- Faut-il
réviser la phénoménologie
des tics, des obsessions et des compulsions
?
-
- Le
tic est-il un
mouvement toujours totalement "involontaire et
sans but" ? Il faut mentionner que la
majorité des patients ayant des tics
multiples les disent intentionnels mais
irrésistibles et 25% les disent
comporter à la fois des composantes
volontaires et involontaires. Pour 132 patients
ayant un SGT, 92 % disaient qu'ils ressentaient
leurs tics comme partiellement ou totalement
volontaires. 95% de ces patients ont
remarqué une sensation (un avertissement
mental ou physique) qu'ils décrivent
comme une pression, une sensation une impulsion,
un besoin de faire un tic.
-
- Les tics sont une
réponse totalement ou partiellement
"volontaire" à ces "besoins
prémonitoires". Ces besoins
prémonitoires (premonitory urges) sont
plus souvent ressentis comme une
expérience physique plutôt que
mentale; unilatéraux, bilatéraux
et symétriques ou médians, accrus
par le stress, l'anxiété,
atténués par la relaxation, la
concentration, modifiés par les
médicaments. Les sensations et besoins
prémonitoires peuvent être
ressentis comme plus génants que
l'exécution des tics et sont
soulagés par la réalisation des
tics. La prise de conscience de la sensation ou
du besoin prémonitoire peut aider
à empêcher la survenue des tics. Le
besoin prémonitoire avait
été dénommé sensory
tic par Shapiro. Un médecin, Blick (1980)
a décrit sa propre expérience :
"chaque mouvement était
précédé d'une sensation et
correspondait à une capitulation
volontaire pour soulager cette
sensation".
-
- Une forme
particulière de compulsion a
été observée chez des
patients ayant un SGT : 56% des 61 sujets ayant
un SGT et des SOC disaient avoir conscience d'un
besoin d'exécuter leurs compulsions
jusqu'à ce qu'elles soient 'Just
right". Cette nécessité
concerne des caractéristiques visuelles
ou tactiles (plus rarement auditives) de l'acte
compulsif ou de ses conséquences. Ces
perceptions exactes (just right perceptions)
sont différentes des besoins
prémonitoires associés aux tics,
plus souvent ressenties comme un
phénomène mental plutôt que
physique.
-
- Le besoin de perception
exacte précède ou accompagne le
début de réalisation de la
compulsion. Les perceptions exactes peuvent
être localisées sur une image
corporelle, unilatérales ou
bilatérales et symétriques ou
médianes. Elles sont différentes
des compulsions toujours recommencées en
raison d'un sentiment d'incomplétude ou
d'un souci de perfection jamais atteint
(psychasthénie). Chez les patients ayant
un SGT, les tics comme les compulsions sont
fréquemment perçus comme
l'intrusion soudaine dans la conscience d'un
besoin d'un type ou d'un autre. Bien que ces
besoins semblent différents : faire un
mouvement, accomplir une tâche
spécifique, leurs issues sont similaires,
du fait qu'un sentiment de soulagement
(satisfaction, accomplissement) est
recherché et souvent obtenu, même
s'il n'est que transitoire. La
phénoménologie des besoins
prémonitoires suivis de tics, des
perceptions exactes précédant ou
accompagnant certaines compulsions chez les
tiqueurs comporte des similitudes avec celles
des pensées obsessionnelles qui font
intrusion dans la conscience et trouvent un
soulagement dans l'accomplissement d'un acte
mental ou physique.
-
- Traditionnellement les
obsessions sont mentales et les compulsions sont
comportementales. Les compulsions sont des
comportements extériorisés,
observables, se déroulant selon-certains
rituels ou de façon
stéréotypée, en
réponse à une obsession. Ces
comportements ont pour fonction de la
neutraliser, ou d'empêcher un sentiment de
malaise, un évènement ou une
situation redoutée. Il existe aussi des
rituels mentaux (arithmomanie, onomatomanie).
Ces actes mentaux sont liés aux
obsessions (par exemple prières
répétées pour lutter contre
une pensée blasphématoire) : ils
ont pour fonction de les neutraliser, ou de
réduire la détresse des
obsédés. Actes
intériorisés, ils ne sont pas
observables. Les compulsions observables sont
dites comportementales, les compulsions
inobservables sont dites cognitives.
-
- Tics, compulsions et
obsessions, un continuum
phénoménologique ? Les
cliniciens connaissent les difficultés de
définir correctement les gestes et les
pensées qu'ils observent et analysent
chez certains patients ayant une MTC ou un TOC.
Parfois les rituels du toucher sont
utilisés pour déguiser un tic
involontaire. D'autres fois la peur
d'émettre des mots inacceptables semble
obsessionnelle. Il est plus que probable que les
compulsions qui ressemblent à des tics et
que certains tics moteurs complexes sont
à la croisée des chemins du TOC et
du SGT et qu'ils continueront à
défier nos tentatives de les
séparer. L'étude minutieuse des
patients ayant une MTC, un TOC, ou une
association de ces deux troubles montre
l'existence de mouvements, de comportements et
de pensées qui semblent
intermédiaires entre les tics, les
compulsions et les obsessions. Peut-on
considérer ces comportements et ces
pensées transitionnels comme des
repères sur un continuum ? Peut-on
admettre l'existence d'un spectre incluant : (1)
le tic (moteur ou vocal) simple, involontaire ;
(2) le tic (moteur ou vocal) complexe,
involontaire ; (3) le tic (simple ou complexe)
intentionnel, en réponse à un
besoin prémonitoire ; (4) la compulsion
avec besoin de perception exacte chez les
patients ayant un SGT associé à un
TOC ou à des SOC ; (5) la compulsion
comportementale non liée
fonctionnellement à une obsession ; (6)
la compulsion cognitive non liée
fonctionnellement à une obsession ; (7)
la compulsion (comportementale ou cognitive)
intentionnelle, liée fonctionnellement
à une obsession ; (8) l'obsession
isolée. Le gradient de la capacité
de reconnaissance du caractère
égo-dystonique des obsessions et des
compulsions va de l'absence de reconnaissance
à l'affirmation sans
équivoque.
-
- Certaines observations
d'affections neurologiques, d'inter-ventions
neurochirurgicales et les études
d'imagerie fonctionnelle du cerveau de patients
ayant un SGT ou un TOC suggèrent
l'implication d'un dysfonctionnement des
noyaux gris centraux (NGC), du cortex
préfrontal et à un moindre
degré du système limbique dans
le déterminisme des tics, des obsessions
et des compulsions. Une pathologie du striatum
provoquerait un SGT ou un TOC selon les
régions concernées du striatum
qui, au delà d'un seuil critique,
deviennent déficientes et ne peuvent plus
compenser le système. Un tic moteur
simple impliquerait une pathologie par
dépassement du seuil critique du putamen
(en interaction avec le cortex moteur primaire).
Une obsession pure, une pathologie de la partie
ventro-médiane du noyau caudé et
du noyau accumbens (en interaction avec le
cortex cérébral et le
système limbique). L'association de
compulsions impliquerait une déficience
de la partie dorso-latérale du noyau
caudé (en interaction avec le cortex
associatif). La co-occurence d'un SGT et d'un
TOC impliquerait le putamen et le noyau
caudé.
-
- On peut
schématiser un modèle neuronal
impliquant principalement la "boucle motrice"
(cortex prémoteur, moteur, sensoriel -
putamen - pallidum - thalamus - aire motrice
supplémentaire) qui pourrait être
proposé pour les tocs comme pour les
tics, mouvements plus anormaux par leur
déclenchement et leur
répétition irrésistible et
incontrôlable, que dans leur
réalisation motrice (un tic est un
"simulacre de geste"). De même la
compulsion, séquence de comportement
organisé (rituel), et l'obsession, dont
les thèmes ne diffèrent pas des
pensées, des idées, des images ou
des représentations mentales de tout un
chacun, ont pour caractéristiques
d'être, une fois,
l'évènement
déclenché, irrésistibles,
répétitives,
incontrôlables.
-
- C'est à la fin des
années 70 que les chercheurs mirent en
lumière la fréquence des formes
familiales et que l'analyse du mode de
transmission suggéra le caractère
autosomique dominant. Les études
familiales indiquèrent que cette
pathologie pouvait avoir une expression clinique
variable, incluant des variantes
bénignes, comme les tics moteurs ou
vocaux chroniques, et les tics transitoires. Il
existe en outre des preuves récentes que
certains troubles comportementaux, incluant les
troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et les
troubles hyperactifs avec déficit
attentionnel (« Attention deficit
hyperactivity disorder » = ADHD ou syndrome
deWeinberg), pourraient être des
expressions particulières du SGT. Enfin,
une hypothèse récente
suggère d'inclure le SGT dans un cadre
nosologique plus large des pathologies
auto-immunes associées à des
infections streptococciques, analogues
à la chorée de Sydenham («
Pediatric autoimmune neuropsychiatrie disorder
associated with streptococcal infection »
=PANDAS).
-
- Textes
élaborés à partir des
publications du Prof Dugas (hôpital R
Debré, Paris et Leckman JF, Walker DE,
Cohen DJ Premonitory urges in
Tourette'syndrome . Am J Psychiatry 1993,
150, 98-102
-
- Voir une observation
de bâillements complusifs
dans
- Chouinard S,
Ford B Adult onset tic disorders J Neurol
Neurosurg Psychiatry 2000; 68; 738-743
-
- GE Gilles de la Tourette La
maladie des tics convulsifs La Semaine
Médicale 1899; vol 19; p153-156
(pdf)
-
- la lettre du
site N° 17 du 1 mars 2003
- la lettre du
site N° 18 du 1 avril 2003
-
- A
Cursing Brain? The histories of Tourette
Syndrome. Kushner HI 1999
- Neural
correlates of self-face recognition Platek S
et al.
- Air
swallowing as a tic Weila RS et al.
- Panic,
suffocation false alarms, separation anxiety and
endogenous opioids Preter M, Klein DF
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