- Deuxième
malade
- Tout à l'heure, je vous rappelais le
fait bien connu que le bâillement est un
phénomène contagieux par
excellence, alors même qu'il s'agit du
bâillement physiologique s'opérant
en présence de gens qu'on a de bonnes
raisons de considérer comme indemnes de
toute tare nerveuse. Eh bien, je tiens à
vous rendre, à présent,
témoins d'une petite expérience
qui vous fera bien comprendre, j'espère,
comment, dans un milieu convenablement
adapté, le bâillement pathologique
pourrait devenir contagieux au point de se
répandre, en quelque sorte,
épidémiquement.
- Vis à vis de la malade dont je viens
de vous conter l'histoire, je vais placer un
autre sujet que quelques-uns d'entre nous
connaissent très certainement comme
présentant les phénomènes
typiques de ce que j'appelle le grand
hypnotisme. Avant d'entrer dans la salle, on
l'a mise comme nous disons, en état de
somnambulisme. Nous nous assurerons qu'elle cet
bel et bien endormie, légitimement
endormie en faisant apparaitre chez elle le
phénomène somatique qui
caractérise la période en
question. Un simple frôlement d'un membre,
une passe faite à distance, au voisinage
immédiat de ce membre, suffit pour
déterminer cette forme de contracture que
nous avons désignée sous le nom de
«contracture somnambulique». On ne
saurait s'entourer de trop de garanties dans un
domaine où la simulation et l'illusion
sont choses banales, et c'est pourquoi nous
coutinuons et nous continuerons dans nos
études à ne nous adresser jamais
qu'aux sujets susceptibles d'entrer dans le
grand hypnotisme et chez lesquels, par
conséquent, toute possibilité
d'une intervention volontaire de la part du
sujet mis en expérience peut être
écartée.
- Si, messsieurs pendant la
démonstration qui précède,
nous avons pu résister les uns et les
autres à la contagion du bâillement
ce dont nous pouvons nous féliciter
mutuellement, c'est que nous avons en nous un
pouvoir d'inhibition que ne possède pas
notre somnanbule artificielle. Chez celle-ci le
phénomène du moi, c'est là
un grand caractère de l'état
psychique de ces somnanbules, est
obnubilé; tout contôle est perdu
à l'égard des impressions venues
du dehors et les suggestions s'imposent sasn
résistance. Eh bien, vous le voyez,
tandis que notre malade n°1 continue
à bâiller comme tout à
l'heure, à intervalles égaux, le
n°2 c'est à dire la malade
somnambulisée fait mine de vouloir
résister à la contagion, mais sa
résistance est bientôt vaincue: la
voilà qui se met, elle aussi, à
bâiller malgré tous ses efforts en
sens contraire. Ses bâillements sont plus
forts, même plus bruyants que ceux de la
malade qui lui sert de modèle; ils sont
également séparés pas des
distances à peu près
égales. Cependant, il ne faudrait pas
aller jusqu'à voir là une
imitation absolument parfaite. Il vous suffira,
en effet, de jeter un coup d'oeil sur le
tracé des bâillements de la
somnambule recueilli par nous hier dans une
expérience semblable à celle dont
nous vous rendons témoins aujourd'hui,
pour reconnaitre qu'ils ne concordent pas
absolument, mathématiquement, si l'on
peut dire, avec les tracés relatifs avec
la malade n°1. Il s'agit là d'une
imitation par approximation et non pas
d'imitation servile.
- Quoiqu'il en soit, messieurs, si nous
supposons, dans un couvent, dans un pensionnat,
un certain nombre de jeunes filles
placées, par suite de circonstances
spéciales, dans un état
psychologique se rapprochant plus ou moins de
l'état mental hypnotique-somnambulique,
vous comprendrez facilement que la
présence, dans un milieu pareil, d'un
sujet atteint de toux, d'aboiement ou de
bâillement nerveux, puisse devenir le
point de départ d'une véritable
épidémie!
- biographie
de JM Charcot
-
- voir
d'autres observations de JM Charcot
citées par RF Trautmann
- Traité
clinique et thérapeutique de
l'hystérie d'après l'enseignement
de La Salpêtrière
1895
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