mystery of yawning
Le bâillement, du réflexe à la pathologie
Le bâillement : de l'éthologie à la médecine clinique
Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie
 Le bâillement : un comportement universel
La parakinésie brachiale oscitante
Yawning: its cycle, its role
Warum gähnen wir ?
 
Fetal yawning assessed by 3D and 4D sonography
Le bâillement foetal
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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
5 décembre 2010
Le Bulletin Médical
1893;7(96):1081-1084
Diplégie faciale totale
avec paralysie glosso-laryngo-cervicale
chez deux frères
Edouard Brissaud et Pierre Marie

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 Le malade qui fait l'objet de ce travail fut, tout d'abord, soigné en 1892 à la consultation externe de l'un de nous (Brissaud), à l'hôpital Saint-Antoine est présenté dans une leçon clinique dont un compte-rendu paru dans médecine moderne (1893, p.9). Pendant le temps où il fréquenta cet hôpital, nous pûmes l'examiner à plusieurs reprises et rédiger l'observation ci-dessous. Dans le courant de 1893 ce petit malade consulta M. Charcot; notre maître fit à cette occasion une leçon clinique publiée également dans la Médecine Moderne (1893, p.806) par son interne, M. Londe, qui, ayant examiné le frère cadet, constata chez lui les premiers symptômes de la même affection. L'observation de ce second malade sera prochainement rapportée par M. Londe, dans la Revue de Médecine. Nous ne nous occuperons donc, ici, que de L'aîné et de ses deux frères.
 
brissaud diplegie faciale
 
 
bulletin_medical
 
Observation : jeune garçon de huit ans et demi, Moïse Ch…
Antécédents héréditaires: mère : bronchite il y a six ans, tousse encore quelquefois l'hiver ; n'a jamais eu de crises de nerfs.
Père : se porte bien, colique hépatique il y a deux ans. Jamais il n'y a eu de paralysie dans la famille.
Un frère de quatre ans et demi était très bien portant, du moins au dire de la mère, lorsque cette observation fut prise ; nous savons que, quelques mois plus tard, cet enfant ayant été examiné par Charcot et Londe, ils constatèrent chez lui des symptômes tout à fait analogues à ceux de son frère.
 
Antécédents personnels.
N'aurait jamais eu de maladie bien sérieuse, si ce n'était une fracture de cuisse il y a trois ans et demi ; 29 jours d'immobilisation.
De plus, il y a trois ans, a eu une rougeur sur le corps, dont la mère précise mal les caractères ; cette éruption n'aurait pas duré plus d'une journée. À cette époque, M. Gouguenheim aurait fait dans la gorge une opération pour extirper des tumeurs adénoïdes ( ?) Dans l'hiver de 1891 a eu de nouveau mal à la gorge, mais seulement pendant trois ou quatre jours. Il a eu, en outre, la rougeole, assez grave, il y a quatre ans ; il a toussé pendant quelque temps après.
 
Le début des accidents remonterait au mois d'avril 1892 ; à ce moment-là, les parents avaient fait des pertes d'argent ; les voyant très affligés, l'enfant aurait beaucoup pleuré et c'est à ce moment qu'on remarqua qu'il avait les yeux toujours pleins de larmes ; on aurait aussi a alors constaté quelques troubles de l'orbiculaire des lèvres. La mère ajoute qu'en avril l'enfant a perdu abondamment ses cheveux. Les accidents auraient, d'après l'enfant, coïncidé avec une brimade infligée par ses camarades ; ils lui auraient, par un temps froid, tenu la tête sous une fontaine et la lui auraient ensuite couverte de neige. Vers le mois de juin 1892, on remarqua qu'il s'engouait fréquemment en buvant. Mais la forme générale des traits du visage n'était pas encore modifiée. Au commencement de 1892 le maître d'école s'est aperçu que sa langue s'embarrassait et qu'il récitait ses leçons d'une façon indistincte. Vers la fin d'août 1892 ont constata que lorsqu'il riait sa bouche prenait une forme singulière, et que la respiration était gênée ; il était essoufflé. Le 19 octobre 1892, sa mère, qui était séparée de lui depuis le mois de mai, le revoyant, peine à le reconnaître tant ses traits étaient chargés ; son visage manquait d'expression ; elle s'imagina qu'il n'éprouvait aucun plaisir à la revoir ; elle crut même qu'il était devenu « presque idiot ». Il parlait déjà lentement, traînant sur les mots, et « comme s'il avait de l'eau dans la bouche ». Pendant les inspirations, il avait souvent une « reprise » bruyante qui maintenant à beaucoup diminuée, presque disparue, du moins lorsqu'il ne se livre pas un exercice violent.
 
On aurait aussi remarqué parfois qu'il toussait de la gorge, et non du larynx, et qu'il ne pouvait plus éternuer.
 
État actuel, 25 décembre 1892 : au premier abord, le petit malade a un aspect singulier ; la face sans expression, les joues aplaties. Le front est absolument lisse ainsi que la racine du nez et le reste de la face, sauf le menton qui offre des dépressions et des éminences animées de mouvements fibrillaires très nets. Pas de mouvement fibrillaires appréciables dans les autres muscles de la face.
 
Les sourcils n'ont rien d'anormal. Les yeux sont modérément ouverts ; dans le regard horizontal, la paupière supérieure arrive au contact du bord supérieur de la pupille. Ils sont constamment remplis de larmes, surtout le gauche. Malgré l'aspect normal des paupières on constate que leurs mouvements sont altérés en ce que
1 ° le malade ne peut pas ouvrir largement les yeux et découvrir complètement la pupille
2° l'occlusion des yeux est tout à fait incomplète ; l'oeil gauche peut être cependant à peu près clos, mais sans force, et ce mouvement détermine une contraction vague de la portion inférieure de l'orbiculaire ; le droit reste entrouvert d'un demi à 2 millimètres, surtout au niveau de l'anglais interne ;
3° le clignement est rare et faible.
 
Les deux yeux suivent d'ailleurs parfaitement les objets mouvants ; pas de paralysie des muscles oculaires. Les pupilles sont sensibles à la lumière et réagissent bien. Le front et les sourcils ne peuvent exécuter aucun mouvement. Le nez est assez large de sa base et dans presque toute sa longueur, mais les narines sont comme accolées à la cloison, et pendant la respiration et elles ne sont pas mobiles. Si on jette à la figure de l'enfant de l'eau froide, on ne voit aucune contraction réflexe des narines. Il peut encore, volontairement, glisser la peau sur le dos du nez et produire, du côté de l'aile droite, quelques très légers mouvements ; l'aile gauche semble encore plus affaissée et reste privée de tout mouvement volontaire. L'olfaction ne semble pas altérée ; nous lui avons présenté des odeurs qu'il a immédiatement reconnues : la menthe et la fleur d'oranger. L'ammoniaque provoque une secousse réflexe, indice de la sensation désagréable qu'il a éprouvée, et ses yeux s'humectent. En le faisant respirait fortement, la bouche fermée, il ne se produit, à l'inspiration, aucun mouvement des ailes du nez, mais à l'expiration le gauche est un peu déjetée en dehors. Dans son attitude ordinaire, il reste la bouche fermée ; le contour des lèvres rapprochées conserve bien la forme normale (double accent circonflexe), mais il semble que la bouche soit moins large et qu'elle ne doit être et, en somme, il y a une vague tendance au cul de poule. Cette tendance s'exagère quand on lui dit, par exemple, de fermer les yeux avec force ou d'exécuter quelque autre mouvement avec la partie supérieure du facial.
 
Depuis qu'il est malade et il ne peut plus rire, ou quand il rit, dit sa mère, « son visage est comme une figure de cire ». Quand il pleure, il se produit une contraction violente des muscles du menton ; tout haut de la figure reste immobile, le front notamment n'a pas un pli ; quand il avale la bouche fermée, on voit la partie de chaque joue immédiatement attenante à la commissure labiale, être pour ainsi dire aspirée à l'intérieur de la bouche. La partie médiane de la lèvre supérieure est assez épaisse de la mère la trouve plus épaisse qu'auparavant. La lèvre inférieure n'a rien de particulier, sauf peut-être une légère tendance au renversement en bas. Le menton est animé d'ondulations rapides et instantanément il s'y produit des dépressions et des éminences alternatives comme en ces cas de paralysie bulbaire. De toutes les parties de la face, c'est d'ailleurs la seule où l'on voit se produire spontanément des tremblements fibrillaires. Quelquefois, cependant, on aperçoit une contraction, mais très rapide et isolée, soit au niveau de la paupière inférieure, soit au niveau du zygomatique (aile du nez), quelquefois aussi dans une des commissaires labiales. Il ouvre et ferme les mâchoires avec une force normale ; il ne peut montrer ses dents, surtout pour la lèvre supérieure. La lèvre inférieure les découvre un peu, et dans ce mouvement c'est surtout la partie gauche de la lèvre inférieure qui se contracte. Il ne savait pas siffler, mais, cependant, quand on lui dit d'essayer, on constate qu'il ne pourrait pas le faire quoiqu'il rapproche assez ses lèvres. Quand il se mouche, ses joues se gonflent fortement et il est obligé de faire un véritable effort. Il présente par moments un mouvement d'ouverture et de fermeture des mâchoires, une sorte de mâchonnement ; il bâille très souvent. Il peut encore souffler une bougie, mais sans grande force.
 
Debout ou assis, il ne perd pas sa salive, mais, couché, cela lui arrive quelquefois. Il peut tirer la langue ; elle est très légèrement déviée vers la gauche, très aplatie, très petite, mamelonnée et animée de mouvements fibrillaires ondulatoires très marqués dans toute son étendue. Il ne peut, d'ailleurs, la porter sur la lèvre supérieure et la creuser en gouttière ; au contraire, il la promène aisément d'une commissure à l'autre. Quoi qu'il ait près de neuf ans, son système dentaire est tout à fait rudimentaire. Ainsi, à la mâchoire supérieure, à côté des deux incisives médianes, de dimensions normales, il n'existe : à gauche, une incisive latérale toute petite, une canine complètement ratée et complètement gâtée et coupée au ras de la gencive (probablement elle appartient à la première dentition), une première molaire poussant irrégulièrement au-dessus de la gencive ; en arrière, les deux autres molaires sont complètement gâtées (elles appartiennent vraisemblablement à la première dentition). À droite : il existe une incisive latérale poussant irrégulièrement en haut de la gencive, une canine gâtée, (appartenant probablement à la première dentition), puis une première molaire et deux autres molaires. Mais le plus remarquable, c'est la dentition du maxillaire inférieur : les quatre incisives et les deux canines sont normales ; puis à gauche il existe une première molaire gâtée, à droite, la pointe de la première molaire, et c'est tout. En arrière de ses dents il n'y a plus rien que le rebord alvéolaire du maxillaire inférieur, tranchant et ne contenant aucun follicule dentaire perceptible ; en sorte que ce rebord alvéolaire prend exactement l'aspect de celui des vieillards édentés. D'ailleurs, dans le petit malade réunit ses dents, sa face diminue considérablement de hauteur, comme celle d'un vieillard, ce qui est dû à un premier prognatisme tel que les incisives médianes inférieures, passant un demi millimètre en avant des supérieures, viennent, par leur bord libre, toucher le frein de la lèvre supérieure.
 
Prononciation. - Il prononce à peu près convenablement toutes les consonnes et sauf l'R ; seulement il a la respiration courte est un peu bruyante, et comme un peu de cornage, surtout quand il est un peu essoufflé. Le cornage devient alors net. Il ne peut réciter une fable sans être obligé de reprendre constamment haleine. M. Cartaz a bien voulu examiner le petit malade et nous communiquer la note suivante : Voile du palais et isthme du gosier normaux. Pas d'hypertrophie des amygdales. Mouvements du voile normaux. Sensibilité au toucher et réflexes conservés. La déglutition est parfois troublée pour les liquides, surtout quand il boit vite ; il s'engoue alors assez facilement. Quant aux solides, ils sont bien déglutis. Pendant la déglutition des liquides, on entend des bruits de déglutition assez prononcés. Voûte palatine un peu ogivale. Ailes du nez affaissées, ne se dilatant pas dans l'inspiration, s'affaissant, au contraire, quand il fait faire un profond mouvement respiratoire. Fosses nasales normales. Un peu d'hypertrophie de la muqueuse du cornet inférieur gauche, mais pas d'obstruction nasale. Pharynx nasal libre, avec un léger degré d'inflammation catarrhale. Épiglotte normale, rabattu un peu sur le larynx, comme en général chez les enfants. Muqueuses du vestibule laryngé d'un rouge un peu plus vif qu'à l'état normal. Cordes vocales inférieures blanches, de coloration normale. Au retour, dans la respiration tranquille, l'espace triangulaire de la globe, formé par les cordes, et plus étroit ; il y a de la parésie (paralysie serait un peu trop) des abducteurs. En effet, dans l'inspiration profonde, les cordes ne s'écartent pas comme à l'ordinaire. Dans la phonation, elles se rapprochent bien. La voix, du reste, est normale ; les sons émis pendant l'examen sur la voyelle è, i sortent bien, mais la voix parlée et défectueuse par le défaut de résonance dans la bouche (paralysie des muscles de la face) et surtout par l'atrophie de la langue. La parole ressemble à celle des malades atteints de paralysie bulbaire ou pseudo bulbaire.
 
Rien du côté des oreilles. Oreille externe un peu étalée, mais tympans normaux. L'audition, et du reste, intacte.
La respiration, quand l'enfant à monter un escalier où vient de remuer, est gênée, bruyante (léger cornage), absolument comme dans la paralysie des abducteurs. Quand il est tranquille, comme l'écartement des cordes est encore assez prononcé, il est une respiration normale, non bruyante.
 
En résumé, dit M. Cartaz, ce serait assez l'aspect des bulbaires vrais de M. Charcot. À cette différence, pour son compte, que chez les derniers malades ce sont toujours les abducteurs qui sont pris au début. Le diaphragme serait-il un peu pris chez cet enfant ?
 
Rien d'anormal du côté de la vue ; cependant l'examen méthodique de celle-ci, non plus que du fond de l'oeil, n'a pu être fait. L'intelligence ne paraît nullement atteinte ; la mère dit que l'enfant est entêté et exigeant ; mais cela ne semble rien à voir de morbide. Il est actif, ne reste jamais inoccupé, vient seul à l'hôpital de poursuivre son traitement. La sensibilité cutanée est intacte.
 
Il n'existe pas d'atrophie musculaire, de tremblements fibrillaires, ni de paralysie des membres ; les réflexes de tendineux du poignet sont peu marqués ; pas de clonus du pied ; pas d'exagération du réflexe de massétérin. La région antérieure du cou, quand on la regarde de profil ou de face, présente un aplatissement manifeste due à l'atrophie des muscles. Celle-ci est peut-être plus marquée pour les muscles hyo thyroïdiens que pour les sterno -mastéroïdiens ; cependant la faiblesse de ces derniers muscles semble réelle ; l'inflexion de la tête en avant, la rotation, n'opposent aux mouvements passifs en sens contraire qu'une résistance diminuée ; les dimensions du corps du sterno-mastoïdien semblent également inférieures à ce qu'elles devraient être, vu l'âge du malade. Le trapèze, au contraire, est parfaitement conservé.
 
Pas de bruits anormaux du coeur, le pouls est à 96, peut-être un peu irrégulier. Et jamais il n'a existé d'incontinence d'urine L'urine aurait, quand on examina cette enfant pour la première fois, présenté d'une façon très nette, par l'emploi de la liqueur de Fehling, la réaction du glucose. Un examen ultérieur fait le 14 au taux de 1893, on ne put cependant constater aucune trace de cette réaction. Pas d'albumine. M. Courtade, qui a eu l'obligeance de faire, d'une manière tout à fait extemporanée, l'examen électrique de ce petit malade, nous a remis la note suivante. Comme nous avions omis d'appeler son attention sur l'état des muscles du cou, cette note ne s'applique qu'à l'examen des muscles de la face : « La sensibilité cutanée au courant faradique et galvanique est conservée, et le malade accuse de vives douleurs aussitôt que le courant devient un peu intense. Quant à la motilité, la réaction faradique est fortement diminuée dans tous les muscles paralysés. Si on se sert d'un fort courant, on obtient quelque légère contraction, surtout dans les muscles mentonniers.
 
« La réaction galvanique est aussi de beaucoup diminuée, et c'est à peine, si avec 0,020 et le pôle négatif, on peut obtenir une légère contraction, qui n'augmente pas davantage si on augmente la force du courant : cela est dû probablement un grand degré d'atrophie ; il faut donner une intensité de 0,025 pour obtenir une légère contraction avec le pôle positif.
« En somme, il n'y a pas de réaction de dégénérescence : 1° la contractilité faradique et très affaiblie ; 2° la contractilité galvanique n'est pas augmentée : elle subit dans sa diminution la même proportion que la contractilité faradique. Peut-être cette diminution de contractilité tient-elle à la grande atrophie des fibres musculaires ; 3° il n'y a pas, enfin, d'inversion de la formule : le négatif est plus fort que le positif. »
 
Parmi les effets intéressants contenus dans cette observation, il en est quelques-uns sur lesquels nous voulons appeler particulièrement l'attention : tout d'abord, le groupement des phénomènes paralytiques et fort singulier, puisque ceux-ci frappent à la fois le releveur de la paupière, les muscles innervés par le facial supérieur et par le facial inférieur, la langue, les muscles du larynx, certains muscles du cou. C'est là une association qui, à première vue, semble tout à fait extraordinaire. En effet, dans presque tous les cas de paralysie bulbaire, du moins dans les cas de paralysie bulbaire du type classique (paralysies labio-glosso-laryngée, sclérose latérale amyotrophique), si la paralysie de la langue et du larynx se trouve coïncider avec celle des muscles innervés par le facial inférieur, jamais on ne la voit s'associer à la paralysie du facial inférieur ni à celle du releveur de la paupière. Un semblable groupement, quelque rare qu'il soit, compte cependant, dans la bibliographie des paralysies bulbaires, d'autres exemples parfaitement nets.
 
Nous signalerons notamment le cas I, de E. Remarck (1), dans lequel existaient également le ptosis, la paralysie du facial supérieur et du facial inférieur, la paralysie de la langue, des troubles de la déglutition, la paralysie des muscles du cou. Dans le cas II, du même auteur, on trouve encore associer à la paralysie du facial supérieur et du facial inférieur, celle de la langue et aussi des troubles respiratoires tellement intenses qu'ils amenèrent la mort. Bernhardt (2) a également observé un cas de paralysie bulbaire dans lequel le facial supérieur et le facial inférieur étaient intéressés. De même Loewenfeld (3), Eisenlohr (4), Wachsmuth (5), Hoppe (6), Senator (7), Dreschfeld (8), Schaffer (9). Mais tous les cas, en réalité, à part la coexistence de paralysies bulbaires diverses avec celle du faciale supérieur et inférieur, différents plus ou moins du nôtre par la présence d'une paralysie, soit des muscles moteurs de l'oeil, soit des muscles masticateurs, ou encore des muscles des membres. En outre, dans aucun de ces cas, on ne vit, comme par le nôtre, deux individus consanguins être frappés de la même affection. Au contraire, dans une récente communication Fazio (10) a rapporté l'histoire d'une mère et d'un fils qui auraient présentés l'un et l'autre des symptômes d'une paralysie bulbaire progressive telle, que les phénomènes morbides constatés notamment chez le fils paraissent être fort analogues à ceux qui existaient chez notre malade. Ce cas est donc en réalité le seul, du moins parmi ceux que nos recherches bibliographiques nous ont permis de trouver, qui puisse être étroitement comparé à celui qui fait l'objet du présent travail.
 
Quoiqu'il en soit, un fait intéressant ressort de l'énumération que nous venons de faire, à savoir qu'il y a là une association où l'on ne peut rien voir de fortuit de paralysies portant sur différents nerfs crâniens, principalement sur le facial supérieur en même temps que sur le facial inférieur.
 
Dans cette association, la coexistence de la paralysie de la langue avec celle du facial inférieur ne mérite guère d'être relevée, c'est là une notion banale, puisque dans la paralysie labio-glosso-laryngée, dans la sclérose latérale amyotrophique, on l'observe une façon courante.
 
La coexistence de la paralysie glosso-labiée avec celle des muscles du larynx est également de connaissance vulgaire ; on la retrouve communément dans la paralysie labio-glosso-laryngée et l'hémiatrophie linguale du tabes ; P. Koch et P. Marie ont insisté particulièrement sur ce point.
 
Il est un peu moins banal, mais cependant assez ordinaire, de rencontrer simultanément la paralysie glosso-labiée avec celle des muscles de la région antérieure du cou. Ces derniers muscles étaient notamment atteints dans le cas de la paralysie bulbaire observée par Hoffman (1) chez un jeune garçon.
 
Un fait beaucoup plus rare, et nous venons de montrer qu'on ne l'a jusqu'ici noté qu'exceptionnellement, consiste dans la coexistence de la paralysie glosso-labiée avec celle du facial supérieur. Enfin, un autre fait, non intéressant, consiste en ce que : à la paralysie de l'orbiculaire des paupières (facial supérieur) s'associe une parésie du releveur ; tous les autres muscles, innervés par l'oculo- moteur commun, restant intacts. Nous ferons remarquer que dans notre cas cette parésie du releveur de la paupière supérieure, tout en existant certainement, était extrêmement légère, à tel point qu'un examen rapide et superficiel, elle eût été certainement méconnue. Il ne s'agissait pas là, évidemment, d'une de ces phases si prononcées que nous montre soit le tabès soit les paralysies syphilitiques de la troisième paire ; aussi y a-t-il lieu de se demander si notre cas peut être interprété comme venant de l'appui de l'hypothèse de Mendel. On sait, en effet, que d'après le professeur de Berlin, le noyau du facial supérieur se confondrait, jusqu'à un certain point, avec la masse des noyaux de l'oculo-moteur commun et en occuperait le segment postérieur.
 
Or, dans notre cas, l'absence de toute paralysie des muscles moteurs de l'oeil était absolue, et en présence du faible degré de la parésie du releveur de la paupière, nous serions tentés de faire la supposition suivante : il existerait dans les centres nerveux un noyau ou un groupement cellulaire (soit anatomique, soient purement physiologique) innervant simultanément l'orbiculaire des paupières et le releveur, surtout dans l'acte du clignement ; dans notre cas, c'est ce noyau où se groupement cellulaire qui seules serait atteint ; quant à la masse du noyau du releveur, c'est-à-dire à la partie la plus considérable de ce noyau, qui est en relations intimes avec les centres des muscles moteurs de l'oeil, elle aurait été respectée, ce qui expliquerait le peu d'intensité de la parésie du releveur. Si la paralysie du releveur de la paupière reste peu prononcée, on peut admettre encore que le ptosis est dû à l'insuffisance de la tonicité antagoniste de l'orbiculaire lui-même. L'un d'eux nous a soutenu cette manière de voir au sujet du léger ptosis qu'on observe dans un bon nombre de cas d'hémiplégie vulgaire. D'ailleurs, rien ne permet d'affirmer que l'intégrité des muscles extrinsèques de l'oeil, innervés par la troisième paire et par la sixième, persistera indéfiniment. Il est, à la rigueur, très possible que ses muscles se paralysent à leur tour, et alors il faudra considérer notre cas commun restant de plein droit dont la catégorie des polio-encéphalites à envahissement progressif irrégulier.
 
Un autre fait bien intéressant mérite d'être relevé. Notre petit malade a présenté des troubles trophiques de la peau, du squelette facial est de l'appareil dentaire qui ne sont pas communs dans les paralysies bulbaires. Il nous semble que cette particularité trouve son explication toute naturelle dans le fait même que la maladie affecte un sujet tout jeune et qui est encore bien loin d'avoir achevé son développement. Il s'agit là, en somme, d'un phénomène absolument comparable à l'atrophie en masse d'un membre ou de certaines parties d'un membre qu'on observe dans la polio-myélite antérieure de l'enfance. Chez un adulte, pareil fait, croyons-nous, ne se serait pas produit ; et ce n'est pas dans les noyaux moteurs des muscles de la face qu'on localiserait des troubles de nutrition des parties molles ou du squelette. Mais le point capital, sur lequel nous voulons appeler l'attention, c'est que les deux frères sont atteints de la même affection. S'agit-il d'une maladie familiale, ou même héréditaire, si l'on s'en rapporte aux observations de Fazio ? faut-il même rapprocher notre cas à celui de Berhardt (1) , qui avait une paralysie bulbaire, à la vérité différente que celle-ci par le groupement des symptômes, survenus chez plusieurs mondes d'une même famille?
 
Enfin, est-il permis de soupçonner, du moment que la maladie n'est pas héréditaire, mais simplement familiale, que les accidents amyotrophiques sont survenus, chez les deux frères, par le fait d'une intoxication quelconque ? Nous sommes tout disposés à croire que, pour quelques-unes des prétendues maladies nerveuses familiales décrites dans ces dernières années, on a méconnu que la cause n'était pas inhérente à l'individu lui-même, mais qu'elle lui était purement extérieure, dérivant fort souvent soit d'un empoisonnement, soit d'une infection. Il ne nous est pas démontré, par exemple, qu'une amyotrophie de la forme Charcot - Marie, en dépit de ces apparences de maladie héréditaire ou familiale, n'est pas purement acquise par une de ces circonstances pathogéniques ayant frappé, dans certains cas, plusieurs individus de la même famille.
 
Dans notre cas de diplégie facio-glosso-laryngée, nous n'avons rien trouvé, à part un mal de gorge survenu au début des accidents, qui soit de nature à nous faire incriminer un processus d'intoxication.
 
Chez un petit malade de Loewenfeld, la paralysie bulbaire semble s'être développée sous l'influence très nette une maladie infectieuse compliquée de néphrite (2). D'ailleurs, en l'absence d'autopsie, nous ne devons concevoir l'étiologie de notre cas en restant sur la plus grande réserve. Nous ne devons d'autant plus qu'un certain nombre d'autopsies de paralysies bulbaires dans lesquelles on avait noté la participation du facial supérieur, sont restées absolument négatives (Wilks, Eisenlohr, Oppenheim, Hoppe, Senator, Dreschfeld). En présence de cas de ce genre, Hoppe se demandait aussi si l'on ne devait pas regarder ces paralysies bulbaires comme très probablement causées par une intoxication. Jusqu'à présent on ne saurait trop rappeler les beaux travaux de M. le professeur Charcot, tendant à établir d'une façon précise la topographie des lésions au point de vue anatomique pur. Peut-être l'avenir nous réserve-t-il devoir déterminer la localisation physiologique des différents processus morbides. Quelle raison nous force, en effet, d'admettre, comme le voulait Duchenne (de Boulogne) pour expliquer le groupement si singulier des symptômes dans les paralysies bulbaires, que la lésion doive forcément se propager d'un noyau à l'autre par la voie ascendante ou descendante ? il nous est absolument impossible d'expliquer ainsi les variations symptomatiques si nombreuses que nous constatons suivant les cas. N'est-il pas plus simple de supposer que la cause, quelle qu'elle soit, intoxication, infection, dystrophie évolutive, ne s'arrête pas aux délimitations topographiques, qu'elle les franchit à sa guise et qu'elle frappe telles cellules dans un noyau, telles autres cellules dans des noyaux plus ou moins éloignés, et n'ayant entre eux aucune relation anatomique directe. La relation physiologique des noyaux ou de leurs cellules gouverne la répartition des symptômes selon la fonction, et cela d'une façon entièrement élective, déterminée d'avance par les réactions physiologiques ou les connexions fonctionnelles de ces cellules. Des systèmes anatomiques, en matière de pathologie nerveuse, n'ont pas l'importance des systèmes fonctionnels. Ferrier et Horsley l'ont démontré avec éclat dans les localisations corticales de l'hémisphère. Cette démonstration s'applique également aux localisations fonctionnelles de certains centres spinaux ou la distribution anatomique des noyaux n'a rien à voir. De jour en jour il semble plus évident qu'il en est de même pour les localisations bulbaires. Peut-être arrivera-t-on, dans un avenir plus ou moins proche, à fixer les connexions anatomiques, les réseaux anastomiques qui relient, d'étage en étage, les groupes cellulaires destinés aux mêmes fonctions et qui, dans l'ordre pathologie, sont le substratum encore indéterminé des perturbations fonctionnelles.
 
Dissociated preservation of automatic-voluntary jaw movements in a patient with biopercular and unilateral pontine infarcts Ghika J, Vingerhoets F, Bogousslavsky J Eur Neurol 2003;50:185-188