-
- CHAPITRE X.
- Recherches sur l'action
du système nerveux dans les mouvements
dits de conservation
- Mémoire à
l'académie royale des sciences de
l'institut, dans les séances des 27
octobre et 10 novembre 1823
-
- Première partie
-
- I. J'ai tâché, dans les
premiers chapitres de cet ouvrage, de
déterminer avec précision et les
diverses propriétés des diverses
parties nerveuses, et les divers rôles que
ces parties jouent, soit dans les
phénomènes de la pensée et
des sensations, soit dans les mouvements dits de
locomotion.
-
- II. On a vu d'abord qu'il y a trois
propriétés essentiellement
distinctes dans le système nerveux: la
première, d'exciter les contractions
musculaires; la deuxième, de ressentir,
les impressions; la troisième, de
percevoir et de vouloir; que ces trois
propriétés diffèrent de
siège comme d'effet, et qu'il y a une
limite précise entre les organes de
chacune d'elles.
-
- III. En second lieu, la délimitation
du rôle que jouent les diverses parties
nerveuses qui concourent à un mouvement
de locomotion a montré que les nerfs n'y
sont proprement que pour l'excitation des
contractions musculaires; la moelle
épinière, pour la liaison de ces
contractions en mouvements d'ensemble; le
cervelet, pour la coordination de ces mouvements
en mouvements déterminés, saut,
vol, marche, course, station, etc.; et les lobes
cérébraux, pour la volition de ces
mouvements.
-
- IV. On a vu ensuite que le principe
primordial du jeu de l'iris et de l'action de la
rétine dérive des tubercules
bijumeaux.
-
- V. Et il a été
démontré enfin que le principe des
perceptions et des volitions réside
exclusivement dans les lobes
cérébraux, comme le principe de la
coordination des mouvements de locomotion, dans
le cervelet.
-
- VI. La masse cérébrale se
compose donc jusqu'ici, et sans compter la
moelle allongée proprement dite, de trois
organes essentiellement distincts: savoir, les
tubercules bijumeaux, les lobes
cérébraux, et le cervelet; et
chacun de ces trois organes a des fonctions non
moins distinctes que spécifiques.
-
- VII. Il y a un principe primordial du jeu de
l'iris et de l'action de la rétine, et il
réside dans les tubercules bijumeaux; il
y a un principe des perceptions et des
volitions, et il réside dans les lobes
cérébraux; il y a enfin un
principe coordonnateur des mouvements de
locomotion, et son siège est le
cervelet.
-
- VIII. Ces divers points établis, il
ne restait plus qu'à déterminer si
les mouvements dits de conservation, les seuls
dont je n'eusse pas encore parlé,
n'avaiant pas aussi quelque pareil principe
d'action ou de coordination; et, ce principe
supposé, quel pouvait en être le
siège.
-
- Tel a été l'objet des
expériences suivantes.
-
- Deuxième partie
-
- I. Je retranchai, sur un jeune et vigoureux
lapin, d'abord les lobes
cérébraux, et l'animal perdit
aussitôt toute faculté de vouloir
et de percevoir; puis le cervelet, et il perdit
toute faculté de se mouvoir avec ordre et
régularité; enfin les tubercules
quadrijutneaux, et ses iris, jusque là
contractiles et mobiles, perdirent bientôt
tout ressort et tout mouvement. Malgré
ces diverses mutilation, l'animal vivait et
respirait bien. Ce fut alors que je
commençai à retrancher, par
tranches successives, la moelle allongée
d'avant en arrière. Aux moyennes
tranches, l'animal ne respirait
déjà plus qu'avec effort. Aux
dernières tranches, il ne respirait
plus.
-
- II. Je pris un autre lapin; je retranchai
pareillement les lobes cérébraux,
les tubercules quadrijumeaux et le cervelet.
Pareillement, la respiration persistait
toujours. Je retranchai la moelle
allongée tout d'un coup, et tout d'un
coup la respiration fut éteinte.
-
- III. Je supprimai, par coupes graduelles et
successives, d'avant en arrière, la
moelle allongée, sur une poule; et, la
dernière coupe opérée, il
n'y eut plus de respiration.
-
- IV. Je retranchai, sur une poule et sur un
pigeon, les lobes cérébraux, les
tubercules bijumeaux et le cervelet, sans
toucher à la moelle allongée.
Cette poule et ce pigeon survécurent
plusieurs heures à ces graves
mutilations.
-
- V. Je supprimai tout d'un coup, sur une
autre poule et sur un autre pigeon, la moelle
allongée tout entière; et, sur ces
deux animaux, la respiration fut tout d'un coup
abolie.
-
- VI. J'ai répété ces
expériences sur un grand nombre de
poules, de lapins, de pigeons, de chats, de
chiens, de canards,, de cochonsd'inde: toujours
le résultat a été le
même.
-
- VII. Ainsi donc, ni les lobes
cérébraux, ni le cervelet, ni les
tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux,
n'exercent une influence directe et
immédiate sur la respiration: la moelle
allongée est la seule partie, entre
celles qui composent la masse
cérébrale, qui exerce sur cette
fonction une pareille influence.
-
- VIII. Je passe à l'examen des
diverses régions de la moelle
épinière.
-
- IX. Je retranchai, sur un lapin, toute la
moelle lombaire, y compris le renflement
postérieur. La respiration n'en fut point
troublée. Quelques heures après,
je détruisis toute la portion de moelle
dorsale qui s'étend de ce renflement
postérieur à l'origine de la
dernière paire intercostale, et la
respiration ne parut point encore
essentiellement altérée. Je
détruisis alors, petit à petit,
toute la moelle costale; le jeu des côtes
s'éteignit graduellement à mesure
que j'avançai, et quand j'eus fini, il
était tout à fait éteint.
Je pénétrai plus avant, la
respiration s'exécutant encore, quoique
avec peine, par le diaphragme; j'atteignis enfin
l'origine des nerfs diaphragmatiques; et avec la
cessation du jeu du diaphragme cessa toute
respiration effective: car les
bâillements de la bouche et de la
glotte, survivant seuls, n'avaient plus
d'effet.
-
- X. J'enlevai, sur une poule et sur un
pigeon, les moelles lombaire et dorsale,
jusqu'à l'origine des dernières
paires intercostales. Ces deux animaux
survécurent près de deux jours
à cette ablation.
-
- XI. Je détruisis graduellement, sur
une autre poule et sur un autre pigeon, la
moelle costale. La respiration s'affaiblit de
plus en plus, à mesure que
s'opérait cette destruction; et quand
cette destruction fut consommée, il n'y
eut plus de respiration, ou plutôt plus de
mouvement des côtes; car les
bâillements de la bouche et de la
glotte persistaient toujours.
-
- XII. Je détruisis, sur plusieurs
grenouilles, toute la moelle dorsale, sans
troubler manifestement la respiration.
J'atteignis enfin l'origine des nerfs de
l'appareil hyoïdien; appareil qui, dans ces
animaux, remplit, comme M. Cuvier l'a
montré, les fonctions du thorax ou du
diaphragme : et ce fut alors seulement que
cessèrent les mouvements inspiratoires du
tronc, ceux de la tête persistant
toujours.
-
- XIII. Ainsi donc, on ne détruit tous
les mouvements inspiratoires du tronc, dans les
mammifères, qu'en atteignant l'origine
des nerfs diaphragmatiques; la simple
destruction de la moelle costale suffit dans les
oiseaux, parce qu'ils manquent de diaphragme; et
dans les reptiles batraciens, il faut aller
jusqu'à l'origine des nerfs
hyoïdiens.
-
- Troisième partie
-
- I. Maintenant qu'on vient
d'énumérer et d'assigner les
diverses parties nerveuses qui concourent au
mécanisme respiratoire, il s'agit de
déméler dans quel ordre, et selon
quel mode, chacune y concourt.
-
- II. Tout le monde sait qu'une inspiration,
ou un mouvement inspiratoire se compose de
quatre mouvements distincts, quoique
exécutés simultanément: le
bâillement des narines ou de la
bouche, l'ouverture de la glotte,
l'élévation des côtes et des
épaules, et la contraction du diaphragme.
Or, chacun de ces mouvements, les
bâillements, la dilatation des
narines, l'ouverture de la glotte,
l'élévation des côtes, la
contraction du diaphragme; chacun de ces
mouvements, dis-je, tient en particulier
à une origine particulière de
nerfs.
-
- Il est donc clair que, tant qu'on ne touche
point à cette origine, le mouvement doit
se conserver; et il ne l'est pas moins qu'il
doit se perdre quand on y touche.
-
- III. J'ai détruit, sur un lapin, la
moelle costale, et le mouvement des côtes
s'est aussitôt éteint; mais les
trois autres mouvements, celui du diaphragme,
celui des narines, celui de la glotte,
subsistaient toujours.
-
- IV. J'ai détruit, sur un autre lapin,
et la moelle costale, et le point d'origine des
nerfs diaphragmatiques; et le jeu des
côtes, et le jeu du diaphragme se sont
à la fois éteints; mais celui des
narines et celui de la glotte n'en subsistaient
pas moins.
-
- V. J'ai détruit enfin, sur un
troisième lapin, et la moelle costale, et
l'origine des nerfs diaphragrnatiques, et
l'origine des nerfs de la huitième paire;
soudain le mouvement des côtes, le
mouvement du diaphragme, le mouvement de la
glotte se sont éteints; it ne subsistait
plus que les bâillements de la
bouche et la diatation des narines.
-
- VI. J'ai procédé alors en sens
inverse; j'ai retranché la moelle
allongée, par tranches successives,
d'avant en arrière: ce sont les
bâillements qui ont disparu les
premiers, puis la dilatation des narines; il ne
survivait plus que les seuls mouvements
inspiratoires du tronc.
-
- VII. Ainsi, selon qu'on procède
d'avant en arrière, ou d'arrière
en avant, ce sont les mouvements du tronc qui
survivent à ceux de la tête, ou
ceux de la tête à ceux du tronc.
Nul, à cet égard, n'a de
privilége; nul ne survit qu'autant qu'on
respecte son origine. Chacun peut être
isolément détruit ou
conservé; ce n'est conséquemment
d'aucun, pris séparément, que
dépend l'existence de tous les
autres.
-
- Quatrième partie
-
- I. Les divers mouvements qui composent le
mécanisme respiratoire sont donc
essentiellement distincts. D'où vient
donc qu'ils concourent, qu'ils s'unissent,
qu'ils conspirent avec un ordre si merveilleux
pour l'exécution de ce mécanisme?
Chacun de ces mouvements a-t-il eu soi et son
premier mobile et son principe
régulateur? Ou bien ya-t-il un seul
premier mobile, un seul principe
régulateur, qui les détermine et
les ordonne tous?
-
- II. J'ai coupé, sur un lapin, par une
simple section transversale, la moelle
épinière immediatement au-dessus
de l'origine de la première paire
intercostale. Soudan, tous les mouvements
inspiratoires des côtes se sont
éteints; et pourtant, chose bien
remarquable, le tronçon de moelle duquel
partent les nerfs des côtes était
encore si plein de vie, que, pour peu qu'on
l'excitât, la cage respiratoire se
mouvait. tout aussitôt comme
auparavant.
-
- Ill. J'ai coupé, sur un autre lapin,
la moelle épinière au-dessus de
l'origine des nerfs diaphragmatiques;
sur-le-champ, les mouvements inspiratoires des
côtes et du diaphragme ont disparu.
Cependant le fragment médullaire
postérieur vivait toujours: pour pen
qu'on l'irritât, il survenait
aussitôt des contractions du diaphragme et
des mouvements des côtes; il se faisait un
véritable mouvement inspiratoire du
tronc, et ce mouvement pouvait aller
jusqu'à déterminer un certain
bruit dans le larynx.
-
- IV. J'ai, sur un troisième lapin,
coupé la moelle épinière,
d'abord au dessus de l'origine de l'accessoire,
et puis à l'origine même de la
huitième paire. D'abord, tous les
mouvements des épaules, des côtes
et du diaphragme se sont éteints, et
ensuite ceux de la glotte. Et, dans les deux
cas, une excitation extérieure du
tronçon de moelle restant pouvait encore
les ranimer tous.
-
- V. J'ai coupé enfin la moelle
allongée, sur un quatrième lapin,
quelques lignes au-dessus de l'origine de la
huitième paire; et tous les mouvements
inspiratoires du tronc se sont
conservés.
-
- VI. Ainsi, une simple section au dessus de
la moelle costale arrête le jeu des
côtes; au-dessus de l'origine des nerfs
diaphramatiques, le jeu des côtes et du
diaphragme; à l'origine même de la
huitième paire, tous les mouvements
inspira toires du tronc à la fois; et,
quelques lignes par de là cette origine,
elle n'en arrête aucun. Nul de ces
mouvements ne contient donc en soi le premier
principe de son action. il suffit de les isoler
d'un point donné pour qu'aussitôt
ils s'éteignent; il suffit de les
maintenir réunis à ce point, pour
qu'ils se conservent: c'est donc
évidemment de ce point, et de ce point
seul, qu'ils tirent leur premier mobile.
-
- VII. Il n'est donc pas étonnant qu'en
ne supprimant directement que ce point, on le
supprime tous, sans toucher à l'origine
immédiate d'aucun. Toutefois, dans ce
cas-ci, ce n'est pas précisément
ces mouvements qu'on supprime; c'est seulement
leur lien et leur premier mobile. Dans le fait,
ils survivent tous, sinon en acte, du moins en
puissance: une excitation extérieure peut
encore les provoquer chacun en particulier; il
n'y a d'éteint que leur
simultanéité et leur
spontanéité.
-
- Cinquième partie
-
- I. En résumant tout ce qui
précède, on voit:
-
- 1°) Que les lobes
cérébraux, le cervelet, les
tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux, la moelle
lombaire, la portion inférieure de la
dorsale, n'interviennent point directement dans
la respiration;
-
- 2°) Que la moelle cervicale et la
moelle costale y interviennent comme agents
immédiats et déterminés de
certains mouvements inspiratoires;
-
- 3°) Et que la moelle allongée y
intervient seule comme premier mobile et comme
principe régulateur.
-
- II. Lorry et Le Gallois, conduits par des
routes diverses, avaient pourtant reconnu tous
deux qu'il existe un point, dans la moelle
épinière et dans le voisinage de
l'encéphale, dont la destruction
anéantit sur-le-champ tous les mouvements
inspiratoires. L'un plaçait ce point
entre les première et deuxième
vertèbres du cou; l'autre le
plaçait, plus exactement, vers l'origine
de la huitième paire. Mais nul ne se
faisait une idée juste de la
manière dont il agit; l'un n'y voyait
qu'un grand mystère de la puissance
nerveuse; l'autre, qu'une loi primordiale de
cette puissance, ce qui n'était encore
qu'un mystère un peu différement
exprimé; nul enfin n'y voyait la source
d'un ordre entier de mouvements; je veux dire de
tous les mouvements coordonnes de
conservation.
-
- Sixième partie
-
- I. La respiration n'est pas, en effet, le
seul mouvement qui tire de ce point son premier
mobile. Tous les mouvements
dérivés de la respiration, le cri,
le bâillement, etc., y puisent
aussi leur premier principe.
-
- II. Je retranchai, sur un lapin, toutes les
parties cérébrales, à
l'exception de la moelle allongée: non
seulement cet animal respirait bien encore;
mais, quand on le pinçait fortement, il
sagitait et criait.
-
- III. Je retranchai, sur un autre lapin, la
moelle allongée L'animal perdit
aussitôt la faculté de respirer, de
crier, etc. : quelque violence que l'on
mît à le pincer, il s'agitait bien
encore, mais il ne criait plus.
-
- IV. Certaines déjections alvines ou
viscérales, etc. , exigent, dans
l'état naturel, comme chacun sait, le
concours de plusieurs parties diverses et
éloignées. Or, tant que la moelle
allongée subsiste, ce concours
s'opère; il ne s'opère plus
dès qu'elle est détruite.
-
- V. La moelle allongée est donc le
premier mobile de l'inspiration, du cri, du
bâillement, de certaines
déjections; ou, en termes plus
généraux, et comme je le disais
tout à l'heure, de tous les mouvements
coordonnés de conservation.
-
- Septème partie
-
- I. J'appelle mouvement coordonné tout
mouvement qui résulte du concours, de
l'enchaînement, du groupement, si l'on
petit ainsi dire, de plusieurs autres
mouvements, tous distincts, tous isolés
les uns des autres, et qui, groupés
autrement, auraient donné un autre
résultat total. Ainsi, le saut, la
marche, la course, la station, le vol etc., sont
des mouvements coordonnés; des mouvements
résultant du concours de plusieurs
parties distinctes, séparées,
isolées dont chacune peut agir seule et
séparément, ou réunie
à une, à deux, à trois,
à toutes les autres, et produire divers
effets selon ces diverses combinaisons.
-
- II. Pareillement, le mouvement de
l'inspiration, et tous les dérivés
de ce mouvement, le cri, le
bâillement, certaines
déjections, etc., sont encore des
mouvements coordonnés. Pour inspirer,
comme pour crier, comme pour
bâiller, etc., il faut le concours
d'une infinité de parties diverses: des
muscles de la face, du larynx, de la poitrine,
des épaules, du diapbragme, de l'abdomen,
etc.
-
- III. Et j'appelle ce derniers mouvements,
mouvements de conservation, par opposition aux
premiers, que désignent si bien les mots
de mouvements de locomotion.
-
- IV. La mécanique animale se compose
donc de deux ordres de mouvements
coordonnés, essentiellement distincts;
et, chose non moins inouïe qu'admirable,
ces deux ordres de mouvements dépendent
de deux organes régulateurs
essentiellement distincts aussi. De la moelle
allongée dérivent tous les
mouvements de conservation; du cervelet, tous
les mouvements de locomotion. Et, ce qui n'est
pas moins surprenant encore, c'est que la moelle
épinière, agent immédiat de
tous ces mouvements, n'est, cependant, ni le
premier mobile, ni le principe régulateur
d'aucun.
-
- p235
-
- CHAPITRE XIV
-
- Lois de l'action
nerveuse.
-
- Première partie
-
- Trois grandes lois régissent l'action
nerveuse:
-
- La première est la
spécialité d'action;
- La seconde est la subordination des
jonctions nerveuses;
- La troisième est l'unité du
système nerveux.
-
- Deuxième partie
-
- Spécialités de l'action
nerveuse
-
- I. On a vu, par tous les faits réunis
dans ce livre que chaque partie, essentiellement
distints du système nerveux, a une
fonction ou manière d'agir
également distincte. Le cerveau
proprement dit n'agit pas comme le cervelet; ni
le cervelet, comme la moelle allongée; ni
la moelle allongée, comme la moelle
épinière ou les nerfs.
-
- II. Chaque partie du système nerveux
a donc une action propre ou spéciale ,
c'est-à-dire différente de faction
des autres; et l'on a vu de plus en quoi cette
différence ou cette
spécialité d'action consiste. Dans
les lobes cérébraux réside
la faculté par laquelle l'animal pense,
veut, se souvient, juge, perçoit ses
sensations, et commande â ses mouvements.
Du cervelet dérive la faculté qui
coordonne ou équilibre les mouvements de
locomotion; des tubercules bjumeaux ou
quadrijumeaux, le principe primordial de
l'action du nerf optique et de la rétine;
de la moelle allongée, le principe
premier moteur ou excitateur des mouvements
respiratoires; et de la moelle
épinière enfin, la faculté
de lier ou d'associer en mouvements d'ensemble
les contractions partielles immédiatement
excitées par les nerfs dans les
muscles.
-
- Il. Le grand fait de la
spécialité d'action des diverses
parties du système nerveux, fait à
la démonstration duquel aspiraient depuis
si longtemps les plus nobles efforts des
physiologistes, est donc désormais un
fait établi par l'observation directe, et
le résultat démontré de
l'expérience.
-
- Troisième partie
-
- Spécialité des
propriétés nerveuses
-
- I. Il y a trois propriétés
nerveuses essentiellement distinctes: celle
d'exciter la contraction musculaire; celle de
ressentir et de transmettre les impressions;
celle de percevoir et de vouloir. J'appelle la
première de ces propriétés,
excitabilité; la seconde est la
sensibilité; la troisième est
l'intelligence
-
- II. Et chacune de ces
propriétés a un siége
déterminé, c'est-à-dire un
organe propre. L'excitabilité
réside dans le faisceau antérieur
de la moelle épinière et dans les
nerfs venus des racines de ce faisceau; la
sensibilité réside dans le
faisceau postérieur de la moelle
épinière et dans les nerfs venus
des racines de ce faisceau; l'intelligence
réside exclusivement dans le cerveau
proprement dit (lobes ou
hémisphères
cérébraux).
-
- Quatrième partie
-
- Rôle spécial de chaque partie
du système nerveux dans les
mouvements.
-
- I. Nul mouvement ne dérive
directement de la volonté. La
volonté n'est que la cause provocatrice
de certains mouvements; elle n'est jamais la
cause effective d'aucun. Qu'un animal veuille
mouvoir ou son bras, ou sa jambe, ou toute autre
partie: aussitôt il la meut; mais ce n'est
pas sa volonté qui anime les muscles de
la partie mue, qui les excite, qui les
coordonne. Ni la production de la contraction
musculaire, ni la coordination du jeu des divers
muscles, contraction et coordination
indispensables néanmoins pour que le
mouvement s'exécute: rien de cela n'est
sous la puissance de la volonté, et
conséquemment des lobes ou
hémisphères
cérébraux en lesquels cette
volonté réside.
-
- II. La cause directe des contractions
musculaires réside
particulièrement dans la moelle
épienière et ses nerfs; la cause
coordonnatrice du jeu des diverses parties
reside exclusivement dane le cervelet.
-
- III. Voilà donc trois
phénomènes essentiellement
distincts dans un mouvement voulu: 1°) la
volition de ce mouvement, volition qui
réside dans les lobes
cérébraux; 2°) la
coordination des diverses parties concourant a
ce mouvement, coordination qui réside
dans le cervelet; et 3°) enfin,
l'excitation des contractions musculaires, la
quelle a son siége dans la moelle
épinière et ses nerfs.
-
- 1V. Puisque ce trois grands
phénomènes, essentiellement
distincts, résident dans trois organes
essentiellement distincts aussi, on voit tout
anssitôt la possibilité de n'abolir
que l'un de ces phénomènes, la
volonté, par exemple, en laissant
subsister les deux autres, la coordination et la
contraction; ou d'abolir à la fois la
coordination et la volonté, en ne
respectant que la contraction.
-
- V. Et c'est là ce que les
expériences de cet ouvrage ont mis dans
une évidence complète. Un animal,
privé de ses lobes
cérébraux, ne se meut plus
spontanément ou volontairement, mais il
se meut coordonnément et tout aussi
régulièrement que lorsqu'il avait
ses lobes. Un animal privé de son
cervelet, au contraire, perd toute coordination
de ses mouvements. Cependant toutes les parties
d'un tel animal, la tête, le tronc, les
extrémités, toutes ces parties,
dis-je, se meuvent; mais comme leurs mouvements
ne sont plus coordonnés, il n'y a plus de
résultat total obtenu. Un pareil animal
ne marche plus, ne voie plus, ne se tient plus
debout; non qu'il ait perdu l'usage de ses
pattes et de ses ailes, mais parce que le
principe coordonnateur de ses pattes et de ses
ailes il'n'existe plus. En un mot, tous les
mouvements partiels subsistent encore; la
coordination seule de ces mouvements est
perdue.
-
- VI. Ce que je viens de dire du cervelet, par
rapport aux mouvements coordonnés de
locomotion, on peut le dire de la moelle
allongée, par rapport aux mouvements
coordonnés de conservation. Tant que
celte moelle subsiste, ils subsistent; quand
elle s'éteint, ils séteignent.
C'est donc en elle que réside
effectivement leur principe régulateur ou
leur premier mobile.
-
- VII. Quant à la moelle
épinière, elle se borne à
lier les contractions musculaires, premiers
éléments de tout mouvement, en
mouvements d'ensemble; et, bien que d'elle
partent presque tous les nerfs qui
déterminent et ces contractions et ces
mouvements, ce n'est pourtant point en elle que
réside l'admirable faculté de
coordonner et ces contractions et ces mouvements
en mouvements déterminés, saut,
vol, marche, coure, station, etc.; ou
inspiration, cri, bâillement, etc.:
cette faculté réside dans le
cervelet, pour les premiers; dans la moelle
allongée, pour les seconds.
-
- VIII. Il reste une dernière
considération à rappeler.
Communément, les mouvements de la
respiration, du cri, du bâillement,
etc., sont appelés involontaires, par
opposition aux mouvements de locomotion, qu'on
appelle alors volontaires.
-
- On vient de voir ce qu'il faut penser de ce
mot volontaires, appliqué à
certains mouvements. La volonté n'est
jamais que la cause provocatrice,
éloignée, occasionnelle, de ces
mouvements; mais enfin elle peut les provoquer,
en régler l'énergie, en
déterminer le but; et, ce qu'il y a
d'essentiellement remarquable, elle peut cela de
tous points. Ainsi un animal peut, à son
gré, se mouvoir ou non, lentement ou
vite, dans telle ou telle direction qu'il lui
plait. Il est donc maitre absolu, non pas du
mécanisme de sa marche, mais de sa
marche.
-
- Il en est de même de la course et du
saut, qui ne sont qu'une marche
précipitée; du vol, du nagement,
de la reptation, qui ne sont que
différentes espèces de marche; de
la station, qui n'est qu'une partie de la
marche, et, en un mot, de tous les mouvements de
locomotion ou de translation.
-
- La respiration, le cri, le
bâillement, certaines
déjections, etc., au contraire, ne
dépendent que jusqu'à un certaint
point, et que dans certains cas, de la
volonté. En général, tous
ces mouvements ont lieu sans qu'elle s'en
aperçoive, sans qu'elle s'en mêle,
sans qu'elle y participe, souvent même
quelque opposée qu'elle y soit.
-
- Enfin, les mouvements du coeur et des
intestins sont totalement et absolument
étrangers à la volonté.
Sous le rapport de la volonté, comme sous
le rapport du mécanisme, comme sous le
rapport des organes du mouvement, il y a donc
trois ordres de mouvements essentiellement
distincts. Les uns sont totalement soumis
à la volonté; les autres n'y sont
soumis qu'en partie les autres n'y sont point
soumis du tout..
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