G... est âgé de 19 ans. Il est
employé aux PTT comme
télépgraphiste. Il vient consulter
pour un mouvement particulier qui lui fait
ouvrir d'une façon permanente la bouche.
En effet, quand on l'examine, on est
immédiatement frappé par son
attitude très spéciale, la bouche
ouverte, la tête animée de
mouvements. Ceux-ci sont très
spéciaux et on peut les décrire de
la façon suivante :
En premier lieu, on note un abaissement de la
mâchoire inférieure, avec
contraction des muscles masticateurs. La bouche
ainsi ouverte prend une forme de 0 très
allongé. Les muscles du menton tirent la
lèvre inférieure en bas et la
déforment en gouttière. Il reste
ainsi dans cette position pendant quelques
secondes, présentant des mouvements des
muscles péribuccaux et des masticateurs.
Puis la bouche se referme assez rapidement, dans
une détente et ou voit
réapparaitre les fossettes et les plis
péribuceaux. Cette fermeture ne dure
qu'un moment très court.Elle est suivie
très vite d'un nouveau mouvement
d'abaissement de la mâchoire. Fermeture et
ouverture de la bouche vnit ansi se
répéter dans un cycle
rythmé, l'ouverture étant la plus
longue. L'ensemble a l'aspect d'un
bâillement involontaire prolongé et
répété.
Mais ces mouvements ne sont pas
isolés. Ils s'accompagnent d'une
élévation de la tête qui se
fléchit sur la nuque par une série
de secousses progressives, dans un mouvement qui
rappelle la roue dentée et qui
amène la tête en hyperextension
complète. Les muscles postérieurs
de la nuque sont contractés formant deux
masses saillantes qui surmontent les
sablières anatomiques. Les
sterno-cléido-mastoïdiens, se
tendent et semblent s'opposer au mouvement. On
voit leurs tendons faire saillie au-dessus de la
clavicule et du sternum. Quand le mouvement est
arrivé à sa limite, il y a comme
une détente et la tête est
ramenée en hyperflexion. Cette flexion et
cette extension se répètent d'une
facon continue, à allure rythmique et
donnent à la tête l'impression de
hocher perpétuellement.
Ces deux variétés de spasmes
s'effectuent simultanémentet semblent
difficiles à dissocier. Cependant
plusieurs hochements se produisent sans que la
bouche se ferme. La tête étant en
hyperflexion, la bouche a tendance à se
fermer tandis qu'elle s'ouvre plus dans
l'hyperextension. Enfin l'ouverture de la bouche
peut persister isolée pendant plusieurs
minutes.
Ces mouvemerts peuvent être
modifiés par la volonté et
l'émotion. En effet, au début de
l'examen, se sentant surveillé, le malade
n'arrive pas à les diminuer, au
contraire; la bouche reste plus longtemps
ouverte et à ce moment on peut même
noter des mouvements, de reptation de la langue,
qui se tord autour de son axe longitudinal. Au
bout d'un certain temps, ayant plus d'assurance.
il peut cependant par la volonté les
arrêter. Mais cet arrêt ne dure que
quelques minutes et il lui est difficile
d'empêcher complètement les
oscillations de la tête.
Certaines influences extérieures,
telles que la parole etl 'écriture, les
modifient ; quand il parle, pendant les
premières paroles, les mouvements sont
arrêtés; maibrusquement l'ouverture
de la bouche se produit à nouveau. Quand
il écrit, il tient la tête en
flexion et ainsi ne présente que des
oscillations légères mais
l'ouverture de la bouche est peu
modifiée. Par aontre, la marche n'a
aucune influence.
Les mouvements volontaires sont
également susceptibles d'arrêter
ces spasmes lui demande-t-on de serrer
très fort un objet, dès que la
contraction des muscles du bras et de
l'avant-bras se produit, les spasmes cessent.
Ils se reproduisent, aussitôt les muscles
relâchés.
Enfin certains gestes qu'on peut rapprocher
des gestes antagonistes décrits dans le
torticolis spasmodique, ont également le
même rôle. En appuyant l'index sur
le menton il peut maintenir sa bouche
fermée, saps exercer une pression forte.
Mais les oscillations de la tête, bien que
moins amples, persistent. Cette inhibition est
beaucoup plus nette quand il appuie sa
tète sur le poignet, le bras étant
fléchi, le coude appuyé suz- la
cuisse. Cette attitude a été prise
spontanément par lui pour rester au
repos.
Enfin si, dans l'hyperextensioa de la
tête, la fermeture de la bouche n'est pas
possible, dans l'hyperflexion prolongée,
les oscillations s'arrêtent et la bouche
reste fermée.
On se trouve donc en présence de
mouvements involontaires susceptibles
d'être modifiés par tout un
ensemble de circonstances et qui, quoique
discontinus, sont soumis à une sorte de
rythme. Les mouvements d'extension et de flexion
de la tête sont plus rapides que ceux
d'ou~erture et de fermetuie de la bouche. Ils
surviennent par périodes à
l'allure de 20 par minute environ mais cessent
pendant de véritables poses pour
reprendre ensuite.
Enfin, il faut noter qu'ils disparaissent
complètement pendant la nuit sous
l'influence du sommeil. Ces troubles très
apparents et qui attirent d'emblée
l'attention s'accompagnent cependant d'autres
symptômes.
La voix du malade est troublée ; elle
est comme fatiguée, sur un timbre bas,
monotone, presque chuchotée. Toutes les
paroles sont prononcées distinctement
mais avec un débit ralenti. S'il peut
chanter, il est cependant obligé de
rester sur un registre bas et sa voix ne peut
s'élever et ne peut atteindre les notes
aiguës.
Lorsqu'on l'examine, ou remarque, en plus, de
gros troubles qui atteignent la bouche, de
petites secousses rythmiques des
paupières, très intermittentes,
plus marquées quand celles-ci sont
baissées et sans synergie avec les
spasmes décrits. La bouche ouverte, on
voit des mouvements discrets de lalangue qui se
tord et se promène le long de, la face
interne des arcades dentaires.
Mais il existe surtout des signes
d'hypertonie; en effet si, quand il marche, ses
bras se balancent bien, si ses mouvements dans
l'ensemble ont très souples, on
s'aperçoit cependant qu'au niveau des
membres supérieurs, il est plus ralenti.
Il conserve es attitudes plus longtemps que
normalement. Les muscles de la nuque et du bras
ne sont pas entièrement
relâchés dans les positions de
repos, les réflexes de posture soilt
nettement exagérés, surtout,
à gauche, au niveau du biceps et on
observe de ce côté le
phénomène de la roue
dentée. Il n'y a pas de tremblements.
Devant cet ensemble symptomatique, on est
amené à rechercher s'il n'existe
pas, dans les antécédents du
malade, une encéphalite. On trouve alors
qu'il a été hospitalisé, il
y a 4 ans, aux Enfants-Malades dans le service
du Pr Nobécourt pour de l'insomnie suivie
de crises léthargiques avec diplopie.
Sorti de l'hôpital, il semblait
complètement guéri et reprenait
son travail. Mais deux ans après,
progressivement, il se sentait moins
éveillé. Sa torpeur était
telle qu'à chaque instant il avait
tendance it s'endormir. Puis apparaissaient les
mouvements d'extension et de flexion de la
tête, qui, au début, étaient
isolés. Ce tic s'augmentait et six mois
après se compliquait des mouvements de la
bouche. Il s'apercevait de plus que sa salive
s'écoulait et était
secrétée en quantité plus
abondante. Sa voix se modifiait, il parlait plus
lentement, sur un ton plus grave et moins fort.
Il éprouvait des troubles aussi de la
déglutition. Il déclare que
maintenant les gros morceaux. en particulier le
pain, restent comme accrochés et
arrêtés au niveau de son
sophage. Pour boire, il est obligé
d'avaler par petites gorgées. Plus
récemment, ce tableau s'est
compliqué encore par l'apparition de
crampes au niveau des mains.Quand il ferme son
sac de facteur, sa main droite se crispe, les
doigts en flexion; il ne peut l'ouvrir
spontanément, et est obligé de
s'aider de sa main gauche pour écarter
ses doigts.
Ces troubles allant en progressant, il s'est
décidé à consulter.
Par ailleurs; l'examen complet du malade ne
montre rien d'important. Dans ses
antécédents familiaux; rien de
notable, ona fait pratiquer dans le serviceun
examen radioscopique afin d'examiner le
fonctionnement de son diaphragme et de son
sophage. Il n'existé, aucun spasme.
Même quand il a la bouche ouverte, les
mouvements diaphragmatiques se font normalement.
Il avale facilement la bouillie bismuthée
qui passe sans arrêt.
Nous nous trouvons donc en présence
d'un malade qui. à la suite d'une
encéphalite, a vu s'installer toute une
série de spasmes atteignant la main,
l'oesophage et les muscles du larynx mais dont
les plus importants intéressent les
muscles de la nuque, du cou et de la face. Il
s'agit là de mouvements involontaires,
calmés par certaines conditions,
inhibés complètement par le
sommeil. Ils présentant une allure
rythmique très nette. Ils persistent
depuis deux ans, et évoluent de
façon simultanée avec un syndrome
parkinsonien qui, bien que fruste, est nettement
caractérisé par une hypertonie des
muscles du bras et de la nuque, une
exagération des réflexes de
posture et le phénomène de la roue
dentée.
Il nous semble donc que l'on peut rapprocher
ces mouvements des spasmes rythmiques et du
syndrome excito-moteur décrits dans les
suites de l'encéphalite par M. Krebs et
Mlle G. Levy
et par MM. Laignel-Lavastine et P. George.
(Syndrome excito-moteur cervico facial avec
paralysies oculaires d'origine
encéphalitique. Société de
Neurologie, mai 1926, R. N. no 5.) Leur
modification par certaines attitudes et certains
gestes antagonistes les rapprochent, d'autre
part, du torticolis spasmodique.