Les fonctions supérieures
(activité motrice, perception, langage,
mémoire ... ) ne peuvent plus aujourd'hui
être considérées comme des
entités indissociables liées
à, l'activité d'un « centre
». Comme les autres grandes fonctions de
l'organisme (digestion, respiration ... ) ce
sont des systèmes fonctionnels.
Très souples, ils sont constitués
par un ensemble dynamique de processus
interconnectés et définis par
leurs buts.
L'activité motrice par exemple ne
saurait être limitée aux seules
efférences du cortex moteur. Ces
effèrences sont déterminées
par un programme, la tâche motrice,
élaborée à partir d'un
processus d'analyse et de synthèse des
afférences provenant du milieu
intérieur et du milieu extérieur,
qui constituent la base de la motivation. La
tâche motrice nécessite pour sa
réalisation la mise en jeu d'automatismes
organisés dans le temps ainsi que la
régulation du tonus de fond et la
coordination nécessaire à
l'exécution du mouvement. Des
systèmes d'affèrences fonctionnant
en feedback contrôlent en permanence son
exécution et permettent de la modifier ou
de l'arrêter par comparaison des
résultats avec le but initial. Il est
bien évident qu'une telle organisation
est incompatible avec la notion d'un «
centre moteur ». Chaque opération
est sous-tendue par un système de
liaisons spécifiques correspondant
à des mécanismes
anatomo-fonctionnels différents.
Deux points particuliers restent à
considérer :
- La psychologie génétique nous
apprend que le développement de ces
systèmes est progressif et se fait par
stades. A chaque stade correspond l'acquisition
de nouvelles liaisons, donc un support
anatomo-fonctionnel différent. Les
conséquences d'une lésion
cérébrale sur une fonction varient
ainsi avec l'âge, mais aussi avec le
nombre et la qualité des liaisons
acquises par l'apprentissage;
- Chez l'homme, le comportement n'est plus,
comme chez l'animal, directement issu d'un
besoin biologique ou d'une réaction au
milieu extérieur. Il est
déterminé par des intentions, des
motivations créées par des
facteurs sociaux sur la base de la vie
affective. Le langage joue un rôle
déterminant dans l'acquisition puis dans
la structuration de toutes les fonctions
supérieures. C'est la
médiatisation des fonctions
supérieures par le langage
intérieur qui donne à
l'activité psychique de l'homme son
caractère conscient et volontaire.
Cette structure des fonctions
supérieures permet de comprendre qu'il ne
saurait exister de lien direct entre une
lésion cérébrale et la
perturbation neuropsychologique qu'elle
provoque. Un même symptôme peut
être sous-tendu par des mécanismes
différents. Il est essentiel de
distinguer si la perturbation d'une fonction
relève de la perte d'une liaison
spécifique (trouble primaire) ou si elle
ne traduit que le retentissement sur cette
fonction d'une perturbation plus
générale (trouble secondaire).
CONCLUSION : reconnaître en clinique
qu'une fonction supérieure est
perturbée constitue une approche
insuffisante. Ce n'est pas la présence ou
l'absence d'un signe, l'existence ou non
d'erreurs dans une épreuve mais l'analyse
qualitative de la structure des erreurs qui
permet de rapporter une perturbation à
son mécanisme donc à
l'organisation anatomo-fonctionnelle qui la
sous-tend.
La division macroscopique du cerveau,
à laquelle se réfère le
terme de syndrome frontal, n'est en
réalité qu'une convention purement
topographique. En se fondant sur des
critères morphologiques et
physiologiques, Luria propose une division du
cortex cérébral en trois grandes
régions fonctionnelles.
a) Les divisions médiobasales,
unité de régulation de
l'activité
générale.
De structure hétérogène
les divisions médiobasales comprennent
une partie de la face interne (cortex
cingulaire, hippocampique) et de la face
inférieure du cerveau (cortex orbitaire).
Ces divisions sont étroitement
connectées avec les formations
réticulaires du thalamus et du tronc
cérébral. Leur rôle
principal est de maintenir l'activité
fonctionnelle du cortex à un certain
niveau et de la moduler en fonction des besoins.
L'activité fonctionnelle du cortex est
d'abord régulée en fonction des
besoins internes de l'organisme. Cette
régulation est assurée au niveau
métabolique par les formations
réticulaires du tronc
cérébral. Mais ses formes les plus
complexes, les plus sélectives
nécessitent l'intégrité du
cortex orbitaire (intégration des bases
biologiques de l'humeur, de
l'affectivité) et du cortex limbique
(réalisation de certains comportements
alimentaires, sexuels, déterminés
génétiquement).
La seconde source d'activation du cortex
médiobasal est l'arrivée de
stimulus en provenance du monde
extérieur. Cette arrivée
déclenche une réaction non
spécifique au niveau de la formation
réticulaire ascendante (réaction
d'éveil). Cette réaction est
modulée de façon spécifique
par le cortex limbique. Cette réaction
spécifique, la réaclion
d'orientation (RO) ne survient que si le
stimulus est reconnu comme nouveau, donc
après une comparaison avec
l'expérience passée, et
s'atténue rapidement avec la
répétition du stimulus.
Chez l'homme, une troisième source
d'activation prend une importance
considérable : c'est la formation
d'intentions, de plans à l'aide du
langage. Le langage modifie profondément
les caractères de la réaction
d'orientation. : une consigne verbale stabilise
la RO et la fait réapparaître en
cas d'accoutumance. Les divisions
médiobasales jouent donc un rôle
essentiel dans la régulation de
l'activité fonctionnelle du cortex. Elles
sont également liées aux
mécanismes corticaux qui sous-tendent la
base de l'affectivité et, par la
réaction d'orientation, aux
mécanismes élémentaires de
l'attention et de la mémoire.
b) Les divisions
postéro-latérales, unité de
réception, d'analyse et de stockage de
l'information.
Cette seconde unité est
constituée par la partie du cortex de la
face externe située en arrière de
la scissure de Rolando; elle déborde sur
la face interne et la face inférieure de
l'hémisphère. Elle correspond aux
analyseurs visuels (région occipitale),
auditifs (région temporale), et sensitifs
(région pariétale). La
région d'association
pariéto-temporo-occipitale assure la
liaison entre ces
télérécepteurs et joue un
rôle essentiel dans l'organisation de
l'espace intra et extra-corporel. Elle permet
d'effectuer la synthèse simultanée
des différentes informations et assure
leur organisation symbolique et leur
stockage.
c) Les divisions
antéro-latérales : unité de
régulation et contrôle de
l'activité motrice.
La dernière unité fonctionnelle
est constituée par le cortex de la face
externe situé en avant de la scissure de
Rolando. Cette unité appartient donc
entièrement au lobe frontal. Elle est en
étroite connexion avec les deux
premières ainsi qu'avec les noyaux gris
centraux et constitue l'unité motrice.
Outre le cortex moteur primaire, elle comprend
deux régions distinctes. La région
prérolandique joue un rôle
déterminant dans l'accomplissement des
mouvements complexes nécessitant l'action
conjointe de différents groupes
musculaires et leur organisation dans le temps.
La région frontale antérieure
présente un développement
considérable chez l'homme. Elle
paraît indispensable pour formuler des
programmes de comportement.
Cette organisation appelle deux remarques
supplémentaires :
- Chez l'homme, l'apparition du langage
introduit une spécialisation dans
l'organisation du travail des
hémisphères,
l'hémisphère gauche
représentant la base
anatomo-fonctionnelle du langage chez 98 p. 100
des sujets droitiers et 70 p. 100 des
gauchers,
- Nous avons vu qu'une fonction ne pouvait
être étroitement localisée
dans une région du cortex. A l'inverse,
à l'exception des zones sensorielles et
motrices primaires, aucune région
corticale n'est liée à une seule
fonction. La lésion d'une aire
déterminée conduit le plus souvent
à l'apparition, non pas d'un
symptôme isolé, mais d'un groupe de
perturbations qui peuvent paraitre assez
différentes les unes des autres. Seule
l'analyse qualitative de ces perturbations
permet de mettre en évidence le lien
primaire qui la réunit et qui renvoie
à une localisation précise.
CONCLUSION :
l'hétérogénéité
des structures du lobe frontal, leur rôle
dans les activités les plus
élaborées explique la
complexité des perturbations
observées dans les syndromes frontaux.
Les troubles principaux portent sur la
régulation du comportement et de
l'activité motrice, de la mémoire,
du langage et des processus
intellectuels.