Le sommeil a trois périodes: le
passage de la veille au sommeil, c'est la
somnolence; le sommeil profond et complet; puis
le passage au sommeil à la veille, ou le
réveil.
Chez les enfants, le sommeil arrive tout
à coup, et souvent se termine de
même, et il n'y a pour ainsi dire qu'un
moment dans le passage de l'un à l'autre.
Chez l'homme, au contraire, le sommeil n'arrive
que lentement, par la somnolence; et quelquefois
même continue dans cet état sans
devenir complet.
Dans l'homme, on sent les progrès du
sommeil. D'abord ce sont des
pandiculations, des
bâillements, puis le clignottement
des paupières, une sorte de lassitude
générale; la tête chancelle,
les muscles se relâchent, l'attention au
objets extérieurs cesse, la sensation de
ce qui se passe au dehors s'efface; cependant,
il y a encore des images et des idées; le
corps se refroidit, la circulation et la
respiration se ralentissent. enfin, le sommeil
complet arrive, et l'on est dans l'oublie le
plus profond de ce qui se passe autour de
soi.
Le réveil se fait en sens inverse.
D'abord, il semble que la sensation revient; on
s'aperçoit qu'on est pas seul et qu'il y
a des objets extérieurs; des idées
vagues et confuses se forment; on sent un
engourdissement des sens, et cependant on sent
vaguement, on entend à demi, on se trouve
comme porté à ouvrir les yeux pour
voir ce qui se passe; quelquefois on jouit de ce
demi-sommeil, et de cet état à
demi-éveillé, on caresse des
rêves comme s'il on dormait encore; on
mêle les idées imaginaires à
quelques sensations que l'on perçoit; on
fait quelques mouvements, on se remue; les
muscles se tendent comme pou s'exercer à
la vie; enfin les yeux s'ouvrent, on se sent
maître de soi, on s'étend, on
bâille, les idées
reviennent, une préoccupation vous
attache, on revient à la vie, on rit. qui
n'a lu les délicieuses pages du "Voyageur
autour de ma chambre" ?
Xavier de Maistre Voyage autour de ma chambre
(1794)