- Contagion du rire. - Cest à
Chevreul (Lettre de Chevreul
à Ampère. Revue des Deux-Mondes, 1
er mai 1831) que l'on doit sa
première interprétation
scientifique. La tendance
déterminée en nous par la vue d'un
corps en mouvement, dit-il, se retrouve dans
plusieurs exemples :
-
- « 1° Lorsque l'attention
étant entièrement fixée sur
un oiseau qui vole, sur une pierre qui fend
l'air, sur de l'eau qui coule, le corps du
spectateur se dirige d'une manière plus
ou moins prononcée vers la ligne du
mouvement;
-
- « 2° Lorsqu'un joueur de boule ou
de billard, suivant de l'il le mobile
auquel il a imprimé le mouvement, porte
son corps dans la direction qu'il désire
voir suivre à ce mobile, comme s'il lui
était possible encore de le diriger vers
le but qu'il a voulu lui faire atteindre.
-
- « La tendance au mouvement dans un sens
déterminé, résultant de
l'attention qu'on donne à un certain
objet, me semble la cause première de
plusieurs phénomènes qu'on
rapporte généralement à
l'imitation. Ainsi dans le cas où la vue
et même l'audition porte notre
pensée sur une personne qui
bâille, le mouvement musculaire du
bâillement en est ordinairement chez nous
la conséquence.
-
- « Je pourrais en dire autant de la
communication du rire et cet exemple même
présente, plus que tout autre analogue,
une circonstance qui me paraît appuyer
beaucoup l'interprétation que je donne de
ces phénomènes; c'est que le rire
faible d'abord, peut, s'il se prolonge,
passez-moi l'expression
s'accélérer (comme nous avons vu
les oscillations du pendule tenu à la
main augmenter d'amplitude sous l'influence de
la vue) et le rire s'accélérant
peut aller jusqu'à la convulsion.
»
-
- Qu'il s'agisse des oscillations du pendule
ou des vibrations du rire, le mérite de
Chevreul est d'avoir vu que ces deux
phénomènes ont une cause
psycbologique et tiennent à l'état
d'esprit de l'observateur. D'un seul mot, on
voit qu'il a attribué le
phénomène à ce que l'on
désigne sous le nom de pouvoir moteur des
images.
-
- Mais, comme le fait remarquer Gley, chaque
groupe d'images n'est pas également
important chez tous les individus. On sait
très bien que les uns ont plutôt
des images auditives; les autres sont
plutôt des visuels et les autres des
moteurs.
-
- Penser à un nom pour les uns, c'est
donc surtout et pour quelques-uns même,
c'est exclusivement entendre ce nom (image
auditive); pour les autres c'est le voir; pour
d'autres encore c'est le prononcer (image
motrice d'articulation), ceux que Charcot
appelle « les indifférents
».
-
- Pour toute une classe d'individus, les
moteurs, se représenter un rire c'est
souvent en ébaucher déjà
l'exécution ceux-là rient
volontiers leurs pensées gaies.
-
- Nous ne pouvons ni voir, ni entendre, ni
sentir d'une façon générale
un individu dans un état affectif
quelconque sans que nos organes participent,
dans une certaine mesure et proportionnellement
à notre excitabilité, aux
modifications que ses propres organes
éprouvent.
-
- Si les modifications organiques du
témoin acquièrent une certaine
intensité, elles s'accompagnent d'un
état de conscience qui constitue
l'émotion sympathique.
-
- On connaît le mot de Shakespeare :
« Nous ne connaissons les autres que par
nous-mémes et nous vibrons à
l'unisson pour les mieux connaître
».
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- La vue d'une émotion rieuse provoque
la reproduction de ces signes et
conséquemment la reproduction de
l'émotion. Ce qui indique que les
variations circulatoires sont antérieures
aux variations affectives.
-
- Plus nombreux et plus énergiques sont
ces signes, plus intense est l'émotion
communiquée.
-
- Le rire se propage dans les foules souvent
sans éveiller la conscience individuelle,
par une simple imitation réflexe de
mouvements (induction psychomotrice). Celle-ci
donne lieu à des impulsions collectives
irrésistibles.
-
- Je sais un tiqueur, à accès de
fou rire, dont toute la famille partageait
parfois les crises car « quelque
impatientants, comme dit Champfort, que soient
les gestes de ceux avec qui nous vivons nous ne
laissons pas d'en prendre une partie
».
-
- D'ailleurs dans le rire d'une foule, la
connaissance des causes de cette
gaîté augmente encore
l'intensité de la contagion et la
spécifie.
-
- Mais au rire, comme à toute
contagion, l'homme peut se faire une «
immunité ».
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