- Dans une Leçon de juin 1868, Charcot
avait présenté « deux cas
d'atrophie musculaire progressive avec
lésions de la substance grise et des
faisceaux antéro-latéraux de la
moelle épinière ». Mais c'est
de 1874, que date la publication
complète, réellement princeps, de
la sclérose latérale amyotrophique
devenue maladie de Charcot en Europe et Lou
Gehrig's disease en Amérique du
Nord.
-
- Né à Verdun, Antoine-Auguste
Pierret (1845-1920) est reçu interne en
1871 et succède chez Charcot, en cette
année 1874, à Debove.
Charcot l'oriente vers son laboratoire. Ils
publièrent ensemble le résultat de
leurs recherches sur « L'altération
de la substance grise de la moelle
épinière dans l'ataxie
locomotrice, considérées dans
leurs rapports avec l'atrophie musculaire qui
complique quelquefois cette affection »
dans les Archives de physiologie. Pierret
soutint sa thèse en 1876 sur « Les
symptômes céphaliques du
tabès dorsalis » dans laquelle il
conteste tout rôle au cervelet dans
l'ataxie et argue de lésions du trijumeau
et du nerf auditif dans le tabès pour
confirmer le rôle essentiel de l'atteinte
lésionnelle des cordons et racines
postérieures de la moelle.
-
- Antoine-Auguste Pierret en
1874
- © Extrait
de l'Album de l'internat de La
Salpêtrière conservé
à la Bibliothèque Charcot à
l'hôpital de la
Salpêtrière
- (Université
Pierre et Marie Curie, Paris)
-
- Aussitôt après, il est
nommé professeur d'anatomie pathologique
à l'ouverture de la nouvelle
faculté de Lyon en 1877. Avant
d'être interne de Charcot, il avait
commencé des travaux d'anatomie
pathologique consacrés à
l'étude du développement de la
moelle chez l'être humain comparativement
aux animaux qui paraîtront dans les
Archives de Physiologie de septembre 1873. Des
études analogues parurent quinze jours
plus tard dans Archiv der Heilkunde sous la
signature de Paul Flechsig (1847-1929) de
Leipzig.Pierret revendiqua haut et fort la
paternité de ce travail : « Je tiens
à m'élever contre la
prétention de M. Flechsig à
s'attribuer la découverte de cette loi :
que les régions du système nerveux
physiologiquement distinctes jouissent d'une
évolution anatomique spéciale et
le plus souvent suffisante pour faire
prévoir leurs aptitudes pathologiques. La
connaissance de cette loi que M. Flechsig ne
craint pas de donner comme un résultat
nouveau de ses recherches, est le fruit
déjà ancien de celles que j'avais
entreprises sous la direction de M. Charcot,
à La Salpêtrière
».
-
- Son expertise le porta vers l'étude
approfondie de l'anatomie du nerf trijumeau et,
là encore, de l'anatomie comparée
avec « les vertébrés
inférieurs ». Victime de malaises
répétés au laboratoire,
probablement par intoxication formolée,
il obtient d'abandonner sa chaire pour celle des
maladies mentales.
-
- Réputé pour ses cours de
clinique psychiatrique, donnés à
l'Asile de Bron, il s'inspira de Charcot en
donnant des causeries attirant une foule de
curieux non-médecins qui jubilaient de
l'éloquence avec laquelle il
lançait des formules imagées qu'il
associait à des dons d'acteur pour mimer
les malades, servi en cela par une belle
prestance. Il tenta de montrer par ses
recherches que des infections ou des
intoxications pouvaient être la cause de
maladies mentales.
-
- Enfin sa mémoire est attachée
à son rôle d'expert judiciaire dans
« L'affaire Vacher ». Joseph Vacher
(1869-1898), tueur en série,
surnommé « l'éventreur du
Sud-Est », militaire connu pour ses
violences, est placé, en 1893, à
l'asile après avoir tiré sur une
jeune femme qui refusait de l'épouser.
Ayant retourné l'arme contre lui, il
reste sourd avec une paralysie faciale. Un
rapport médico-légal le
déclare atteint d'aliénation
mentale avec délire de
persécutions le rendant irresponsable de
ses actes. Après être resté
interné un an, il est
libéré et déclaré
guéri. Vagabond sans ressources, il
assassine sa première victime un mois
plus tard. Suivront onze autres meurtres
abominables, suscitant une puissante
réprobation populaire en raison des
mutilations génitales qu'il faisait subir
à toutes ses victimes. Il n'est seulement
arrêté qu'en 1897, en flagrant
délit. L'affaire défraie la
chronique, d'autant que Vacher offre ses aveux
dans une lettre en forme de déclaration
« A la France » parue dans « Le
Petit Journal ».
-
- Une immense campagne d'opinions oppose les
tenants de l'irresponsabilité pour cause
de maladie mentale et les tenants de la
légitime nécessité de la
société de se séparer de
tels criminels dangereux. Le juge d'instruction,
insatisfait d'une première expertise
concluant à l'irresponsabilité,
nomme trois sommités lyonnaises :
Alexandre Lacassagne (1843-1924), professeur de
médecine légale, Auguste Pierret
et Fleury Rebatel (1845-1905) directeur d'un
asile de Lyon. Ils rendent, en 1898, leurs
conclusions : Vacher est un assassin sadique et
simulateur apte à la condamnation. Il
sera exécuté. Le rapport final
illustre une évolution majeure des
expertises psychiatriques de cette fin de
siècle. Alors que Vacher aurait
probablement été, dans le premier
tiers du XIXe siècle,
considéré par les médecins
aliénistes comme un irresponsable, les
experts de 1897 ont concilié dans leur
appréciation le diagnostic de
l'anormalité psychique avec un constat de
responsabilité pénale.
-
- Cette position préfigure un processus
de responsabilisation des malades mentaux qui
sera toujours en débat un siècle
plus tard... Le cinéaste Bertrand
Tavernier s'est inspiré de cette histoire
en tournant son film « Le juge et
l'assassin » en 1976.
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