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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
 28 janvier 2007
Baillière
pages 169-185
Recherches expérimentales sur les propriétés
et les fonctions du système nerveux
dans les animaux vertébrés
Pierre-Marie Flourens (1794-1867)
1842

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CHAPITRE X.
Recherches sur l'action du système nerveux dans les mouvements dits de conservation
Mémoire à l'académie royale des sciences de l'institut, dans les séances des 27 octobre et 10 novembre 1823
 
Première partie
 
I. J'ai tâché, dans les premiers chapitres de cet ouvrage, de déterminer avec précision et les diverses propriétés des diverses parties nerveuses, et les divers rôles que ces parties jouent, soit dans les phénomènes de la pensée et des sensations, soit dans les mouvements dits de locomotion.
 
II. On a vu d'abord qu'il y a trois propriétés essentiellement distinctes dans le système nerveux: la première, d'exciter les contractions musculaires; la deuxième, de ressentir, les impressions; la troisième, de percevoir et de vouloir; que ces trois propriétés diffèrent de siège comme d'effet, et qu'il y a une limite précise entre les organes de chacune d'elles.
 
III. En second lieu, la délimitation du rôle que jouent les diverses parties nerveuses qui concourent à un mouvement de locomotion a montré que les nerfs n'y sont proprement que pour l'excitation des contractions musculaires; la moelle épinière, pour la liaison de ces contractions en mouvements d'ensemble; le cervelet, pour la coordination de ces mouvements en mouvements déterminés, saut, vol, marche, course, station, etc.; et les lobes cérébraux, pour la volition de ces mouvements.
 
IV. On a vu ensuite que le principe primordial du jeu de l'iris et de l'action de la rétine dérive des tubercules bijumeaux.
 
V. Et il a été démontré enfin que le principe des perceptions et des volitions réside exclusivement dans les lobes cérébraux, comme le principe de la coordination des mouvements de locomotion, dans le cervelet.
 
VI. La masse cérébrale se compose donc jusqu'ici, et sans compter la moelle allongée proprement dite, de trois organes essentiellement distincts: savoir, les tubercules bijumeaux, les lobes cérébraux, et le cervelet; et chacun de ces trois organes a des fonctions non moins distinctes que spécifiques.
 
VII. Il y a un principe primordial du jeu de l'iris et de l'action de la rétine, et il réside dans les tubercules bijumeaux; il y a un principe des perceptions et des volitions, et il réside dans les lobes cérébraux; il y a enfin un principe coordonnateur des mouvements de locomotion, et son siège est le cervelet.
 
VIII. Ces divers points établis, il ne restait plus qu'à déterminer si les mouvements dits de conservation, les seuls dont je n'eusse pas encore parlé, n'avaiant pas aussi quelque pareil principe d'action ou de coordination; et, ce principe supposé, quel pouvait en être le siège.
 
Tel a été l'objet des expériences suivantes.
 
Deuxième partie
 
I. Je retranchai, sur un jeune et vigoureux lapin, d'abord les lobes cérébraux, et l'animal perdit aussitôt toute faculté de vouloir et de percevoir; puis le cervelet, et il perdit toute faculté de se mouvoir avec ordre et régularité; enfin les tubercules quadrijutneaux, et ses iris, jusque là contractiles et mobiles, perdirent bientôt tout ressort et tout mouvement. Malgré ces diverses mutilation, l'animal vivait et respirait bien. Ce fut alors que je commençai à retrancher, par tranches successives, la moelle allongée d'avant en arrière. Aux moyennes tranches, l'animal ne respirait déjà plus qu'avec effort. Aux dernières tranches, il ne respirait plus.
 
II. Je pris un autre lapin; je retranchai pareillement les lobes cérébraux, les tubercules quadrijumeaux et le cervelet. Pareillement, la respiration persistait toujours. Je retranchai la moelle allongée tout d'un coup, et tout d'un coup la respiration fut éteinte.
 
III. Je supprimai, par coupes graduelles et successives, d'avant en arrière, la moelle allongée, sur une poule; et, la dernière coupe opérée, il n'y eut plus de respiration.
 
IV. Je retranchai, sur une poule et sur un pigeon, les lobes cérébraux, les tubercules bijumeaux et le cervelet, sans toucher à la moelle allongée. Cette poule et ce pigeon survécurent plusieurs heures à ces graves mutilations.
 
V. Je supprimai tout d'un coup, sur une autre poule et sur un autre pigeon, la moelle allongée tout entière; et, sur ces deux animaux, la respiration fut tout d'un coup abolie.
 
VI. J'ai répété ces expériences sur un grand nombre de poules, de lapins, de pigeons, de chats, de chiens, de canards,, de cochonsd'inde: toujours le résultat a été le même.
 
VII. Ainsi donc, ni les lobes cérébraux, ni le cervelet, ni les tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux, n'exercent une influence directe et immédiate sur la respiration: la moelle allongée est la seule partie, entre celles qui composent la masse cérébrale, qui exerce sur cette fonction une pareille influence.
 
VIII. Je passe à l'examen des diverses régions de la moelle épinière.
 
IX. Je retranchai, sur un lapin, toute la moelle lombaire, y compris le renflement postérieur. La respiration n'en fut point troublée. Quelques heures après, je détruisis toute la portion de moelle dorsale qui s'étend de ce renflement postérieur à l'origine de la dernière paire intercostale, et la respiration ne parut point encore essentiellement altérée. Je détruisis alors, petit à petit, toute la moelle costale; le jeu des côtes s'éteignit graduellement à mesure que j'avançai, et quand j'eus fini, il était tout à fait éteint. Je pénétrai plus avant, la respiration s'exécutant encore, quoique avec peine, par le diaphragme; j'atteignis enfin l'origine des nerfs diaphragmatiques; et avec la cessation du jeu du diaphragme cessa toute respiration effective: car les bâillements de la bouche et de la glotte, survivant seuls, n'avaient plus d'effet.
 
X. J'enlevai, sur une poule et sur un pigeon, les moelles lombaire et dorsale, jusqu'à l'origine des dernières paires intercostales. Ces deux animaux survécurent près de deux jours à cette ablation.
 
XI. Je détruisis graduellement, sur une autre poule et sur un autre pigeon, la moelle costale. La respiration s'affaiblit de plus en plus, à mesure que s'opérait cette destruction; et quand cette destruction fut consommée, il n'y eut plus de respiration, ou plutôt plus de mouvement des côtes; car les bâillements de la bouche et de la glotte persistaient toujours.
 
XII. Je détruisis, sur plusieurs grenouilles, toute la moelle dorsale, sans troubler manifestement la respiration. J'atteignis enfin l'origine des nerfs de l'appareil hyoïdien; appareil qui, dans ces animaux, remplit, comme M. Cuvier l'a montré, les fonctions du thorax ou du diaphragme : et ce fut alors seulement que cessèrent les mouvements inspiratoires du tronc, ceux de la tête persistant toujours.
 
XIII. Ainsi donc, on ne détruit tous les mouvements inspiratoires du tronc, dans les mammifères, qu'en atteignant l'origine des nerfs diaphragmatiques; la simple destruction de la moelle costale suffit dans les oiseaux, parce qu'ils manquent de diaphragme; et dans les reptiles batraciens, il faut aller jusqu'à l'origine des nerfs hyoïdiens.
 
Troisième partie
 
I. Maintenant qu'on vient d'énumérer et d'assigner les diverses parties nerveuses qui concourent au mécanisme respiratoire, il s'agit de déméler dans quel ordre, et selon quel mode, chacune y concourt.
 
II. Tout le monde sait qu'une inspiration, ou un mouvement inspiratoire se compose de quatre mouvements distincts, quoique exécutés simultanément: le bâillement des narines ou de la bouche, l'ouverture de la glotte, l'élévation des côtes et des épaules, et la contraction du diaphragme. Or, chacun de ces mouvements, les bâillements, la dilatation des narines, l'ouverture de la glotte, l'élévation des côtes, la contraction du diaphragme; chacun de ces mouvements, dis-je, tient en particulier à une origine particulière de nerfs.
 
Il est donc clair que, tant qu'on ne touche point à cette origine, le mouvement doit se conserver; et il ne l'est pas moins qu'il doit se perdre quand on y touche.
 
III. J'ai détruit, sur un lapin, la moelle costale, et le mouvement des côtes s'est aussitôt éteint; mais les trois autres mouvements, celui du diaphragme, celui des narines, celui de la glotte, subsistaient toujours.
 
IV. J'ai détruit, sur un autre lapin, et la moelle costale, et le point d'origine des nerfs diaphragmatiques; et le jeu des côtes, et le jeu du diaphragme se sont à la fois éteints; mais celui des narines et celui de la glotte n'en subsistaient pas moins.
 
V. J'ai détruit enfin, sur un troisième lapin, et la moelle costale, et l'origine des nerfs diaphragrnatiques, et l'origine des nerfs de la huitième paire; soudain le mouvement des côtes, le mouvement du diaphragme, le mouvement de la glotte se sont éteints; it ne subsistait plus que les bâillements de la bouche et la diatation des narines.
 
VI. J'ai procédé alors en sens inverse; j'ai retranché la moelle allongée, par tranches successives, d'avant en arrière: ce sont les bâillements qui ont disparu les premiers, puis la dilatation des narines; il ne survivait plus que les seuls mouvements inspiratoires du tronc.
 
VII. Ainsi, selon qu'on procède d'avant en arrière, ou d'arrière en avant, ce sont les mouvements du tronc qui survivent à ceux de la tête, ou ceux de la tête à ceux du tronc. Nul, à cet égard, n'a de privilége; nul ne survit qu'autant qu'on respecte son origine. Chacun peut être isolément détruit ou conservé; ce n'est conséquemment d'aucun, pris séparément, que dépend l'existence de tous les autres.
 
Quatrième partie
 
I. Les divers mouvements qui composent le mécanisme respiratoire sont donc essentiellement distincts. D'où vient donc qu'ils concourent, qu'ils s'unissent, qu'ils conspirent avec un ordre si merveilleux pour l'exécution de ce mécanisme? Chacun de ces mouvements a-t-il eu soi et son premier mobile et son principe régulateur? Ou bien ya-t-il un seul premier mobile, un seul principe régulateur, qui les détermine et les ordonne tous?
 
II. J'ai coupé, sur un lapin, par une simple section transversale, la moelle épinière immediatement au-dessus de l'origine de la première paire intercostale. Soudan, tous les mouvements inspiratoires des côtes se sont éteints; et pourtant, chose bien remarquable, le tronçon de moelle duquel partent les nerfs des côtes était encore si plein de vie, que, pour peu qu'on l'excitât, la cage respiratoire se mouvait. tout aussitôt comme auparavant.
 
Ill. J'ai coupé, sur un autre lapin, la moelle épinière au-dessus de l'origine des nerfs diaphragmatiques; sur-le-champ, les mouvements inspiratoires des côtes et du diaphragme ont disparu. Cependant le fragment médullaire postérieur vivait toujours: pour pen qu'on l'irritât, il survenait aussitôt des contractions du diaphragme et des mouvements des côtes; il se faisait un véritable mouvement inspiratoire du tronc, et ce mouvement pouvait aller jusqu'à déterminer un certain bruit dans le larynx.
 
IV. J'ai, sur un troisième lapin, coupé la moelle épinière, d'abord au dessus de l'origine de l'accessoire, et puis à l'origine même de la huitième paire. D'abord, tous les mouvements des épaules, des côtes et du diaphragme se sont éteints, et ensuite ceux de la glotte. Et, dans les deux cas, une excitation extérieure du tronçon de moelle restant pouvait encore les ranimer tous.
 
V. J'ai coupé enfin la moelle allongée, sur un quatrième lapin, quelques lignes au-dessus de l'origine de la huitième paire; et tous les mouvements inspiratoires du tronc se sont conservés.
 
VI. Ainsi, une simple section au dessus de la moelle costale arrête le jeu des côtes; au-dessus de l'origine des nerfs diaphramatiques, le jeu des côtes et du diaphragme; à l'origine même de la huitième paire, tous les mouvements inspira toires du tronc à la fois; et, quelques lignes par de là cette origine, elle n'en arrête aucun. Nul de ces mouvements ne contient donc en soi le premier principe de son action. il suffit de les isoler d'un point donné pour qu'aussitôt ils s'éteignent; il suffit de les maintenir réunis à ce point, pour qu'ils se conservent: c'est donc évidemment de ce point, et de ce point seul, qu'ils tirent leur premier mobile.
 
VII. Il n'est donc pas étonnant qu'en ne supprimant directement que ce point, on le supprime tous, sans toucher à l'origine immédiate d'aucun. Toutefois, dans ce cas-ci, ce n'est pas précisément ces mouvements qu'on supprime; c'est seulement leur lien et leur premier mobile. Dans le fait, ils survivent tous, sinon en acte, du moins en puissance: une excitation extérieure peut encore les provoquer chacun en particulier; il n'y a d'éteint que leur simultanéité et leur spontanéité.
 
Cinquième partie
 
I. En résumant tout ce qui précède, on voit:
 
1°) Que les lobes cérébraux, le cervelet, les tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux, la moelle lombaire, la portion inférieure de la dorsale, n'interviennent point directement dans la respiration;
 
2°) Que la moelle cervicale et la moelle costale y interviennent comme agents immédiats et déterminés de certains mouvements inspiratoires;
 
3°) Et que la moelle allongée y intervient seule comme premier mobile et comme principe régulateur.
 
II. Lorry et Le Gallois, conduits par des routes diverses, avaient pourtant reconnu tous deux qu'il existe un point, dans la moelle épinière et dans le voisinage de l'encéphale, dont la destruction anéantit sur-le-champ tous les mouvements inspiratoires. L'un plaçait ce point entre les première et deuxième vertèbres du cou; l'autre le plaçait, plus exactement, vers l'origine de la huitième paire. Mais nul ne se faisait une idée juste de la manière dont il agit; l'un n'y voyait qu'un grand mystère de la puissance nerveuse; l'autre, qu'une loi primordiale de cette puissance, ce qui n'était encore qu'un mystère un peu différement exprimé; nul enfin n'y voyait la source d'un ordre entier de mouvements; je veux dire de tous les mouvements coordonnes de conservation.
 
Sixième partie
 
I. La respiration n'est pas, en effet, le seul mouvement qui tire de ce point son premier mobile. Tous les mouvements dérivés de la respiration, le cri, le bâillement, etc., y puisent aussi leur premier principe.
 
II. Je retranchai, sur un lapin, toutes les parties cérébrales, à l'exception de la moelle allongée: non seulement cet animal respirait bien encore; mais, quand on le pinçait fortement, il sagitait et criait.
 
III. Je retranchai, sur un autre lapin, la moelle allongée L'animal perdit aussitôt la faculté de respirer, de crier, etc. : quelque violence que l'on mît à le pincer, il s'agitait bien encore, mais il ne criait plus.
 
IV. Certaines déjections alvines ou viscérales, etc. , exigent, dans l'état naturel, comme chacun sait, le concours de plusieurs parties diverses et éloignées. Or, tant que la moelle allongée subsiste, ce concours s'opère; il ne s'opère plus dès qu'elle est détruite.
 
V. La moelle allongée est donc le premier mobile de l'inspiration, du cri, du bâillement, de certaines déjections; ou, en termes plus généraux, et comme je le disais tout à l'heure, de tous les mouvements coordonnés de conservation.
 
Septème partie
 
I. J'appelle mouvement coordonné tout mouvement qui résulte du concours, de l'enchaînement, du groupement, si l'on petit ainsi dire, de plusieurs autres mouvements, tous distincts, tous isolés les uns des autres, et qui, groupés autrement, auraient donné un autre résultat total. Ainsi, le saut, la marche, la course, la station, le vol etc., sont des mouvements coordonnés; des mouvements résultant du concours de plusieurs parties distinctes, séparées, isolées dont chacune peut agir seule et séparément, ou réunie à une, à deux, à trois, à toutes les autres, et produire divers effets selon ces diverses combinaisons.
 
II. Pareillement, le mouvement de l'inspiration, et tous les dérivés de ce mouvement, le cri, le bâillement, certaines déjections, etc., sont encore des mouvements coordonnés. Pour inspirer, comme pour crier, comme pour bâiller, etc., il faut le concours d'une infinité de parties diverses: des muscles de la face, du larynx, de la poitrine, des épaules, du diapbragme, de l'abdomen, etc.
 
III. Et j'appelle ce derniers mouvements, mouvements de conservation, par opposition aux premiers, que désignent si bien les mots de mouvements de locomotion.
 
IV. La mécanique animale se compose donc de deux ordres de mouvements coordonnés, essentiellement distincts; et, chose non moins inouïe qu'admirable, ces deux ordres de mouvements dépendent de deux organes régulateurs essentiellement distincts aussi. De la moelle allongée dérivent tous les mouvements de conservation; du cervelet, tous les mouvements de locomotion. Et, ce qui n'est pas moins surprenant encore, c'est que la moelle épinière, agent immédiat de tous ces mouvements, n'est, cependant, ni le premier mobile, ni le principe régulateur d'aucun.

p235
 
CHAPITRE XIV
 
Lois de l'action nerveuse.
 
Première partie
 
Trois grandes lois régissent l'action nerveuse:
 
La première est la spécialité d'action;
La seconde est la subordination des jonctions nerveuses;
La troisième est l'unité du système nerveux.
 
Deuxième partie
 
Spécialités de l'action nerveuse
 
I. On a vu, par tous les faits réunis dans ce livre que chaque partie, essentiellement distints du système nerveux, a une fonction ou manière d'agir également distincte. Le cerveau proprement dit n'agit pas comme le cervelet; ni le cervelet, comme la moelle allongée; ni la moelle allongée, comme la moelle épinière ou les nerfs.
 
II. Chaque partie du système nerveux a donc une action propre ou spéciale , c'est-à-dire différente de faction des autres; et l'on a vu de plus en quoi cette différence ou cette spécialité d'action consiste. Dans les lobes cérébraux réside la faculté par laquelle l'animal pense, veut, se souvient, juge, perçoit ses sensations, et commande â ses mouvements. Du cervelet dérive la faculté qui coordonne ou équilibre les mouvements de locomotion; des tubercules bjumeaux ou quadrijumeaux, le principe primordial de l'action du nerf optique et de la rétine; de la moelle allongée, le principe premier moteur ou excitateur des mouvements respiratoires; et de la moelle épinière enfin, la faculté de lier ou d'associer en mouvements d'ensemble les contractions partielles immédiatement excitées par les nerfs dans les muscles.
 
Il. Le grand fait de la spécialité d'action des diverses parties du système nerveux, fait à la démonstration duquel aspiraient depuis si longtemps les plus nobles efforts des physiologistes, est donc désormais un fait établi par l'observation directe, et le résultat démontré de l'expérience.
 
Troisième partie
 
Spécialité des propriétés nerveuses
 
I. Il y a trois propriétés nerveuses essentiellement distinctes: celle d'exciter la contraction musculaire; celle de ressentir et de transmettre les impressions; celle de percevoir et de vouloir. J'appelle la première de ces propriétés, excitabilité; la seconde est la sensibilité; la troisième est l'intelligence
 
II. Et chacune de ces propriétés a un siége déterminé, c'est-à-dire un organe propre. L'excitabilité réside dans le faisceau antérieur de la moelle épinière et dans les nerfs venus des racines de ce faisceau; la sensibilité réside dans le faisceau postérieur de la moelle épinière et dans les nerfs venus des racines de ce faisceau; l'intelligence réside exclusivement dans le cerveau proprement dit (lobes ou hémisphères cérébraux).
 
Quatrième partie
 
Rôle spécial de chaque partie du système nerveux dans les mouvements.
 
I. Nul mouvement ne dérive directement de la volonté. La volonté n'est que la cause provocatrice de certains mouvements; elle n'est jamais la cause effective d'aucun. Qu'un animal veuille mouvoir ou son bras, ou sa jambe, ou toute autre partie: aussitôt il la meut; mais ce n'est pas sa volonté qui anime les muscles de la partie mue, qui les excite, qui les coordonne. Ni la production de la contraction musculaire, ni la coordination du jeu des divers muscles, contraction et coordination indispensables néanmoins pour que le mouvement s'exécute: rien de cela n'est sous la puissance de la volonté, et conséquemment des lobes ou hémisphères cérébraux en lesquels cette volonté réside.
 
II. La cause directe des contractions musculaires réside particulièrement dans la moelle épienière et ses nerfs; la cause coordonnatrice du jeu des diverses parties reside exclusivement dane le cervelet.
 
III. Voilà donc trois phénomènes essentiellement distincts dans un mouvement voulu: 1°) la volition de ce mouvement, volition qui réside dans les lobes cérébraux; 2°) la coordination des diverses parties concourant a ce mouvement, coordination qui réside dans le cervelet; et 3°) enfin, l'excitation des contractions musculaires, la quelle a son siége dans la moelle épinière et ses nerfs.
 
1V. Puisque ce trois grands phénomènes, essentiellement distincts, résident dans trois organes essentiellement distincts aussi, on voit tout anssitôt la possibilité de n'abolir que l'un de ces phénomènes, la volonté, par exemple, en laissant subsister les deux autres, la coordination et la contraction; ou d'abolir à la fois la coordination et la volonté, en ne respectant que la contraction.
 
V. Et c'est là ce que les expériences de cet ouvrage ont mis dans une évidence complète. Un animal, privé de ses lobes cérébraux, ne se meut plus spontanément ou volontairement, mais il se meut coordonnément et tout aussi régulièrement que lorsqu'il avait ses lobes. Un animal privé de son cervelet, au contraire, perd toute coordination de ses mouvements. Cependant toutes les parties d'un tel animal, la tête, le tronc, les extrémités, toutes ces parties, dis-je, se meuvent; mais comme leurs mouvements ne sont plus coordonnés, il n'y a plus de résultat total obtenu. Un pareil animal ne marche plus, ne voie plus, ne se tient plus debout; non qu'il ait perdu l'usage de ses pattes et de ses ailes, mais parce que le principe coordonnateur de ses pattes et de ses ailes il'n'existe plus. En un mot, tous les mouvements partiels subsistent encore; la coordination seule de ces mouvements est perdue.
 
VI. Ce que je viens de dire du cervelet, par rapport aux mouvements coordonnés de locomotion, on peut le dire de la moelle allongée, par rapport aux mouvements coordonnés de conservation. Tant que celte moelle subsiste, ils subsistent; quand elle s'éteint, ils séteignent. C'est donc en elle que réside effectivement leur principe régulateur ou leur premier mobile.
 
VII. Quant à la moelle épinière, elle se borne à lier les contractions musculaires, premiers éléments de tout mouvement, en mouvements d'ensemble; et, bien que d'elle partent presque tous les nerfs qui déterminent et ces contractions et ces mouvements, ce n'est pourtant point en elle que réside l'admirable faculté de coordonner et ces contractions et ces mouvements en mouvements déterminés, saut, vol, marche, coure, station, etc.; ou inspiration, cri, bâillement, etc.: cette faculté réside dans le cervelet, pour les premiers; dans la moelle allongée, pour les seconds.
 
VIII. Il reste une dernière considération à rappeler. Communément, les mouvements de la respiration, du cri, du bâillement, etc., sont appelés involontaires, par opposition aux mouvements de locomotion, qu'on appelle alors volontaires.
 
On vient de voir ce qu'il faut penser de ce mot volontaires, appliqué à certains mouvements. La volonté n'est jamais que la cause provocatrice, éloignée, occasionnelle, de ces mouvements; mais enfin elle peut les provoquer, en régler l'énergie, en déterminer le but; et, ce qu'il y a d'essentiellement remarquable, elle peut cela de tous points. Ainsi un animal peut, à son gré, se mouvoir ou non, lentement ou vite, dans telle ou telle direction qu'il lui plait. Il est donc maitre absolu, non pas du mécanisme de sa marche, mais de sa marche.
 
Il en est de même de la course et du saut, qui ne sont qu'une marche précipitée; du vol, du nagement, de la reptation, qui ne sont que différentes espèces de marche; de la station, qui n'est qu'une partie de la marche, et, en un mot, de tous les mouvements de locomotion ou de translation.
 
La respiration, le cri, le bâillement, certaines déjections, etc., au contraire, ne dépendent que jusqu'à un certaint point, et que dans certains cas, de la volonté. En général, tous ces mouvements ont lieu sans qu'elle s'en aperçoive, sans qu'elle s'en mêle, sans qu'elle y participe, souvent même quelque opposée qu'elle y soit.
 
Enfin, les mouvements du coeur et des intestins sont totalement et absolument étrangers à la volonté. Sous le rapport de la volonté, comme sous le rapport du mécanisme, comme sous le rapport des organes du mouvement, il y a donc trois ordres de mouvements essentiellement distincts. Les uns sont totalement soumis à la volonté; les autres n'y sont soumis qu'en partie les autres n'y sont point soumis du tout..