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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 
 
 

mise à jour du
27 janvier 2005 
XIII congrès International
de médecine
Paris Masson 1900
562-564
La dyspnée des neurasthéniques
G. André (Toulouse)
section de Neurologie
Compte rendus publiés par H Meige, Pierre Marie, E Dupré,
A Souques, E Feindel

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Les auteurs qui ont écrit sur la neurasthénie sont très brefs sur les troubles respiratoires observés dans cette névrose. A peine signalent-ils une certaine sensation d'oppression, de la toux nerveuse et l'asthme des foins. Il y a là, à mon avis, une véritable lacune et j'ai acquis, par de nombreuses observations, la certitude que les neurasthéniques éprouvent fréquemment une dyspnée singulière, d'ordre très probablement psychique, s'accompagnant d'une véritable angoisse et indépendante de toute lésion pulmonaire, cardiaque ou artérielle.
 
Il s'agit là, bien certainement, d'un symptôme accessoire, et je ne prétends pas lui assigner l'importance d'un stigmate, mais son existence habituelle et la facilité de sa constatation lui donnent une bonne place parmi les phénomènes de second ordre. Il n'est donc pas à dédaigner, en raison surtout des souffrances morales dont il est l'occasion chez un grand nombre de malades.
 
Il n'y a pas à invoquer, pour expliquer son apparition, l'existence d'une hystérie concomitante. La dyspnée ou plutôt la tachypnée hystérique, comme l'appelle très justement M. Gilles de la Tourette, existe sans anxiété et sans douleur, se manifeste par une constriction à la gorge, suivie de bourdonnements d'oreilles ainsi que de battements dans les tempes et se termine par des pleurs. Rien de tout cela dans la dyspnée neurasthénique.
 
Le trouble en question est caractérisé par une sensation d'angoisse respiratoire avec soif d'air et nécessité pour le malade de faire, volontairement d'ailleurs, des inspirations profondes, répétées, entrecoupées parfois de bâillements et provoquant à la fin un état de fatigue douloureux des muscles thoraciques. Il suffit au sujet d'être distrait,de se livrer à un travail pressant, à une lecture obligatoire, pour être débarrassé de cette obsession. Une dame de 40 ans, chez qui j'observe ce phénomène porté à son apogée et qui en est très affectée, a pu, il y a quelques semaines à peine, éprouver un allègement inespéré en lisant quelques-unes de mes observations.
 
Les circonstances qui donnent naissance à ces petites crises sont variables, tel névropathe, après l'ascension rapide d'un escalier, éprouvera un certain degré d'essoufflement, bientôt suivi d'une sensation d'angoisse respiratoire avec inspirations répétées qui persistera plusieurs heures.
Un autre éprouve le même phénomène par suite de la réplétion gazeuse de l'estomac après le repas, celui après une petite crise de
névralgie intercostale, tel autre après la lecture dun chapitre de pathólogie; il n'existe souvent aucune cause appréciable. En résumé, un trouble passager et de minime importance met en jeu un état dyspnéique qui sera prolongé indéfiniment par l'obsession. Les malades, d'un commun accord, se plaignent de ce qu'ils appellent leurs crises d'étouffement. La dyspnée des chlorotiques est un peu de même nature, mais elle est plus continue et beaucoup moins angoissante. Les sujets distinguent aussi très bien de cet état les palpitations cardiaques qui existent quelquefois parallèlement.
 
Voici, d'après les détails que je relève dans mes observations, la physionomie de cette dyspnée : après quelques moments d'affaissement inexplicable, le malade est obligé de s'asseoir; il a à peine la force de parler, et il est bientôt après assailli par une dypnée angoissante, une veritable soif d'air qui le force à faire des inspirations profondes. Tel autre est pris fréquemment en se couchant d'une espèce de bâillement suivi d'une respiration angoissante et douloureuse.
 
J'ai constaté assez fréquemment la production de ce phénomène dans la neurasthénie post-grippale. J'ai vu des malades, des femmes plus particulièrement, affolés littéralement par la crainte d'une grave affection du coeur. Sans compter que l'énergie déployée dans ces inspirations profondes occasionne une véritable courbature des muscles du thorax.
 
Certains malades éprouvent de temps en temps comme une commotion précordiale, avec arrêt respiratoire, sensation absolument analogue à celle que provoque une douche froide.
 
Une jeune fille de 21 ans, atteinte depuis quelque temps de cette dyspnée paroxystique, se croit atteinte d'une affection cardiaque et est fort troublée par cet état qui a surgi chez elle inopinément à la vue de plusieurs personnes atteintes de maladies cardiaques et habitant comme elle la petite ville de M..., dans l'Ariège. Sa tante, qui assiste à la consultation, est convaincue que cette espèce d'asthme est le produit de son imagination.
 
Je pourrais multiplier ces observations à l'infini, car je considère ce phénomème comme à peu près constant dans la neurasthénie. Je le recherche maintenant systématiquement, mais le plus souvent les malades s'en plaignent spontanément .
 
Les symptômes concomitants que je relève dans mes notes sont toujours les mêmes: céphalée. vertiges, insomnie, névralgies intercostales, dyspepsie, douleurs spinales, prurit cutané, dermographisme, urticaire, obsessions diverses, entéroptose, vertige de Ménière, alcoolisme léger chez certaines femmes du monde, etc.
 
La pathogénie de ce singulier phénomène ne m'arrêtera pas longtemps. Il ne s'agit très probablement pas d'un trouble fonctionnel du bulbe actionné par les réflexes divers partant de l'estomac, du coeur, des nerfs thoraciques ou de la muqueuse des bronches. Il s'agit. plutôt, sans nul doute, d'une hyperexcitabilité ou de quelque autre désordre dynamique des neurones de la substance corticale provoquant en dernier ressort un état de phobie ou d'obsession neurasthénique.