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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 

mise à jour du
3 juin 2004
tome II
p231-233
Germer-Baillière ed
BRACHET Jean-Louis
Givors 21 avril 1789 - 10 avril 1858 Lyon
 
Physiologie élémentaire de l'Homme
1855
Traité de l'Hystérie 1854

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Chirurgien adjoint de l'Hôtel-Dieu de Paris (1813)
Médecin de l'Hôtel-Dieu de Lyon (1818)
Professeur à l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Lyon (1854-58)
 
Jean-Louis Brachet une médecin méconnu à l'aube des Neurosciences
Jean-Louis Brachet (1789-1858). A forgotten contributor to early 19th centrury neurology
brachet
On fait, en général, consister le bâillement dans une grande et profonde inspiration qui se fait lentement et avec abaissement considérable de la mâchoire inférieure, de l'os hyoïde et du larynx, et à laquelle succède une expiration prolongée et accompagnée d'un bruit sourd particulier; on l'attribue soit au besoin de renouveler l'air des poumons , soit au besoin d'en introduire une plus grande quantité pour fournir plus d'oxygène au sang, dont le cours était gêné, et qui, par conséquent, en a besoin, soit enfin à un sentiment de malaise qui se manifeste dans le fond de la gorge, à la partie supérieure du cou.
 
Telle n'est pas notre manière de voir. Ce n'est pas seulement à cette contraction convulsive des muscles de la face et du cou, ce n'est pas à cette colonne d'air plus large qu'elle promène dans les voies aériennes, que nous restreignons l'action de ce phénomène. Le bâillement n'est pas un phénomène purement local appartenant exclusivement, à la respiration : c'est un phénomène général appartenant à l'économie tout entière.
 
On bâille lorsque l'ennui, l'envie de dormir, l'engourdissement du réveil, le besoin de manger, une mauvaise digestion, les menaces d'une asphyxie, le malaise qui précède les fièvres intermittentes, annoncent que l'économie tout entière est dans un état de torpeur et d'engourdissement qui peut devenir funeste, et contre lequel elle s'efforce de lutter; on bâille encore dans le vide, ou dans un air trop rare ou trop dépouillé d'oxygène.
 
Qu'on l'examine bien, alors le bâillement ne consiste pas seulement dans cette grande ouverture de la bouche, les bras se soulèvent, s'étendent et se contractent fortement; on sent tous les muscles du tronc se contracter aussi, et bien souvent les membres inférieurs joignent leur contraction à celle des membres supérieurs. Bien plus, s'il arrive qu'il ne s'opère du bâillement que les phénomènes relatifs au mécanisme de l'inspiration, presque toujours alors des pandiculations plus on moins fortes et prolongées lui succèdent ; mais il ne faut pas pour cela confondre ces deux phénomènes : l'un appartient exclusivement à la contraction des muscles du tronc et des membres; l'autre est l'expression d'un phénomène particulier de la respiration. Comme leur cause est la même et qu'on les voit survenir dans les mêmes circonstances et se combiner le plus souvent, il est permis de les étudier ainsi réunis, et d'en tirer des conséquences relatives au bâillement. Cela est si vrai, qu'il n'y a pas d'acte vital soit plus impérieusement commandé par le besoin de l'imitation. Lorsque nous voyons bâiller quelqu'un, presque toujours nous bâillons aussi, ou bien nous sommes obligés de faire de grands efforts pour nous en empêcher.
 
Certes, alors la circulation n'éprouve aucun ralentissement. On sait aussi avec quelle facilité on arrête le bâillement et son besoin en fixant fortement l'attention sur un objet, et sans rien changer à la circulation ni à la respiration. Si cette grande inspiration n'avait lieu que pour oxygéner du sang, on pourrait la remplacer en faisant volontairement une grande inspiration, ou en accélérant le mouvement de la respiration. Mais il n'en est point ainsi; car, lorsque le besoin de bâiller se fait sentir, c'est en vain qu'on fait de grandes inspirations ou qu'on précipite la respiration : ce besoin persiste, et il faut qu'il soit satisfait par l'accomplissement de son mécanisme spécial.
 
Ainsi, nous pensons que le bâillement a lieu, de même que les pandiculations, lorsque le cerveau, averti de l'engourdissement dans lequel tombe l'économie, cherche à en prévenir les suites en sollicitant des actes d'excitation et de réveil; alors tous les muscles de l'économie se contractent, aussi bien ceux de la locomotion que ceux de la respiration. Cette contraction générale est déjà un moyen de stimulation; en outre, elle exprime des tissus le sang qui y languissait, et elle active la circulation; mais la respiration y joue bien certainement le rôle le plus-grand, à cause de l'importance de ses actes. Etant ainsi ranimée, elle ranime aussi, la circulation qui va ensuite porter, avec plus d'activité aux organes, un sang plus riche et plus abondant; aussi, après le bâillement et ses pandiculations, voit-on succéder un sentiment de bien-être au sentiment d'embarras et de gêne qui les avait provoqués.
 
La cause du bâillement réside donc principalement dans une sensation de malaise général et d'engourdissement qui amène le besoin de respirer largement et d'une manière particulière. Ce besoin est senti par l'encéphale, qui réagit sur les muscles pour les faire contracter convenablement. Mais une fois que cette contraction est commencée, quoique exécutée par des muscles soumis à l'empire de la volonté, elle s'achève, non seulement à l'insu de la volonté, mais bien souvent malgré elle, par un entraînement impérieux et irrésistible. C'est donc sous l'empire d'un pouvoir réflexe que s'exécute ce phénomène. Il est inutile d'expliquer par quel mécanisme la bouche s'ouvre largement et la poitrine se dilate lentement et, grandement; nous ferons seulement observer que cette bouche largement ouverte ne correspond pas à la quantité d'air qui y est introduite; car souvent, avec cette ouverture énorme, la respiration est suspendue, et l'inspiration ne s'exécute pas. Aussi le bâillement complet est-il quelquefois longtemps à se faire attendre, en ne s'effectuant que par une sorte d'alternative d'inspiration , de suspension et même quelquefois d'expiration. Cependant l'inspiration finit toujours par être grande et profonde. Mais , nous le répéterons, c'est plutôt pour donner de l'activité aux organes de la respiration et consécutivement à ceux de la circulation , que pour oxygéner une plus grande quantité de sang, dont rien ne prouve la stase dans les cavités droites du cœur.
 
Comme il y a des personnes qui bâillent habituellement, et très facilement, on a cherché quelles pouvaient être les conditions les plus favorables au bâillement, et l'on a cru trouver cette aptitude plus grande chez les personnes douées d'un tempérament lymphatique ou affaiblies par différentes circonstances, et chez les enfants. Mais cette remarque fût-elle vraie , elle n'expliquerait pas pourquoi ces personnes y sont ainsi plus disposées.
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