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- Les divers faits dont je viens de
résumer l'histoire ne sont pas seulement
restés surprenans pour le peuple, mais
pour la sicence; ils l'ont de tout temps
inquiétée, et surtout à
l'époque où elle était plus
dans la foi qu'elle ne l'étaiet dans
l'observation. Leur première explication
devait être religieuse, leur cause
rangée parmi les causes sacrées,
c'est à dire se rapporter aux symboles
des différents cultes. Il en a
été ainsi dans la civilisatiob
grecque: les crotances populaires,
attachées aux fictions d'un admirable
polythéisme, ne virent dans la
transmission des maladies nerveuses que
l'intervention de la justice des dieux, et
n'osèrent même pas
s'intérroger sur les moyens dont cette
justice était armée. Elles
attribuèrent à la colère de
Vénus, dit Plutarque (Traité des
vertus des femmes), l'épidémie de
suicide des filles de Milet; à la
colère de Junon, l'étrange manie
des femmes d'Argos, qui se croyaient
changées en vaches. enfin, observe
Voltaire, "les prêtres de
l'antiquité s'emparèrent partout
de ces maladies, attendu que les médecins
n'étaient que de grands ignorants". Il
est d ejustice de dire qu'à l'exception
d'Hippocrate, dans sontraité des maladies
sécrées, les philosophes et les
médecins eux-mêmes partageaieint
les idées du peuple, ou se taisaient du
moins sur les faits qu'ils n'expliquaient pas.
La chute du polythéisme et
l'établissement de l'unité
mahométane et d el'unité
chrétienne ont à peine
ébranlé les convistions des
masses. Longtemps en Occident, en Orient, et de
nos jours encore, toute convulsion, toute
attaque nerveuse, toute contagion dans les
idées du peuple n'a reconnu et ne
reconnaît pour cause que l'introduction
d'un esprite étranger dans
l'économie, d'un être, bon ou
mauvais, mais toujours supérieur, comme
du temps d'Arétée. Le malade est
en possession d'un mauvais génie chez es
Musulmans, et d'un diable chez les
chrétiens, démons qui, sans le
quitter, peuvent s'emparer d'autres corps. La
nture du principe divin a donc changé,
seule, dans les croyances; mais lanature de leur
cause y est restée religieuse.
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- Que l'on songe, en effet, à quel
point ces communications étranges de
symptômes nerveux et de maladies
même, transmises comme l'éclair,
sans aucun contact, à distance, à
la seule vue, quelquefois sans la vue, du malade
à des hommes sains ou semblant
l'être, devaient apparaître à
des esprits grossiers surnaturelles et
terribles.
-
- Dabs cet état des opinions, la nature
des remèdes devait tenir de celle de la
cause, c'est à dire, en
général être mystique et
spirituelle. Aussi chez les Egystiens, chez les
juifs, chez les Chrétiens, peuples,
prêtres et médeins n'en connurent
guère qu'un seul sous différens
noms: l'exorcisme.
-
- Longtemps après, les historiens qui,
comme Plutarque, ont consacré le
récit de ces contagions
singulières, sont venus: les philosophes,
comme Montaigne et Mallebranche, qui ne les ont
pas seulement admises, mais raisonnées,
et les médecins à leur tour, sont
passés de leur observation à la
discussion des causes. Dans leurs diverses
interprétations, les uns et les autres ne
se sont guère entendus que sur deux
choses: la réalité des faits, le
caractère naturel de leur cause. Mais
quelle est cette cause naturelle? C'est le point
où il se séparent.
-
- Il est cependant une explication de mots que
la plupart d'entre eux admettee: c'est l"effet
d'imagination, expression du fait
lui-même, qui ne donne ni
révélation ni intelligence de la
cause. Telle est pourtant
l'interprétation que présentent
à la fois Mallebranche et Tissot de ces
phénomènes; elle est bien
éloignée de celle qu'en
conçoit Kaaw-Boerhaave, et surtout
Cabanis, qui fait un pas immense en les faisant
rentrer dans le domaine des sympathies.
-
- Le mot imagination appliqué à
la propagation des affections nerveuses est, en
effet, aussi complexe et aussi vague que le sont
les mots contagion, endémie,
épidémie, appliqués
à l'extension des autres modes
d'affections morbides: il y a de tout dans ces
mots-là. Toutes les maladies, en effet,
ont leurs lois de propagation. Malgré ces
trois divisions générales, que
nous avons plus ou moins arbitrairement
tracées, ces lois nous sont encore
très imparfaitement connues; l'histoire
entière du choléra l'a
démontré pour longtemps. Mais ces
lois de propagation, dans chacune des trois
classes, sont bien loin de n'avoir qu'un moyen
de transmission; elles changent de mode de
communication avec la nature des maladies, comme
M. le Porfesseur Dupuytren le faisait remarquer
des maladies contagieuses. "L'atmosphère,
disait-il dans son rapport à l'Institut,
fait en 1815, le contact, l'application et le
frottement, l'inoculation ou l'insertion sont
autant de moyens par lesquels la rougeole, la
scarlatine, lavaccine, la variole, la pustule
maligne, la gale, la syphilis et la rage peuvent
être communiquées." Ce qu'il a dit
avec une si haute raison des maladies
contagieuses, on peut le dire des maladies
nerveuses et de leur mode de se reproduire par
ce que l'on nomme imagination, ce mode est
variable comme elles, et les progrès
ultérieurs de la science qui ne seront
dus qu'à un meilleur esprit
d'observation, iront jusqu'à
l'établir. Dans l'incertitude où
reste cette question, la seule manière de
l'éclaicir est la méthode
analytique; et dans l'ignrance où nous
sommes du mécanisme de la propagation
nerveuse, le premier point est d'établir
les conditions apparentes qiui président
à la reproduction de cet ordre de
phénomènes. Déduisons-le
donc brièvement de l'histoire des faits
qui précèdent.
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- Ces conditions sont
- 1°) de sensation
- 2°) d'âge
- 3°) de sexe
- 4°) d'organisation
- 5°) de disposition mentale
- 6°) de circonstances
extérieures
-
- Les conditions de sensation se rapportent
à des sensations simples ou
composées.
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- Celles de sensation simple résultent
nécessairement du toucher, du goût,
de l'odorat, de l'ouïe ou de la vue. Dans
les faits que j'ai cités et à la
discussion desquels je veux me borner dans ce
travail, elles ne naissent que des deux
dernières, de la vue et de
l'ouïe.
-
- Celles de sensation composée
résultent de la complication des
sensations simples par l'intervention des
facultés affectives ou des
facultés intellectuelles. Les conditions
nécessaires de ces deux ordres distincts
de sensations dans la propagation des
phénomènes nerveux peuvent se
réduire à une seule, l'exemple ou
communication. Dans un grand nombre de cas, ce
fait est dû à des sensations
simples; le plus souvent c'est la vision. Il en
est ainsi de la plupart des faits que j'ai
cités de répétition
sympathiques ou involontaire des mouvemens, des
impressions, du bâillement, du
vomissement, de la chorée, de
l'hystérie, de l'épilepsie, et de
la catalepsie, de quelques cas de monomanie
homicide.
-
- La vue agit alors à la vitesse de
l'éclair. Le docteur Fagès, de
Montpellier, ne pouvait voir faire l'extraction
du testicule dans le sarcocèle sans
ressentir au même instant la plus atroce
douleur dans la même partie. Une femme de
chambre voit un chirurgien ouvrir un
abscès au bras d esa maîtresse;
elle sent au même instant une vive
ponction au même lieu, qui devient rouge.
Une autre jeune fille éclaire
l'opérateur qui saigne au pied son
maître, homme avancé en âge;
elle éprouve au moment de la ponction de
la veine une si vive douleur au même
membre, qu'elle est forcée de garder
quatre jours le lit. Dans d'autres cas,
l'imitation a éclaté à la
suite de l'exemple transmis par uen seconde
sensation simple, l'audition. Nous l'avons vue
plus spécialement produire la
répétition sympathique des cris, d
el'éternuement, du hoquet, du miaulement
involontaire et de convulsions même.
-
- Très souvent ces deux sensations
simples sont réunies, et
immédiatement actives; mais il est
d'autres circonstances où elles
n'agissent que consécutivement, et
après être devenues complexes sous
l'impulsion d'une réaction mentale.
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- .....
-
- Dans les accidents nerveux,
intermédiaires, pour ainsi dire, entre
l'état de santé et l'état
de maladie, le hoquet, l'éternuement, le
bâillement, la toux (et les faits
démontrent que les sensations simples et
plus spécialement la vue, y sont en
quelque sorte le contact nerveux lui-même,
et les reproduisent presque
instantanément), leur
répétition sympathique est
uniquement instinctive.
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