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Biographies de neurologues
 
Nouvelle Iconographie de La Salpêtrière
 
 L'histoire des neurosciences à La Pitié et à La Salpêtrière J Poirier
The history of neurosciences at La Pitié and La Salpêtrière J Poirier 
 

mise à jour du
20 janvier 2005 
1867
De l'impaludisme
Pierre-Henri Duboué de Pau
1834-1889
 
Chapitre premier page 164-168
Appareil respiratoire

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duboue impaludisme
 
 
Cavité nasale
 
Le seul symptôme important que j'aie à signaler, consiste dans une épistaxis plus ou moins abondante, pouvant aller jusqu'au point de faire naitre des inquiétudes sérieuses, et, cette épistaxis, comme tout phénomène morbide de nature palustre, cesse brusquement pour revenir à l'improviste, sans qu'il soit possible. d'expliquer ces hémorrhagies par une lésion appréciable de la cavité nasale. Je n'ai vu que quatre cas bien probants d'épistaxis de cette nature; et je les rapporterai ailleurs (voir obs. XXXII, XXXIII, XXXIV et XXXVIII), en raison des particularités intéressantes qu'ils présentent.
 
J'ai observé, dans un cas, la respiration suspirieuse, dans un acceès qui a été suivi de mort malgré l'amélioration des plus réelles qui avait précédé cet accès (voir obs. XXXII).
 
La toux est un symptôme qui se montre dans certaines formes exceptionnelles d'impaludisme, et j'en ai vu pour ma part une douzaine d'exemples incontestables, et ce symptôme s'est offert à mon observation par petites séries de trois on quatre cas simultanés. Dans le courant d'octobre et de novembre derniers (1866), par exemple, j'ai vu quatre faits de ce genre: la toux, dans ces cas, est forte, sonore, stridente et comme caverneuse, survient par quintes d'une grande violence apparente, et il semble, à entendre les malades, qu'on doit trouver des désordres considérables dans la poitrine. Telle est du moins l'impression que j'ai reçue, en entendant cette toux pour la première fois, il y a sept ans, chez un de mes malades. Or, j'ai été tout étonné de trouver à l'auscultation, tous les caractères d'une respiration normale. J'avais affaire, dans ce cas, à une fièvre intermittente franche, et j'ai été non moins surpris de vor cette toux céder, avec une merveilleuse rapidité, à quelque doses de sulfate de quinine II m'est impossible d'exprimer par des mots ce timbre particulier que l'oreille perçoit, mais je puis dire qu'il suffit de l'entendre une fois pour être sûr plus tard de ne pas le méconnaltre.
 
 
OBS. XV. - Je citerai à ce propos un fait des plus singuliers et qui m'a beaucoup frappé. Me trouvant un jour par hasard, chez un de mes amis (il y a quatre ou cinq ans), j'entends tout à coup sortir de la chambre voisine trois ou quatre sons secs et saccadés de cette toux vibrante et caverneuse: « Voilà une toux à quinine, dis-je au père, quel est donc ce malade? C'est mon fils aîné, me répondit-il, qui tousse ainsi depuis quelques jours et, en le voyantt si bien portant, je n'avais pas songé â vous le dire». Or, comme je jouissais, dans cette famille, de la confiance la plus absolue, qu'on savait d'aileurs, à n'en douter, que je ne me livrais jamais, à des essais aventureux, j'obtiens sans difliculté et moyennant quelques bons mots dont je me laisse accabler, qu'on administre mon sulfate, comme je l'entends faire et aux doses que je veux. L'enfant, qui avait 12 ans, prend donc une première dose de 0,40 centigr. en quatre pilules, et la toux disparait comme par enchantement. Je donne la même dose deux ou trois jours de suite seulement; car il n'y a plus eu la plus petite quinte. Il ne m'a pas fallu vingt-quatre heures pour avoir justice de cette toux et ajouter un petit succès de plus à ceux autrement grands que l'on obtient chaque jour par ce précieux remède.
 
Dans deux autres circonstances (c'était, chez deux enfants), la toux a présenté un caractère convulsif que je n'avais nulle tendance au début à rattacher à une infection palustre. Dans l'un des cas, la toux venait par quintes assez rapprochées et ressemblait à celles de la coqueluche, avec cette particularité que l'inspiration sifflante initiale faisait complètement défaut. Dans l'autre cas (voyez obs. XLIII), elle s'accompagnait d'une vraie cyanose de la peau et simulait, à s'y méprendre, les angoisses produites par l'oedème de la glotte.
 
Ce symptôme peut encore s'accompagner de phénomènes stéthosopiques propres à la pneumonie ou à la congestion pulmonaire, et je n'ai observé que deux exemples de cette forme insidieuse d'intoxication effluvienne. L'hépatisation pulmonaire est-elle due, dans ces cas, à l'impaludisine proprement dit, ou à une pneumonie greffée sur une diathèse palustre? On conçoit que je ne puisse pas donner à cette question une solution précisé, la congestion initiale pouvant survenir sous la double influencé du froid et d'une action paludique, comme dans le cas suivant
 
 
Obs XVI.- II s'agit d'une femme de 38 à 40 ans, que j'avais déjà soignée à plusieurs reprises pour de vraies fièvres intermittentes et qui me fait appeler le 7 novembre dernier (1866). Elle avait, depuis une quizaine de jours, une bronchite des plus simples, lorsqu'après s'être exposée à de nouvelles causes de refroidissement, elle est prise tout à coup, dans l'après-midi du 7 novembre, d'un'violent frison avec claquement des dents, point de côté et fièvre consécutive. Son médecin ordinaire, craignant un accès pernicieux, veut avoir mon avis. Or, avant de voir la malade, je crois pouvoir le rassurer sur ce point, en me guidant sur la rareté excessive des accès de cette violence, dans nos affections palustres. Je constate, en effet, un léger frottement pleural à la base du poumon droit, et je dois dire que mon confrère avait déjà constaté un peu avant quelques bulles fines de râle crépitant. Nous faisons en ce point une application de 10 sangues et prescrivons une potion avec 0,30 centigr. de kermès.Le lendemain, nous trouvons une matité croissante à la partie inférieure de la fosse sus-épineuse droite, ainsi que des râles crépitants fins avec une légère résonnance de la voix. Le pouls est à 120, la fièvre continue, quoiqu'il y ait sur le soir un redoublement assez marqué comme il arrive dans la plupart des phlegmasies. Nous continuons l'usage de la potion kermétisée et applipions, loco delenti, un large vésicatoire volant.
 
Le 8 novembre, la pneumonie est des pluss franches, matité, râles crépitants fins, souffle tubaire et bronchophonie, crachats jus de pruneau, aucun symptôme ne manque, la peau est toujours chaude, le pouls à 120; il n'y a pas eu de nouveau frissons. C'est alors que nous prescrivons la potion suivante: Tartre stibié O gr. 30 centigr. Sirop diacode 30 Infusion béchique 150
f .s. a. une potion à prendre par cuillerées à bouche d'heure en heure.
 
La première cuillerée est administrée vers onze heures seulement, et il s'opère très vite une sorte de détente, une diminution notable de la chaleur fébrile; le tartre stibié est d'ailleurs absorbé avec la plus parfaite tolérance. Mais, vers quatre heures du soir, il se déclare tout à coup des douleurs d'une violence inouïe du côté des deux fosses iliaques et dans la région sacrée; la malade, qui venait de prendre la cinquième cuillerée de la potion, se plaint très vivement et s'agite dans tous les sens. Elle compare ses souffrances aux douleurs de l'enfantement, et comme elle avait cessé d'ètre réglee, depuis trois mois, elle s'imagine qu'elle va faire une fausse couche. Appelé sur le champ, je ne puis, en raison de l'éloignement de notre malade, je ne puis me rendre chez elle qu'à six heures, et au moment de mon arrivée, les douleurs semblent avoir redoublé d'intensité. Comme il n'y a eu ni vomissement, ni garde-robes, je me demande un instant si le tartre stibié n'a pas causé ces accidents et je m'assure d'ailleurs qu'il n'existe aucun indice de fausse couche, pas même d'augmentation de volume du globe utérin. Quant au poumon droit, il se trouve dégagé comme par enchantement, la respiration s'entend parfaitement libre dans toute l'étendue de la poitrine, sans mélange de souffle ni de râle crépitant : le pouls reste toujours agité; mais la peau n'est plus brûlante. Nous admettons dès lors l'existence d'une double congestion ovarienne et croyons avoir affaire à une de ces métastaes qu'on observe parfois et qui aurait été provoquée, dans ce cas, par une révulsion puissante de la potion émétisée. Nous prescrivons un julep diacodé et un quart de lavement avec 1 gouttes de laudanum de Syndenham. Ces douleurs vives se calment vers huit heures du soir, les règles apparaissent dans la nuit, et notre malade goûte quelques heures d'un sommeil tranquille.
 
Le 9 novembre, la matinée est bonne, presque sans fièvre, la respiration reste toujours libre, à part quelques bruits de frottement pleural qui s'entendent à la base; toute médication active est suspendue. Mais vers quatre heures du soir, la chaleur de la peau devient plus forte, le pouls revient à 12O, et quelques bulles de râles crépitant fin reparaissent au-desus de l'épine de l'omoplate. Potion avec 2 grammes d'oxyde blanc d'antimoine ....
 
Le 10, même marche marche que la veillee; amélioration dans la matinée, tant du côté de l'état genéral que de l'état local et le soir, après près à la même heure, nouvelle recrudescence, avec apparition du léger souffle bronchique et retour d'un mouvement fébrile encore plus marqué que le précédent. En voyant cette intermittence et en sachant d'ailleurs la tendance qu'avait notre malade à contracter des affections palustres nous nous décidons à prescrire une faible dose de sulfate de quinine (0,60 centgr. en pilules); seulement, nous attendons encore à demain matin, avant de les administrer.
 
Le 11, au matin, en constatant encore le même amendement loal et général, nous faisons prendre les pilules en deux fois et à demie heure d'intervalle à partir de ce jour, le redoublement fébrile n'a plus eu lieu
que durant deux ou trois jours, et encore a-t-il été de moins en moins marqué. Les phénomènes stéthoscopiques ont disparu pour ne plus se montrer; une convalenence banale s'est établie, une alimentation graduellement plus forte a été supportée et la guérison ne s'est pas un instant démentie. Le 14 novembre, notre malade a pu déjà quitter le lit et les forces n'ont pas tardé à retenir. Quant au traitement, il a été suivi chaque jour sans interruption jusqu'au 16 novembre, et à doses toujours croissante jusqu'au maximum de 1 gramme, auquel je me suis arrêté. A partir du 16, j'ai donné la même dose à jour passé pendant trois fois, puis, en raison de quelques bourdonnements d'oreilles, je n' ai plus donné que 0,75 centigrammes à des intervalles de plus eu plus éloignés, tous les trois, quatre, cinq et six jours, etc. Notre malade a été ainsi maintenue en traitement jusqu'à la fin de décembre suivant.
 
J'ai la conviction que nous avous eu affaire, dans ce cas, à une véritable pneumonie qui a été médifiée, dans sa marche et sa terminaison, par cette tendance de la diathèse palustre à produire des congestions, et ce serait le tartre stibié, en produisant une dérivatian active, qui aurait déterminé un afflux sanguin du côté dés ovaires. C'est alors seulement que se serait réveillée cette diathèse palustre qui aurait entrainé ces accès fébriles consécutifs avec une sorte de manifestation congestive du côté du poumon primitivement affecté. Tel est du moins l'enchainement qui me parait résider dans cés phénomènes complexes. Quoi qu'il en soit, les symptômes pulmonairea du déclin ont été bien manifestement dépendants d'un état morbide de nature paludéenne, et la toux qui reparaissait à chaque accès, indiquait encore ici l'action d'une cause effluvienne.
 
J'ai vu une malade chez laquelle l'hémoptysie s'est montrée dans le cours d'une fièvre rémittente non traitée. L'affection semblait marcher vers une guérison spontanée; mais c'était une de ces guérisons lentes et indécises, que viennent entraver à chaque instant des rechutes plus on moins marquées. L'hémoptysie continuait toujours à se montrer, et avait déjà inspiré des craintes sérieuses au médecin qui m'avait précédé et à moi-même; or cet accident, qui durait depuis plusieurs semaines et ne s'était jamais accompagné de phénomènes stéthoscopiqus appréciables, cet accident disparait en deux jours, après une dose quotidienne de 0,60 centigrammes de sel quinique.' Dans ce cas encore, la guérison a marché d'un pas ferme et s'est bien vite consolidée par la continuation du même traitement.
 
Notre malade a recouvré en quelques semaines les forces qu'elle sentait décliner depuis plus d'une année. N'oublions pas de dire, en passant, q'elle avait habité pendant longtemps des pays des plus fiévreux (du côté de Rochefort), et qu'elle séjournait plusieurs mois de l'année dans ce même pays, renommé par ses fièvres d'accès.
 
Quant à certains autres symptômes, liés à l'acte respiratoire, tels que les bâillements, le hoquet, le ronflement, on les observe parfois dans l'intoxication palustre. Tout le monde sait que les accès de fièvre intermittente débutent très souvent par des bâillements et des pandiculations et qu'un hoquet opiniâtre se montre dans certaines formes d'affections palustres. J'ai vu, pour ma part, une douzaine d'exemples où ce dernier symptôme était prédominant, et j'ai toujours remarqué qu'il accompagnait d'ordinaire les formes perniceuses ou tendant a s'aggraver. Mais, ce que tout le monde ne sait pas, c'est que le ronflement accompagne certaines formes cérébrales et notamment la forme comateuse, dont je n'ai vu que trois exemples. Je rapporterai un peu plus loin (voir obs. XXVII) un cas des plus remarquables où ce symptôme était le seul indice d'une affection maremmatique des plus réelles.
 
Je dirai enfin que, dans quelques cas assez rares, on voit une expectoration abondante dans le cours d'une affection de cette nature, et cette expectoration abondante se montre surtout dans les cas graves, après que le traitement, a dejà produit une amélioration notable. C'est donc là un signe de bon augure, si je m'en rapporte du moins, à ma propre expérience. L'abondance des produits excrétés, qu'on observe parfois, nous fait penser sans trop de dédain à cette humeur peccante des anciens, à la matière morbifique que je ne voudrais pas faire revivre; mais il semble en vérité que les sécrétions de tout genre redoublent d'activité, dès que la vie revient dans un corps qu'on aurait pu croire inanimé quelques jours auparavant.