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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
 012 novembre 2006
JB Baillière
Londre-Madrid
1869
p 201-203
La peste
Etude sur les maladies éteintes
et les nouvelles maladies
Charles Anglada
Prof Faculté Médecine Montpellier

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charles anglada
 
On ne peut douter que la maladie qui désola Strasbourg en 591, n'ait été la grande peste inguinale qui courait alors le monde. Telle est du moins l'opinion de M. le docteur Bœrsch, qui en a découvert la mention dans la chronique locale avec laquelle il est familier. Kleinlauel dans sa chronique en vers, et Oséas Schadœus, dans l'appendice de sa chronique manuscrite, en parlent dans les mêmes termes, quoiqu'on ne possède aucun renseignement sur les ravages que fit cette maladie à Strasbourg même. Voici ce qu'en disent ces auteurs:
 
« En 591, ii y eut une grande mortalité dans tous les pays, au point que les hommes tombaient dans les rues, dans les auberges, dans les sociétés et étaient trépassés. Et quand une personne éternuait, son âme s'envolait. De là vient le mot: Dieu vous aide! Et quand une personne bâillait, elle mourait. De là vient que quand on bâille, on fait le signe de la croix devant la bouche. » [Ch. Boersch, Essai sur la mortalité à Strasbourg, Thèse p79. Strasbourg; Silbermann G. Editeur; 1836; 201 p]
 
On n'a pas oublié que trente-trois ans auparavant, Agathias avait noté la soudaineté de la mort, et cette similitude a bien sa signification. Il est à regretter que le sage si laconique que je viens de citer, ne nous éclaire pas mieux sur les autres symptômes. La maladie de Strasbourg s'y présentait-elle sous un aspect nouveau? Tout ce que nous savons, c'est qu'elle débutait brusquement par des éternuments et des pandiculations. M. Bœrsch est frappé de la conformité de ces symptômes avec ceux qui annonçaient la maladie d'Athènes, et il s'en prévaut pour s'associer à la pensée d'Ozanam qui confond les deux maladies. J'ai exprimé ailleurs l'opinion contraire, et j'aurai bientôt l'occasion d'y revenir. Mais je suis surpris qu'un nosologiste de la force de M. Boersch ait donné une telle valeur séméiologique à des prodromes insignifiants qui se retrouvent dans les maladies les plus diverses (les sujets frappés par la suette anglaise étaient également tourmentés par des bâillements et des éternuements répétés).
 
Le débordement qui porta la peste sur toute la surface du globe, ne dura pas moins de cinquante-deux ans. Evagre en vit le commencenent et la fin. Jamais fléau plus terrible n'avait moissonné la race humaine. On a estimé qu'il a fait disparaître de la terre, pendant cette fatale période, près de cent millions d'habitants.
 
Après avoir, pour ainsi dire, assouvi sa fureur, la maladie se retira dans son foyer primitif, dont elle avait franchi les limites, et c'est de là qu'elle n'a cessé de menacer les contrées qui n'ont pas su se garantir de ses atteintes.
 
Depuis plus d'un siècle, elle ne s'est plus montrée parmi nous. En France, ses derniers coups ont été pour Marseille et la Provence. La Russie et surtout Moscou ont été cruellement ravagées en 1771. Le Caire et Constantinople, autrefois condamnés à des invasions très rapprochées, sont épargnés depuis un certain nombre d'années. Ce répit imprévu semble autoriser des espérances auxquelles il serait sans doute imprudent de se livrer sans réserve. On ne me taxera pas de pessimisme si je prétends que les intendances sanitaires, bien loin de s'endormir dans une trompeuse sécurité, doivent redoubler de vigilance pour rester à la hauteur de leur tâche. Ne sait-on pas que la peste a été, depuis 1720, importée neuf fois dans le lazaret de Marseille, et s'y est éteinte presque à l'insu de ses habitants? Quelle réponse les adversaires systématiques des quarantaines pourront-ils faire à un aussi vigoureux argument ?