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- Année du bâillement en
2010 ! C'est pas qu'on s'ennuie, c'est que
l'actu en la matière est
particulièrement riche. En cette fin mars
est publié le premier ouvrage
scientifique jamais consacré au
bâillement (1) depuis, euh
la
thèse de doctorat de médecine
rédigée par un certain René
Trautmann en
1901. Puis,
les 24 et 25 juin, se tiendra à Paris la
première conférence internationale
sur le bâillement, à
l'hôpital de la Salpêtrière.
Derrière ces deux
événements, il y a le Dr Olivier
Walusinski. Ce
médecin français est devenu en
l'espace de trente ans la
référence mondiale sur le sujet.
Cocorico ! Avec ce monomaniaque assumé,
tour d'horizon des découvertes
récentes sur cet énigmatique
comportement réflexe, qui reste la
première cause de luxation de la
mâchoire.
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- Tous ensemble. Il n'y a pas que l'homme qui
bâille : tous les vertébrés
le font, même la poule, le cheval, le
béluga et le serpent. Toutefois les cas
de l'ornithorynque (pas étudié) et
de la girafe (personne n'en a jamais vu se
décrocher la mâchoire) restent
incertains. Parfois, l'huître bâille
elle aussi, mais pour de tout autres
raisons.
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- Tous en même temps. C'est bien
connu, le bâillement est contagieux.
Mais seulement chez les primates. Des
expériences croquignolettes ont
montré que plus une personne est capable
d'empathie, plus elle est sujette à la
contagion. Mais au fait, pourquoi y a-t-il
contagion ? Certains chercheurs voient là
un trait issu de l'évolution, dans la
mesure où le bâillement
généralisé dans un groupe
peut aboutir à une coordination des temps
de sommeil, donc à une meilleure survie.
En tout cas, on sait depuis peu que la contagion
du bâillement est un comportement passant
par l'activation de «neurones miroirs»
mis en évidence chez les macaques et les
primates.
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- Tout le temps. On bâille le
matin en se réveillant, durant la
journée pendant des tâches
répétitives ou monotones, le soir
avant de s'endormir. Mais parfois aussi pour
apaiser un état de grande tension
émotionnelle : parachutiste avant le
saut, patineur de vitesse avant le départ
de la compétition. Dans la salle
d'attente du vétérinaire,
même les chiens bâillent beaucoup.
Le mal des transports et le jeûne sont
d'autres facteurs de bâillement.
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- Très tôt. Le bébé
bâille plus que l'adulte : la
fréquence est maximale durant la
première année (entre 25 et 30
bâillements par jour en moyenne) puis
décroît avec l'âge. Les
personnes âgées bâillent peu.
On estime qu'un être humain bâille
250 000 fois dans sa vie. Il commence
très tôt : in utero, dès
l'âge de 12 à 15 semaines.
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- Pas pour des prunes. La fonction du
bâillement - une longue inspiration, une
acmé, une expiration rapide
associée parfois à des
étirements (on parle alors de
pandiculation), le tout suivi d'une sensation de
bien-être et de détente - n'est pas
complètement élucidée. Cela
pourrait être un mécanisme de
stimulation de notre vigilance, et jouer un
rôle dans la communication non-verbale, en
particulier chez les primates non humains. Pour
le Dr Walusinski, il est clair que ce
comportement réflexe
«témoigne de processus adaptatifs
d'homéostasie fondamentaux pour la
vie» (l'alternance veille-sommeil, la
régulation de la satiété et
la sexualité). Bref, on ne bâille
pas pour rien.
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- Et le sexe, dans tout ça ?
Chez les rongeurs et les singes,
les mâles bâillent plus souvent
que les femelles. Chez les macaques en
particulier, le mâle dominant d'un groupe
bâille plus souvent que ses
congénères. Caractéristique
qui apparaît lors de la puberté et
dépend du taux de testostérone.
Chez les humains, mâles et femelles
bâillent autant. Cependant, un psychologue
néerlandais a récemment
noté que la femme pouvait
présenter des pandiculations
(bâillement plus étirements) lors
du désir sexuel. Mais attention : cela
n'implique pas nécessairement ceci !
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- Mauvais esprit. L'islam
d'hier voyait dans le bâillement un signe
de l'entrée du diable dans le corps, et
dans l'éternuement un signe de sa sortie.
En Inde, les Bhûts (esprits) sont
censés aimer entrer par la bouche. Il est
alors dangereux de bâiller, car alors ou
bien les Bhûts vont pénétrer
le corps en s'engouffrant dans la gorge, ou bien
une partie de l'âme pourra s'en
échapper. Il est recommandé de
placer sa main devant sa bouche et de s'exclamer
: Mârâyan ! («Grand Dieu
!»). Ou de faire craquer ses doigts, ce qui
effraierait les mauvais esprits. Ou tout
à la fois pour faire bonne mesure.
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- En Europe, vers 590, une
épidémie de peste décima la
population, engendrant de nombreuses
superstitions. Comme des
pestiférés rendaient l'âme
en bâillant ou en éternuant, on
disait «Dieu vous garde» à ceux
qui éternuaient, et ceux qui
bâillaient faisaient immédiatement
un signe de croix sur leur bouche.
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- Que fait la science ? La
première conférence internationale
sur le bâillement accueillera à
Paris des chercheurs venus des Etats-Unis, du
Mexique, d'Inde, d'Israël et de toute
l'Europe. Au programme, de vraies
avancées sur le chemin de la connaissance
et de la lumière, telles que «le
bâillement et la clairance de
l'adénosine et de la prostaglandine D2 du
liquide cérébro-spinal», par
Olivier Walusinski, ou encore «la peur
induite par la punition modifie le schéma
quotidien du bâillement chez les
rats», par Jorge
Garcia-Torres. On verra aussi que certains
hémiplégiques retrouvent
momentanément l'usage d'un bras
paralysé lorsqu'ils bâillent. Et
s'il y avait des choses à fouiller par
là ?
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- (1)
«The Mystery of Yawning in Physiology and
Disease», communications
éditées par Olivier Walusinski,
Editions Karger. 160 pages. 141,50
euros.
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- Olivier
Walusinski,
bâillementologue
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- En 1978, le docteur Olivier Walusinski est
consulté par un homme de 30 ans
affligé d'un vrai problème : il
bâille une fois par minute. Consternation
du médecin, dont les études ne lui
ont rien appris sur ce genre d'ennui. Il
interroge alors le professeur Olivier Lyon-Caen,
chef de service de neurologie à
l'hôpital de la Salpêtrière,
à Paris, qui lui confirme la
pauvreté des données sur le
sujet.
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- Depuis, Olivier Walusinski collecte toutes
les données possibles et imaginables sur
le bâillement et nourrit un site
(www.baillement.com) devenu la
référence sur le sujet, avec plus
de 1 000 pages aujourd'hui. Ce sont les contacts
noués via ce site qui lui ont
donné, en 2008, l'idée d'organiser
une conférence internationale. A force de
traquer toutes les occurrences du
bâillement dans la littérature, le
Dr Walusinski, installé à deux pas
d'Illiers-Combray (Eure-et-Loir), a fini par
contracter la maladie bibliophilique. Qui ne se
soigne pas.
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- Et le bâilleur compulsif d'il y a
trente ans ? «Je ne l'ai jamais revu. A la
lumière de mes connaissances actuelles,
je crains qu'il n'ait eu une pathologie
neurologique tumorale, une tumeur de l'hypophyse
par exemple, ou bien une maladie à tics
chroniques.»
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