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- On ne peut douter que la maladie qui
désola Strasbourg en 591, n'ait
été la grande peste inguinale qui
courait alors le monde. Telle est du moins
l'opinion de M. le docteur Brsch, qui en a
découvert la mention dans la chronique
locale avec laquelle il est familier. Kleinlauel
dans sa chronique en vers, et Oséas
Schadus, dans l'appendice de sa chronique
manuscrite, en parlent dans les mêmes
termes, quoiqu'on ne possède aucun
renseignement sur les ravages que fit cette
maladie à Strasbourg même. Voici ce
qu'en disent ces auteurs:
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- « En 591, ii y eut une grande
mortalité dans tous les pays, au point
que les hommes tombaient dans les rues, dans les
auberges, dans les sociétés et
étaient trépassés. Et quand
une personne éternuait, son âme
s'envolait. De là vient le mot: Dieu vous
aide! Et quand une personne
bâillait, elle mourait. De
là vient que quand on
bâille, on fait le signe de la
croix devant la bouche. » [Ch. Boersch,
Essai sur la mortalité à
Strasbourg, Thèse p79. Strasbourg;
Silbermann G. Editeur; 1836; 201 p]
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- On n'a pas oublié que trente-trois
ans auparavant, Agathias avait noté la
soudaineté de la mort, et cette
similitude a bien sa signification. Il est
à regretter que le sage si laconique que
je viens de citer, ne nous éclaire pas
mieux sur les autres symptômes. La maladie
de Strasbourg s'y présentait-elle sous un
aspect nouveau? Tout ce que nous savons, c'est
qu'elle débutait brusquement par des
éternuments et des pandiculations.
M. Brsch est frappé de la
conformité de ces symptômes avec
ceux qui annonçaient la maladie
d'Athènes, et il s'en prévaut pour
s'associer à la pensée d'Ozanam
qui confond les deux maladies. J'ai
exprimé ailleurs l'opinion contraire, et
j'aurai bientôt l'occasion d'y revenir.
Mais je suis surpris qu'un nosologiste de la
force de M. Boersch ait donné une telle
valeur séméiologique à des
prodromes insignifiants qui se retrouvent dans
les maladies les plus diverses (les sujets
frappés par la suette anglaise
étaient également
tourmentés par des
bâillements et des
éternuements
répétés).
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- Le débordement qui porta la peste sur
toute la surface du globe, ne dura pas moins de
cinquante-deux ans. Evagre en vit le
commencenent et la fin. Jamais fléau plus
terrible n'avait moissonné la race
humaine. On a estimé qu'il a fait
disparaître de la terre, pendant cette
fatale période, près de cent
millions d'habitants.
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- Après avoir, pour ainsi dire, assouvi
sa fureur, la maladie se retira dans son foyer
primitif, dont elle avait franchi les limites,
et c'est de là qu'elle n'a cessé
de menacer les contrées qui n'ont pas su
se garantir de ses atteintes.
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- Depuis plus d'un siècle, elle ne
s'est plus montrée parmi nous. En France,
ses derniers coups ont été pour
Marseille et la Provence. La Russie et surtout
Moscou ont été cruellement
ravagées en 1771. Le Caire et
Constantinople, autrefois condamnés
à des invasions très
rapprochées, sont épargnés
depuis un certain nombre d'années. Ce
répit imprévu semble autoriser des
espérances auxquelles il serait sans
doute imprudent de se livrer sans
réserve. On ne me taxera pas de
pessimisme si je prétends que les
intendances sanitaires, bien loin de s'endormir
dans une trompeuse sécurité,
doivent redoubler de vigilance pour rester
à la hauteur de leur tâche. Ne
sait-on pas que la peste a été,
depuis 1720, importée neuf fois dans le
lazaret de Marseille, et s'y est éteinte
presque à l'insu de ses habitants? Quelle
réponse les adversaires
systématiques des quarantaines
pourront-ils faire à un aussi vigoureux
argument ?
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