obligée de
bâiller sans cesse toute la
journée.
-
- Ces bâillements sont
régulièrement espacés, au
nombre de douze par minute, tout au moins
pendant la durée de notre examen ;
queluefois ils sont incomplets, ce qui, dit la
malade, la fatigue beaucoup. Elle semble
éprouver une sorte de soulagement lorsque
le bâillement est franc et large. Ces
bâillements ne sont pas accompagnés
de pandiculations.
-
- Obs. III. - La nommée Rosalie
Gay...-. (pl. XVII) est entrée à
la Salpètrière au mois d'avril
1890. Elle est âgée de vingt-trois
ans et exerce le métier de
couturière.
-
- Antécédents
héréditaires. - 1°)
Côté paternel. Son père est
atteint d'une maladie de cur. Il est sujet
à de violentes colères. Son
grand-père est mort fou et sa
grand'mère avait des attaques de nerfs.
2°) Côté maternel. - La
mère est emportée,
coléreuse, elle n'a jamais eu d'attaques
de nerfs. La grand'.mère est peu connue.
Le grand-père est mort d'accident. La
malade a une sur qui est bien
portante.
-
- Antécédents personnels. Elle a
eu la rougeole étant enfant. Vers douze
ans, elle eut une bronchite et en depuis cette
époque, elle fut sujette a des crises
nerveuses précédées
d'étourdissement et accompagnées
de perte de connaissance. Ces attaques ne
duraient que peu de temps. La malade poussait
des cris aigus, se plaignait d'une violente
douleur au cur et à l'estomac. De
plus les membres supérieurs
étaient agités de mouvements
convulsifs d'une certaine violence. Ls crises
revenaient périodiquement deux ou trois
fois par mois.
-
- Plus tard, elles augmentèrent de
fréquence et d'intensité et, en
février 1886, elle fut soignée
à la Salpêtrière dans le
service de M le Dr Joffroy qui la soumit
à un traitement hydrothérapique.
Elle sort de l'hôpital en juillet de la
même année; les crises nerveuses
n'étaient point guéries. Elles
persistèrent ainsi jusqu'au commencement
de 1889.
-
- À cette époque, la malade,
voyant que tous les traitements employés
restaient sans résultat, eut
l'idée d'aller consulter le zouave Jacob.
Elle se rendit chez cet individu quatre fois. A
la quatrième fois, il parvint, dit-elle,
à l'endormir; mais, à la suite de
cette séance, elle eut une grande crise
de nerfs pendant laquelle se
manifestèrent pour la première
fois des bâillements incoercibles tels
qu'on les remarque aujourd'hui. Pendant cette
première attaque, il y eut une courte
période de convulsions avec perte de
connaissance, puis les bâillements se
succédèrent et durèrent
environ une demi-heure.
- Depuis lors, les attaques se sont
succédées très
fréquentes et très lentes. La
malade dit en avoir de deux espèces
différentes, les simples, les autres avec
bâillements.
-
- Les premières, en
réalité les mêmes que celles
dont elle souffrait depuis l'âge de douze
ans, reviennent toujours deux ou trois fois par
mois La malade peut les prévoit,
près de douze heures à l'avance,
car elles sont précédées,
pendant tout ce temps, de vives douleurs dans la
tête. Elle ne tombe pas par terre, mais
reste dans la position où elle se trouve,
cache la figure avec ses mains et pousse des
cris aigus. En même temps, des mouvements
choréiformes rhythmiques agitent les
membres en particulier les membres
inférieurs. Le pied frappe violemment le
sol. De temps en temps interviennent des
mouvements de salutation rhythmés, assez
lents, d'une violence
modérée.
-
- Les attaques n' 2 au contraire des
précédentes, qui ne se
reproduisent guère que de temps en temps,
surviennent avec une très grande
fréquence, sous l'influence de la moindre
contrariété.
-
- Elle ressent, avant ces crises, au niveau de
l'estomac, une sensation de boule qui remonte
vers la gorge, l'étouffe et
l'empêche de respirer. Puis elle se met
à bâiller d'une façon
convulsive et incoercible pendant un temps qui
peut dépasser une demi-heure.
-
- Pendant ce temps, la connaissance est
absolument conservée. La malade entend ce
qu'on dit, mais ne peut répondre, car
elle ne cesse de bâiller et ses muscles
abaisseurs et élévateurs de la
mâchoire sont alternativement dans un
véritable état de contracture.
Puis surviennent quelques mouvements rhythmiques
des membres supérieurs et
inférieurs, ainsi que des mouvements
lents de salutation. La malade se penche en
avant et finit par se trouver
complètement pliée en deux, la
poitrine contre les genoux.
-
- Enfin les bâillements reviennent, mais
moins violents, quoique tout aussi incessants
qu'au début de l'attaque. Ils permettent
cependant à la malade de marcher et
même de vaquer à ses occupations
tout en bâillant ainsi pendant un temps
qui peut être assez long.
-
- Etat actuel. - Les stigmates
hystériques ne sont pas très
développés, mais suffisants
néanmoins pont, confirmer le diagnostic.
La sensibilité est conservée dans
tous ses modes à droite. Elle es
légèrement diminuée
à gauche. Il existe une
légère hyperesthésie pour
la chaleur au niveau de la cuisse gauche.
L'odorat, normal à l'examen, est,
dit-elle, obnubilé certains jours
lorsqu'elle doit avoir sa crise n°1. -
L'ouïe est normale.
-
- La perception de sensations gustatives est
notablement moins vive sur la moitié
droite de la langue que sur l'autre
moitié. Il existe un
retrécissement concentrique un peu
irrégulier du champ visuel des deux
yeux.
-
- La malade porte plusieurs points
hystérogènes
caractéristiques, l'un dans la fosse
iliaque droite, l'autre dans la même
région à gauche. Il existe aussi
un point sous mammaire du côté
gauche. Les points ovariens arrêtent assez
facilement l'attaque. Ils la repoduisent aussi
quelques fois, mais non toujours. De plus, une
simple émotion, par exemple le fait
d'entrer dans l'amphitéâtre des
leçons à la
Salpêtière, pour y être
présentée par M. le professeur
Charcot à ses auditeurs, suffit pour
provoquer une attaque.
-
- Il est bon de dire que les attaques ne sont
pas toujours aussi nettement
séparées que leur description,
telle que nous l'avons donnée, pourrait
le laisser croire. Les deux se mélangent
souvent. Cela est même arrivé pour
la plupart des attaques que nous avons
observées. L'attaque simple se manisfeste
seule quelques fois; mais, le plus souvent,
actuellement du moins, elle est suivie ou
précédée de l'attaque de
bâillements.
-
- Ce ne sont point des bâillements
ressemblant exactement à ceux que l'on a
l'habitude d'observer chez les personnes
normales. Il y a chez cette jeune fille une
exagération de l'acte physiologique telle
qu'elle n'a pu, sans la moindre
difficulté, prendre à l'aide de
procédés qui n'ont rien
d'instantané, les photographies qui ont
servi à établir la planche
ci-contre. L'exagération en effet n'est
pas seulement dans la répétition
fréquente des bâillements, mais
dans l'intensité extraordinaire et la
durée de chacun d'eux. C'est
véritalement dans un cas semblable que
l'expression «bâiller à s'en
décrocher la machoire»
paraîtrait justifiée.
-
- Ce bâillement convulsif diffère
encore du bâillement physiologique par un
autre point : il n'est point accompagné
de cette inspiration profonde, proportionnelle
en général, dans l'état
normal, à l'intensité du
bâillement. Quand elle a la bouche
ouverte, la malade est en inspiration, et elle
ne fait point d'expiration pendant tout le temps
qu'elle reste ainsi. Mais il s'agit là
d'une inspiration ordinaire, ne soulevant pas le
thorax outre mesure. D'ailleurs, quand la malade
ouvre la bouche, commençant un
bâillement, on n'entend point le bruit, si
caractéristique et si difficile à
masquer dans l'état physiologique, qui
accompagne l'entrée brusque d'un grande
quantité d'air dans la poitrine. A la fin
du bâillement, l'expiration qui le termine
est en proportion de l'expiration qui en a
marqué le commencement, c'est à
dire forte et souvent un peu bruyante à
l'état normal. Chez notre malade, on note
aussi une expiration forcée, souvent
accompagnée d'un "Ah!", comme
bâillerait un individu mal
élévé. Mais cela ne se
remarque point toujours et la plupart du temps
la bâillement de la malade n'est point
sonore.
-
- Obs.IV.- Mlle Léontine M...,
dix neuf ans, se présente à la
consulation externe de la Clinique des maladies
du sytème nerveux, avril 1890.
-
- Antécédents
héréditaires. Père
cinquante deux ans, rhumatisant. Mère
quarante huit ans, rhumatisante, ayant eu des
attaques étant jeune. Soeur morte
à dix neuf ans d ela fièvre
typhoïde. Elle a eu des attaques. Une autre
soeur nerveuse, rit et pleure sans motifs.
frère apathique, inintelligent.
-
- Antécédents personnels.
Histoire de la maladie. La malade a
été règlée à
douze ans, assez régulièrement, si
ce n'est que depuis quelques temps elle perd
beaucoup plus. Elle n'a jamais eu de maladies
antérieures, notamment jamais de danse de
Saint-Guy.
-
- Depuis environ un an elle s'est
surmenée beaucoup. Elle est modiste, et
elle a dû veiller tard. Le soir, quand
elle rentrait très fatiguée, elle
bâillait. Mais à ce moment ces
bâillements n'avaient rien de morbide.
Elle avait très sommeil, en même
temps elle était très
fatigué : son bâillement
s'expliquait.
-
- Ce n'est que plus tard que ses
bâillements sont devenus une
véritable infirmité. Ils prennent
la malade parfois le matin mais le plus
généralement le soir vers 8
heures. Ils sont très longs, et la malade
ne peut les arrêter. Ils sont
précedés d'une aura qui l'avertit
que la crise va la prendre. Elle sent sa
poitrine se serrer, une boule qui remonte
à la gorge et l'étouffe. Elle a en
même temps des bourdonnements et de
sifflements dans les oreilles, les tempes
battent avec force.
- A ce moment, elle éprouve à
l'épigastre une douleur plus ou moins
violente, avec sensation d'une poche
énorme, faisant glou-glou et lui semblant
remplie de liquide.
-
- Le bâillement arrive,
répété, impossible à
arrêter et durant parfois une demi-heure
et plus. En même temps, elle est
très altérée.
-
- Ces crises la prennent
régulièrement deux ou trois fois
par semaine, de 6 à 8 heures du soir.
Elles rompent néanmoins parfois leur
régularité et sont matinales.
-
- A la suite du bâillement survient une
attaque convulsive caractéristique; elle
étend les bras, les tourne en pronation,
sa mâchoire inférieure tremble au
point de l'empêcher de parler
correctement. Ce tremblement s'étend
jusqu'aux mains et aux membres
inférieurs. La malade dit même
avoir perdu connaissance plusieurs fois pendant
ces crises; on n'a pas pu avoir de
détails sur ces pertes de connaissance,
savoir si elle s'est étendue en arc de
cercle, etc.
-
- La malade a de fréquents cauchemars
la nuit. Elle tombe dans la Seine, elle descend
plusieurs marches et tombe soudain dans un trou,
etc. Il a été impossible
d'assister à une de ses crises de
bâillements.
-
- A l'examen, la malade se présente
assez intelligente; elle accuse une habitude
assez bizarre pour son sexe, elle s'exercer
à soulever des poids; son sternum est
couvert de pytiriasis versicolor. Pas de
réflexe pharyngien, pas de troubles de la
sensibilité générale. Champ
visuel normal à droite, à gauche
60. Un peu de micromégalopsie du
côté droit. La malade voit
nettement les couleurs. Goût aboli
à droite. Ouïe très
légèrement diminuée
à droite. Sens musculaire intact.
-
- Obs. V. - La nommée Marguerite
Mon..., âgée de trente ans,
employée, se présente à la
consultation de la Clinique des maladies du
système nerveux, au mois de mai
1890.
-
- Antécédents
héréditaires. - Son père
est mort de la rupture d'un anévrysme. Il
était rhumatisant. La malade assure qu'il
n'avait jamais souffert d'aucune maladie
nerveuse ou mentale. Il était
parfaitement sobre et n'avait jamais
exercé de métier où il
pût être soumis à aucune
intoxication. Sa mère est morte à
l'âge de cinquante-cinq ans, à la
suite d'un accident. Elle était nerveuse,
sujette à des colères violentes.
La grand'mère maternelle est morte
paralysée ; mais on ne peut avoir de
renseignements précis sur la nature de
cette paralysie.
-
- Antécédents personnels. - Rien
de bien remarquable pendant l'enfance. La malade
a eu la coqueluche, la rougeole deux ou trois
fois (?) et un zona (?). Elle a eu de la gourme
étant petite. Elle est d'un
tempérament lymphatique.
-
- Réglée à douze on
treize ans, elle l'est assez
régulièrement depuis cette
époque.
- Elle est d'un caractère violent et
emporté. La moindre remontrance la met en
colère. Elle est aussi très
émotive et très
impressionnable.
-
- Il y a cinq ou six ans elle eut les jambes
enflées pendant quelques jours. En
même temps, elle souffrait de douleurs
vagues qui changeaient continuellement de place,
siégeant tantôt dans le ventre,
tantôt dans la poitrine, d'autres fois
dans la tête ou dans les reins. On ne peut
guère être renseigné par
elle sur la nature de ces douleurs. Elle a
toujours été sujette à des
fleurs blanches très abondantes.
-
- Depuis longtemps déjà, elle ne
peut préciser exactement l'époque
où ces troubles ont débuté,
elle éprouve de petites pertes de
connaissance, soit spontanées, soit
provoquées par une
contrariété ou une émotion.
A peu près au même moment où
on commencé ces pertes d econnaissance,
elle s'est mise à bâiller d'un
façon anormale, convulsivement et sans
raison. Ces bâillements dont la
répétition, en dehors de toute
cause, constituait déjà un
symtôme morbide se produisaient
tantôt spontanément, la malade
bâillait alors oute la journée sans
savoir pourquoi et sans pouvoir s'en
empêcher; d'autres fois les
bâillements étaient
provoqués par une émotion ou une
contrariété, ils étaient
dans ce cas beaucoup plus intenses et beaucoup
plus fréquents.
-
- Etat actuel. la malade a l'apparence d'une
femme faible anémique. Son teint est
pâle, ses conjonctives
décolorées
légèrement ainsi que ses
lèvres et ses gencives. Elle est
très impressionnable. Pendant que nous
l'examinons, nous la voyons bâiller trente
ou quarante fois devant nous. Elle bâille,
dit-elle, parce qu'elle éprouve une
sensation d'étouffement qui la force
à faire de grandes inspirations en
ouvrant la bouche. Elle sent comme une boule qui
lui remonte de l'estomac dans la gorge et
l'étouffe. Il ne s'agit pas ici d'une
véritable attaque d'hystérie
caractérisée par un
phénomène inusité, le
bâillement, mais d'un mouvement
involontaire presque continuel, dû
à une sensation identique à l'aura
ordinaire de l'attaque d'hystérique. Il
est impossible d'obtenir de renseignements
détaillés sur ces pertes de
connaissance dont souffre la malade et de savoir
si elles sont ou non accompagnées de
convulsions ou de bâillements. On apprend
cependant qu'elles sont
précédées d'une aura
analogue à l'aura de l'attaque vulgaire :
contraction de la gorge, battements dans les
tempes, sifflements dans les oreilles. Il est
donc certain qu'il s'agit là
véritablement de petites attaques
d'hystérie.
-
- La malade se plaint en outre de
phénomènes dyspeptiques assez
accentués. Son ventre est ballonné
après les repas, et, à ce moment,
elle souffre de battements de cur assez
violents. La digestion est lente, laborieuse.
Elle s'accompagne souvent de crampes d'estomac
violentes, quelquefois d'une espèce de
vertige, n'allant jamais, il est vrai,
jusqu'à la chute sur le sol. Elle mange
très peu et éprouve
dégoût pour les aliments.
-
- Les stigmates de l'hystérie sont
très peu accentués chez cette
malade. Il existe néanmoins un
léger trouble de la sensibilité
dont la présence acquiert ici une grande
importance, en l'absence de de tout
phénomène morbide autre que les
petites pertes de connaissance et les
bâillements que nous avons
déjà mentionnés. La
sensiblité au contact est
conservée sur toute la surface
cutanée, ainsi que la sensibilité
au chaud et au froid. Mais il n'en est pas de
même pour la sensibilité à
la douleur et il existe sinon une
analgésie, du moins une diminution
notable de la sensibilité à la
figure et dans toute la moitié droite du
corps.
-
- De plus, en constate la présence de
deux points hyperesthésiques, l'un dans
la région ovarienne droite, l'autre sous
le sein gauche. La pression en ces points, si
elle ne provoque pas d'attaque proprement dite,
donne lieu néanmoins à la
production de l'aura hystérique : douleur
au cur épigastrique, constriction
du pharynx, sensation de boule remontant de
l'estomac à la gorge.
-
- Pas de troubles sensoriels. La vue est
parfaitement conservée et on ne note pas
le plus léger
rétrécissement du champ visuel ni
à droite ni à gauche. Pas non plus
de dyschromatopsie ni de micromégalopsie,
ni de polyopie monoculaire. Le goût,
l'ouïe et l'odorat sont absolument
normaux.
-
- Les poumons sont entièrement sains.
On note, à l'auscultation du cur,
la présence d'un très léger
souffle anémique.
-
- III
-
- Les bâillements hystériques
peuvent se présenter à
l'observateur, en dehors ou concurremment avec
d'autres phénomènes
hystériques, sous deux aspects
différents.
-
- Dans le premier, la malade, - car nos cas se
rapportent uniquement à des femmes - se
met tout à coup à bâiller,
et les bâillements sont surtout
remarquables, à l'investigation
superficielle tout au moins, par leur
persistance même. La malade de
l'observation 1, avant de présenter des
crises véritables de bâillements,
deuxième forme de cette manifestation,
bâillait pour ainsi dire constamment :
« A l'origine, dit M. Charcot, elle
bâillait environ huit fois par minute, 480
bâillements par heure, soit 7 200 en
quinze heures de veille. »
-
- Dans ces cas, le sommeil seul interrompt les
bâillements qui reprennent au
réveil et peuvent ainsi persister pendant
des semaines et des mois sans que la
santé générale semble en
souffrir.
-
- A cette période, ou même
lorsque les bâillements revètent
cette allure, il est, croyons-nous, assez facile
de les différencier des bâillements
physiologiques et aussi de ceux, qui,
physiologiquement pour ainsi dire peuvent
survenir dans l'hystérie comme au cours
de tout autre état normal ou
pathologique.
-
- Nous avons noté la fréquence,
nous noterons encore et surtout «le rhythme
et la cadence, caractères propres
à nombre de phénomènes
hystériques» (Charcot).
-
- De plus, le bâillement physiologique
consiste en une inspiration profonde : le thorax
est alors à son summum d'ampliation, les
mâchoires sont écartées au
maximum; il se termine par une expiration
bruyante qui s'accompagne souvent de flux de
salive et de sécrétion de larmes.
Souvent aussi, on note des pandiculations qui ne
sont autres que des mouvements
d'élévation et de
rétraction en arrière des
épaules.
-
- Or, on peut voir sur nos tracés,
particulièrement surla figure 40, que
l'inspiration dans le bâillement
hystérique n'est guère plus
profonde qu'une inspiration normale.
Peut-être cela tient-il à ce que
les bâillements sont tellement
répétés que la malade n'a
pas besoin de subvenir a l'hématose
insuffisante que provoquerait - à ce que
l'on croit - le bâillement physiologique.
Parfois, en effet, ils se rapprochent tellement
qu'il semble que ce soit le mode habituel de
respirer des sujets (fig. 39). Nous noterons
aussi que les bâillements s'accompagnent
ou même s'entrecoupent de quintes de toux
(fig. 38), phénomènes de
même ordre.
-
- Ce qui est exagéré par
exemple, ainsi qu'on peut s'en convaincre sur la
planche XVIII, c'est l'amplitude de
l'écartement des mâchoires
porté à son maximum.
-
- Le bâillement considéré
en soi peut être simple, unique, mais
aussi il peut être double, se faire en
deux fois, c'est-à-dire être
formé de deux inspirations assez
rapprochées pour constituer un seul et
même bâillement (fig. 40).
-
- Il peut être avorté; dans ce
cas la malade de l'observation III accusait une
sensation de malaise ; il fallait que le
bâillement fût complet pour que
l'organisme se déclarât satisfait.
On note, en effet, que les bâillements
s'accompagnent souvent, comme à
l'état physiologique d'ailleurs, d'une
sensation de soulagement.
-
- IV
-
- Les crises de bâillemenis
hystériques ne diffèrent pas,
comme allure générale, des autres
manifestations convulsives limitées ou
généralisées de
l'hystérie se groupant sous forme
d'attaques. Il existe dans tous ces cas un fond
commun qui se juge par les
phénomènes prémonitoires de
l'accès, par les signes et
symptômes constitutifs de l'aura.
-
- Avant la crise, ou même lorsque
celle-ci va venir, la malade accuse une
sensation de boule qui remonte de
l'épigastre; elle a des bourdonnements
d'oreilles, des battements dans les tempes;
puis, après un temps variable,
éclatent les bâillements sous forme
d'accès.
-
- Ils se précipitent alors beaucoup
plus rapidement que dans la forme
précédemment décrite,
empiétant les uns sur les autres pendant
un temps plus ou moins long, un quart d'heure,
unedemi-heure et plus suivant les cas. Puis la
crise se termine, les bâillements cessent
pour passer à l'état intermittent
ou revenir ultérieurement sous forme
d'une nouvelle crise.
-
- Il est bien rare que la crise de
bâillements soit absolument pure de tout
mélange des phénomènes
ordinairement observés lors dela grande
attaque. On sait en effet, - M. Charcot l'a
montré, - qu'un observateur attentif
retrouve presque toujours dans les crises
convulsives limitées, chorée
rhythmée, toux, dyspnée
hystérique, des vestiges des quatre
périodes classiques.
- Outre les phénomènes
prémonitoires de l'aura qui sont communs,
il est fréquent d'observer au
début de l'attaque des contractures des
membres supérieurs on inférieurs,
contractures qui, de toniques, ne tardent pas
à devenir cloniques. Enfin, lorsque la
crise se termine, le regard devient fixe, la
physionomie reflète des sentiments
représentatifs des attitudes
passionnelles et de la quatrième
période ou de délire. La
prédominance des bâillements fixe
seule la forme de l'attaque.
- Parfois l'attaque de bâillements peut
se terminer par une véritable attaque
convulsive ordinaire, les bâillements
représentant alors la phase tonique de
l'accès ; quelquefois, cependant, on voit
alterner: sans se confondre (obs.III), les
attaques convulsives proprement dites et les
attaques de bâillements.
-
- Le diagnostic différentiel des
bâillements ne nous arrêtera pas
longtemps ; presque toujours il existe
concurremment des stigmates qui, en dehors des
bâillements eux-mêmes, ne
permettront pas au diagnostic de
s'égarer. Mais enfin on peut supposer que
ce soit là une rnanifestation
monosymptomatique de l'hystérie. Dans ce
cas, la question du diagnostic
différentiel peut se poser. Lorsque les
bâillements ne sont pas groupés
sous forme d'attaques, le rhythme et la cadence
sont des éléments
différentiels de premier ordre qui ne
paraissent pas exister dans les
bâillements épileptiques
jusque-là seulement observés dans
les intervalles des accès
(Féré).
-
- Dans le cas de crises, on peut faire
intervenir un élément
d'appréciation qui permettrait,
très probablement, d'établir un
diagnostic certain avec les accès de
bâillements épileptiques qui, comme
nous l'avons dit, n'ont pas encore
été observés. Ce
critérium est tiré de l'analyse
des urines.
-
- On sait en effet que MM. Gilles de la
Tourette et Cathelineau, ont établi par
des recherches entreprises dans le service de M.
le professeur Charcot, que l'analyse des urines
de la période des vingt quatre heures
comprenant l'attaque, donne des résultats
qui permettent d'établir que l'attaque a
eu lieu.
-
- Dans ces cas, l'attaque se juge par
l'abaissement du résidu fixe, du taux de
l'urée, et par l'inversion de la formule
des phosphates, à, savoir que les
phosphates terreux qui, normalement, sont aux
phosphates alcalins comme 1 est à 3,
deviennent comme 1 est à 2, 1 est
à 1 et même quelquefois plus.
-
- Or, l'attaque de bâillements
hystériques ne fait pas exception
à cette règle.
- Il suffit, pour s'en convaincre, de
considérer le tableau suivant relatif aux
attaques de la malade dont l'histoire est
rapportée dans notre première
observation.
-
- « Les considérations
précédentes, disent MM. Gilles de
la Tourette et Cathelineau en parlant de
l'attaque convulsive, sont également
applicables aux bâillements
hystériques, forme rare de l'attaque.
Dans un cas que nous avons observé et qui
nous a fourni huit analyses dont quatre de la
période d'attaque, l'état normal
hystérique caractérisé par
les stigmates permanents était
également entrecoupé par des
bâillements espacés, la
période d'accès se
caractérisant par quelques-uns des
prodromes de l'attaque ordinaire suivis d'une
série de bâillements
précipités, convulsifs, se
groupant sous forme d'attaque. Or, nous notons
encore dans cette période d'accès
comparée à la période
d'état normal un abaissement du volume,
une diminution du résidu fixe, de
l'urée et de l'acide phosphorique total
avec inversion de la formule, absolument
comparables à ce qui s'observe dans la
période des vingt-quatre heures
correspondantes de l'attaque convulsive
proprement dite. »
-
- Il est à noter que les
bâillements qui surviennent à
l'état isolé sans se grouper sous
forme d'attaques n'influencent pas les
phénomènes nutritifs. Il faut,
pour les bâillements comme pour les autres
manifestations hystériques, qu'il y ait
crise pour que les modifications se produisent.
Nous insistons sur ces données chimiques,
car si le doute pouvait exister entre les
attaques de bâillements hystériques
et les accès de bâillements
épileptiques, l'analyse des urines
trancherait vite la question, étant
donné, ainsi que l'ont
démontré MM. Lépine et
Mairet, que l'accès d'épilepsie,
à l'inverse de l'attaque
d'hystérie augmente
considérablement le taux du résidu
fixe et particulièrement de l'urée
sans inversion de la formule des
phosphates.
- Terminons en disant que, ainsi que l'avait
fait M. Charcot à son cours, nous avons
pu reproduire par imitation ces
bâillements chez une hystérique
mise en somnambulisme hypnotique. Dans ce cas,
ainsi qu'on pourra le voir sur le tracé
(fig. 43), l'amplitude de l'inspiration
constitutive de ces bâillements
simulés nous a paru se rapprocher
beaucoup plus de l'amplitude du bâillement
physiologique que de celle du bâillement
hystérique proprement dit.
-
- Gilles De La Tourette, Huet, Guinon Clinique
des maladies du système nerveux.
1890
-
- Lire : "Hystérie :
l'iconographie de La Salpêtrière
artistes et modèles "
- M Corcos P Clervoy Revue du Praticien 1995;
t 45; p 1205-1207
-
- Bâillements chez
un épileptique Charles
Féré (1852 -1907) Nouvelle
iconographie de La Salpêtrière
1888 (vol 1, n°4,
p163-169)
-
- La
maladie de Gilles de la Tourette
- GE Gilles de la Tourette La
maladie des tics convulsifs (pdf)
- Contribution
à l'étude des bâillements
hystériques Nouvelle Iconographie de La
Salpêtrière1890
- Traité
clinique et thérapeutique de
l'hystérie d'après l'enseignement
de La Salpêtrière1895
- Gilles
de la Tourette par P. Legendre pdf
- Attentat
contre Gilles de la Tourette 07/12/1893
- La
nécrologie La Presse Médicale 4
juin 1904
- La
nécrologie Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière 1904
- The
forgotten face of Gilles de la Tourette:
practitioner, expert, and victim of criminal
hypnotism at the Belle Époque
Bogousslavsky J Walusinski O
- Criminal
hypnotism at the Belle Époque : The path
traced by Jean-Martin Charcot and Georges Gilles
de la Tourette Bogousslavsky J Walusinski O
Veyrunes D
- Correspondance
inédite de G. Gilles de la Tourette, sa
maladie fatale Walusinski O. Duncan G
- Correspondance
inédite de G. Gilles de la Tourette avec
JM. Charcot et G. Montorgueil Walusinski O.
Duncan G
- Vivre
ses écrits, l'exemple de G. Gilles de la
Tourette Walusinski O. Duncan G
- G. Gilles de
la Tourette 1857-1904 in english
- L'état
mental de Froufrou G. Gilles de la Tourette
1892
- Mademoiselle
Bottard par G. Gilles de la Tourette
1898
- Hypnotisme
and crime Charcot JM
1890
-
-
La maladie
de Gilles de la Tourette
- La
maladie des tics convulsifs Gilles de la
Tourette G.(pdf)
- Contribution
à l'étude des bâillements
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Salpêtrière1890
- Traité
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l'hystérie d'après l'enseignement
de La Salpêtrière1895
- Gilles
de la Tourette par P. Legendre pdf
- Attentat
contre Gilles de la Tourette 07/12/1893
- La
nécrologie La Presse Médicale 4
juin 1904
- La
nécrologie Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière 1904
- The
forgotten face of Gilles de la Tourette:
practitioner, expert, and victim of criminal
hypnotism at the Belle Époque
Bogousslavsky J Walusinski O
- Criminal
hypnotism at the Belle Époque : The path
traced by Jean-Martin Charcot and Georges Gilles
de la Tourette Bogousslavsky J Walusinski O
Veyrunes D
- Correspondance
inédite de G. Gilles de la Tourette, sa
maladie fatale Walusinski O. Duncan G
- Correspondance
inédite de G. Gilles de la Tourette avec
JM. Charcot et G. Montorgueil Walusinski O.
Duncan G
- Vivre
ses écrits, l'exemple de G. Gilles de la
Tourette Walusinski O. Duncan G
- G. Gilles de
la Tourette 1857-1904 in english
- L'état
mental de Froufrou G. Gilles de la Tourette
1892
- Mademoiselle
Bottard. Gilles de la Tourette G. La Revue
Hebdomadaire 1898
- Marguerite
Bottard (1822-1906) sa biographie et la lettre
inédite de G. Gilles de la Tourette
Walusinski O. PDF
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