- En 1887, Charcot et Richer publient «
Les démoniaques dans l'art ». Pierre
Marie, dans sa critique de La Revue Neurologique
de 1887, commente : « Ils ont soumis
celles-ci (cf les uvres d'art) à
une analyse délicate qui, séparant
ce qu'avait créé la seule
imagination de ce qui était le fruit
d'une observation éclairée, et
quelquefois géniale, leur a permis
d'établir la valeur documentaire de ces
diverses uvres. Ils ont ainsi
montré, d'une façon
irréfutable, que les prétendues
convulsions des démoniaques
n'étaient que des attaques
hystéro-épileptiques et,
qu'à ce point de vue, les
caractères de l'hystérie dans les
siècles passés ne
différaient en rien de ceux qu'on observe
aujourd'hui » (55).
-
- C'est en cette année-là que
Paul-Oscar Blocq (1860-1896) arrive chez
Charcot. Il appartient à la liste des
brillants médecins fauchés
prématurément alors que leur
contribution au progrès médical
semblait si prometteuse. Reçu interne au
concours de 1882, après être
passé chez Simon Duplay (1836-1924),
Xavier Gouraud (1837-1906), Victor Audhoui,
Maurice Letulle (1853-1929), il effectue sa
dernière année chez Charcot.
-
- Paul Blocq, interne en
1887
- ©
Extrait de l'Album de l'internat de La
Salpêtrière conservé
à la Bibliothèque Charcot à
l'hôpital de la
Salpêtrière
- (Université
Pierre et Marie Curie, Paris)
-
- Inspirée et présidée
par le maître, il soutient sa thèse
en 1888, « Des contractures » (56).
Aidé par Pierre Marie, chef du
laboratoire et Joseph Babinski, chef de
clinique, il illustra celle-ci de dessins de
Paul Richer. Il y relate les travaux de Brissaud
sur l'auscultation des muscles, notant : «
lors de la contracture permanente des
hémiplégiques, il existe une
différence manifeste entre le roulement
régulier et sonore que produit la
contraction et le son faible et inégal
que donne le muscle contracturé ».
Il distingue clairement les différences
cliniques et anatomopathologiques entre les
contractures permanentes de
l'hémiplégie et de la
sclérose en plaques des contractures,
qu'il baptise spasmodiques et d'origine
hystérique, considérées de
nos jours comme des dystonies. En compagnie d'un
étudiant roumain en stage chez Charcot,
Georges Marinesco (1864-1939), il publie, en
1893, un cas de maladie de Parkinson secondaire
à une tumeur de la substantia nigra, qui
sera à l'origine de la théorie
soutenue par Brissaud d'un dysfonctionnement de
cette structure dans l'étiologie de la
maladie de Parkinson. Toujours avec Marinesco,
il sera le premier à décrire les
plaques séniles dans l'épilepsie
en 1892.
-
- Malgré son décès
à 36 ans, il eut le temps d'écrire
plusieurs livres : avec Victor Babès
(1854-1926), publié à Berlin en
1892 et en allemand, Atlas der pathologischen
Histologie des Nervensystems; en 1891, Charcot
avait préfacé « L'anatomie
pathologique de la moelle épinière
» écrit avec Albert Londe
(1858-1917); dans la bibliothèque
Charcot-Debove, « les troubles de la marche
dans les maladies nerveuses »; et pour les
médecins de famille « Maladies
nerveuses, sémiologie et diagnostic
». Dans le Traité de médecine
de Charcot-Bouchard-Brissaud, il rédigea
les chapitres paralysie générale
avec Gilbert Ballet (1853-1916) et les
chorées, dans la première
édition, auxquels s'ajouta Les
myoclonies, dans la deuxième
édition.
-
-
- Charles Richet (1850-1935) lui demanda de
rédiger l'article agraphie de son
dictionnaire de physiologie paru en 1895.
-
- Le 18 novembre 1892, lors de la
réunion de la Société
Médicale des Hôpitaux, Babinski
déclare présenter, au nom de
Blocq, un instrument construit par les
établissements Mathieu afin
d'étudier les réflexes (57).
Couramment appelé marteau de Babinski, il
semble que celui-ci en assura la
notoriété mais que sa forme naquit
dans l'esprit de Blocq. Voici la description
donnée par Babinski : « J'en arrive
à la percussion. Elle ne doit pas
être pratiquée, ainsi que beaucoup
le font encore, avec le bord cubital de la main,
procédé dont un des
inconvénients, entre autres, consiste en
ce que le coup porte sur une surface trop
étendue. Il y a lieu de se servir d'un
marteau percuteur dont on fabrique
différents modèles. En voici deux
dont je fais le plus habituellement usage. L'un
se compose d'un manche en acier nickelé,
long de 20 à 25 centimètres,
fixé au centre d'un disque de même
substance qui, à sa circonférence,
est creusé d'une gorge garnie d'un anneau
en caoutchouc. Dans le deuxième
spécimen, qui a pour avantage de pouvoir
être mis plus facilement dans la poche, le
manche est semblable au précédent,
mais le disque est remplacé par une
plaque rectangulaire qui se trouve dans le
même plan que le manche; elle est munie
également d'un anneau de caoutchouc dans
sa cannelure périphérique. Ces
marteaux sont doués de
l'élasticité qui convient à
la fonction qu'ils sont appelés à
remplir » (58).
-
- Mais sa notoriété posthume a
été essentiellement assurée
par sa description princeps de
l'astasie-abasie, c'est à dire
à l'impossibilité de tenir debout
et de marcher alors que la motricité des
membres inférieurs est normale, en
décubitus. Curieusement, s'il relie
l'installation du trouble à une forte
émotion, il le distingue de
l'hystérie mais note avec
précision ses différences avec
l'ataxie cérébelleuse. Paul
Berbez, Joseph Grasset
(1849-1918), Paul Ladame (1871-1919) de
Genève, José-Dantas Souza Leite et
d'autres publièrent à la suite des
observations comparables. Que ce soit Pierre
Marie, Hermann Oppenheim (1858-1919) à
Berlin, Adolf Strümpell (1853-125) à
Erlangen ou Samuel Kinnier Wilson à
Londres ou Emil Kraepelin (1856-1926) à
Mecklembourg, tous se référeront
à l'article de Blocq pour décrire
ce tableau clinique considéré,
aujourd'hui, comme somatoforme (59,60).
-
- C'est dans ces moments que Charcot publie
« Les leçons du Mardi »,
années 1887-1888, dont le premier tirage
manuscrit est magnifiquement
lithographié. Alphonse Daudet le remercie
de l'exemplaire que Charcot lui a envoyé
: « Limpidité, solidité,
concision et ces grands traits à la
Tacite, qui sont d'un poète autant que
d'un observateur, voilà ce qui m'a saisi
dans votre livre que j'ai lu dans la
fièvre et dans la douleur. Mais vous
savez que chez moi, jusqu'à
présent, le littérateur et le
songeur sont plus forts que le tabétique.
Merci, cher Maître ami, d'avoir
songé à votre vieux malade »
(3).
-
-
- 56. Blocq P. Des contractures. Paris. Le
Progrès Médical. 1888.
-
- 57. Babinski J. Présentation
d'instrument. Bulletins et Mémoires de la
Société Médicale des
Hôpitaux de Paris. 1892;16:435-436.
-
- 58. Lanska DJ. The history of reflex
hammers. Neurology. 1989;39:1542-1549.
-
- 59. Pasteur W. Thyssen on Astasia Abasia.
Brain. 1891;14:566-567.
-
- 60. Okun MS., Koehler PJ. Paul Blocq and
(psychogenic) Astasia Abasia. Movements
Disorders. 2007;2:1373-1378.
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