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- Achille Souques (1860-1944) sera le dernier
interne de Charcot, en 1892. Sa médaille
d'or de l'internat lui permit de prolonger d'un
an son stage, entrecoupé de voyages
financés par la bourse allouée
avec cette récompense. Après
Vienne et Budapest, il visita les
universités de Münich et Heidelberg.
C'est lors de son séjour à Berlin
qu'il apprit la mort de son maître
vénéré. Il en fut
profondément affecté.
-
- Achille Souques, interne
médaille d'Or en 1893
- ©
Extrait de l'Album de l'internat de La
Salpêtrière conservé
à la Bibliothèque Charcot à
l'hôpital de la
Salpêtrière
- (Université
Pierre et Marie Curie, Paris)
-
- Cet évènement bouleversa la
carrière envisagée. S'il devint
chef de clinique d'Edouard Brissaud (1852-1909)
puis de Fulgence Raymond (1844-1910), il ne
concourra pas et ne devint pas professeur
d'université, comme il aurait dû le
devenir. Brissaud lui rendit hommage pour l'aide
qu'il lui apporta dans cette période
d'interim : « M. Souques a
été, pendant cette année,
le véritable chef de service. Je n'aurais
pas pu me passer de son concours infatigable
» (72).
-
- Reçu dans les premiers à
l'internat en 1886, il appartenait à une
prestigieuse promotion comprenant Paul Sollier
(1861-1933), Ernest Dupré (1862-1921),
Ernest Mosny (1871-1945), Mlle Klumpke, future
Madame Dejerine (1859-1927) etc
Au cours
de ses deux ans d'internat chez Charcot, il
nouera des amitiés durables avec
Jean-Baptiste Charcot (1867-1936), Maurice
Nicolle (1862-1932), Henry Meige (1866-1940) et
Hallion. D'abord interne de Charles Fernet
(1838-1919) puis Anatole Chauffard (1855-1932)
dans le service duquel il eut à soigner
le poète Paul Verlaine (1844-1896), il
est nommé médecin des
hôpitaux en 1898, après son
clinicat. Médecin à l'Hôtel
Dieu, puis à l'hospice d'Ivry, il
succède à Pierre Marie (1853-1940)
à Bicêtre avant de devenir chef de
service à La Salpêtrière,
pendant la première guerre, au cours de
laquelle il y ouvrit un service
spécialisé en neurologie de guerre
(73,74).
-
- En 1899, il est un des fondateurs de la
Société de Neurologie de Paris et
membre du bureau (21). Elu à
l'Académie de Médecine en 1918, il
prendra sa retraite en 1926, se consacrant alors
à l'histoire de la médecine
antique et à la poésie. Ainsi
paraît en 1936 « Etapes de la
neurologie dans l'antiquité grecque,
d'Homère à Galien ».
Embrassant 15 siècles, il réussit
à montrer que les anciens
reconnaissaient, entre autres, l'entrecroisement
des voies motrices et sensitives,
l'épilepsie, la migraine, etc
Né en Aveyron au bord du Tarn, il se
remit alors à parler la langue d'Oc
apprise dans son enfance. Soigné avec
dévouement par ses élèves,
notamment Théophile Alajouanine
(1890-1980) d'un sévère infarctus
du myocarde en 1939, il souffrit à partir
de 1942 d'un cancer de la mandibule qui
l'emporta la veille de Noël 1944, mais avec
le réconfort d'avoir vu la France
libérée par les chars
américains (75).
-
- Parmi les élèves de Charcot,
c'est vraiment chez Souques que parait au mieux
l'empreinte magistrale, véritable
mimétisme : en continuateur de la
méthode anatomo-clinique, il
compléta l'oeuvre sémiologique et
nosologique de Charcot, en chef d'école
renommé et aimé, il forma une
pléiade d'élèves Thierry de
Martel (1875-1940), Charles Foix (1882-1927),
Paul Harvier (1880-1960), le pionnier de la
neuro-chirurgie Clovis Vincent (1879-1947),
Alexandre Barré (1880-1967), Pierre
Vallery-Radot (1889-1969), Théophile
Alajouanine, Henri Baruk (1897-1999), Ivan
Bertrand (1893-1965), en amateur d'art et de
littérature, voyageant et visitant les
musées d'Europe et en pratiquant une
langue châtiée, en maître
familier, en recevant ses élèves
dans son hôtel particulier de la rue de
l'Université à Paris,
réputé pour sa bibliothèque
à deux étages, en léguant
celle-ci, à sa mort, à
L'Assistance Publique (75). Elle est encore
partiellement visible à La
Salpêtrière mélangée
avec celle de son maître (36).
-
-
- Il n'est pas de domaine de la neurologie
qu'il n'ait abordé et il n'est pas
possible de citer, ici, toutes ses publications
qui révèlent la
méticulosité pointilliste de son
examen clinique. Dans sa thèse
inspirée et présidée par
Charcot en 1890, « Etude des syndromes
hystériques simulateurs des maladies
organiques de la moelle épinière
», il soutient, sans déroger
à la doctrine de La
Salpêtrière que l'hystérie
peut tout faire, depuis l'exagération des
réflexes jusqu'aux troubles trophiques.
Mais après la révision
proposée par Babinski, il écrit :
« Babinski a démontré que
l'hystérie n'a aucune action sur les
réflexes, que les troubles trophiques et
vaso-moteurs n'appartiennent pas à son
domaine, que les paralysies hystériques
et les paralysies organiques ont des
caractères intrinsèques
différents. Ainsi il est devenu des plus
faciles de distinguer l'hystérie des
maladies organiques de la moelle, si facile,
que, depuis, le problème ne se pose
plus".
-
- Au rang des contributions majeures se
rangent ses études du syndrome
parkinsonien. A côté de la
rigidité et du tremblement,
décrits par Charcot et Vulpian, Souques a
complété le tableau clinique en
ajoutant « l'abolition des mouvements
associés », notamment la perte du
balancement des bras à la marche, et
« les kinésies paradoxales »,
c'est à dire la levée subite d'un
mutisme en une élocution claire ou la
libération subite et aisée d'une
position figée. Il précisa que les
syndromes parkinsoniens succédant
à l'encéphalite de Constantin Von
Economo (1876-1920) n'étaient en rien
différents de la maladie de Parkinson,
contrairement aux idées de
l'époque.
-
- Avec Stephen Chauvet (1885-1950), il
décrivit, en 1911, le nanisme
hypophysaire prépubéral par
lésion kystique de la poche de Rathke et
le distingua du syndrome adiposo-génital
de Babinski-Froelich. Avec Jacques Lermoyez
(X-1923) et Théophile Alajouanine, il
rapporta l'efficacité
thérapeutique des extraits hypophysaires
dans le traitement du diabète insipide.
Il collabora avec Pierre Marie dans la
révision de la localisation de l'aphasie
en publiant trois observations d'aphasie par
lésions lenticulaires. Il créa le
mot palilalie pour illustrer le trouble
consistant à répéter sans
cesse la même phrase (73,75).
-
- En 1915, Souques et Mlle Rosanoff-Saloff
proposent le terme camptocormie pour
désigner l'incurvation du dos avec
flessum des hanches, réductibles en
décubitus, qu'ils rencontrent chez des
blessés. Ils en reconnaissent l'origine
musculaire organique dans quelques cas mais
pensent que le plus grand nombre de cas est
d'origine névrotique (76).
-
- Souques a laissé son nom à
plusieurs signes sémiologiques comme le
phénomène des interosseux
(lorsqu'on demande à un
hémiplégique de lever le bras
paralysé, on constate que les doigts de
la main qui est paralysée
s'étendent et s'écartent en
éventail à cause de la contraction
des muscles interosseux dorsaux), ou le signe
des cils (lors d'une paralysie faciale
périphérique fruste, les cils
paraissent plus longs du côté
paralysé au cours d'une fermeture
forcée des paupières). Enfin, le
diagnostic de métastases
vertébrales n'était porté
qu'en cas de tassement « en galette »
jusqu'à ce que Souques montrât
qu'une condensation osseuse, « la
vertèbre d'ivoire »,
témoignait d'une métastase, le
plus souvent d'un cancer prostatique (75).
Souques est l'auteur des chapitres
acromégalie, myxoedème et goitre
exophtalmique du Traité de
Médecine de Charcot-Bouchard-Brissaud de
1894. L'hommage rendu à sa mort par
Théophile Alajouanine résume au
mieux le personnage qu'était Souques :
« Votre maître Charcot était
un grand chef d'école, et, modestement,
vous ne cherchiez pas à sortir de l'ombre
de cette grande école, mais vous avez
été aussi un chef d'école,
à votre manière, discrète
et amène, et le chef aimé d'une
grande famille d'élèves qui
conserveront pieusement votre souvenir »
(73).
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- 73. Alajouanine Th. Achille Souques
(1860-1944). La Presse Médicale.
1945;52:647-648.
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- 74. Le Comité. Achille Souques
(1860-1944). La Revue Neurologique.
1945;77:3-6.
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- 75. Guillain G. Notice nécrologique
d'Achille Souques. Académie de
Médecine, le 6 mars 1945.
1945:130-137.
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- 76. Rosanoff-Saloff I. Camptocormie,
plicature vertébrale. Paris. Vigot. 1917.
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