- Chacun sait que nous bâillons
fréquemment, chaque fois que nous nous
ennuyons, ou que nous avons sommeil. On se
demande alors qu'est ce qu'un bâillement?
Extérieurement, le bâillement
consiste en une inspiration profonde et lente,
avec la bouche plus ou moins largement ouverte,
et qui est suivie d'une expiration lente qui
s'accomplit. La bouche béante et la
glotte légèrement
contractée, de sorte qu'en
résultat il se produit ce son si connu de
tout le monde, qui accompagne chaque
bâillement régulier. C'est
là le côté extérieur
d'un bâillement. Quant à son
mécanisme intérieur, il provient,
d'après le physiologiste italien
Mosso, d'une fatigue de
l'attention.
-
- Cette explication du professeur Mosso est
corroborée par ce fait bien connu, que
les bâillements apparaissent, ceteris
paribus, le plus souvent chez les malades qui
ont été affaiblis par une perte
considérable de sang et aussi chez des
sujets â système nerveux instable,
par exemple chez des hystériques. En un
mot, les bâillements apparaissent d'autant
plus facilement, que la vie intellectuelle
consciente se montre plus faible et plus
promptement fatiguée; ce qui est le cas
des anémiques. Beaucoup de personnes
souffrant de l'anémie se mettent à
bâiller et à somnoler chaque fois
qu'elles restent quelque temps dans une position
verticale, c'est-à-dire assises ou
debout; et au contraire, dès qu'elles
prennent une position horizontale, leur envie de
dormir et leurs bâillements disparaissent
sans laisser de trace. En présence de
tous ces faits, ii est logique de supposer qu'il
doit exister une liaison plus ou moins intime
entre les bâillements et l'anémie
du cerveau.
-
- Des bâillements énergiques
s'accompagnent toujours de pandiculations de
tout le corps et des membres, et le professeur
Mosso dit qu'elles proviennent du désir
instinctif d'éviter les stases localisees
du sang, et qu'en géneral, on
éprouve le besoin de se distendre les
membres chaque fois que le sang se trouve
distribué irrégulièrement
dans le corps.
-
- Que les bâillements, les
pandiculations puissent en réalité
provenir de la fatigue de l'attention, c'est ce
que tendraient à confirmer mes
expériences sur l'antagonisme existant
entre I'attention d'un côté et tous
les mouvements, et même toutes les
innervations motrices de l'autre. Ces
experiences ont été faites par moi
en collaboration avec M. Le Dr Wartanoff, et au
moyen de la méthode graphique. Elles
m'ont démontré que toute
activité de l'attention se traduisait
extérieurement par un afflux du sang vers
le cerveau et par un amoindrissement
correspondant dans le volume du bras; mais si on
obligeait les sujets exécuter quelques
mouvements habituels, les effets de l'attention
active sur les vaisseaux du corps ne se
faisaient plus sentir. Il en allait de
même lorsque les sujets, en même
temps que leur atten tion se concentrait sur
quelque sensation minime de l'ouïe ou du
toucher, se représentaient un mouvement
quelconque, sans toutefois le reproduire;
c'est-à-dire que l'attention ne se
traduisait pas alors par un amoindrissement dans
le volume du bras.
-
- Ces expériences m'ont prouvé
définitivement qu'entre l'attention
active et toutes sortes de mouvements ou
d'innervations motrices, il existe un
antagonisme complet et absolu, et par
conséquent les bâillements et les
pandiculations peuvent très bien
être dus à la réaction
motrice de l'organisme contre une attention trop
prolongée, trop assidue. Pendant que
l'attention est encore pleine de force, elle
peut étouffer tous les mouvements, mais
dès qu'elle est fatiguée, la
réaction se montre et le besoin de
mouvement se traduit par des baillements
réitérés, par le
désir d'étirer son corps, de
tendre ses bras, etc. En somme, l'explication
qu'a donnée te professeur Mosso du
mécanisme intérieur ou de
l'essence même du bâillement parait
être tout fait vraie et juste.
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