Cyril d'Andréa, Jean-Louis
Méliet, Frederik Staikowski
Urgences hyperbarie. St
Pierre. La Réunion
Peripheral facial
palsy secondary to middle-ear
over-pressure
Facial baroparesis is an ischemic
neurapraxia of the facial nerve. Elle It occurs
after airplane trips or prolonged diving.
This paralysis is due to the tympanic
promontory. Several promoting factors have been
identified, including tubal dysfunction,
hypotension, and neuro tropic virus, Simple
maneuvers can make it disappear: yawning,
swallowing, or a Toynbee maneuver. Treatment is
based on normobaric or even hyperbaric oxygen
bare therapy. During airplane flights, the
paralysis often disappears at landing.
La paralysie faciale dysbarique est un
événement rare mais
évoluant le plus souvent favorablement.
Elle est liée à un changement de
pression dans le milieu dans lequel se trouve le
sujet, responsable d'une neuropraxie
ischémique de la septième paire
crânienne. Dans la littérature, on
la trouve sous divers noms : "baroparésie
faciale", "paralysie faciale alternobanque" ou
"paralysie faciale baro-alternative". On peut la
rencontrer dans 2 circonstances : lors d'une
plongée ou d'un vol en avion. Des
manoeuvres simples peuvent souvent permettre de
faire disparaître ces paralysies faciales
périphériques en quelques
secondes.
Épidémiologie
La recherche dans Medline en croisant les
termes "barotrauma", "facial palsy", "diving",
"aviation" fait apparaître cette maladie
environnementale dans peu de cas, avec une
prédominance au cours de la
plongée, soit un total de 23 cas par
rapport à ceux décrits au cours de
séjours en avion qui recouvrent 5 cas. Le
caractère transitoire avec une
récupération parfois
spontanée est probablement
l'élément déterminant dans
le fait que peu d'articles évoquent ce
problème.
Mécanisme
lésionnel
La baroparésie faciale peut se
définir comme une neuropraxie
ischémique du nerf facial par compression
lors d'un barotraumatisme de l'oreille moyenne
secondaire à une augmentation de la
pression dans la caisse du tympan.
La trompe
d'Eustache (TE) assure la communication
entre la caisse du tympan et l'oropharynx. Elle
permet l'équilibration des pressions
entre ces 2 éléments anatomiques
lors de changements de pression dans
l'environnement. À la pression
atmosphérique, l'absorption continue de
l'oxygène contenu dans la caisse du
tympan par la muqueuse crée une
dépression de 0,4 hpa/min. Toutes les 2
à 3 min environ, un mouvement de
déglutition contribue à
rétablir l'équipression,
permettant l'ouverture physiologique de la
trompe par la mise en jeu des muscles
péristaphylins externes et internes
insérés sur le voile du palais. La
mise en communication de la caisse du tympan
avec les voies aériennes
supérieures permet une
rééquilibration rapide des
pressions.
Selon la loi de Boyle et Mariotte la
variation de volume d'un gaz est inversement
proportionnelle à celle de la pression.
Normalement, lors d'une diminution de la
pression ambiante, la pression dans la caisse du
tympan augmente légèrement
jusqu'au seuil d'ouverture passive de la TE,
soit 52 hPa. Lorsqu'il existe un obstacle ou une
impossibilité à l'ouverture de la
TE, la baisse de la pression ambiante
entraîne une surpression dans la caisse
tympanique. En cas de déhiscence de la
partie tympanique du nerf facial, cette
surpression entraîne une compression des
vasa nervorum à l'origine de la
neuropraxie ischémique du nerf facial,
conduisant à l'apparition d'une paralysie
faciale périphérique.
Des expériences chez l'animal ont
montré que si cette neuropraxie persiste
plus de 3,5 heures, des lésions
définitives apparaissent.
Au moins 2 mécanismes sont
nécessaires pour qu'une paralysie faciale
dysbarique apparaisse.
Une dysperméabilité
tubaire est souvent décrite dans les cas
publiés, caractérisée par
une inflammation locale conduisant à une
difficulté à l'ouverture de la
trompe d'Eustache. Ceci renforce l'idée
de ne pas plonger lorsqu'il existe une infection
nasosinusienne.
Des expériences chez l'animal
ont montré que le flux sanguin dans les
vasa nervorum du nerf facial diminue s'il y a
une augmentation de la pression de l'oreille
moyenne transmise à travers une
déhiscence du canal facial. De
même, une diminution de la pression
artérielle en deçà d'un
certain seuil peut entraîner une
neuropraxie du nerf facial si elle est
inférieure à la pression
capillaire de ce dernier. En effet Tzadik fait
apparaître une neuropraxie lorsque la
pression artérielle chute (par injection
de nitroprusside IV) en dessous de la pression
appliquée au nerf facial. Un état
d'hypotension chez le sujet exposé
à cette hyperpression localisée
dans la caisse du tympan pourrait constituer un
facteur favorisant.
Une autre théorie, pouvant expliquer
le faible nombre de publications, est celle
d'une infection par un virus neurotrope qui
fragiliserait le nerf facial, et le rendrait
ainsi plus sensible à une hyperpression
dans la caisse du tympan, ce qui signifierait
que c'est la conjonction de plusieurs facteurs
qui serait responsable de ces paralysies
faciales périphériques et non
seulement une dysperméabilité
tubaire. Aucune étude n'a cependant
permis de la démontrer.
Circonstances de survenue
Toute diminution rapide de la pression
ambiante peut être responsable d'une
paralysie faciale
périphérique.
En plongée
En plongée en scaphandre, la pression
hydrostatique augmente de 1 bar tous les 10 m de
profondeur : 10 m, la pression absolue est de 2
bars, correspondant à la somme de la
pression atmosphérique (1 bar) et de la
pression hydrostatique (1 bar). Au cours de la
descente, la fonction équipressive de la
TE rétablit l'équipression entre
la caisse du tympan et le rhinopharynx. Au cours
de la remontée, la réduction de
pression s'accompagne d'une augmentation de
volume des masses d'air. Une
dysperméabilité tubaire peut donc
entraîner une hyperpression à
l'intérieur de la caisse du tympan et une
compression du nerf facial déhiscent,
aboutissant alors à une paralysie faciale
périphérique. La fréquence
de cette déhiscence dans les cas
cliniques ne peut être rapportée
pour les raisons suivantes: les articles
étaient trop anciens pour la
réalisation d'un scanner et seules des
tomographies, de faible sensibilité,
montrent rarement cette déhiscence ou
encore, par choix des auteurs, elle n'a pas
été recherchée.
Des cas de rupture du tegmen tympani ont
été constatés par ce
même mécanisme, avec formation d'un
hémopneumoencéphale
consécutif au passage d'air de la caisse
du tympan vers la région temporale,
associé à des déchirures
vasculaires. Un autre nerf crânien peut
être concerné par ce même
mécanisme : la branche sous-orbitaire du
nerf trijéminal peut être
lésée en cas d'obstacle du
méat maxillaire.
En avion
En avion en vol à une altitude > 6
000 m (20 000 pieds), la pression cabine est
rétablie à une valeur maximale de
2 438 m (8 000 pieds). Cette "altitude cabine"
varie suivant le type d'appareil, et
équivaut le plus souvent à
1500-2000 m. Elle correspond à une
pression ambiante de 0,83 à 0,79 bar,
avec un minimum de 0,73 bar. Cette hypopression
par rapport au niveau de la mer entraîne
une augmentation de volume des masses gazeuses
de l'organisme de 20 à 30 %, suffisante
pour entraîner une neuropraxie du nerf
facial en cas de dysfonction tubaire: la
différence de pression entre l'oreille
moyenne et la pression cabine serait de 266 hPa
à 8 000 pieds, pression supérieure
à la pression capillaire.
Signes cliniques
Les symptômes précédant
l'apparition de la paralysie faciale
périphérique sont variables
suivant les individus qui rapportent souvent une
sensation d"oreille bouchée" ou de
"plénitude de l'oreille" mais rarement
une douleur de l'oreille du côté
concerné. En plongée, un vertige
alternobarique a été
rapporté de façon concomitante :
une surpression unilatérale dans la
caisse du tympan stimule en effet le
système labyrinthique, à l'origine
du vertige. La paralysie faciale
périphérique peut apparaître
dans l'eau (près de la surface) ou
rapidement après l'émersion.
L'examen montre une paralysie faciale
périphérique sur le plan moteur
parfois accompagnée d'une dysgueusie avec
un goût métallique ressenti et
situe la lésion entre le ganglion
géniculé et la corde du tympan. Un
seul cas rapporte une lésion en amont du
ganglion géniculé par atteinte du
nerf grand pétreux avec sécheresse
et douleur de l'oeil homolatéral à
la paralysie faciale. L'examen à
l'otoscope trouve un bombement du tympan en
rapport avec la surpression régnant
à l'intérieur de la caisse
tympanique.
Prise en charge
La prise en charge de ces paralysies
dysbariques doit se faire dans les 3 heures, car
le risque de lésions axonales
définitives apparaît après
ce laps de temps. Le but est soit de diminuer la
pression à l'intérieur de la
caisse du tympan, soit d'augmenter la pression
capillaire afin qu'elle soit supérieure
à celle de l'oreille moyenne.
Pour diminuer la pression dans la caisse du
tympan, des manoeuvres simples ayant pour but de
vider la caisse doivent être
essayées. Un
bâillement, des
déglutitions vont par contraction des
muscles péristaphylins favoriser
l'ouverture de la trompe d'Eustache. La
manoeuvre de Toynbee (inspiration nez
pincé suivie d'une déglutition)
favorise une dépression et crée
une aspiration de l'air contenu dans la caisse
du tympan. L'utilisation de
décongestionnants locaux a le même
but diminuer l'oedème de la trompe
d'Eustache et de son méat dans le
rhinopharynx pour permettre à l'air
contenu dans la caisse du tympan de
s'évacuer. En dernier recours, une
myringotomie permet d'obtenir
l'équipression.
En avion, la variation de pression dans la
caisse du tympan est résolue à
l'atterrissage, à condition que
l'altitude d'atterrissage soit inférieure
ou égale à celle du
décollage, faisant disparaître les
signes de paralysie faciale. Lors de
récidives fréquentes, une mise en
place d'un aérateur transtympanique
permet aux sujets concernés de voyager
sans problème.
Un autre moyen thérapeutique est
d'assurer une oxygénation locale
suffisante. L'augmentation du contenu sanguin en
oxygène, par inhalation d'oxygène
à fort débit, s'oppose aux effets
de l'ischémie ; l'air contenu dans la
caisse est progressivement éliminé
par ventilation de la trompe d'Eustache, ou
résorbé localement.
L'oxygénothérapie hyperbare,
généralement avec une mise en
pression peu importante de l'ordre de 1,2 ATA
(atmosphère technique absolue) avec
respiration d'oxygène pur, a
été utilisée pour traiter
ce type de barotraumatisme. Cette
thérapeutique combine en effet les
actions de l'oxygénation et de
l'augmentation de la pression ambiante: la
pression à l'intérieur de la
caisse du tympan diminue sous l'effet de la loi
de Boyle et Mariotte, si bien que le gradient de
pression entre la pression capillaire et la
pression dans la caisse du tympan s'inverse,
permettant une revascularisation des vasa
nervorum. Dans le même principe, de rares
descriptions de réimmersion dans le
milieu se sont avérées
efficaces.
Le délai de
récupération sous traitement,
quand il est précisé, est variable
suivant la technique utilisée : la
récupération totale sous
oxygénothérapie hyperbare fut
constatée en moins de 2 min, sous
oxygénothérapie normobare à
fort débit dans les 15 min. En revanche,
la récupération peut se faire de
façon spontanée le plus souvent
entre 20 et 40 min, parfois plus rapidement en
30s ou 5 min, mais les descriptions ne
permettent pas de savoir si les sujets ont
utilisé une technique
d'équilibration telle qu'un
bâillement, une
déglutition ou une manoeuvre de Toynbee.
Dans tous les cas, la plupart des sujets
décrivent une sensation de
"libération" de l'oreille. Des
séquelles motrices sont retrouvées
lors d'une consultation tardive.
L'identification de cette affection permet
d'éviter des erreurs diagnostiques
pouvant avoir des conséquences
thérapeutiques et professionnelles. En
plongée, les paralysies faciales
dysbariques, de symptomatologie
périphérique, doivent être
distinguées des accidents de
décompression qui se caractérisent
par des paralysies faciales centrales. On
évitera ainsi un traitement lourd avec
recompression de plusieurs heures en chambre
hyperbare. Chez le plongeur professionnel, une
telle erreur peut impliquer un arrêt de
son activité pendant environ 6 mois.
Conclusion
Les paralysies faciales dysbariques sont des
paralysies faciales périphériques
que l'on rencontre lors d'une diminution de la
pression ambiante. Elles concernent des sujets
ayant une dysperméabilité tubaire
due le plus souvent à une infection
rhinopharyngée. D'autres
éléments comme une infection par
un virus neurotrope qui fragilise le nerf facial
pourraient jouer un rôle important
associé à un état
d'hypotension. Elles ont lieu au cours de
plongées en scaphandre ou lors de vols en
avion. Des manoeuvres simples sur place peuvent
faire disparaître les symptômes. Que
ce soit en mer ou en vol, des conseils peuvent
être donnés pour diminuer la
pression à l'intérieur de la
caisse du tympan : déglutition,
bâillement, manoeuvre de
Toynbee, utilisation de décongestionnants
locaux (si disponibles), voire la mise sous
oxygène au masque à haute
concentration que l'on trouve aisément
dans les 2 circonstances. Elles peuvent
être évitées en s'assurant
d'une fonction équipiessive
(perméabilité) satisfaisante de la
trompe d'Eustache avant de subir une variation
de pression ambiante.