-
- La folie
chez les enfants Moreau P
1888
-
- Jean Rambosson (1827-1886),
professeur de physique a publié, dans
l'esprit scientiste de son époque, de
nombreux livres de vulgarisation scientifique:
Les astres (1891), Les Merveilles de
l'astronomie et de la météorologie
(1887), Histoire des substances
précieuses (1859), Les pierres
précieuses et les principaux ornements
(1884), Histoire des météores et
des grands phénomènes de la nature
(1870)...
-
- Il s'est essayé à proposer des
théories fondées sur des lois
physiques comme celle présentée
ici, innovante et prémonitoire de la
découverte des neurons miroirs par
Giacomo
Rizzolatti et Vittorio Gallese en 1996, et
en 1879 une "Loi de la perfectibilité
humaine au point de vue du langage et des
beaux-arts" !
-
- Cette présentation du 8 juin 1880
à l'Académie de Médecine
sera reprise au sein d'un livre plus complet et
ambitieux: "Phénomènes nerveux,
intellectuels et moraux, leur transmission par
contagion" paru en 1883 à Paris chez
Firmin-Didot.
-
Il y a toute une classe d'affections et de
phénomènes nerveux qui se
transmettent à distance, tels que le
bâillement, les affections
épileptiformes, les tics nerveux divers,
la terreur panique, certaines folies, etc.,
etc.
-
- Cette transmission à distance, cette
espèce d'épidémie des
affections nerveuses est parfaitement
constatée, elle n'est mise en doute par
personne, au moins pour un certain nombre de
faits; mais elle n'a pas été
expliquée scientifiquement. La loi qui la
régit n'avait pas été
formulée jusqu'ici, et c'est cette loi
que nous nous sommes proposé
d'établir.
-
- Les phénomènes et les
affections dont nous parlons, sont sous la
dépendance d'un mouvement
cérébral ou psychique; par
conséquent, il faut démontrer
comment le mouvement cérébral ou
psychique de la personne malade ou
affectée, va se reproduire dans le
cerveau des personnes qui l'entourent, avec le
pouvoir de donner naissance aux mêmes
phénomènes.
-
- Il ne s'agit donc pas ici d'une simple
théorie de la perception en
général, mais, je le
répète, de savoir comment tel
mouvement cérébral qui produit tel
phénomène, se transmet à
distance avec le pouvoir de reproduire le
même phénomène.
-
- Notre but est de démontrer la loi de
cette propagation, et d'en faire l'application
à quelques-uns des
phénomènes qui intéressent
le plus la science physiologique et
médicale.
-
- Cette loi repose sur la transmission et la
transformation du mouvement expressif dans des
milieux divers. Le principe de la transformation
du mouvement appliqué aux sciences
physiques, quoique tout récent, est d'une
fécondité imprévue; il
domine toutes ces sciences et y répand
des flots de lumière.
-
- Mais ce n'est pas seulement dans le milieu
physique que la transformation du mouvement peut
avoir lieu; elle a lieu également dans le
milieu physiologique et dans le milieu
psychique.
-
- Un mouvement cérébral ou
psychique peut se transformer en mouvement
physiologique, puis en mouvement physique; ce
mouvement physique peut redevenir physiologique,
puis cérébral ou psychique, et
cela, sans se dénaturer,
c'est-à-dire qu'il donne lieu aux
mêmes phénomènes en
repassant dans les mêmes milieux, et
à des phénomènes analogues
en repassant dans des milieux analogues.
-
- En suivant l'enchaînement de la
transmission et de la transformation d'un
même mouvement expressif dans toutes ses
métamorphoses, sans le perdre un instant
de vue, on arrive à la solution d'un
grand nombre de problèmes, jusqu'ici
regardés comme complètement
insolubles, et à l'explication d'une
foule de phénomènes
relégués avec les faits
irréductibles et inexplicables.
-
-
- Pour nous rendre compte de cette
propagation, suivons la transmission et la
transformation du mouvement, dans l'un des
phénomènes de ce genre des plus
simples et des plus vulgaires, dans le
bâillement, par exemple.
-
- Nous choisissons ce phénomène
pour l'analyser avec quelques détails,
parce que c'est un des mieux connus, dont chacun
peut, sans beaucoup de peine, étudier et
suivre les manifestations, et parce qu'il permet
de saisir avec facilité la loi qui nous
occupe. D'ailleurs, ce que nous dirons de lui
peut parfaitement s'appliquer à toute
autre affection, à tous autres
phénomènes nerveux expressifs,
c'est-à-dire qui se manifestent à
l'extérieur par des tics et des
mouvements nerveux divers.
-
- Le bâillement, en lui-même, est
un mouvement physiologique, qui se
révèle à la vue, et aussi
à l'ouïe quand il se fait avec
bruit.
-
- Mais comment ce phénomène
fait-il naître un phénomène
analogue chez les personnes qui le voient et qui
l'entendent? Voici comment.
-
- Pour être vu et entendu, il faut que
le mouvement physiologique qui constitue le
bâillement, se transforme en ondes sonores
et en ondes lumineuses; il se transmet donc
à l'air et l'éther où
s'opère sa transformation.
-
- Le mouvement physiologique du
bâillement se transe mettant à
l'air et à l'éther, et se
transformant en mouvement sonore et en mouvement
lumineux purement physique, vient impressionner
l'organe de la vision et l'organe de l'audition
de ceux qui voient et entendent.
-
- Ce mouvement physique se transmet donc de
nouveau en mouvement physiologique, dans les
appareils optiques et acoustiques. (Cela est
évident, puisque l'on appelle mouvement
physiologique tout mouvement des orgaies.) Et
par ces appareils, il se transmet au cerveau,
où il est transformé en mouvement
cérébral ou psychique.
-
- Mais ce mouvement cérébral ne
s'éteint pas dans le cerveau, ne se
renferme pas dans cet organe, un mouvement de
retour instinctif ou plus ou moins volontaire se
communique de nouveau aux nerfs et aux muscles,
et vient s'épanouir à
l'extérieur en donnant lieu à un
nouveau bâillement.
-
- Cela doit être, car un même
mouvement, dans des milieux semblables, produit
des mouvements semblables; ce qui revient
à dire qu'une même cause, dans des
circonstances identiques, produit des effets
identiques.
-
- Or, en général, tous les
hommes et tous les animaux d'une même
espèce ont des organes et des
facultés semblables, un même
mouvement se transforme donc
nécessairement chez eux de la même
manière et produit un effet analogue. Je
dis des facultés et des organes
semblables, et non pas égaux, car il peut
y avoir de la différence du plus au
moins, de même que dans les effets
produits.
-
- Ce nouveau bâillement peut en
déterminer d'autres, et ainsi de suite,
par le même enchaînement de
transmission et de transformation de
mouvement.
-
- Voilà la loi dans toute sa
généralité. Mais ce fait si
vulgaire du bâillement, est loin de nous
avoir donné toute sa signification;
continuons à l'analyser.
-
- On doit noter ici une chose bien
remarquable: c'est que le bâillement peut
être propagé à distance, non
seulement par la vue et par l'ouïe agissant
simultanément, mais aussi par la vue
seulement ou par l'ouïe seulement.
-
- Comme ce fait a une haute importance dans le
sujet qui nous occupe, non seulement par
lui-même, mais aussi par la lumière
qu'il répand sur tous les faits
analogues, d'une observation plus difficile, et
quelquefois presque impossible, j'ai voulu en
avoir une preuve décisive et tout
à fait irréfutable.
-
- Je me suis présenté à
l'établissement national des aveugles de
Paris, et j'ai prié l'honorable directeur
de vouloir bien m'aider à élucider
cette question; ce qu'il a fait avec un
empressement des plus obligeants.
-
- Nous avons visité les classes des
deux sections, celles des filles et celles des
garçons; dans chaque classe nous avons
interrogé les élèves et les
professeurs: tous nous ont dit que lorsqu'ils
entendaient bâiller, ils étaient
eux-mêmes portés à
bâiller, qu'en général ils
faisaient effort pour ne pas déranger les
voisins, mais que, quelquefois, le
bâillement épidémique
devenait irrésistible.
-
- Nous avons pris à part et
séparément chaque institutrice des
aveugles, elles ont parfaitement confirmé
ce que les élèves venaient de nous
dire. De même pour les garçons;
mais les professeurs aveugles que nous avons
pris à part, moins timides, ont
été plus catégoriques ; ils
sont entrés dans des observations
perspicaces, dans des détails minutieux,
qui auraient peut-être été
inaperçus par le voyant et entendant,
dont l'attention, en général, est
moins concentrée. Ils avaient
remarqué les courts instants qui
s'écoulaient quelquefois après que
le bâillement s'était fait
entendre, pour qu'ils fussent soumis au
même phénomène; ils
analysaient avec une remarquable
précision ce qu'ils éprouvaient
alors, et la résistance plus ou moins
grande qu'ils pouvaient y opposer: « Car,
ajoutait l'un d'eux, je me retiens quelquefois
beaucoup par convenance pour la
société. »
-
- En un mot, nous avons fait une enquête
des plus complètes qui ne laisse aucun
doute sur la question, et je puis ajouter que
cette enqute a été faite avec
d'autant plus de soin, que ce genre
d'études intéresse vivement
l'honorable directeur de
l'établissement.
-
- Il est donc bien établi que le
bâillement peut se propager à
distance par l'ouïe, et que les ondes
sonores suffisent pour cette propagation.
-
- La propagation du bâillement par la
vue, c'est-à-dire par
l'intermédiaire des ondes lumineuses,
n'est pas moins certaine. Chacun peut s'en
convaincre, et même beaucoup plus
facilement que pour le cas
précédent; mais enfin, comme pour
le cas précédent, j'ai voulu en
avoir une preuve décisive et
irréfutable.
-
- Mes observations ont porté sur le
sourd-muet comme sur l'aveugle, et les
résultats ont été
analogues: c'est-à-dire que le sourd-muet
bâille par imitation instinctive en voyant
le phénomène, comme l'aveugle en
l'entendant.
-
- Dans le but que je poursuivais, j'ai
visité un établissement de
sourdes-muettes des environs de Paris (de
Bourg-la-Reine), qui est supérieurement
tenu, et dans lequel j'ai trouvé le plus
bienveillant concours.
-
- A mes questions, la directrice des classes a
répondu que le bâillement se
propageait d'une manière frappante chez
les sourdes-muettes, qu'elle l'avait
constaté maintes fois, que ce fait
était d'ailleurs si évident et si
fréquent, qu'on pouvait le constater
habituellement, et qu'il devenait quelquefois
l'objet de distraction peu agréable.
-
- Les institutrices ont répondu de
même lorsqu'une élève
bâille, a dit l'une, il est rare que trois
ou quatre de ses compagnes ne la suivent pas
immédiatement; une autre a ajouté
que ce phénomène du
bâillement propagé â
distance, était plus frappant, plus
marqué chez le sourd-muet que chez le
parlant; que n'étant pas distrait par les
bruits, toute son attention se portait dans ce
qui frappait la vue, et qu'il était ainsi
plus susceptible d'imitation pour les choses
dépendantes de ce sens.
-
- Je me suis également adressé
à deux sourds-muets, illustres parmi
leurs frères infortunés, et qui
ont vieilli dans le professorat M. Berthier,
bien connu par ses remarquables ouvrages, et M.
Lenoir, qui consacre aux arts ses années
de retraite.
-
- J'ai eu avec chacun une conversation sur ce
sujet par écrit, qu'ils ont bien voulu
signer, et qu'ils m'ont permis de reproduire
avec le plus gracieux empressement. En voici le
résumé « Le bâillement
par imitation instinctive se propage chez le
sourd-muet aussi bien que chez le parlant, c'est
un fait certain; nous l'avons habituellement
observé sur nous-mêmes et sur tous
les sourds-muets avec lesquels nous avons eu des
relations suivies. On peut d'ailleurs faire
cette observation en classe, dans les ateliers,
dans les promenades, en un [not, constamment
et partout, c'est an fait évident et
incontestable. » Nous pourrions citer
nombre d'autres témoignages, mais ceux
qui précèdent nous semblent plus
que suffisants. Cependant, nous ajouterons que
M. Vaisse, directeur honoraire de l'institution
nationale des sourds-muets de Paris, qui a
passé une vie de dévouement au
milieu de ces infortunés, et à qui
rien de ce qui intéresse l'aveugle aussi
bien que le sourd-muet n'est étranger,
est venu également, par ses propres
informations, confirmer nies informations et mes
renseignements personnels sur ces deux classes
d'infortunés. Il est donc bien
établi que le bâillement peut se
propager à distance, par la vue et par
l'ouïe simultanément, ou par la vue
seulement, et par l'ouïe seulement. Ces
faits rendent également évident
que ce sont les ondes sonores et les ondes
lumineuses qui servent d'intermédiaire
dans la propagation à distance du
mouvement cérébral ou
psychique.
-
-
- Ainsi, d'un côté, il y a
transformation du mouvement physiologique qui
caractérise le bâillement, en ondes
lumineuses, d'un autre côté en
ondes sonores; mais les ondes lumineuses et les
ondes sonores étant ici la manifestation
d'un seul et même mouvement
cérébral, leur concours tend
également à reproduire ce
même mouvement, ou un mouvement analogue
lorsqu'il arrive dans un cerveau identique ou
analogue.
-
- De la reproduction de l'affection ou du
phénomène qui dépend de ce
mouvement cérébral.
-
- Reprenons l'analyse de ces mouvements:
-
- Le mouvement cérébral est bien
un mouvement physiologique, mais comme il se
manifeste simultanément avec les
phénomènes de l'instinct et de
l'intelligence, il est nécessaire,
croyons-nous, pour établir toute la
clarté désirable dans l'analyse
des phénomènes, de le distinguer
nettement de tous les autres mouvements
physiologiques qui ne sont pas
nécessairement liés à ces
phénomènes; c'est pour cette
raison que nous lui donnons une
dénomination propre, et que nous
l'appelons mouvement psychique.
-
- Le mouvement physiologique qui constitue les
affections ou les phénomènes
nerveux que nous étudions, dépend
du cerveau; l'anatomie et la physiologie ne
laissent aucun doute sur ce point.
-
- Mais les ondes sonores et les ondes
lumineuses produites par le
phénomène physiologique,
sont-elles bien la suite, la continuation, la
transformation du mouvement
cérébral ?
-
- Il n'y a pas plus à en douter; le
fait devient de la dernière
évidence lorsque l'on observe que c'est
du mouvement cérébral que
naît le mouvement physiologique qui nous
occupe, et que c'est du mouvement physiologique
que naissent les ondes sonores et les ondes
lumineuses. Sans mouvement
cérébral, le mouvement
physiologique n'existe plus; sans mouvement
physiologique, il n'y a plus d'ondes sonores ou
lumineuses expressives.
-
- Il y a entre ces trois faits qui naissent
successivement l'un de l'autre: mouvement
cérébral, mouvement physiologique
et mouvement physique, une relation tellement
intime que l'un ne peut varier sans les autres;
et les variations, les changements qui les
modifient sont toujours les mêmes pour les
mêmes phénomènes.
-
- Ces trois mouvements ne sont donc que la
manifestation la continuation d'un mouvement
unique qui a son point de départ dans le
cerveau: c'est le mouvement
cérébral ou psychique qui se
poursuit dans des milieux divers, voilà
tout. Il change d'allure suivant les milieux
qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste
; et lorsqu'il repasse dans un même
milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend
ses premières allures, il reproduit les
mêmes manifestations ou des manifestations
analogues.
-
- Les ondes sonores et les ondes lumineuses
changent, varient, se modifient, suivant que le
mouvement physiologique change, varie, se
modifie; et le mouvement physiologique, de son
côté, suit toutes les phases du
mouvement cérébral.
-
- On est donc bien obligé de
reconnaître le mouvement
cérébral ou psychique, transmis et
transformé successivement en mouvement
physiologique, puis en mouvement purement
physique. Il n'y a absolument que lui qui agit
ici par sa transmission et sa
transformation.
-
- Mais ce mouvement physique, qui est la
transformation du mouvement
cérébral et du mouvement
physiologique auquel le mouvement
cérébral a donné naissance,
va-t-il réellement redevenir
physiologique en impressionnant les organes des
spectateurs ?
-
- Évidemment, puisque l'on appelle
mouvement physiologique tout mouvement des
organes; bien plus, et c'est là
l'esentiel, il ne se dénature pas dans
toutes ses transformations, puisque, dès
qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il
tend à reproduire le même
phénomène physiologique qui s'est
produit chez la personne dont le changements qui
les modifient sont toujours les mêmes pour
les mêmes phénomènes.
-
- Ces trois mouvements ne sont donc que la
manifestation la continuation d'un mouvement
unique qui a son point de départ dans le
cerveau: c'est le mouvement
cérébral ou psychique qui se
poursuit dans des milieux divers, voilà
tout. Il change d'allure suivant les milieux
qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste
; et lorsqu'il repasse dans un même
milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend
ses premières allures, il reproduit les
mêmes manifestations ou des manifestations
analogues.
-
- Les ondes sonores et les ondes lumineuses
changent, varient, se modifient, suivant que le
mouvement physiologique change, varie, se
modifie; et le mouvement physiologique, de son
côté, suit toutes les phases du
mouvement cérébral.
-
- On est donc bien obligé de
reconnaître le mouvement
cérébral ou psychique, transmis et
transformé successivement en mouvement
physiologique, puis en mouvement purement
physique. Il n'y a absolument que lui qui agit
ici par sa transmission et sa
transformation.
-
- Mais ce mouvement physique, qui est la
transformation du mouvement
cérébral et du mouvement
physiologique auquel le mouvement
cérébral a donné naissance,
va-t-il réellement redevenir
physiologique en impressionnant les organes des
spectateurs ?
-
- Évidemment, puisque l'on appelle
mouvement physiologique tout mouvement des
organes; bien plus, et c'est là
l'esentiel, il ne se dénature pas dans
toutes ses transformations, puisque, dès
qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il
tend à reproduire le même
phénomène physiologique qui s'est
produit chez la personne dont le changements qui
les modifient sont toujours les mêmes pour
les mêmes phénomènes.
-
- Ces trois mouvements ne sont donc que la
manifestation la continuation d'un mouvement
unique qui a son point de départ dans le
cerveau: c'est le mouvement
cérébral ou psychique qui se
poursuit dans des milieux divers, voilà
tout. Il change d'allure suivant les milieux
qu'il traverse ou dans lesquels il se manifeste
; et lorsqu'il repasse dans un même
milieu, ou dans un milieu analogue, il reprend
ses premières allures, il reproduit les
mêmes manifestations ou des manifestations
analogues.
-
- Les ondes sonores et les ondes lumineuses
changent, varient, se modifient, suivant que le
mouvement physiologique change, varie, se
modifie; et le mouvement physiologique, de son
côté, suit toutes les phases du
mouvement cérébral.
-
- On est donc bien obligé de
reconnaître le mouvement
cérébral ou psychique, transmis et
transformé successivement en mouvement
physiologique, puis en mouvement purement
physique. Il n'y a absolument que lui qui agit
ici par sa transmission et sa
transformation.
-
- Mais ce mouvement physique, qui est la
transformation du mouvement
cérébral et du mouvement
physiologique auquel le mouvement
cérébral a donné naissance,
va-t-il réellement redevenir
physiologique en impressionnant les organes des
spectateurs ?
-
- Évidemment, puisque l'on appelle
mouvement physiologique tout mouvement des
organes; bien plus, et c'est là
l'esentiel, il ne se dénature pas dans
toutes ses transformations, puisque, dès
qu'il parvient au cerveau des spectateurs, il
tend à reproduire le même
phénomène physiologique qui s'est
produit chez la personne dont le mouvement
cérébral a d'abord donné le
branle à tout, et qui a été
ainsi transmis et transformé.
-
- C'est donc bien le même mouvement
cérébral qui est reproduit,
puisqu'il donne lieu aux mêmes
effets.
-
- Si l'on ne reconnaissait pas là
l'identité d'un même mouvement aux
allures diverses, suivant la diversité
des milieux auquels il se transmet, il faudrait
renoncer à connaître les relations
constantes qui existent, et que tous admettent
entre les causes et les effets, et
réciproquement, entre les effets et les
causes; c'est-à-dire que tout
raisonnement et toute science deviendraient
désormais impossibles.
-
- Cela est parfaitement clair, et aucune loi
ne peut être prouvée d'une
manière plus décisive que celle
qui nous occupe. Il n'y a pas un fait qui la
contredise, et elle explique tous les faits qui
sont sous sa dépendance.
-
- Lorsque le mouvement arrive au cerveau, il
tend de nouveau à le franchir pour
redonner naissance à l'affection ou au
phénomène nerveux qui en
dépendent; les personnes faibles ou qui
ont des prédispositions à
reproduire le phénomène ou
l'affection sont entraînées, les
autres résistent plus ou moins.
-
- Et si l'on continue à suivre cette,
nouvelle série de mouvements, on verra
que les mêmes phénomènes
tendent à se reproduire
indéfiniment.
-
- Cette grande loi de la transmission et de la
transformation du mouvement
cérébral ou psychique dans des
milieu:: divers, qui explique tant de choses, se
présente donc à nous de la
manière la plus évidente.
-
- Que l'on me permette d'ajouter deux mots sur
le rapport des ondes sonores et des ondes
lumineuses.
-
- Ces ondes lumineuses et ces ondes sonores
qui sont comme la suite, la continuation du
mouvement cérébral et du mouvement
physiologique qui leur ont donné
naissance, ne se dénaturent pas dans leur
parcours; elles demeurent toujours, les unes et
les autres, l'expression d'un même
phénomène, quelle que soit la
diminution de leur intensité,
jusqu'à ce qu'elles s'éteignent;
ce que nous avons dit suffit pour le
démontrer.
-
- Cependant, nous ferons remarquer qu'on peut
le démontrer encore non seulement par
tous les phénomènes de perception
qui en sont la conséquence, mais l'art
vient au secours de la science et ne laisse
aucun doute sur cette affirmation. Est-ce que la
photographie ne permet pas de saisir
l'expression lumineuse à une distance
quelconque de son point de départ ? Et,
de son côté, l'acoustique ne nous
permet-elle pas de reproduire l'image des ondes
sonores avec tous leurs mouvements harmoniques
les plus fins, les plus déliés,
les plus délicats, dans des dessins
permanents, qui nous révèlent par
des lignes ordonnées et
symétriques l'ordre que conservent les
ondes sonores, dans toute la suite de leur
course fugitive ?
-
- Et, malgré la différence de
forme et de vitesse, dans ces ondes diverses
(les ondes de la lumière sont
transversales
- et parcourent 298 000 kilomètres par
seconde; celles du son, au contraire sont,
longitudinales et parcourent seulement, dans
l'air, 340 mètres environ par seconde) ;
malgré cette différence, dis-je,
il y a quelque chose de commun entre elles c'est
qu'elles sont ordonnées et
spéciales pour chaque
phénomène; elles en constituent
l'expression propre et naturelle; si le
phénomène se modifie, elles se
modifient également avec lui, de
manière que les ondes sonores et les
ondes lumineuses, pour un même
phénomène, sont toujours dans un
rapport constant ; elles changent
simultanément avec lui, et, si je puis
m'exprimer ainsi, elles peuvent se traduire les
unes par les autres; elles sont
équivalentes et synonymes.
-
- En sorte qu'arrivées au cerveau, par
la suite des transmissions et des
transformations qui nous occupent, ces deux
mouvements concourent à la production
d'un même mouvement
cérébral, qui tend à se
manifester à l'extérieur d'une
manière analogue à celui qui a
d'abord donné naissance à ces
ondes sonores ou lumineuses.
-
- Bien que la différence de vitesse des
ondes lumineuses et des ondes sonores soit des
plus considérables, il est facile de
comprendre que leur concours, dans les
phénomènes qui nous occupent, peut
être regardé comme
simultané. En effet, lors même que
l'on regarderait l'impression lumineuse comme
étant instantanée, comme ne
demandant aucun temps pour atteindre le cerveau,
il n'y aurait entre l'impression de la
lumière et celle du son, parcourant
environ 340 mètres par seconde, qu'une
différence d'un trentequatrième de
seconde pour une distance de dix mètres,
et d'un dix-septième de seconde pour une
distance de vingt mètres; distance qui,
en général, est déjà
exhorbitante pour la propagation des
phénomènes dont nous parlons. Les
ondes sonores et les ondes lumineuses peuvent
donc, dans le cas qui nous occupe, être
regardées comme agissant
simultanément.
-
- D'ailleurs, lors même qu'elles
agiraient successivement d'une manière
sensible, lors même qu'elles agiraient
séparément, il n'y aurait rien de
changé dans la loi ni dans la production
des phénomènes; nous l'avons
vu.
-
- Il est à remarquer que la
répétition du
phénomène fait beaucoup pour sa
reproduction.
-
- Voici, sous ce rapport, un fait curieux; il
m'a été raconté par un
vénérable vieillard qui a
passé sa vie dans l'enseignement
supérieur, et dont la haute intelligence
n'est étrangère à aucune
des questions de science et de philosophie.
-
- « Il y a une cinquantaine
d'années, me dit-il, il s'est
présenté dans mon institution,
à Verdun, un personnage qui nie proposa,
pour une légère
rétribution, de donner comme
récompense à mes
élèves une
récréation assez
étrange
-
- « Je m'engage, ajputa-t-il, à
les faire tous bâiller, sans exception, et
même les professeurs.
-
- « Les conditions furent
acceptées, élèves et
professeurs furent bien résolus de
résister le plus possible, et d'infliger
un éclatant démenti aux
prétentions du personnage; mais, dans le
nombre, deux professeurs et dix
élèves jurèrent plus
particulièrement de ne pas bâiller,
et des paris s'établirent dans ce
sens.
-
- «Tous étaient réunis dans
une grande et vaste salle, tous étaient
attentifs, et quelques rires de défi
commencèrent par se faire entendre;
cependant, le personnage en question, bien en
vue, débuta par des bâillements
légers; il les accentua peu à peu,
puis il en vint jusqu'à effectuer
d'affreux bâillements, cependant avec
mesure et méthode.
-
- Il y eut quelques élèves qui
ne tardèrent pas à être
entraînés; puis, quelques autres,
puis quelques autres encore, et les plus
récalcitrants furent également
obligés de subir
l'épidémie. Chez les plus faibles,
le bâillement était à son
comble; ils se tordaient sur les bancs, ils en
étaient malades. L'influence de la
répétition est donc ici bien
frappante.
-
- Je cite ce fait, non seulement parce qu'il
rentre parfaitement dans mon sujet, mais aussi
parce qu'il peut éclairer ce qui se passe
dans un grand nombre d'épidémies
nerveuses.
-
- Il est également à remarquer
que la reproduction simulée des
affections nerveuses développe les
prédispositions à ces affections,
c'est-à-dire facilite la propagation du
mouvement expressif. Le fait suivant,
rapporté dans les Mémoires du duc
de Saint-Simon, vient à l'appui de cette
observation, et fait voir également
l'appréhension que l'on avait de son
temps de la propagation à distance de ce
genre d'affection « Le roi, dit-il, avait
fait prier la duchesse de Châtillon de ne
point venir à la cour quand la duchesse
de Bourgogne aurait des soupçons de
grossesse, ni quand elle serait grosse. Elle
avait acquis, en contrefaisant une religieuse du
couvent où elle avait été
avant de venir chez sa tante, un tic rare et peu
perceptible jusqu'à quelque temps
après son mariage, et qui depuis
s'était augmenté un point
qu'à toute minute son visage se
démontait à effrayer, sans
qu'elle-même s'en aperçût le
plus souvent par la continuelle habitude.
-
- Ce fait peut se passer de commentaire, mais
nous devons remarquer qu'il y a des personnes
qui subissent avec une grande facilité
l'influence épidémique des
affections nerveuses, tandis que d'autres sont
pour ainsi dire complètement insensibles
à ces influences; entre ces deux
extrêmes, chacun occupe un degré
intermédiaire. C'est comme pour
l'influence de la musique, qui s'exerce
également par la même loi, nous le
verrons plus loin.
-
- Il y a aussi des personnes qui
résistent parfaitement à
l'influence de telle affection nerveuse et qui
sont atteintes par telle autre; de plus, par une
volonté énergique, on peut lutter
avec avantage contre ces influences, en
neutralisant le mouvement expressif qui les
propage; c'est ce qui fait que les
procédés d'intimidation sont
quelquefois excellents comme préventif de
ce genre d'épidémie. Tous ces
faits sont parfaitement explicables, et bien
loin d'être contraires à la loi que
nous avons formulée, ils la confirment,
si on les interprète comme on doit le
faire.
-
- Ce que nous venons de dire du
bâillement peut s'appliquer à une
affection, à un phénomène
nerveux expressif quelconque.
-
- Examinons brièvement un autre
phénomène, la terreur panique, par
exemple, qui s'empare quelquefois de nombreux
combattants sur le champ de bataille, ét
qui peut, par contagion, descendre dans le coeur
des plus fiers héros. Les animaux sont
également sujets à cette terreur
contagieuse, et des troupeaux entiers peuvent en
être atteints.
-
- Un animal, par exemple, est saisi de cette
terreur pour une cause ou pour une autre: cette
terreur s'exprime aussitôt dans ses
regards, dans sa physionomie, dans son attitude,
dans ses mouvements, dans ses cris.
-
- Il y a là, d'abord, un mouvement
cérébral ou psychique, qui se
transmet aux nerfs, aux muscles, aux divers
organes; puis à l'air et à
l'éther où il se transforme en
ondes sonores et en ondes lumineuses, mouvements
purement physiques qui, par une nouvelle suite
de transmissions et de transformations, comme
nous l'avons vu précédemment, vont
donner naissance, chez les animaux qu'ils
atteignent, à un mouvement
cérébral ou psychique analogue
à celui que la terreur panique a produit
chez le premier animal, et qui a causé
toute la série de mouvements. De
là aussi, production de cette même
terreur chez ceux que l'impulsion
entraîne.
-
- Il se présente ici une
différence entre l'homme et l'animal,
qu'il est bon de constater: le mouvement
cérébral qui produit la terreur
panique chez l'animal, a un résultat
fatal, tandis que l'homme peut, par sa
volonté, par la puissance qu'il exerce
sur le cerveau, neutraliser ce mouvement
cérébral, le calmer, et ainsi
résister plus ou moins à
l'impulsion.
-
- On expliquerait et on démontrerait de
même la propagation d'une foule de
maladies, de tics et de mouvements nerveux,
depuis le simple bâillement jusqu'à
l'épilepsie, car on sait que cette
maladie peut, chez les personnes faibles, se
propager par la vue; l'influence de l'exemple
bon ou mauvais; les crimes de même nature
qui se multiplient quelquefois d'une
manière effrayante; les
épidémies de suicides, de
certaines folies, la fascination, la
communication des mouvements instinctifs, et
même les modifications de l'instinct et
des penchants, les airs de famille, etc.,
etc.
-
- On nous dira peut-être que nombre de
phénomènes dont nous parlons, se
propagent par imitation instinctive; mais dire
cela c'est ne rien dire, si l'on ne
démontre pas ce que c'est que cette
imitation. C'est là le problème,
et c'est un de ceux que la loi que nous avons
formulée résout
scientifiquement.
-
- Les problèmes que nous venons
d'indiquer, et que résout l'application
du principe de la transmission et de la
transformation du mouvement dans des milieux
divers, sont, il est vrai, nombreux et
importants. Mais ce principe est plus important
encore, puisqu'il les résout et peut en
résoudre beaucoup d'autres. Il se
présente comme une formule
algébrique qui permet de donner à
priori la solution de tous les problèmes
qui appartiennent à une même
classe, à une même
catégorie.
-
- Nous pourrions continuer à faire
l'application de la loi de la transmission et de
la transformation du mouvement expressif,
à un nombre quelconque d'affections ou de
phénomènes nerveux, mais ce
serait, croyons-nous, une
répétition inutile, car cette loi
nous paraît aussi rigoureusement
démontrée qu'il est possible
qu'elle le soit.
-
- Cependant, comme elle s'applique
également à des
phénomènes d'un tout autre genre
que ceux qui viennent de nous occuper, je
demande la permission d'en signale:
l'application sur un point fécond, qui
intéresse également la physiologie
et la médecine.
-
- Dans un Mémoire dont j'ai eu
l'honneur de lire le résumé devant
l'Académie de médecine, je
démontre qu'il y a une musique qui agit
spécialement sur les nerfs moteurs et sur
l'intelligence, et une musique qui agit
spécialement sur les nerfs sensitifs et
sur les sentiments. Que l'on me permette de
rappeler quelques lignes de ce Mémoire,
nécessaires pour saisir ce qui va
suivre.
-
- Pour résumer la question, je
m'exprimais ainsi « Prenons les deux
extrêmes: voilà, par exemple, un
régiment qui passe musique en tête,
jouant une simple marche; tout le monde se
trouve ébranlé; il n'y a pas
jusqu'aux enfants qui, même d'une
manière inconsciente, ne marquent la
mesure; les passants se mettent instinctivement
au pas, et un grand nombre sont naturellement
entraînés dans un même
mouvement à suivre la troupe.
-
- Évidemment, cette musique agit
spécialement sur les nerfs moteurs et sur
l'intelligence qui comprend le nombre et la
mesure.
-
- « Mais voici une réunion
d'élite, silencieuse et recueillie dans
un sanctuaire d'artiste: les mélodies
sentimentales de Mozart, de Haydn, de Beethoven
ou de quelques autres grands maîtres se
font entendre. Le prélude, comme un coup
de baguette magique, saisit tout le monde,
l'émotion gagne, et bientôt les
larmes que l'on comprime en vain, brillent dans
tous les yeux et nous révèlent les
sentiments profonds qui ont envahi toute
l'assemblée.
-
- « Évidemment, cette musique agit
spécialement sur les sentiments et sur
les nerfs de la sensibilité. »
-
- De ce qui précède et de
phénomènes analogues, on peut
déduire les propositions suivantes;
chacun peut d'ailleurs en contrôler la
justesse en analysant soigneusement les
faits:
-
- 1° Il y a une musique qui agit
spécialement sur l'intelligence et sur
les nerfs moteurs.
-
- 2° Il y a une musique qui agit
spécialement sur les sentiments et sur
les nerfs sensitifs.
-
- 3° Il y a une musique qui agit tout
à la fois sur les nerfs moteurs et sur
les nerfs sensitifs, sur l'intelligence et sur
les sentiments; en général, c'est
ce qui a lieu le plus souvent.
-
- 4° Mais depuis la musique qui agit le
plus sur l'intelligence et sur les nerfs
moteurs, et celle qui agit le plus sur les
sentiments et les nerfs sensitifs, il y a une
infinité de degrés où
chaque genre trouve sa place.
-
- L'influence de la musique est
générale, il n'y a de
différence que du plus au moins, suivant
la nature des organisations.
-
- Je suis d'abord arrivé à
formuler ces lois, qui permettent de faire en
hygiène et en médecine,
principalement dans les affections mentales, un
usage raisonné et scientifique de la
musique, par l'analyse des faits, des divers
genres de mélodies et de leur influence
directe sur les personnes.
-
- Eh bien, chose des plus remarquables dans le
sujet qui nous occupe, la grande loi de
transmission et de transformation du mouvement
expressif que nous venons d'exposer, nous les
démontre a priori, et nous les donne
comme conséquence. Si nous n'y
étions arrivé par l'analyse la
plus minutieuse des faits, nous y serions
arrivé par cette loi.
-
- Il est facile de le faire voir.
-
- L'artiste ou la personne qui s'exprime dans
la mélodie, imprime d'abord un mouvement
au cerveau, mouvement qui est la manifestation
de son état psychique.
-
- Ce mouvement cérébral ou
psychique se communique aux nerfs, aux muscles,
à l'appareil vocal tout entier; puis, par
les vibrations de l'appareil vocal, à
l'air, et se transforme ainsi en ondes sonores,
mouvement purement physique.
-
- Ce mouvement physique, mais mesuré,
ordonné, des ondes sonores, qui est
l'expression des pensées, des sentiments,
en un mot de l'état psychique de
l'artiste, va se transmettre à l'appareil
acoustique des auditeurs, puis à leur
cerveau; il redevient ainsi
cérébral, et par suite
révèle naturellement,
spontanément, le motif exprimé, ou
l'état psychique de la personne ou de
l'artiste dont il est la manifestation,
puisqu'à un même mouvement
cérébral correspond une même
manifestation psychique et nerveuse.
-
- Mais il n'y a pas seulement ici
compréhension spontanée de la
musique; le mouvement expressif ne
s'éteint pas dans le cerveau auquel il
s'est transmis: nous l'avons vu
précédemment, un mouvement de
retour se manifeste plus ou moins, et tend
à reproduire le mouvement physiologique
et autres qui en dépendent.
-
- Par conséquent, si la musique exprime
un simple mouvement mesuré,
rhythmé, une simple marche, par exemple,
elle tendra à produire sur les auditeurs
une excitation, un mouvement mesuré
rhythmé analogue et une même
inervation; si c'est au contraire un motif
sentimental qui est exprimé, c'est le
sentiment qui sera excité chez les
auditeurs, et l'inervation qui y correspond. Il
n'y a de différence que du plus au
moins.
-
- C'est en effet ce qui a lieu, et ce qui doit
avoir lieu nous l'avons démontré,
nous le répétons, non plus en
suivant le mouvement transmis et
transformé dans ses allures et ses
métamorphoses diverses, mais par
l'analyse minutieuse des genres de musique et
des effets produits directement.
-
- Ainsi, nous arrivons donc au même
résultat par deux voies
différentes qui se confirment l'une
l'autre.
-
- Je ne parle ici que de l'influence directe
de la musique, et non de son influence indirecte
ou nostalgique; c'est une question tout à
fait différente que j'ai
développée ailleurs.
-
- On voit que cette loi explique
également la compréhension
spontanée d'un motif musical par tous les
auditeurs: jusqu'à ce jour ce
problème paraissait inexplicable; on
regardait cette compréhension comme un
fait irréductible et
indémontrable.
-
- Ce que nous venons de dire de la musique,
peut se dire de tous les beaux-arts et de tout
langage ou expression naturelle.
-
- Au lieu d'un motif de musique qui nous
impressionne, que ce soit un cri de joie ou de
profonde douleur, ou même un simple geste
spontané, en un mot, une expression
naturelle quelconque? La même loi de
transmission et de transformation du mouvement
expressif nous expliquera sa
compréhension naturelle et
spontanée, par tout homme, à
quelque nation qu'il appartienne, et quelle que
soit la langue qu'il parle ou qu'il ignore et
l'effet nerveux et psychique qui s'y
rattache.
-
- Il en est pour le geste et pour le cri
naturel produit par un même état
psychique, comme pour le bâillement: les
ondes sonores et les ondes lumineuses ont pour
cause un même mouvement
cérébral, et ces ondes tendent
simultanément ou
séparément, à reproduire ce
même mouvement chez les spectateurs; et de
là, révélation
spontanée de l'état psychique, par
l'une ou par l'autre expression
séparément, ou par les deux
simultanément. Dans ce cas, le geste et
le cri sont des synonymes naturels.
-
- On voit donc également que cette loi
indique la différence essentielle qu'il y
a entre un langage naturel et un langage
conventionnel; différence qui n'avait pas
été établie, ce qui
laissait nombre de problèmes dans
l'impossibilité d'ètre
résolus.
-
- Le langage naturel est un mouvement direct,
immédiat, produit par le jeu, par
l'action des facultés instinctives et
intellectuelles; le langage conventionnel est un
mouvement conventionnel, un mouvement neutre, si
je puis m'exprimer ainsi, auquel on fait
signifier ce que l'on veut. Nous l'avons
rigoureusement établi dans de
précédents Mémoires.
-
- Ce principe explique également,
entres autres problèmes de ce genre, la
nature du langage des animaux, et la
compréhension nécessaire et
spontanée d'un même langage chez
tous les animaux d'une même
espèce.
-
- L'anatomie et la physiologie
comparées ont parfaitement décrit
les organes qui président au cri, et en
général à toutes les
expressions naturelles chez les animaux. Mais
comment ces cris, et tout ce qui constitue le
langage naturel, révèlent-ils
l'état psychique qui leur donne
naissance?
-
- Cette question n'avait pas été
démontrée.
-
- Il n'y a évidemment pas de confusion
à faire de ce mouvement expressif qui
propage les phénomènes à
distance, par l'intermédiaire du milieu
ambiant, avec les mouvements physico-chimiques
nécessaires à l'entretien et au
fonctionnement de l'organisation; ces mouvements
physico-chymiques peuvent se produire
simultanément avec la propagation du
mouvement expressif dans le milieu
physiologique, mais ils ne le dénaturent
pas et ne se confondent pas avec lui.
-
- Il est évident que ce mouvement est
également d'une autre nature que le
mouvement chimico-calorifique,
étudié pour la première
fois en 186o, par M. Béclard,
l'éminent secrétaire
perpétuel de l'Académie de
médecine. Le savant physiologiste a eu
pour but de démontrer que dans la
contraction musculaire avec charge, il y a
disparition d'une certaine quantité de
chaleur qui se transforme en mouvement.
-
- M. Marcy, de l'Institut, s'est de même
particulièrement occupé, et avec
le plus grand succès, de la
transformation des diverses forces dans
l'organisation; on peut voir sur ce sujet son
remarquable ouvrage sur la machine animale.
-
- Mais le mouvement expressif qui nous occupe,
ne rentre dans aucune de ces études.
-
- On ne le confondra pas non plus avec les
mouvements réflexes, d'abord si bien
observés au commencement de ce
siècle par Proschaska, et si bien
décrits ensuite par tous les
physiologistes. Cependant, des affections et des
phénomènes nerveux qui se
propagent à distance, peuvent avoir pour
origine un mouvement semblable; par exemple,
chez la première personne qui manifeste
le bâillement, ce phénomène
peut être le résultat d'un
mouvement réflexe, mais ce même
bâillement produit par contagion n'a
évidemment plus la même
origine.
-
- Résumé et
conclusion
-
- Cette loi de la transmission et de la
transformation du mouvement expressif,
démontre donc qu'un mouvement
cérébral quelconque peut se
propager à distance; qu'il peut aller se
reproduire d'une manière identique ou
analogue dans des cerveaux d'une même
espèce, en faisant renaître tous
les phénomènes qui en
dépendent. Cette loi est donc
évidemment une des plus vastes lois
physiologiques formulées jusqu'à
ce jour, puisqu'elle a sous sa dépendance
les phénomènes de l'instinct et de
l'intelligence qui se manifestent
simultanément avec le mouvement
cérébral, et les
phénomènes de l'inervation qui s'y
rattachent.
-
- De prime abord, on serait peut-être
porté à croire que cette loi agit
d'une manière fatale chez l'homme comme
chez l'animal.
-
- Mais si on y regarde plus attentivement, on
verra qu'elle tend à mettre la
liberté morale pleinement en relief; car,
quand le mouvement cérébral se
produit et qu'il sollicite la reproduction du
phénomène, on peut, sauf
exception, par une volonté
énergique, résister à ce
mouvement, le neutraliser plus ou moins, et
quelquefois en triompher complètement;
comme on peut également, avec le concours
de la volonté, le développer et
accentuer le phénomène. Cela est
d'expérience journalière et tout
à fait incontestable.
-
- Voici comment cette loi nous paraît
devoir être formulée:
-
- Un mouvement purement physique peut se
transformer en mouvement physiologique et en
mouvement psychique ou cérébral,
en se transmettant à ces divers milieux;
et, réciproquement, un mouvement
psychique peut se transformer en mouvement
physiologique et en mouvement physique en se
transmettant d'un milieu à un autre, et
cela, sans se dénaturer;
c'est-à-dire qu'il reproduit les
mêmes phénomènes
après toutes ces transmissions et ces
transformations, en repassant dans un même
milieu.
-
- Nous avons démontré, par des
faits bien précisés, que les ondes
sonores aussi bien que les ondes lumineuses
peuvent, simultanément ou
séparément, servir
d'intermédiaire pour la propagation
à distance du mouvement
cérébral, et, par
conséquent, des affections et des
phénomènes nerveux qui en
dépendent.
-
- Nous avons cité des faits qui font
voir l'influence de la répétition
sur la propagation des affections et des
phénomènes qui nous occupent; ils
font voir également combien la simulation
de ces affections et de ces
phénomènes augmente les
prédispositions à leur
égard.
-
- Nous avons indiqué plusieurs
problèmes importants que cette
propagation du mouvement cérébral
à distance peut résoudre, et nous
en avons fait une application spéciale
à l'influence de la musique sur le
physique et sur le moral; influence que nous
avions déjà
déterminée par l'analyse directe
des faits: nous sommes ainsi arrivé au
même résultat par deux voies
différentes qui se confirment l'une
l'autre.
-
- Il y a quelques années, il aurait
été impossible, il me semble, de
formuler ce principe d'une manière
complète, la théorie de
l'ondulation pour la lumière
n'était pas suffisamment établie,
et la théorie de l'émission avait
encore de nombreux adhérents: des hommes
aussi célèbres que Laplace et
Malus, morts l'un en 1812, l'autre en 1827, et
Riot et Brewster qui furent nos contemporains,
professaient encore la théorie de
l'émission qui est aujourd'hui
complètement abandonnée, la
théorie de l'ondulation étant
établie scientifiquement.
-
- On n'était guère plus
avancé pour la cause réelle de
plusieurs autres faits qui rentrent dans notre
sujet, et avant que la théorie de la
transformation des forces, qui est
également récente, fût
admise dans les sciences physiques, les savants
n'osaient trop s'aventurer dans la voie suivie
aujourd'hui.
-
- Les sciences physiologiques laissaient
également beaucoup à
désirer sous ce rapport; le siège
principal des facultés instinctives et
intellectuelles n'était pas suffisamment
déterminé, ainsi que le rôle
simultané des mouvements
cérébraux qui accompagnent les
manifestations de ces facultés.
-
- Mais aujourd'hui toutes ces données
de la science sont suffisamment
élaborées pour nous permettre,
avec toute la rigueur de la plus
sévère logique, la
généralisation que nous venons
d'exposer et dont il est facile de
vérifier l'exactitude. Et, comme nous
l'avons indiqué, cette
vérification a été
déjà faite par des maîtres
éminents.
-
-
- Jean Rambosson,
- n° 6, rue Cassini, près de
l'Observatoire, PARIS.
- Rizzolatti, G., Fadiga, L., Fogassi, L.
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- lacoboni
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