C'est à tort que certains auteurs ont
voulu rapporter tous ces
phénomènes mécaniques
à l'inspiration ou bien à
l'expiration: si plusieurs appatiennent à
l'un ou à l'autre de ces deux
états; s'il en est quelques-uns qui se
composent d'inspirations et d'expirations
alternatives, on en voit qui ne peuvent
être considérés ni comme des
efforts inspiratoires, ni comme appartenant
à l'action des puissances expiratrices.
C'est ainsi que dans le vomissement, dans
l'action de rendre les matières
fécales et les urines, dans l'effort
nécessaire pour soulever un fardeau, nous
contractons simultanément le diaphragme
et les muscles larges de l'abdomen. Ces organes
antagonistes deviennent alors
congénères.
Lorsque l'imagination est vivement
occupée d'un objet, que les fonctions
vitales languissent, le principe de vie semble
abandonner tous les organes pour se concentrer
dans ceux qui participent davantage à
l'affection mentale. Qu'un amant, plongé
dans de douces rêveries, pousse par
intervalles de longs soupirs, le physiologiste
ne voit dans cette expression du désir
qu'une longue et forte inspiration, par laquelle
les poumons amplement dilatés permettent
au sang, qui s'étoit accumulé dans
les cavités droites du cur, un
passage facile vers les cavités gauches
de cet organe. Cette grande inspiration,
à laquelle succède une expiration
assez prompte, que fréquemment le
gémissement accompagne, devient
nécessaire, parce que les mouvemens de la
respiration, progressivement ralentis, ne
suffisent plus à la dilatation du tissu
pulmonaire.
Les pleurs diffèrent du soupir,
seulement parce l'expiration est longue, mais
entrecoupée, c'est-à-dire,
partagée en plusieurs périodes
distinctes.
Le
bâillement s'effectue par un
mécanisme analogue. Nul symptôme
plus assuré de l'ennui, affection
désagréable, qui , pour parler le
langage de Brown, peut être
regardée comme une puissance
asthénique ou débilitante.
Les muscles inspirateurs affaiblis ne dilatent
qu'avec peine le thorax; les poumons
resserrés sont difficilement
perméables au sang, qui stagne dans les
cavités droites du cur, et produit
une sensation incommode, que l'on ait cesser par
une longue et forte inspiration: on favorise
l'entrée d'une grande quantité
d'air en ouvrant largement la bouche
l'écartement des deux mâchoires.
L'on bâille avant l'accès d'une
fièvre intermittente, comme aux approches
du sommeil, parce que les puissances
inspiratrices, graduellement affoiblies, ont
besoin d'être réveillées par
intervalles. On bâille également
quand on s'éveille, afin de monter les
muscles du thorax au degré convenable
à la respiration, toujours plus lente,
plus rare et plus profonde durant le sommeil que
pendant la veille. C'est par un besoin analogue
que l'instant du réveil est marqué
chez tous les animaux par des
pandiculations, action musculaire dans
laquelle les muscles semblent se disposer aux
contractions que les mouvemens exigent.
C'est
à la même utilité que l'on
doit rapporter le chant du coq et l'agitation de
ses ailes; enfin c'est pour obéir
à la même nécessité,
qu'au lever du soleil, les nombreuses tribus des
oiseaux qui peuplent nos bocages gazouillent
à l'envi et font retentir les airs de
chants harmonieux. Le poète croit
entendre alors l'hymne joyeux par lequel le
peuple ailé célèbre le
retour du dieu de la lumière.
Pendant tout le temps que dure le
bâillement, la perception des sons est
moins distincte; l'air, qui se précipite
dans la gorge se porte jusque dans la caisse par
la trompe d'Eustache, et ébranle en sens
contraire la membrane du tympan. La
mémoire du soulagement que procure la
longue inspiration qui constitue le
bâillement, le souvenir du
bien-étre qui succède à
l'oppression que l'on éprouvoit
auparavant, nous portent involontairement
à répéter cet acte toutes
les fois qu'une autre personne l'exécute
devant nous.
L'éternuement consiste en une
forte et violente expiration , dans laquelle
l'air sortant avec rapidité, va heurter
les parois anfractueuses des fosses nasales, et
occasionne un bruit remarquable. L'irritation de
la membrane pituitaire détermine
sympathiquement cet effort vraiment convulsif
des muscles de la poitrine, et principalement du
diaphragme.
La toux ressemble beaucoup à
l'éternuement, et n'en diffère
qu'en ce que les expirations sont plus courtes
et plus fréquentes, et, de même
que, dans l'éternuement, l'air balaie la
surface pituitaire et enlève les
mucosités qui peuvent y être
attachées, il entraîne, dans la
toux, celles qui se trouvent dans les bronches,
la trachée-artère, et font la
matière des crachats. Les violens efforts
de la toux dans le début d'un catarrhe
pulmonaire, l'éternuement qui accompagne
le coryza, prouvent bien que les actions de
l'économie animale ne sont point
dirigées par un principe intelligent,
puisque cet agent ne se méprendroit point
ainsi sur les moyens de faire cesser la maladie,
et ne susciteroit pas des rnouvemens qui ne
peuvent, au lieu de l'enlever , qu'augmenter
l'irritation et l'inflammation
déjà existantes.
Le rire n'est qu'une suite
d'inspirations et d'expirations
très-courtes et
très-fréquentes. Dans le hoquet,
l'air rapidement attiré, entre avec peine
dans le larynx , à cause du resserrement
spasmodique de la glotte; chassé avec
violence , il heurte avec force les
côtés de cette ouverture ; de
là, le bruit particulier qui
l'accompagne.
Nous expliquerons ailleurs le
mécanisme de la succion , de
l'anhélation , et des efforts par
lesquels les muscles de la poitrine fixent les
parois de cette cavité , afin qu'elle
puisse servir de point, d'appui pour l'action
des autres muscles du tronc et des membres. Mais
c'est ici le lieu d'observer que tous les
phénomènes de la respiration ,
examinés dans ce paragraphe, sont comme
la fonction elle-même, subordonnés
à l'empire de la volonté. Nous
pouvons à notre gré soupirer,
bâiller, tousser, sucer, pleurer et rire;
le vomissement, l'éternuement et le
hoquet sont, au contraire, presque toujours
indépendans de la volonté.
La respiration sert encore à la
formation de la voix ; mais nous traiterons,
dans un chapitre séparé, de ce son
et des différentes modifications dont il
est susceptible.