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-
- La bouche et les lèvres sont
après les yeux les parties du visage qui
ont le plus de mouvement et d'expression; les
passions influent sur ces mouvemens, la bouche
en marque les différens caractères
par les différentes formes qu'elle prend;
l'organe de la voix anime encore cette partie,
et la rend plus vivante que toutes les autres;
la couleur vermeille des lèvres, la
blancheur de l'émail des dents, tranchent
avec tant d'avantage sur les autres couleurs du
visage, qu'elles paroissent en faire le point de
vûe principal; on fixe en effet les yeux
sur la bouche d'un homme qui parle, et on les y
arrête plus long-temps que sur toutes les
autres parties; chaque mot, chaque articulation,
chaque son produisent des mouvemens
différens dans les lèvres: quelque
variez et quelque rapides que soient ces
mouvemens, on pourroit les distinguer tous les
uns des autres; on a vû des sourds en
connoître si parfaitement les
différences et les nuances successives,
qu'ils entendoient parfaitement ce qu'on disoit
en voyant comme on le disoit.
-
- La mâchoire inférieure est la
seule qui ait du mouvement dans l'homme et dans
tous les animaux, sans en excepter même le
crocodile, quoique Aristote assure en plusieurs
endroits que la mâchoire supérieure
de cet animal est la seule qui ait du mouvement,
et que la mâchoire inférieure
à laquelle, dit-il, la langue du
crocodile est attachée, soit absolument
immobile; j'ai voulu vérifier ce fait, et
j'ai trouvé en examinant le squelette
d'un crocodile, que c'est au contraire la seule
mâchoire inférieure qui est mobile,
et que la supérieure est, comme dans tous
les autres animaux, jointe aux autres os de la
tête, sans qu'il y ait aucune articulation
qui puisse la rendre mobile. Dans le ftus
humain la mâchoire inférieure est,
comme dans le singe, beaucoup plus
avancée que la mâchoire
supérieure; dans l'adulte il seroit
également difforme qu'elle fut trop
avancée ou trop reculée, elle doit
être à peu près de niveau
avec la mâchoire supérieure.
-
- Dans les instans les plus vifs des passions
la mâchoire a souvent un mouvement
involontaire, comme dans les mouvemens où
l'ame n'est affectée de rien; la douleur,
le plaisir, l'ennui, font également
bâiller, mais il est vrai qu'on
bâille vivement, et que cette
espèce de convulsion est
très-prompte dans la douleur et le
plaisir, au lieu que le bâillement
de l'ennui en porte le caractère par la
lenteur avec laquelle il se fait.
-
- Lorsqu'on vient à penser
tout-à-coup à quelque chose qu'on
desire ardemment ou qu'on regrette vivement, on
ressent un tressaillement ou un serrement
intérieur; ce mouvement du diaphragme
agit sur les poumons, les élève et
occasionne une inspiration vive et prompte qui
forme le soupir; et lorsque l'ame a
réfléchi sur la cause de son
émotion, et qu'elle ne voit aucun moyen
de remplir son desir ou de faire cesser ses
regrets, les soupirs se répètent,
la tristesse qui est la douleur de l'ame,
succède à ces premiers mouvemens,
et lorsque cette douleur de l'ame est profonde
et subite, elle fait couler les larmes, et l'air
entre dans la poitrine par secousses, il se fait
plusieurs inspirations
réitérées par une
espèce de secousse involontaire; chaque
inspiration fait un bruit plus fort que celui du
soupir, c'est ce qu'on appelle sanglotter; les
sanglots se succèdent plus rapidement que
les soupirs, et le son de la voix se fait
entendre un peu dans le sanglot; les accens en
sont encore plus marquez dans le
gémissement, c'est une espèce de
sanglot continué, dont le son lent se
fait entendre dans l'inspiration et dans
l'expiration; son expression consiste dans la
continuation et la durée d'un ton
plaintif formé par des sons inarticulez:
ces sons du gémissement sont plus ou
moins longs, suivant le degré de
tristesse, d'affliction et d'abattement qui les
cause, mais ils sont toûjours
répétez plusieurs fois; le temps
de l'inspiration est celui de l'intervalle de
silence qui est entre les gémissemens, et
ordinairement ces intervalles sont égaux
pour la durée et pour la distance. Le cri
plaintif est un gémissement
exprimé avec force et à haute
voix; quelquefois ce cri se soûtient dans
toute son étendue sur le même ton,
c'est surtout lorsqu'il est fort
élevé et très-aigu;
quelquefois aussi il finit par un ton plus bas,
c'est ordinairement lorsque la force du cri est
modérée.
-
- Le ris est un son entre-coupé
subitement et à plusieurs reprises par
une sorte de trémoussement qui est
marqué à l'extérieur par le
mouvement du ventre qui s'élève et
s'abaisse précipitamment, quelquefois
pour faciliter ce mouvement on penche la
poitrine et la tête en avant: la poitrine
se resserre et reste immobile, les coins de la
bouche s'éloignent du côté
des joues qui se trouvent resserrées et
gonflées; l'air à chaque fois que
le ventre s'abaisse, sort de la bouche avec
bruit, et l'on entend un éclat de la voix
qui se répète plusieurs fois de
suite, quelquefois sur le même ton,
d'autres fois sur des tons différens qui
vont en diminuant à chaque
répétition. Dans le ris
immodéré et dans presque toutes
les passions violentes les lèvres sont
fort ouvertes, mais dans des mouvemens de l'ame
plus doux et plus tranquilles les coins de la
bouche s'éloignent sans qu'elle s'ouvre,
les joues se gonflent, et dans quelques
personnes il se forme sur chaque joue, à
une petite distance des coins de la bouche, un
léger enfoncement que l'on appelle la
fossette, c'est un agrément qui se joint
aux graces dont le soûris est
ordinairement accompagné.
-
- Le souris est une marque de bienveillance,
d'applaudissement et de satisfaction
intérieure, c'est aussi une façon
d'exprimer le mépris et la moquerie, mais
dans ce soûris malin on serre davantage
les lèvres l'une contre l'autre par un
mouvement de la lèvre inférieure.
Les joues sont des parties uniformes qui n'ont
par elles-mêmes aucun mouvement, aucune
expression, si ce n'est par la rougeur ou la
pâleur qui les couvre involontairement
dans des passions différentes; ces
parties forment le contour de la face et l'union
des traits, elles contribuent plus à la
beauté du visage qu'à l'expression
des passions, il en est de même du menton,
des oreilles et des temples.
-
- On rougit dans la honte, la colère,
l'orgueil, la joie; on pâlit dans la
crainte, l'effroi et la tristesse; cette
altération de la couleur du visage est
absolument involontaire, elle manifeste
l'état de l'ame sans son consentement;
c'est un effet du sentiment sur lequel la
volonté n'a aucun empire, elle peut
commander à tout le reste, car un instant
de réflexion suffit pour qu'on puisse
arrêter les mouvemens musculaires du
visage dans les passions, et même pour les
changer; mais il n'est pas possible
d'empêcher le changement de couleur, parce
qu'il dépend d'un mouvement du sang
occasionné par l'action du diaphragme qui
est le principal organe du sentiment
intérieur.
-
- La tête en entier prend dans les
passions, des positions et des mouvemens
différens, elle est abaissée en
avant dans l'humilité, la honte, la
tristesse, penchée à
côté dans la langueur, la
pitié, élevée dans
l'arrogance, droite et fixe dans
l'opiniâtreté; la tête fait
un mouvement en arrière dans
l'étonnement, et plusieurs mouvemens
réitérez de côté et
d'autre dans le mépris, la moquerie, la
colère et l'indignation.
-
- Dans l'affliction, la joie, l'amour, la
honte, la compassion, les yeux se gonflent
tout-à-coup, une humeur sur-abondante les
couvre et les obscurcit, il en coule des larmes;
l'effusion des larmes est toûjours
accompagnée d'une tension des muscles du
visage, qui fait ouvrir la bouche; l'humeur qui
se forme naturellement dans le nez devient plus
abondante, les larmes s'y joignent par des
conduits intérieurs, elles ne coulent pas
uniformément, et elles semblent
s'arrêter par intervalles.
-
- Dans la tristesse les deux coins de la
bouche s'abaissent, la lèvre
inférieure remonte, la paupière
est abaissée à demi, la prunelle
de l'il est élevée et
à moitié cachée par la
paupière, les autres muscles de la face
sont relâchez, de sorte que l'intervalle
qui est entre la bouche et les yeux, est plus
grand qu'à l'ordinaire, et par
conséquent le visage paroît
alongé.
-
- Dans la peur, la terreur, l'effroi,
l'horreur, le front se ride, les sourcils
s'élèvent, la paupière
s'ouvre autant qu'il est possible, elle surmonte
la prunelle et laisse paroître une partie
du blanc de l'il au dessus de la prunelle
qui est abaissée et un peu cachée
par la paupière inférieure, la
bouche est en même temps fort ouverte, les
lèvres se retirent et laissent
paroître les dents en haut et en bas.
(Voyez pl. 8, fig. 2.) Dans le mépris et
la dérision la lèvre
supérieure se relève d'un
côté et laisse paroître les
dents, tandis que de l'autre côté
elle a un petit mouvement comme pour
soûrire, le nez se fronce du même
côté que la lèvre s'est
élevée, et le coin de la bouche
recule; l'il du même
côté est presque fermé,
tandis que l'autre est ouvert à
l'ordinaire, mais les deux prunelles sont
abaissées comme lorsqu'on regarde du haut
en bas.
-
- Dans la jalousie, l'envie, la malice, les
sourcils descendent et se froncent, les
paupières s'élèvent et les
prunelles s'abaissent, la lèvre
supérieure s'élève de
chaque côté, tandis que les coins
de la bouche s'abaissent un peu, et que le
milieu de la lèvre inférieure se
relève pour joindre le milieu de la
lèvre supérieure.
-
- Dans le ris les deux coins de la bouche
reculent et s'élèvent un peu, la
partie supérieure des joues se
relève, les yeux se ferment plus ou
moins, la lèvre supérieure
s'élève, l'inférieure
s'abaisse, la bouche s'ouvre et la peau du nez
se fronce dans les ris immodérez. Les
bras, les mains et tout le corps entrent aussi
dans l'expression des passions; les gestes
concourent avec les mouvemens du visage pour
exprimer les différens mouvemens de
l'ame. Dans la joie, par exemple, les yeux, la
tête, les bras et tout le corps sont
agitez par des mouvemens prompts et variez: dans
la langueur et la tristesse les yeux sont
abaissez, la tête est penchée sur
le côté, les bras sont pendans et
tout le corps est immobile: dans l'admiration,
la surprise, l'étonnement, tout mouvement
est suspendu, on reste dans une même
attitude.
- `
- Cette première expression des
passions est indépendante de la
volonté, mais il y a une autre sorte
d'expression qui semble être produite par
une réflexion de l'esprit et par le
commandement de la volonté, qui fait agir
les yeux, la tête, les bras et tout le
corps: ces mouvemens paroissent être
autant d'efforts que fait l'ame pour
défendre le corps, ce sont au moins
autant de signes fécondaires qui
répètent les passions, et qui
pourroient seuls les exprimer; par exemple, dans
l'amour, dans le desir, dans l'espérance
on lève la tête et les yeux vers le
ciel, comme pour demander le bien que l'on
souhaite; on porte la tête et le corps en
avant, comme pour avancer, en s'approchant, la
possession de l'objet desiré; on
étend les bras, on ouvre les mains pour
l'embrasser et le saisir: au contraire dans la
crainte, dans la haine, dans l'horreur nous
avançons les bras avec
précipitation, comme pour repousser ce
qui fait l'objet de notre aversion, nous
détournons les yeux et la tête,
nous reculons pour l'éviter, nous fuyons
pour nous en éloigner.
-
- Ces mouvemens sont si prompts qu'ils
paroissent involontaires, mais c'est un effet de
l'habitude qui nous trompe, car ces mouvemens
dépendent de la réflexion, et
marquent seulement la perfection des ressorts du
corps humain, par la promptitude avec laquelle
tous les membres obéissent aux ordres de
la volonté. Comme toutes les passions
sont des mouvemens de l'ame, la plûpart
relatifs aux impressions des sens, elles peuvent
être exprimées par les mouvemens du
corps, et sur-tout par ceux du visage: on peut
juger de ce qui se passe à
l'intérieur par l'action
extérieure, et connoître à
l'inspection des changemens du visage, la
situation actuelle de l'ame; mais comme l'ame
n'a point de forme qui puisse être
relative à aucune forme
matérielle, on ne peut pas la juger par
la figure du corps ou par la forme du visage; un
corps mal fait peut renfermer une fort belle
ame, et l'on ne doit pas juger du bon ou du
mauvais naturel d'une personne par les traits de
son visage, car ces traits n'ont aucun rapport
avec la nature de l'ame, aucune analogie sur
laquelle on puisse fonder des conjectures
raisonnables.
-
- Les Anciens étoient cependant fort
attachez à cette espèce de
préjugé, et dans tous les temps il
y a eu des hommes qui ont voulu faire une
science divinatoire de leurs prétendues
connoissances en physionomie, mais il est bien
évident qu'elles ne peuvent
s'étendre qu'à deviner les
mouvemens de l'ame par ceux des yeux, du visage
et du corps, et que la forme du nez, de la
bouche et des autres traits ne fait pas plus
à la forme de l'ame, au naturel de la
personne, que la grandeur ou la grosseur des
membres fait à la pensée. Un homme
en sera-t-il plus spirituel parce qu'il aura le
nez bien fait? en sera-t-il moins sage parce
qu'il aura les yeux petits et la bouche grande?
il faut donc avouer que tout ce que nous ont dit
les physionomistes est destitué de tout
fondement, et que rien n'est plus
chimérique que les inductions qu'ils ont
voulu tirer de leurs prétendues
observations métoposcopiques.
-
- Les parties de la tête qui font le
moins à la physionomie et à l'air
du visage, sont les oreilles; elles sont
placées à côté et
cachées par les cheveux: cette partie qui
est si petite et si peu apparente dans l'homme,
est fort remarquable dans la plûpart des
animaux quadrupèdes, elle fait beaucoup
à l'air de la tête de l'animal,
elle indique même son état de
vigueur ou d'abattement, elle a des mouvemens
musculaires qui dénotent le sentiment et
répondent à l'action
intérieure de l'animal. Les oreilles de
l'homme n'ont ordinairement aucun mouvement,
volontaire ou involontaire, quoiqu'il y ait des
muscles qui y aboutissent; les plus petites
oreilles sont, à ce qu'on prétend,
les plus jolies, mais les plus grandes et qui
sont en même temps bien bordées,
sont celles qui entendent le mieux.
-
- Il y a des peuples qui en agrandissent
prodigieusement le lobe, en le perçant et
en y mettant des morceaux de bois ou de
métal, qu'ils remplacent successivement
par d'autres morceaux plus gros, ce qui fait
avec le temps un trou énorme dans le lobe
de l'oreille, qui croît toûjours
à proportion que le trou
s'élargit; j'ai vû de ces morceaux
de bois qui avoient plus d'un pouce et demi de
diamètre, qui venoient des Indiens de
l'Amérique méridionale, ils
ressemblent à des dames de trictrac. On
ne sçait sur quoi peut être
fondée cette coûtume
singulière de s'agrandir si
prodigieusement les oreilles; il est vrai qu'on
ne sçait guère mieux d'où
peut venir l'usage presque général
dans toutes les nations, de percer les oreilles,
et quelquefois les narines, pour porter des
boucles, des anneaux, etc. à moins que
d'en attribuer l'origine aux peuples encore
sauvages et nuds, qui ont cherché
à porter de la manière la moins
incommode les choses qui leur ont paru les plus
précieuses, en les attachant à
cette partie.
-
- La bizarrerie et la variété
des usages paroissent encore plus dans la
manière différente dont les hommes
ont arrangé les cheveux et la barbe; les
uns, comme les Turcs, coupent leurs cheveux et
laissent croître leur barbe; d'autres,
comme la plûpart des Européens,
portent leurs cheveux ou des cheveux empruntez
et rasent leur barbe; les Sauvages se
l'arrachent et conservent soigneusement leurs
cheveux; les Nègres se rasent la
tête par figures, tantôt en
étoiles, tantôt à la
façon des Religieux, et plus
communément encore par bandes
alternatives, en laissant autant de plein que de
rasé, et ils font la même chose
à leurs petits garçons; les
Talapoins de Siam font raser la tête et
les sourcils aux enfans dont on leur confie
l'éducation; chaque peuple a sur cela des
usages différens, les uns font plus de
cas de la barbe de la lèvre
supérieure que de celle du menton,
d'autres préfèrent celle des joues
et celle du dessous du visage; les uns la
frisent, les autres la portent lisse.
-
- Il n'y a pas bien long-temps que nous
portions les cheveux du derrière de la
tête épars et flottans, aujourd'hui
nous les portons dans un sac; nos habillemens
sont différens de ceux de nos
pères, la variété dans la
manière de se vêtir est aussi
grande que la diversité des nations, et
ce qu'il y a de singulier, c'est que de toutes
les espèces de vêtemens nous avons
choisi l'une des plus incommodes, et que notre
manière, quoique
généralement imitée par
tous les peuples de l'Europe, est en même
temps de toutes les manières de se
vêtir celle qui demande le plus de temps,
celle qui me paroît être le moins
assortie à la Nature. Quoique les modes
semblent n'avoir d'autre origine que le caprice
et la fantaisie, les caprices adoptez et les
fantaisies générales
méritent d'être examinez: les
hommes ont toûjours fait et feront
toûjours cas de tout ce qui peut fixer les
yeux des autres hommes et leur donner en
même temps des idées avantageuses
de richesses, de puissance, de grandeur, etc. la
valeur de ces pierres brillantes qui de tout
temps ont été regardées
comme des ornemens précieux, n'est
fondée que sur leur rareté et sur
leur éclat éblouissant; il en est
de même de ces métaux
éclatans, dont le poids nous paroît
si léger lorsqu'il est réparti sur
tous les plis de nos vêtemens pour en
faire la parure: ces pierres, ces métaux
sont moins des ornemens pour nous, que des
signes pour les autres auxquels ils doivent nous
remarquer et reconnoître nos richesses,
nous tâchons de leur en donner une plus
grande idée en agrandissant la surface de
ces métaux, nous voulons fixer leurs yeux
ou plûtôt les éblouir;
combien peu y en a-t-il en effet qui soient
capables de séparer la personne de son
vêtement, et de juger sans mélange
l'homme et le métal!
-
- Tout ce qui est rare et brillant sera donc
toûjours de mode, tant que les hommes
tireront plus d'avantage de l'opulence que de la
vertu, tant que les moyens de paroître
considérable seront si différens
de ce qui mérite seul d'être
considéré: l'éclat
extérieur dépend beaucoup de la
manière de se vêtir, cette
manière prend des formes
différentes, selon les différens
points de vûe sous lesquels nous voulons
être regardez; l'homme modeste, ou qui
veut le paroître, veut en même temps
marquer cette vertu par la simplicité de
son habillement, l'homme glorieux ne
néglige rien de ce qui peut étayer
son orgueil ou flatter sa vanité, on le
reconnoît à la richesse ou à
la recherche de ses ajustemens. Un autre point
de vûe que les hommes ont assez
généralement, est de rendre leur
corps plus grand, plus étendu: peu
contens du petit espace dans lequel est
circonscrit notre être, nous voulons tenir
plus de place en ce monde que la Nature ne peut
nous en donner, nous cherchons à agrandir
notre figure par des chaussures
élevées, par des vêtemens
renflez; quelque amples qu'ils puissent
être, la vanité qu'ils couvrent
n'est-elle pas encore plus grande? pourquoi la
tête d'un docteur est-elle
environnée d'une quantité
énorme de cheveux empruntez, et que celle
d'un homme du bel air en est si
légèrement garnie? l'un veut qu'on
juge de l'étendue de sa science par la
capacité physique de cette tête
dont il grossit le volume apparent, et l'autre
ne cherche à le diminuer que pour donner
l'idée de la
légèreté de son esprit. Il
y a des modes dont l'origine est plus
raisonnable, ce sont celles où l'on a eu
pour but de cacher des défauts et de
rendre la Nature moins
désagréable.
-
- A prendre les hommes en
général, il y a beaucoup plus de
figures défectueuses et de laids visages,
que de personnes belles et bien faites: les
modes qui ne sont que l'usage du plus grand
nombre, usage auquel le reste se soûmet,
ont donc été introduites,
établies par ce grand nombre de personnes
intéressées à rendre leurs
défauts plus supportables. Les femmes ont
coloré leur visage lorsque les roses de
leur teint se sont flétries, et
lorsqu'une pâleur naturelle les rendoit
moins agréables que les autres; cet usage
est presque universellement répandu chez
tous les peuples de la terre; celui de se
blanchir les cheveux* avec de la poudre, et de
les enfler par la frisure, quoique beaucoup
moins général et bien plus
nouveau, paroît avoir été
imaginé pour faire sortir davantage les
couleurs du visage, et en accompagner plus
avantageusement la forme.
-
- Mais laissons les choses accessoires et
extérieures, et sans nous occuper plus
long-temps des ornemens et de la draperie du
tableau, revenons à la figure. La
tête de l'homme est à
l'extérieur et à
l'intérieur d'une forme différente
de celle de la tête de tous les autres
animaux, à l'exception du singe, dans
lequel cette partie est assez semblable; il a
cependant beaucoup moins de cerveau et plusieurs
autres différences dont nous parlerons
dans la suite: le corps de presque tous les
animaux quadrupèdes vivipares est en
entier couvert de poils, le derrière de
la tête de l'homme est jusqu'à
l'âge de puberté la seule partie de
son corps qui en soit couverte, et elle en est
plus abondamment garnie que la tête
d'aucun animal. Le singe ressemble encore
à l'homme par les oreilles, par les
narines, par les dents: il y a une
très-grande diversité dans la
grandeur, la position et le nombre des dents des
différens animaux, les uns en ont en haut
et en bas, d'autres n'en ont qu'à la
mâchoire inférieure; dans les uns
les dents sont séparées les unes
des autres, dans d'autres elles sont continues
et réunies, le palais de certains
poissons n'est qu'une espèce de masse
osseuse très-dure et garnie d'un
très-grand nombre de pointes qui font
l'office de dents. ....
-
Imitation
- In
Buffon. Natural History, there is
a passage from which one would be apt to
conclude, at first sight, that he had in view
the distinction between the two different kinds
of imitation which I have here attempted to
point out; and that what he calls l'imitation
machinale corresponde exactly to what I have
called Sympathetic imitation. On a more
attentive examination, however, it will be found
that by this phrase he means nothing more than
the cause which gives rise to the uniformity in
the operations of instinct among animal of the
same species; a cause which, according to
Buffon, consist, merely in the uniformity of
their organization; and which, therefore, can
with no propriety be denominated Imitatian,
without departing entirely from all the common
meanings of that word.
-
- "D'ailleurs Il faut distinguer deux sortes
d'imitation, l'une réfléchie et
sentie, et l'autre machinale et sans intention;
la première acquise, et la seconde, pour
ainsi dire, innée; l'une n'est que le
résultat de l'instinct commun
répandu dans l'espèce
entière, et ne consiste que dans la
similitude des mouvemens et des
opérations de chaque individu, qui tous
semblent être induits ou contraints
à faire les mêmes choses; plus ils
sont stupides, plus cette imitation
tracèe dans l'espèce est parfaite
: un mouton ne fait et ne fera jamais que ce
qu'ont fait et font tous les autres moutons: la
première cellule d'une abeille ressemble
à la dernière; l'espèce
entière n'a pas plus d'intelligence qu'un
seul individu, et c'est en cela que consiste la
différence de l'esprit et l'instinct;
ainsi l'imitation naturelle n'est dans chaque
espèce qu'un résultat de
similitude, une nécessité d'autant
moins intelligente et plus aveugle qu'elle est
plus également repartie; l'autre
imitation qu'on doit regarder comme
artificielle, ne peut ni se répartir, ni
se communiquer à l'espèce; elle
n'appartient qu'à l'individu qui la
reçoit, qui la possède sans
pouvoir la donner; le perroquet le mieux
instruit ne transmettra pas le talent de la
parole à ses petits."
-
- Buffon, Histoire
Naturelle
L'éloquence
- "True eloquence implies an exertion of
genius, and supposes a cultivated mind. It
differs essentially from that fluency of speech,
which is a talent possessed by all who have
strong passions, flexible organs, and lively
imaginations. Such men feel acutely, and express
strongly, both by words and gestures, what they
feel. Hence, by a sort of mechanical impression,
they impart to others their enthusiasm and their
affections; it is the body which speaks to the
body; all its movements, and all its expressive
powers lending their aid. How little is
sufficient to shake the opinions of most men,
and to communicate to them the sentiments of the
speaker! A tone of voice vehement and pathetic;
gestures expressive and frequent; words rapid
and sonorous."
-
- " La véritable éloquence
suppose l'exercice du génie et la culture
de l'esprit. Elle est bien différente de
cette facilité naturelle de parler qui
n'est qu' un talent, une qualité
accordée à tous ceux dont les
passions sont fortes, les organes souples, et,
l'imagination prompte. Ces hommes sentent
vivement, s'affectent de même, le marquent
fortement au dehors, et par une impression
purement méchanique, ils transmettent aux
autres leur enthousiasme et leurs affections.
C'est le corps qui parle au corps; tous les
mouvements, tous les signes concourent et
servent également. Que faut-il pour
émouvoir la multitude et l'entrainer? Que
faut-il pour ébranler la plupart des
autres hommes et les persuader? Un ton
véhément et pathétlque, des
gestes expressifs et fréquens, des
paroles rapides et sonnantes."
- Discours de M de Buffon lors de sa
réception à l'Académie
Française
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