La reconnaissance des visage est une
fonction complexe et les données de la
pathologie ont permis des progrès dans
sa compréhension. Ainsi, la
prosopagnosie est un trouble de la
reconnaissance et de l'identification des
visages sous le seul contrôle de la
vue. Le patient qui en est atteint ne
reconnaît pas les visages de ses
proches, ni le sien sur une glace, les
photographies des personnages
célèbres qui lui sont
présentées ne sont pas
identifiées, il ne différencie
pas les sexes à partir du visage, ne
peut apprécier l'âge de la
personne qui lui fait face et signale
volontiers que ses interlocuteurs ont un
visage terne et sans expression. Cependant,
ce même malade est souvent capable de
nommer, en les distinguant, les
différentes parties du visage qu'il a
devant lui, mais il ne peut en
réaliser une synthèse connue.
Tous les degrés existent entre
l'impossibilité totale à
reconnaître les visages et une simple
difficulté nécessitant
la pratique
de tests adaptés pour la mettre en
évidence. Ce trouble très
particulier pose des problèmes
spécifiques concernant les
possibilités de compensation, la
localisation de la lésion droite ou
gauche, la durée des troubles en
fonction de l'importance et de
l'étendue des lésions.
- Les mécanismes de compensation
:
- Au début, seul le recours
à une source d'information
différente de la vue permet
l'identification des visages et le patient
reconnaît son interlocuteur
d'après la voix. C'est dire qu'il
aura tendance à laisser à
l'autre l'initiative de la conversation
afin de l'identifier.
Dans un deuxième temps, une
stratégie sera mise au point,
permettant de compenser le trouble et de
reconnaître : l'interlocuteur
grâce à la vue et
indépendamment de la voix. En effet,
si le visage ne peut être
identifié, il peut être
exploré et ses principaux traits
analysés. Le patient en perçoit
les particularités, les analyse
correctement : couleur et coupe des cheveux,
présence ou non de moustache, de
barbe, tâches congénitales ou
cicatrices, accessoires divers comme des
lunettes (forme, monture), une pipe. Des
indices complémentaires lui seront
fournis par l'étude de la corpulence,
de la démarche, des vêtements et
également de l'environnement :
l'interlocuteur se trouve-t-il dans un lieu
familier ou non ? Dans le premier cas en
effet, le champ de ses recherches s'en trouve
réduit.
Les signes cliniques associés,
importants à considérer,
orientent vers une atteinte du carrefour
occipito-temporal droit, les plus
fréquents étant des troubles du
champ visuel, surtout gauches, plus rarement
bilatéraux, des troubles de
l'orientation spatiale et un
déficit de la mémoire
topographique, une apraxie de l'habillage,
une apraxie constructive, des troubles du
schéma corporel. Il est à
l'inverse rare qu'une aphasie, une apraxie
idéatoire et idéo-motrice lui
soient associées.
Ces constatations orientent vers une
localisation lésionnelle
hémisphérique droite (Les
lésions concernent surtout la
région temporo-occipitale droite et
les atteintes bilatérales sont
fréquentes) . Il est d'ailleurs
difficile de ne pas mettre en
parallèle la stratégie mise au
point par les prosopagnosiques avec celle
observée chez des patients atteints de
troubles de la mémoire topographique,
l'hémisphère gauche avec ses
capacités d'analyse, vient ici aussi
compenser les troubles liés à
la lésion hémisphérique
droite. En effet, lorsque des visages connus
et inconnus sont présentés
à des patients atteints d'une
lésion hémisphérique
droite ou gauche, il s'avère que les
lésions droites sont à
l'origine du plus grand nombre d'erreurs lors
de la reconnaissance des visages connus et la
lésion gauche dans l'analyse des
visages inconnus. Dans un même ordre
d'idées, si l'on soumet des sujets
cérébro-lésés
à un test de reconnaissance de
l'expression des visages, soit de type
émotionnel, soit de type
conventionnel, on note un déficit
objectif de la reconnaissance des expressions
émotionnelles dans les lésions
droites et des expressions conventionnelles
dans les lésions gauches. Ces faits
amènent à penser que
l'hémisphère droit et le gauche
ont des fonctions différentes dans
l'analyse et l'appréhension des
visages. Au premier revient la reconnaissance
globale et l'appréciation des
émotions qui s'expriment, au
deuxième J'analyse des traits du
visage qui, dans le cas de la prosognosie,
est à la base des mécanismes de
compensation.
Reste le problème de l'uni- ou
bilatéralité des
lésions: lorsqu'elles sont
unilatérales, elles sont surtout
droites et la récupération
semble plus rapide, la
bilatéralité expliquant
probablement la longue durée du
syndrome dans certaines observations.