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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
22 juin 2008
De l'imitation contagieuse ou de la propagation sympathique des névroses et des mouvements
Lucas Prosper
1833

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Les divers faits dont je viens de résumer l'histoire ne sont pas seulement restés surprenans pour le peuple, mais pour la sicence; ils l'ont de tout temps inquiétée, et surtout à l'époque où elle était plus dans la foi qu'elle ne l'étaiet dans l'observation. Leur première explication devait être religieuse, leur cause rangée parmi les causes sacrées, c'est à dire se rapporter aux symboles des différents cultes. Il en a été ainsi dans la civilisatiob grecque: les crotances populaires, attachées aux fictions d'un admirable polythéisme, ne virent dans la transmission des maladies nerveuses que l'intervention de la justice des dieux, et n'osèrent même pas s'intérroger sur les moyens dont cette justice était armée. Elles attribuèrent à la colère de Vénus, dit Plutarque (Traité des vertus des femmes), l'épidémie de suicide des filles de Milet; à la colère de Junon, l'étrange manie des femmes d'Argos, qui se croyaient changées en vaches. enfin, observe Voltaire, "les prêtres de l'antiquité s'emparèrent partout de ces maladies, attendu que les médecins n'étaient que de grands ignorants". Il est d ejustice de dire qu'à l'exception d'Hippocrate, dans sontraité des maladies sécrées, les philosophes et les médecins eux-mêmes partageaieint les idées du peuple, ou se taisaient du moins sur les faits qu'ils n'expliquaient pas. La chute du polythéisme et l'établissement de l'unité mahométane et d el'unité chrétienne ont à peine ébranlé les convistions des masses. Longtemps en Occident, en Orient, et de nos jours encore, toute convulsion, toute attaque nerveuse, toute contagion dans les idées du peuple n'a reconnu et ne reconnaît pour cause que l'introduction d'un esprite étranger dans l'économie, d'un être, bon ou mauvais, mais toujours supérieur, comme du temps d'Arétée. Le malade est en possession d'un mauvais génie chez es Musulmans, et d'un diable chez les chrétiens, démons qui, sans le quitter, peuvent s'emparer d'autres corps. La nture du principe divin a donc changé, seule, dans les croyances; mais lanature de leur cause y est restée religieuse.
 
Que l'on songe, en effet, à quel point ces communications étranges de symptômes nerveux et de maladies même, transmises comme l'éclair, sans aucun contact, à distance, à la seule vue, quelquefois sans la vue, du malade à des hommes sains ou semblant l'être, devaient apparaître à des esprits grossiers surnaturelles et terribles.
 
Dabs cet état des opinions, la nature des remèdes devait tenir de celle de la cause, c'est à dire, en général être mystique et spirituelle. Aussi chez les Egystiens, chez les juifs, chez les Chrétiens, peuples, prêtres et médeins n'en connurent guère qu'un seul sous différens noms: l'exorcisme.
 
Longtemps après, les historiens qui, comme Plutarque, ont consacré le récit de ces contagions singulières, sont venus: les philosophes, comme Montaigne et Mallebranche, qui ne les ont pas seulement admises, mais raisonnées, et les médecins à leur tour, sont passés de leur observation à la discussion des causes. Dans leurs diverses interprétations, les uns et les autres ne se sont guère entendus que sur deux choses: la réalité des faits, le caractère naturel de leur cause. Mais quelle est cette cause naturelle? C'est le point où il se séparent.
 
Il est cependant une explication de mots que la plupart d'entre eux admettee: c'est l"effet d'imagination, expression du fait lui-même, qui ne donne ni révélation ni intelligence de la cause. Telle est pourtant l'interprétation que présentent à la fois Mallebranche et Tissot de ces phénomènes; elle est bien éloignée de celle qu'en conçoit Kaaw-Boerhaave, et surtout Cabanis, qui fait un pas immense en les faisant rentrer dans le domaine des sympathies.
 
Le mot imagination appliqué à la propagation des affections nerveuses est, en effet, aussi complexe et aussi vague que le sont les mots contagion, endémie, épidémie, appliqués à l'extension des autres modes d'affections morbides: il y a de tout dans ces mots-là. Toutes les maladies, en effet, ont leurs lois de propagation. Malgré ces trois divisions générales, que nous avons plus ou moins arbitrairement tracées, ces lois nous sont encore très imparfaitement connues; l'histoire entière du choléra l'a démontré pour longtemps. Mais ces lois de propagation, dans chacune des trois classes, sont bien loin de n'avoir qu'un moyen de transmission; elles changent de mode de communication avec la nature des maladies, comme M. le Porfesseur Dupuytren le faisait remarquer des maladies contagieuses. "L'atmosphère, disait-il dans son rapport à l'Institut, fait en 1815, le contact, l'application et le frottement, l'inoculation ou l'insertion sont autant de moyens par lesquels la rougeole, la scarlatine, lavaccine, la variole, la pustule maligne, la gale, la syphilis et la rage peuvent être communiquées." Ce qu'il a dit avec une si haute raison des maladies contagieuses, on peut le dire des maladies nerveuses et de leur mode de se reproduire par ce que l'on nomme imagination, ce mode est variable comme elles, et les progrès ultérieurs de la science qui ne seront dus qu'à un meilleur esprit d'observation, iront jusqu'à l'établir. Dans l'incertitude où reste cette question, la seule manière de l'éclaicir est la méthode analytique; et dans l'ignrance où nous sommes du mécanisme de la propagation nerveuse, le premier point est d'établir les conditions apparentes qiui président à la reproduction de cet ordre de phénomènes. Déduisons-le donc brièvement de l'histoire des faits qui précèdent.
 
Ces conditions sont
1°) de sensation
2°) d'âge
3°) de sexe
4°) d'organisation
5°) de disposition mentale
6°) de circonstances extérieures
 
Les conditions de sensation se rapportent à des sensations simples ou composées.
 
Celles de sensation simple résultent nécessairement du toucher, du goût, de l'odorat, de l'ouïe ou de la vue. Dans les faits que j'ai cités et à la discussion desquels je veux me borner dans ce travail, elles ne naissent que des deux dernières, de la vue et de l'ouïe.
 
Celles de sensation composée résultent de la complication des sensations simples par l'intervention des facultés affectives ou des facultés intellectuelles. Les conditions nécessaires de ces deux ordres distincts de sensations dans la propagation des phénomènes nerveux peuvent se réduire à une seule, l'exemple ou communication. Dans un grand nombre de cas, ce fait est dû à des sensations simples; le plus souvent c'est la vision. Il en est ainsi de la plupart des faits que j'ai cités de répétition sympathiques ou involontaire des mouvemens, des impressions, du bâillement, du vomissement, de la chorée, de l'hystérie, de l'épilepsie, et de la catalepsie, de quelques cas de monomanie homicide.
 
La vue agit alors à la vitesse de l'éclair. Le docteur Fagès, de Montpellier, ne pouvait voir faire l'extraction du testicule dans le sarcocèle sans ressentir au même instant la plus atroce douleur dans la même partie. Une femme de chambre voit un chirurgien ouvrir un abscès au bras d esa maîtresse; elle sent au même instant une vive ponction au même lieu, qui devient rouge. Une autre jeune fille éclaire l'opérateur qui saigne au pied son maître, homme avancé en âge; elle éprouve au moment de la ponction de la veine une si vive douleur au même membre, qu'elle est forcée de garder quatre jours le lit. Dans d'autres cas, l'imitation a éclaté à la suite de l'exemple transmis par uen seconde sensation simple, l'audition. Nous l'avons vue plus spécialement produire la répétition sympathique des cris, d el'éternuement, du hoquet, du miaulement involontaire et de convulsions même.
 
Très souvent ces deux sensations simples sont réunies, et immédiatement actives; mais il est d'autres circonstances où elles n'agissent que consécutivement, et après être devenues complexes sous l'impulsion d'une réaction mentale.
 
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Dans les accidents nerveux, intermédiaires, pour ainsi dire, entre l'état de santé et l'état de maladie, le hoquet, l'éternuement, le bâillement, la toux (et les faits démontrent que les sensations simples et plus spécialement la vue, y sont en quelque sorte le contact nerveux lui-même, et les reproduisent presque instantanément), leur répétition sympathique est uniquement instinctive.