- Gilles de la Tourette (1857-1904)
était son nom, Georges Albert Edouard
Brutus, ses prénoms. Seul éponyme
recensé dans Le Manuel Diagnostique et
Statistique des Troubles Mentaux
américain (DSM III et DSM IV), cet
honneur historique se paie d'une
abréviation malheureuse "Tourette's
disorder" [1]. Pourtant, il est probable
qu'en se nommant Dupont ou Martin, la pathologie
qu'il a décrite n'aurait pas des
attributs éponymiques. Il faut
d'emblée noter que ce nom n'est devenu
célèbre que près de 70 ans
après sa mort grâce aux travaux
épidémiologiques de AK. et E.
Shapiro, aux USA [2]. C'est eux qui ont
rapporté, en 1978, cette parole de
malade: "quel joli nom pour une maladie aussi
horrible !".
-
- interne de JM. Charcot en
1884
- ©
Extrait de l'Album de l'internat de La
Salpêtrière conservé
à la Bibliothèque Charcot à
l'hôpital de la
Salpêtrière
- (Université
Pierre et Marie Curie, Paris)
-
- Nous ignorons comment vint à Gilles
de la Tourette l'intérêt pour
débrouiller les différentes formes
de chorée. Dès 1881,
l'année de son admission à
l'internat, il avait traduit, sans le commenter,
dans Les Archives de Neurologie, l'article de
Beard paru en 1880, dans The Journal of Nervous
and Mental Diseases, intitulé « Les
sauteurs du Maine » [3]. Charcot ne
pouvait pas ignorer ce travail. Bien que nous en
ignorions les circonstances exactes, c'est
Charcot qui incita Gilles de la Tourette
à persévérer dans cette
étude : « Nous avons
nous-même, sur les conseils de notre
maître, M. le professeur Charcot,
analysé les travaux des trois
précédents auteurs (cf Beard,
O'Brien, Hammond) et montré, en juillet
1884, que le Jumping du Maine, La Latah de
Malaisie, et le Myriachit observé par les
officiers américains en Sibérie
n'étaient qu'une seule et même
affection » [4]. Dans sa
description princeps, qui rend son beau nom
encore universellement célèbre, G.
Gilles de la Tourette rapporte l'observation de
la baronne de Dampierre, examinée par
Itard en 1825, et revue par Charcot à
plusieurs reprises. Y ajoutant sept autres cas,
cette matière servira à Gilles de
la Tourette pour proposer dans son article, paru
en 1885 dans Les Archives de Neurologie, «
L'étude sur une affection nerveuse
caractérisé par l'incoordination
motrice accompagné d'écholalie et
de coprolalie », alors qu'il n'était
encore qu'interne et ne soutint sa thèse
de doctorat en médecine qu'en 1886
[5]. Hors un article, paru dans La
Semaine Médicale en 1899, relatant un
nouveau cas, présenté sous la
forme, en vogue à l'époque, d'une
consultation, Gilles de la Tourette ne se
consacra plus jamais à "la maladie des
tics convulsifs" [6]. C'est donc un
travail de jeunesse qui lui a assuré la
célébrité pour la
postérité.
-
- Ce signe de précocité marque
sa biographie que nous souhaitons
éclairer d'un angle nouveau, ayant
l'ambition de montrer l'intrication qui existe
entre sa vie personnelle et professionnelle,
entre ses activités et ses écrits;
en résumé, comment il a eu la vie
de ses écrits.
-
- Le journalisme
-
- Dès son adolescence, Gilles de la
Tourette s'est intéressé à
l'histoire. Sa curiosité le porta
à étudier la vie de
Théophraste Renaudot (1586-1653),
originaire de la ville de Loudun, toute proche
de son propre lieu de naissance à
Saint-Gervais en Poitou. Cet illustre
compatriote, lui-même médecin,
accompagna Richelieu à Paris. Important
l'institution des "monts de piété"
en France, il est également l'instigateur
des consultations charitables et gratuites dans
un but humanitaire, des bureaux de placement,
ancêtre des agences pour l'emploi. Gilles
de la Tourette, positiviste et progressiste
convaincu, ne pouvait qu'être
fasciné par le personnage. Le 30 mai
1631, Renaudot lançait sa
célèbre Gazette, premier quotidien
français, organe de propagande au service
de Richelieu, qui lui accorda en 1635 le
monopole de la presse, au détriment de
ses concurrents parisiens. Gilles de la
Tourette, encore interne, lui consacrera une
biographie parue en 1884 [7]. Comment ne
pas voir là, la fascination pour
l'écrit qui rendit Gilles de la Tourette
si prolixe. Car, en dehors de ses publications
connues sur l'hypnose et divers sujets
médicaux, Gilles de la Tourette utilisa
la presse grand public pour diffuser les travaux
de l'Ecole de La Salpêtrière. Sous
le pseudonyme de Paracelse, il rédigea,
en temps que chroniqueur scientifique, à
partir de 1892, des commentaires sur la folie et
sa représentation au théatre ou
encore des crimes passionnels : l'Etat mental de
Froufrou [8], La folie de la Reine Juana
[9], A propos du procès Cauvin :
l'état mental de Marie Michel
[10], L'état mental du feu
Ravachol [11], L'épilogue de
l'affaire Eyraud - Bompard [12].
-
- C'est en 1882 qu'il se lit d'une
amitié profonde et durable avec un
journaliste, Georges Montorgueil, né
comme lui en 1857, et qui tient la rubrique
actualité dans le journal
«L'Eclair» [13]. S'inspirant
de Renaudot, Gilles de la Tourette fera publier
par son ami non seulement des actualités
médicales issues des travaux de La
Salpêtrière dont il assure ainsi la
notoriété, mais aussi des notes de
vie quotidienne (« lettre du 22 juin 1894 :
Je vous écris surtout pour vous demander
de ne pas oublier notre réclamation au
sujet d'un abri aux Tuilleries pour nos enfants;
en cas de pluie rien alors que partout aux
Champs Elysées, au Luxembourg, il y a des
abris... Merci d'avance pour les petits.
Affectueusement à vous. GdT »).
-
- Autre exemple, en 1894, Gilles de la
Tourette se passionne pour la défense du
Dr Lafitte, accusée d'avoir aidé
à un avortement. D'un côté,
il sensibilise le corps médical en
publiant un article dans le Progrès
Médical de son ami Bourneville, de
l'autre, il fournit l'argumentaire dont va se
servir Montorgueil pour orchestrer une campagne
de presse [14]. Ainsi, le 28 août
1894, l'affaire fait la une de L'Eclair sur
trois colonnes. Dans une longue lettre
adressé au rédacteur du journal Le
Temps, il prend la défense du Docteur
Lafitte : « Monsieur le
rédacteur en chef, Permettez-moi de
protester comme délégué de
l'association de la presse médicale
contre la façon dont votre collaborateur
dénature les sentiments qui nous ont
guidés dans les démarches que nous
avons faites en faveur du Docteur Lafitte.....
Si le rédacteur du Temps n'est pas comme
nous convaincu de l'innocence de cet
infortuné il pourrait au moins au lieu de
parler d'intérêt, laisser à
ceux qui s'occupent désormais de cette
malheureuse famille, le mérite de
quelques sentiments d'humanité. J'ose
espérer Monsieur le rédacteur en
chef de votre équité que vous
voudrez bien publier cette lettre et vous prie
de recevoir l'expression de mes sentiments les
plus distingués ». On peut encore
apprécier la complicité entre
Gilles de la Tourette et Montorgueil à
plusieurs notes qu'ils échangent, comme
celle-ci: « le 15 octobre 1894, Mon cher
ami, Merci pour l'affaire Lafitte. Voilà
le dernier cri. Ma femme a été
reçue par Madame Casimir Perier,
Président de la République, d'une
façon fort aimable. Elle lui a remis une
pétition des deux petites jumelles du
Docteur Lafitte. Naturellement ceci entre nous,
rien pour le journal. C'est bien assez que je
sois dans les gazettes de ce bon Renaudot. Si la
grâce ne réussit pas quel bel
article je vous donnerai .... C'est
dégoûtant la façon dont se
comporte le parque de Seine et Oise .... PS : Ne
dites pas à un de vos collègues la
réception de Madame Casimir Perrier. Il
pourrait n'avoir pas votre discrétion
».
-
- Ces exemples parmi d'autres expliquent les
propos de son ami et hagiographe Paul Legendre
quand il écrit au début de la
biographie qu'il lui a consacré : «
Avec les goûts qu'il avait pour l'histoire
et la littérature, il eût pu
être tenté de déserter les
cours de la Faculté et les salles des
hôpitaux pour les cours de la Sorbonne et
du Collège de France; il se fût
peut-être glissé dans les
rédactions des journaux
littéraires et politiques pour devenir
exclusivement publiciste, au lieu de ne trouver
dans le journalisme qu'un délassement de
sa carrière médicale »
[15].
-
- extrait de
- Une
leçon de Charcot à La
Salpêtrière
- tableau de André
Brouillet 1887
-
- L'hystérie
-
- Inscrit en 1876 à la faculté
de médecine de Paris, Gilles de la
Tourette fut nommé externe en 1878
à sa deuxième tentative, interne
en 1881 à 24 ans. Il termine son internat
à La Salpêtrière à
partir de 1884. En 1887, il devient chef de
clinique de JM.Charcot alors au sommet de sa
gloire, nommé titulaire de la chaire des
Maladies du Système Nerveux en 1882. A
cette époque, JM. Charcot a
derrière lui tous ses travaux majeurs de
neurologie, ayant décrit la maladie de
Parkinson, la sclérose latérale
amyotrophique, la sclérose en plaques et
ses théories sur les localisations
cérébrales. Il s'intéresse
depuis dix ans à l'hystérie et va
trouver en Gilles de la Tourette son serviteur
le plus zélé pour diffuser ses
conceptions. JM. Charcot ne publiera plus aucun
livre, sous sa signature et en français,
et chargera ses élèves de publier
les travaux qui ont assuré sa
célébrité auprès de
ses contemporains mais ont été les
plus contestés par la suite: Gilles de la
Tourette, Richer, Guinon, Blocq, Bourneville,
entre autres [16]. Il ne donne ses vues
que par les préfaces qu'il accorde
à chacun. Seul Gilles de la Tourette
bénéficera de trois
préfaces, chacune ayant pour thème
l'hystérie, ce qui indique bien l'estime
toute particulière en laquelle JM.
Charcot le tenait [17]. Il faut noter
que JM. Charcot publiera, sous son seul nom,
deux articles, oubliés depuis, mais en
anglais dans une revue de vulgarisation
américaine Forum of New York, en 1889,
Magnetism and Hypnotism et en 1890, Hypnotism
and Crime [18,19].
-
- JM. Charcot encouragea toujours ses
élèves à trouver dans l'art
l'illustration de ses conceptions de
l'hystérie. C'est à nouveau
à Loudun que Gilles de la Tourette en
trouva la meilleure représentation en
composant en 1886 : « Soeur Jeanne des
Anges supérieure des ursulines de Loudun
XVIIè s, autobiographie d'une
hystérique possédée »,
préfacée pour la première
fois par son maître [20].
-
- Mais n'oublions pas que Gilles de la
Tourette avait été interne de P.
Brouardel et fut agrégé de
Médecine Légale en 1891. C'est
pourquoi il est intéressant de voir
évoluer le point de vue
médico-légal de Gilles de la
Tourette sur l'hystérie et l'hypnotisme,
en particulier dans la controverse
engagée avec l'Ecole de Nancy et
Bernheim. Dans son livre, L'hypnotisme et les
états analogues du point de vue
médico-légal, en 1887, Gilles de
la Tourette donne deux exemples
d'hystériques (la célèbre
Blanche Wittman et Mlle H.E.) incitées
à commettre un crime en état
d'hypnose et qui déclarèrent avoir
réellement commis leur acte avant leur
éveil [21]. Pourtant, dans deux
occasions, Gilles de la Tourette défendra
farouchement le point de vue contraire.
-
- D'abord, en 1889-1890, une affaire
criminelle passionna le public, l'affaire
Gouffé du nom d'un huissier. Celui-ci
avait été pendu par Michel Eyraud,
caché derrière un rideau, alors
qu'il avait été invité
à s'allonger sur un sofa par Gabrielle
Bompard, la galante complice l'ayant
attiré dans ce traquenard et lui ayant
passé délicatement une corde
autour du cou pendant de supposés
préliminaires. Les meurtriers ne
trouvèrent pas les économies
escomptées et abandonnèrent le
corps dans une malle. G. Bompard se constitua
spontanément prisonnière quelques
mois plus tard. Ses avocats bâtirent sa
défense en expliquant qu'elle avait agi
sous l'emprise d'un état hypnotique dans
lequel M. Eyraud l'avait plongée.
Liégeois, représentant Berhneim et
l'école de Nancy vint rapporter devant la
cour ses propres expériences,
sensées démontrer qu'un crime
était réalisable par suggestion.
Mais P. Brouardel et G. Ballet, nommés
à titre d'experts, ridiculisèrent
sa déposition. Eyraud fut condamné
à mort et Bompard à 20 ans
d'emprisonnement [22]. A cette occasion,
Gilles de la Tourette rédigea un
mémorable « Épilogue d'un
procès célèbre »
proclamant la victoire des théories de La
Salpêtrière qui niait toute
possibilité d'action violente
réalisée sous hypnose et par
suggestion [23].
-
- Ensuite, dans une lettre à son ami
Montorgueil : « 14 janvier 1893. Mon cher
Monsieur, Je ne sais pas comment vous vous y
prenez pour mousser si bien vos articles et si
exactement avec aussi peu de renseignements. Je
vais vous en signaler un autre : je voulais le
faire pour ma chronique scientifique de la Revue
hebdomadaire mais je n'ai pas le temps en ce
moment et j'ai peur qu'il passe
d'actualité.... Peut-on endormir
quelqu'un malgré lui ? Réponse:
non. Tout ce que l'on dit est de la sottise.
Pouvons-nous vous convaincre ? Je vous prie de
me faire l'amitié de venir dîner
avec nous vendredi 20 janvier à 7 h 30
(sans cérémonie). Vous trouverez
entre autres mes amis Cravard et Lembert qui
viennent de faire un traité de
l'anesthésie chirurgicale et
obstétricale. Je compléterai la
chose en vous disant « oralement »
dans quelles conditions on peut endormir
quelqu'un malgré lui (ou malgré
soi. Je suis en brouille avec
l'académie). Et nous boirons à la
santé de Théophraste Renaudot qui
vous doit une si belle chandelle. C'est entendu
n'est-ce pas? Cordialement. Gilles de la
Tourette ».
-
- Rappelons qu'en cette même
année, le 6 décembre 1893,
quelques mois après que Gilles de la
Tourette ait perdu un fils d'une
méningite et que son maître Charcot
fût disparu, une jeune femme, Rose Kamper,
tira sur lui des coups de feu, dans son cabinet
de consultation, après qu'il ait
refusé de lui donner l'argent qu'elle lui
réclamait. Les blessures ne furent que
superficielles. Peu après la
meurtrière déclara: «
Interrogée sur le mobile qui l'avait
poussée à attenter aux jours du
médecin, cette femme
réitéra qu'elle était dans
la misère et que s'étant
prêtée jadis soit volontairement,
soit à son insu, (sic) à des
expériences d'hypnotisme à la
Salpêtrière, elle avait
aliéné sa volonté de telle
sorte qu'elle se trouvait aujourd'hui dans
l'impossibilité de se remettre à
travailler et que conséquemment il lui
paraissant logique de venir demander de l'argent
à ceux qui lui avaient ôté
son pain ». Le soir même Gilles de la
Tourette écrivit à Montorgueil
d'une plume mal assurée: « Je serai
heureux de vous voir aujourd'hui. La balle est
enlevée. Ça va mieux, mieux.
Cordialement. Gilles de la Tourette. Quelle
drôle d'histoire ». Et Montorgueil
publiera dans L'Eclair du 8 décembre un
article complet ! Survenant quelques mois
après la querelle publique, dans un
prétoire, opposant l'Ecole de Nancy et
l'Ecole de La Sapêtrière, ce fait
divers suscita une couverture médiatique
considérable, certains journaux allant
jusqu'à insinuer un montage publicitaire
orchestré par Gilles de la Tourette. Le
troisième tome de son Traité de
l'hystérie, relu quelques jours avant sa
mort par JM. Charcot, parut en 1895. Gilles de
la Tourette n'écrivit plus qu'un texte
sur l'hystérie, par la suite, en 1900
[23,24, 25]. On peut ainsi dire que
Gilles de la Tourette fut un théoricien
de la suggestion criminelle, un expert
auprès de la justice d'un avis contraire
au précédent, et une propre
victime indirecte de ces théories !
[26]
-
- Le comportement
-
- Né en Poitou, le 30 octobre 1857, au
sein d'une lignée de médecins,
l'enfance et l'adolescence de Gilles de la
Tourette sont marquées, d'une part, par
de brillants résultats scolaires avec
l'obtention du baccalauréat à 16
ans, et d'autre part, des difficultés
d'insertion, notamment à l'internat du
lycée de Chatellerault où il fut
toujours indiscipliné et
régulièrement
réprimandé. Jugé immature
par sa mère, celle-ci lui imposa de
commencer ses études de médecine
à Poitiers dans la crainte de le voir
s'égarer à Paris; il y resta trois
ans.
-
- Son ami Paul Legendre, qui le connut en 1881
au début de son internat, le
décrit : "C'était un garçon
jovial et exubérant, ayant le verbe haut
et la parole facile... Très ardent mais
peu patient, il n'était pas homme
à laisser ses contradicteurs
épuiser peu à peu leurs
arguments... il s'emballait à la
première contradiction...". Dans une
lettre qu'il adresse à sa femme, pendant
son séjour parisien, Freud parle de
Gilles de la Tourette qu'il a rencontré
lors d'une soirée du mardi chez JM.
Charcot: « c'est un authentique
méridional" remarquant son
caractère fougueux et bouillant ».
Pas plus que JM. Charcot, Gilles de la Tourette
n'affichait d'opinions politiques mais
partageait les idées de
républicain convaincu et
anticléricales de son maître. Il
était l'ami de Bourneville et le
soutenait dans son combat pour la
laïcisation des hôpitaux. Une chanson
de salle de garde en témoigne
[15,27,28,29] :
-
- « M'sieu Gilles de la Tourette
- N'est pas d'humeur facile
- Quand avec des pincettes
- On touche à Bourneville ».
-
- Dans "Devant la douleur" Léon Daudet
trace un portrait sévère de Gilles
de la Tourette : "Gilles de la Tourette
était laid, à la façon
d'une idole papoue sur laquelle serait
implantés des paquets de poils..... Il
avait une voix éraillée et
brûlée, le geste brusque, la
démarche falote. Il passait pour un
original, abordait un sujet intéressant,
le délaissait pour un autre,
déconcertait ses maîtres par ses
bizarreries qui allaient en augmentant et
devenaient de moins en moins drôles. ....
Il gambadait, sautait, dansait quand on appelait
son attention sur certaines coïncidences.
Il répétait « c'est mon
idée très ferme ».
-
- La personnalité de Gilles de la
Tourette apparaît donc inhabituelle avec
des traits hypomaniaques et histrioniques,
intelligent mais instable, hyperactif et
combatif. La maladie qui l'emporta aggrava
notablement tous ces traits.
-
- La syphilis
-
- Gilles de la Tourette avait
été interne de Fournier. S'il
acceptait l'idée que le tabès
avait une origine syphilitique, il ne s'accorda
jamais avec son ancien maître sur
l'origine syphilitique de la démence de
la paralysie générale
[30]. Dans « Paris vécu
», Léon Daudet relate comment, selon
lui, la maladie de Gilles de la Tourette se
révéla publiquement.
« Pierre Marie, qui devait faire
beaucoup plus tard un abattage si remarquable de
la localisation du langage articulé,
était alors très
discipliné, très modeste,
très en retrait : « Oui
Monsieur, non monsieur, parfaitement Monsieur
». II était bien de sa personne,
fort aimable, plus semblable à un avocat
timide qu'à un médecin. Il
tranchait avec ce pauvre Gilles de la Tourette,
hirsute, bavard catégorique, absurde, et
qui mourut fou. Le délire de Gilles de la
Tourette, consécutif à un
tréponème négligé,
se révéla publiquement de la
façon la plus cocasse. Faisant passer un
examen, il demanda au candidat: « quels
sont Monsieur, les trois plus grands
médecins français du XIXème
siècle ? » L'élève
réfléchit et répondit :
« Laennec, Duchenne de Boulogne et Charcot
», car il savait que Gilles de la Tourette
avait été l'élève du
troisième. - Non, Monsieur, vous n'y
êtes pas: il y a eu mon grand-père,
mon père et moi, Coco. C'est pourquoi ici
l'examinateur coiffa le jeune homme interdit de
sa propre toque d'agrégé, c'est
pourquoi on va m'élever une statue en
bromure de potassium! ». Les archives de
l'Assistance Publique présentent Gilles
de la Tourette en congé pour raisons de
santé à partir du 1er novembre
1901 [31]. Après la
démission en 1900 de Brisssaud de la
chaire d'histoire de la médecine, Gilles
de la Tourette envisagea de postuler. L'analyse
du manuscrit de 38 pages qu'il rédigea
dans ce but et ne fut jamais
déposé comprend certains passages
pathétiques indiquant la fuite des
idées, la mégalomanie, la perte de
l'autocritique: « C'est nous le croyons, un
service magnifique que nous avons rendu à
l'histoire de la médecine en
représentant et en faisant aussi aimer
ces vieux trésors de nos musées,
ces documents si précis et si
représentatifs dans leur figuration ....
et qui étaient jusqu'alors restés
presque complètement ignorés et
méconnus de la masse du public et aussi
des médecins les plus experts en choses
posthumes de la médecine. Nous avons
aussi publié en les joignant,
mémoires originaux aux découvertes
les plus belles en art ancien et moderne, 3
à 400 planches ou dessins au minimum qui
pourraient aussi fournir un volume superbe
élevé à la gloire de la
médecine française. On devrait
toujours la consulter afin d'avoir constamment
présente à la pensée et
à l'esprit cette évolution
historique parallèle et admirable de
l'histoire de la médecine et de l'art de
la peinture de la sculpture, et de la parure en
France et à l'étranger avec des
documents figurés qui n'ont pas leurs
équivalents dans le monde. Ils figurent
très rarement en effet dans les livres
habituels si ce n'est peut-être dans le
grand ouvrage de l'honnête Ambroise
Paré qui devait être un excellent
dessinateur car son livre est orné de
merveilles ». Il fut hospitalisé
à son insu, à la Maison de
santé du Bois de Céry, près
de Lausanne, accompagné de JB Charcot,
fils de son maître et condisciple, qui
argua d'une demande d'un avis médical sur
un patient célèbre de la clinique.
Il devint psychotique et dément, victime
de convulsions répétées et
mourut le 22 mai 1904.
-
-
- Quel parcours singulier pour une
personnalité singulière !
-
- Biographe de l'inventeur du journalisme,
Théophraste Renaudot, Gilles de la
Tourette semble s'en être
profondément inspiré pour devenir
un auteur et un débatteur prolixe tant
sur des sujets médicaux, qu'artistiques,
ou de faits de société de son
temps, dans de multiples journaux et quelques
livres. Ami intime d'un journaliste influent, il
sût s'en servir pour diffuser les
résultats de ses travaux comme ceux de
son maître vénéré JM.
Charcot, mais aussi pour être
informé officieusement comme Renaudot
l'était auprès de Richelieu.
-
- Porte-parole intransigeant des dogmes sur
l'hystérie, issus de l'Ecole de La
Salpêtrière, il plaida des avis
opposés sur la possibilité de
crimes commis sous l'emprise d'un état
hypnotique, par la suggestion, pour, enfin, en
être victime, lui-même, dans sa
chaire lors d'une tentative d'assassinat.
-
- Maintenant avec constance un avis
péremptoire contre Fournier que la
paralysie générale n'était
pas d'origine syphilitique, il finit pas mourir
dans un tableau de démence et de
détérioration neurologique de
cette maladie.
-
-
- Gilles de la Tourette n'a consacré
que moins de trois ans, au tout début de
sa carrière de neurologue, à
isoler du chaos descriptif de la chorée,
une nouvelle entité pathologique
définitivement associée à
son nom, la maladie de Gilles de la Tourette.
Or, les témoignages de ses contemporains
sur son comportement peuvent faire penser qu'il
extériorisait des traits
psychopathologiques tels que ceux qui
appartiennent actuellement à la
description de la maladie qui porte son
nom.
-
- Gilles de la Tourette a donc bien eu la vie
de ses écrits
-
- Bibliographie
-
- 1°) Diagnostic and Statistical Manual
of Mental Disorders. American Psychiatric
Association. 1994 · 792p.
-
- 2°) Shapiro AK, Shapiro E, Bruun RD,
Sweet RD. Gilles de la Tourette Syndrome. New
York. Raven Press. 1978.
-
- 3°) Beard G. Experiments with the
"jumpers" or "jumping Frenchmen" of Maine.
Journal of Nervous and Mental Disease. 1880;7:
487-490.
-
- 3 bis°) Gilles de la Tourette G. Les
"Sauteurs" du Maine (États-Unis), traduit
de G. Beard. Arch Neurol (Paris).
1881;2:146-160.
-
- 4°) Gilles de la Tourette G. Jumping,
Latah, Myriachit. Arch. Neurol (Paris).
1884;8:68-74.
-
- 5°) Gilles de la Tourette G. Etude sur
une affection nerveuse
caractérisée par de
l'incoordination motrice accompagnée de
l'écholalie et de la coprolalie. Arch
Neurol (Paris). 1885;9:19-42 et 158-200.
-
- 6°) Gilles de la Tourette G. La
maladies des tics convulsifs. La Semaine
Médicale. 1899;19:153-156.
-
- 7°) Gilles de la Tourette G.
Théophraste Renaudot, d'après des
documents inédits, un essai de
Faculté libre au XVIIè
siècle, les consultations charitables, La
Gazette. Plon éd. Paris 1884.
-
- 8°) Gilles de la Tourette G.
L'état mental de Froufrou. La Revue
Hebdomadaire. 1892;27:624-629.
-
- 9°)Gilles de la Tourette G. La folie de
la Reine Juana. La Revue Hebdomadaire.
1893;63:461-470.
-
- 10°) Gilles de la Tourette G. A propos
du procès Cauvin: l'état mental de
Marie Michel. La Revue Hebdomadaire.
1896;202:118-131.
-
- 11°) Gilles de la Tourette G.
L'état mental de feu Ravachol. La Revue
Hebdomadaire. 1892;29:62-629.
-
- 12°) Gilles de la Tourette G.
L'épilogue d'un procès
célèbre (affaire Eyraud-Bompard).
Progrès Médical. Lecrosnier et
Babé Ed. Paris. 1891. 16p.
-
- 13°) Montorgueil G. La correspondance
privée de Gilles de la Tourette à
G. Montorgueil (1892-1904). Archives Nationales.
428 AP/2.
-
- 14°) Gilles de la Tourette. L'affaire
Lafitte. Le progrès Médical.
1894;20(2):273-276.
-
- 15°) Legendre
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Bulletins et Mémoires de la
Société Médicale des
Hôpitaux de Paris.
1905;21(3):1298-1311.
-
- 16°) Gelfand T. Charcot, médecin
international. Rev Neurol (Paris).
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- Gilles
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- Journaliste français, par
Boucher (1869-1910)
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Lutèce (Paris, IV
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-
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