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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
 1 septembre 2006
Traité de l'Homme
Descartes René
1664
 
La médecine statique. Santorio 1634
Tractatus physico-medicus in homine. Craanen Th 1722
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A mesure que ces esprits entrent ainsi dans les concavités du cerveau, ils passent de là dans les pores de sa substance, et de ces pores dans les nerfs; où selon qu'ils entrent, ou même seulement qu'ils tendent à entrer, plus ou moins dans les uns que dans les autres, ils ont la force de changer la figure des muscles en que ces nerfs sont insérés, et par ce moyen de faire mouvoir tous les membres. Ainsi que vous pouvez avoir vu, dans les grottes et les fontaines qui sont aux jardins de nos Rois, que la seule force dont l'eau se meut en sortant de sa source, et suffisante pour y mouvoir diverses machines, et même pour les y faire jouer de quelques instruments, ou prononcer quelques paroles, selon la diverse disposition des tuyaux qui la conduisent.
Et véritablement l'on peut fort bien comparer les nerfs de la machine que je vous décris, aux tuyaux des machines de ces fontaines; ses muscles et ses tendons, aux autres divers engins et ressorts qui servent à les mouvoir; ses esprits animaux, à l'eau qui les remue, dont le cour et la source, et les concavités du cerveau sont les regards. De plus, la respiration, et autres telles actions qui lui sont naturelles et ordinaires, et qui dépendent du cours des esprits, sont comme les mouvements d'une horloge, ou d'un moulin, que le cours ordinaire de l'eau peut rendre continus. Les objets extérieurs, qui par leur seule présence agissent contre les organes de ses sens, et qui par ce moyen la déterminent à se mouvoir en plusieurs diverses façons, selon que les parties de son cerveau sont disposées, sont comme des étrangers qui, entrant dans quelques-unes des grottes de ces fontaines, causent eux-mêmes sans y penser les mouvements qui s'y font en leur présence: car ils n'y peuvent entrer qu'en marchant sur certains carreaux tellement disposés, que, par exemple, s'ils approchent d'une Diane qui se baigne, ils la feront cacher dans des roseaux; et s'ils passent plus outre pour la poursuivre, ils feront venir vers eux un Neptune qui les menacera de son trident; ou s'ils vont de quelqu'autre côté, ils en feront sortir un monstre marin qui leur vomira de l'eau contre la face; ou choses semblables, selon le caprice des ingénieurs qui les ont faites. Et enfin quand l'âme raisonnable sera en cette machine, elle y aura son siège principal dans le cerveau, et sera là comme le fontenier, qui doit être dans les regards où se vont rendre tous les tuyaux de ces machines, quand il veut exciter, ou empêcher, ou changer en quelque façon leurs mouvements.
 
Mais, afin que je vous fasse entendre tout ceci distinctement, je veux, premièrement, vous parler de la fabrique des nerfs et des muscles, et vous montrer comment, de cela seul que les esprits qui sont dans le cerveau se présentent pour entrer dans quelques nerfs, ils ont la force de mouvoir au même instant quelque membre. Puis, ayant touché un mot de la respiration, et de tels autres mouvements simples et ordinaires, je dirai comment les objets extérieurs agissent contre les organes des sens. Et après cela, j'expliquerai par le menu tout ce qui se fait dans les concavités et dans les pores du cerveau; comment les esprits animaux y prennent leur cours et quelles sont celles de nos fonctions que cette machine peut imiter par leur moyen. Car, si je commençais par le cerveau, et que je ne fisse que suivre par ordre le cours des esprits, ainsi que j'ai fait celui du sang, il me semble que mon discours ne pourrait pas être du tout si clair. [...]
 
Maintenant, pour entendre en particulier comment cette machine respire, pensez (figure) que le muscle D est l'un de ceux qui servent à hausser sa poitrine, ou à abaisser son diaphragme, et que le muscle E est son contraire; et que les esprits animaux qui sont dans la concavité de son cerveau marquée M, coulant par le pore ou petit canal marqué N, qui demeure naturellement toujours ouvert, se vont rendre d'abord dans le tuyau BF, où abaissant la petite peau F, ils font que ceux du muscle E viennent enfler le muscle D.
 
Pensez après cela, qu'il y a certaines peaux autour de ce muscle D, qui le pressent de plus en plus à mesure qu'il s'enfle, et qui sont tellement disposées, qu'avant que tous les esprits du muscle E soient passés vers lui, elles arrêtent leur cours, et les font comme regorger par le tuyau BF, en sorte que ceux du canal n s'en détournent; au moyen de quoi, s'allant rendre dans le tuyau cg, qu'ils ouvrent en même temps, ils font enfler le muscle E, et désenfler le muscle d; ce qu'ils continuent de faire aussi longtemps que dure l'impétuosité dont les esprits contenus dans le muscle d, pressés par les peaux qui l'environnent, tendent à en sortir. Puis, quand cette impétuosité n'a plus de force, ils reprennent d'eux-mêmes leur cours par le tuyau BF, et ainsi ne cessent de faire enfler et désenfler alternativement ces deux muscles. Ce que vous devez juger aussi des autres muscles qui servent à même effet; et penser qu'ils sont tous tellement disposés, que, quand ce sont les semblables à d qui s'enflent, l'espace qui contient les poumons s'élargit, ce qui est cause que l'air entre dedans, tout de même que dans un soufflet que l'on ouvre; et que, quand ce sont leurs contraires, cet espace se rétrécit, ce qui est cause que l'air en ressort.
Pour entendre aussi comment cette machine avale les viandes qui se trouvent au fond de sa bouche, pensez que le muscle D est l'un de ceux qui haussent la racine de sa langue, et tiennent ouvert le passage par où l'air qu'elle respire doit entrer dans son poumon; et que le muscle E est son contraire, qui sert à fermer ce passage, et par même moyen à ouvrir celui par où les viandes qui sont dans sa bouche doivent descendre dans son estomac, ou bien à hausser la pointe de sa langue qui les y pousse; et que les esprits animaux qui viennent de la concavité de son cerveau M, par le pore ou petit canal N, qui demeure naturellement toujours ouvert, se vont rendre tout droit dans le tuyau BF, au moyen de quoi ils font enfler le muscle D; et enfin, que ce muscle demeure toujours ainsi enflé, pendant qu'il ne se trouve aucunes viandes au fond de la bouche, qui le puissent presser; mais qu'il est tellement disposé, que, lorsqu'il s'y en trouve quelques-unes, les esprits qu'il contient regorgent aussitôt par le tuyau BF, et font que ceux qui viennent par le canal N, entrent par le tuyau CG dans le muscle E, où se vont aussi rendre ceux du muscle D et ainsi la gorge s'ouvre, et les viandes descendent dans l'estomac; puis incontinent après, les esprits du canal N reprennent leur cours par BF comme devant.
 
A l'exemple de quoi, vous pouvez aussi entendre comment cette machine peut éternuer, bâiller, tousser, et faire les mouvements nécessaires à rejeter divers autres excréments.
 
Pour entendre, après cela, comment elle peut incitée, par les objets extérieurs qui frappent les organes de ses sens, à mouvoir en mille autres façons tous membres pensez que les petits filets, que je vous ai déjà tantôt dit venir du plus intérieur de son cerveau et composer la moelle de ses nerfs, sont tellement disposés en toutes celles de ses parties qui servent d'organe à quelques sens, qu'ils y peuvent très facilement être mus à par les objets de ces sens; et que, lorsqu'ils y sont mus tant soit peu fort, ils tirent au même instant les parties du cerveau d'où ils viennent, et ouvrent par même moyen les entrées de certains pores, qui sont en la superficie intérieure de ce cerveau, par où les esprits animaux qui sont dans ses concavités commencent aussitôt à prendre leur cours, et se vont rendre par eux dans les nerfs, et dans les muscles, qui servent à faire, en cette machine, des mouvements tout semblables à ceux auxquels nous sommes naturellement incités, lorsque nos sens sont touchés en même sorte.
 
Comme, par exemple (figure), si le feu A se trouve proche du pied B, les petites parties de ce feu, qui se meuvent comme vous savez très promptement, ont la force de mouvoir avec soi l'endroit de la peau de ce pied qu'elles touchent; et par ce moyen tirant le petit filet, c, c, que vous voyez y être attaché, elles ouvrent au même instant l'entrée du pore e, contre lequel ce petit filet se termine : ainsi que, tirant l'un des bouts d'une corde, on fait sonner en même temps la cloche qui pend à l'autre bout.
 
Or, l'entrée du pore ou petit conduit d, e, étant ainsi ouverte, les esprits animaux de la concavité F entrent dedans, et sont portés par lui, partie dans les muscles qui servent à retirer ce pied de ce feu, partie dans ceux qui servent à tourner les yeux et la tête pour le regarder, et partie en ceux qui servent à avancer les mains et à plier tout le corps pour le défendre.
 
Mais ils peuvent aussi être portés par ce même conduit d, e, en plusieurs autres muscles. Et avant que je n'arrête à vous expliquer plus exactement, en quelle porte les esprits animaux suivent leur cours par les pores du cerveau, et comment ces pores sont disposés, je veux vous parler ici en particulier de tous les sens, tels qu'ils se trouvent en cette machine, et vous dire comment ils se rapportent aux nôtres.
 
Sachez donc, premièrement, qu'il y a un grand nombre de petits filets semblables à c, c, qui commencent tous à se séparer les uns des autres, dès la superficie intérieure de son cerveau, d'où ils prennent leur origine, et qui, s'allant de là épandre par tout le reste de son corps, y servent d'organe pour le sens de l'attouchement. Car encore que, pour l'ordinaire, ce ne soit pas eux qui soient immédiatement touchés par les objets extérieurs, mais les peaux qui les environnent, il n'y a pas toutefois plus d'apparence de penser que ce sont ces peaux qui sont les organes du sens, que de penser, lorsqu'on manie quelque corps, étant ganté, que ce sont les gants qui servent pour le sentir.
 
Et remarquez qu'encore que les filets dont je vous parle soient fort déliés, ils ne laissent pas de passer sûrement depuis le cerveau jusques aux membres qui en sont les plus éloignés, sans qu'il se trouve rien entre deux qui les rompe, ou qui empêche leur action en les pressant, quoique ces membres se plient cependant en mille diverses façons : d'autant qu'ils sont enfermés dans les mêmes petits tuyaux qui portent les esprits animaux dans les muscles, et que ces esprits, enflant toujours quelque peu ces tuyaux, les empêchent d'y être pressés; et même, qu'ils les font toujours tendre autant pu'ils peuvent, en tirant du cerveau d'où ils viennent, vers les lieux où ils se terminent.
 
Or je vous dirai que, quand Dieu unira une âme raisonnable à cette machine, ainsi que je prétends vous dire ci-après, il lui donnera son siège principal dans le cerveau, et la fera de telle nature, que, selon les diverses façons que les entrées des pores qui sont en la superficie intérieure de ce cerveau seront ouvertes par l'entremise des nerfs, elle aura divers sentiments.