- Le malade qui fait l'objet de ce
travail fut, tout d'abord, soigné en 1892
à la consultation externe de l'un de nous
(Brissaud), à l'hôpital
Saint-Antoine est présenté dans
une leçon clinique dont un compte-rendu
paru dans médecine moderne (1893, p.9).
Pendant le temps où il fréquenta
cet hôpital, nous pûmes l'examiner
à plusieurs reprises et rédiger
l'observation ci-dessous. Dans le courant de
1893 ce petit malade consulta M. Charcot;
notre maître fit à cette occasion
une leçon clinique publiée
également dans la Médecine Moderne
(1893, p.806) par son interne, M. Londe,
qui, ayant examiné le frère cadet,
constata chez lui les premiers symptômes
de la même affection. L'observation de ce
second malade sera prochainement
rapportée par M. Londe, dans la Revue de
Médecine. Nous ne nous occuperons donc,
ici, que de L'aîné et de ses deux
frères.
-
-
-
-
- Observation : jeune garçon de huit
ans et demi, Moïse Ch
- Antécédents
héréditaires: mère :
bronchite il y a six ans, tousse encore
quelquefois l'hiver ; n'a jamais eu de crises de
nerfs.
- Père : se porte bien, colique
hépatique il y a deux ans. Jamais il n'y
a eu de paralysie dans la famille.
- Un frère de quatre ans et demi
était très bien portant, du moins
au dire de la mère, lorsque cette
observation fut prise ; nous savons que,
quelques mois plus tard, cet enfant ayant
été examiné par Charcot et
Londe, ils constatèrent chez lui des
symptômes tout à fait analogues
à ceux de son frère.
-
- Antécédents
personnels.
- N'aurait jamais eu de maladie bien
sérieuse, si ce n'était une
fracture de cuisse il y a trois ans et demi ; 29
jours d'immobilisation.
- De plus, il y a trois ans, a eu une rougeur
sur le corps, dont la mère précise
mal les caractères ; cette
éruption n'aurait pas duré plus
d'une journée. À cette
époque, M. Gouguenheim aurait fait dans
la gorge une opération pour extirper des
tumeurs adénoïdes ( ?) Dans l'hiver
de 1891 a eu de nouveau mal à la gorge,
mais seulement pendant trois ou quatre jours. Il
a eu, en outre, la rougeole, assez grave, il y a
quatre ans ; il a toussé pendant quelque
temps après.
-
- Le début des accidents remonterait au
mois d'avril 1892 ; à ce
moment-là, les parents avaient fait des
pertes d'argent ; les voyant très
affligés, l'enfant aurait beaucoup
pleuré et c'est à ce moment qu'on
remarqua qu'il avait les yeux toujours pleins de
larmes ; on aurait aussi a alors constaté
quelques troubles de l'orbiculaire des
lèvres. La mère ajoute qu'en avril
l'enfant a perdu abondamment ses cheveux. Les
accidents auraient, d'après l'enfant,
coïncidé avec une brimade
infligée par ses camarades ; ils lui
auraient, par un temps froid, tenu la tête
sous une fontaine et la lui auraient ensuite
couverte de neige. Vers le mois de juin 1892, on
remarqua qu'il s'engouait fréquemment en
buvant. Mais la forme générale des
traits du visage n'était pas encore
modifiée. Au commencement de 1892 le
maître d'école s'est aperçu
que sa langue s'embarrassait et qu'il
récitait ses leçons d'une
façon indistincte. Vers la fin
d'août 1892 ont constata que lorsqu'il
riait sa bouche prenait une forme
singulière, et que la respiration
était gênée ; il
était essoufflé. Le 19 octobre
1892, sa mère, qui était
séparée de lui depuis le mois de
mai, le revoyant, peine à le
reconnaître tant ses traits étaient
chargés ; son visage manquait
d'expression ; elle s'imagina qu'il
n'éprouvait aucun plaisir à la
revoir ; elle crut même qu'il était
devenu « presque idiot ». Il parlait
déjà lentement, traînant sur
les mots, et « comme s'il avait de l'eau
dans la bouche ». Pendant les inspirations,
il avait souvent une « reprise »
bruyante qui maintenant à beaucoup
diminuée, presque disparue, du moins
lorsqu'il ne se livre pas un exercice
violent.
-
- On aurait aussi remarqué parfois
qu'il toussait de la gorge, et non du larynx, et
qu'il ne pouvait plus éternuer.
-
- État actuel, 25 décembre
1892 : au premier abord, le petit malade a
un aspect singulier ; la face sans expression,
les joues aplaties. Le front est absolument
lisse ainsi que la racine du nez et le reste de
la face, sauf le menton qui offre des
dépressions et des éminences
animées de mouvements fibrillaires
très nets. Pas de mouvement fibrillaires
appréciables dans les autres muscles de
la face.
-
- Les sourcils n'ont rien d'anormal. Les yeux
sont modérément ouverts ; dans le
regard horizontal, la paupière
supérieure arrive au contact du bord
supérieur de la pupille. Ils sont
constamment remplis de larmes, surtout le
gauche. Malgré l'aspect normal des
paupières on constate que leurs
mouvements sont altérés en ce
que
- 1 ° le malade ne peut pas ouvrir
largement les yeux et découvrir
complètement la pupille
- 2° l'occlusion des yeux est tout
à fait incomplète ; l'oeil gauche
peut être cependant à peu
près clos, mais sans force, et ce
mouvement détermine une contraction vague
de la portion inférieure de l'orbiculaire
; le droit reste entrouvert d'un demi à 2
millimètres, surtout au niveau de
l'anglais interne ;
- 3° le clignement est rare et
faible.
-
- Les deux yeux suivent d'ailleurs
parfaitement les objets mouvants ; pas de
paralysie des muscles oculaires. Les pupilles
sont sensibles à la lumière et
réagissent bien. Le front et les sourcils
ne peuvent exécuter aucun mouvement. Le
nez est assez large de sa base et dans presque
toute sa longueur, mais les narines sont comme
accolées à la cloison, et pendant
la respiration et elles ne sont pas mobiles. Si
on jette à la figure de l'enfant de l'eau
froide, on ne voit aucune contraction
réflexe des narines. Il peut encore,
volontairement, glisser la peau sur le dos du
nez et produire, du côté de l'aile
droite, quelques très légers
mouvements ; l'aile gauche semble encore plus
affaissée et reste privée de tout
mouvement volontaire. L'olfaction ne semble pas
altérée ; nous lui avons
présenté des odeurs qu'il a
immédiatement reconnues : la menthe et la
fleur d'oranger. L'ammoniaque provoque une
secousse réflexe, indice de la sensation
désagréable qu'il a
éprouvée, et ses yeux s'humectent.
En le faisant respirait fortement, la bouche
fermée, il ne se produit, à
l'inspiration, aucun mouvement des ailes du nez,
mais à l'expiration le gauche est un peu
déjetée en dehors. Dans son
attitude ordinaire, il reste la bouche
fermée ; le contour des lèvres
rapprochées conserve bien la forme
normale (double accent circonflexe), mais il
semble que la bouche soit moins large et qu'elle
ne doit être et, en somme, il y a une
vague tendance au cul de poule. Cette tendance
s'exagère quand on lui dit, par exemple,
de fermer les yeux avec force ou
d'exécuter quelque autre mouvement avec
la partie supérieure du facial.
-
- Depuis qu'il est malade et il ne peut plus
rire, ou quand il rit, dit sa mère,
« son visage est comme une figure de cire
». Quand il pleure, il se produit une
contraction violente des muscles du menton ;
tout haut de la figure reste immobile, le front
notamment n'a pas un pli ; quand il avale la
bouche fermée, on voit la partie de
chaque joue immédiatement attenante
à la commissure labiale, être pour
ainsi dire aspirée à
l'intérieur de la bouche. La partie
médiane de la lèvre
supérieure est assez épaisse de la
mère la trouve plus épaisse
qu'auparavant. La lèvre inférieure
n'a rien de particulier, sauf peut-être
une légère tendance au
renversement en bas. Le menton est animé
d'ondulations rapides et instantanément
il s'y produit des dépressions et des
éminences alternatives comme en ces cas
de paralysie bulbaire. De toutes les parties de
la face, c'est d'ailleurs la seule où
l'on voit se produire spontanément des
tremblements fibrillaires. Quelquefois,
cependant, on aperçoit une contraction,
mais très rapide et isolée, soit
au niveau de la paupière
inférieure, soit au niveau du zygomatique
(aile du nez), quelquefois aussi dans une des
commissaires labiales. Il ouvre et ferme les
mâchoires avec une force normale ; il ne
peut montrer ses dents, surtout pour la
lèvre supérieure. La lèvre
inférieure les découvre un peu, et
dans ce mouvement c'est surtout la partie gauche
de la lèvre inférieure qui se
contracte. Il ne savait pas siffler, mais,
cependant, quand on lui dit d'essayer, on
constate qu'il ne pourrait pas le faire
quoiqu'il rapproche assez ses lèvres.
Quand il se mouche, ses joues se gonflent
fortement et il est obligé de faire un
véritable effort. Il présente par
moments un mouvement d'ouverture et de fermeture
des mâchoires, une sorte de
mâchonnement ; il bâille très
souvent. Il peut encore souffler une bougie,
mais sans grande force.
-
- Debout ou assis, il ne perd pas sa
salive, mais, couché, cela lui arrive
quelquefois. Il peut tirer la langue ; elle est
très légèrement
déviée vers la gauche, très
aplatie, très petite, mamelonnée
et animée de mouvements fibrillaires
ondulatoires très marqués dans
toute son étendue. Il ne peut,
d'ailleurs, la porter sur la lèvre
supérieure et la creuser en
gouttière ; au contraire, il la
promène aisément d'une commissure
à l'autre. Quoi qu'il ait près de
neuf ans, son système dentaire est tout
à fait rudimentaire. Ainsi, à la
mâchoire supérieure, à
côté des deux incisives
médianes, de dimensions normales, il
n'existe : à gauche, une incisive
latérale toute petite, une canine
complètement ratée et
complètement gâtée et
coupée au ras de la gencive (probablement
elle appartient à la première
dentition), une première molaire poussant
irrégulièrement au-dessus de la
gencive ; en arrière, les deux autres
molaires sont complètement
gâtées (elles appartiennent
vraisemblablement à la première
dentition). À droite : il existe une
incisive latérale poussant
irrégulièrement en haut de la
gencive, une canine gâtée,
(appartenant probablement à la
première dentition), puis une
première molaire et deux autres molaires.
Mais le plus remarquable, c'est la dentition du
maxillaire inférieur : les quatre
incisives et les deux canines sont normales ;
puis à gauche il existe une
première molaire gâtée,
à droite, la pointe de la première
molaire, et c'est tout. En arrière de ses
dents il n'y a plus rien que le rebord
alvéolaire du maxillaire
inférieur, tranchant et ne contenant
aucun follicule dentaire perceptible ; en sorte
que ce rebord alvéolaire prend exactement
l'aspect de celui des vieillards
édentés. D'ailleurs, dans le petit
malade réunit ses dents, sa face diminue
considérablement de hauteur, comme celle
d'un vieillard, ce qui est dû à un
premier prognatisme tel que les incisives
médianes inférieures, passant un
demi millimètre en avant des
supérieures, viennent, par leur bord
libre, toucher le frein de la lèvre
supérieure.
-
- Prononciation. - Il prononce à
peu près convenablement toutes les
consonnes et sauf l'R ; seulement il a la
respiration courte est un peu bruyante, et comme
un peu de cornage, surtout quand il est un peu
essoufflé. Le cornage devient alors net.
Il ne peut réciter une fable sans
être obligé de reprendre
constamment haleine. M. Cartaz a bien voulu
examiner le petit malade et nous communiquer la
note suivante : Voile du palais et isthme du
gosier normaux. Pas d'hypertrophie des
amygdales. Mouvements du voile normaux.
Sensibilité au toucher et réflexes
conservés. La déglutition est
parfois troublée pour les liquides,
surtout quand il boit vite ; il s'engoue alors
assez facilement. Quant aux solides, ils sont
bien déglutis. Pendant la
déglutition des liquides, on entend des
bruits de déglutition assez
prononcés. Voûte palatine un peu
ogivale. Ailes du nez affaissées, ne se
dilatant pas dans l'inspiration, s'affaissant,
au contraire, quand il fait faire un profond
mouvement respiratoire. Fosses nasales normales.
Un peu d'hypertrophie de la muqueuse du cornet
inférieur gauche, mais pas d'obstruction
nasale. Pharynx nasal libre, avec un
léger degré d'inflammation
catarrhale. Épiglotte normale, rabattu un
peu sur le larynx, comme en
général chez les enfants.
Muqueuses du vestibule laryngé d'un rouge
un peu plus vif qu'à l'état
normal. Cordes vocales inférieures
blanches, de coloration normale. Au retour, dans
la respiration tranquille, l'espace triangulaire
de la globe, formé par les cordes, et
plus étroit ; il y a de la parésie
(paralysie serait un peu trop) des abducteurs.
En effet, dans l'inspiration profonde, les
cordes ne s'écartent pas comme à
l'ordinaire. Dans la phonation, elles se
rapprochent bien. La voix, du reste, est normale
; les sons émis pendant l'examen sur la
voyelle è, i sortent bien, mais la voix
parlée et défectueuse par le
défaut de résonance dans la bouche
(paralysie des muscles de la face) et surtout
par l'atrophie de la langue. La parole ressemble
à celle des malades atteints de paralysie
bulbaire ou pseudo bulbaire.
-
- Rien du côté des
oreilles. Oreille externe un peu
étalée, mais tympans normaux.
L'audition, et du reste, intacte.
- La respiration, quand l'enfant à
monter un escalier où vient de remuer,
est gênée, bruyante (léger
cornage), absolument comme dans la paralysie des
abducteurs. Quand il est tranquille, comme
l'écartement des cordes est encore assez
prononcé, il est une respiration normale,
non bruyante.
-
- En résumé, dit M.
Cartaz, ce serait assez l'aspect des bulbaires
vrais de M. Charcot. À cette
différence, pour son compte, que chez les
derniers malades ce sont toujours les abducteurs
qui sont pris au début. Le diaphragme
serait-il un peu pris chez cet enfant ?
-
- Rien d'anormal du côté de la
vue ; cependant l'examen méthodique de
celle-ci, non plus que du fond de l'oeil, n'a pu
être fait. L'intelligence ne paraît
nullement atteinte ; la mère dit que
l'enfant est entêté et exigeant ;
mais cela ne semble rien à voir de
morbide. Il est actif, ne reste jamais
inoccupé, vient seul à
l'hôpital de poursuivre son traitement. La
sensibilité cutanée est
intacte.
-
- Il n'existe pas d'atrophie musculaire, de
tremblements fibrillaires, ni de paralysie des
membres ; les réflexes de tendineux du
poignet sont peu marqués ; pas de clonus
du pied ; pas d'exagération du
réflexe de massétérin. La
région antérieure du cou, quand on
la regarde de profil ou de face, présente
un aplatissement manifeste due à
l'atrophie des muscles. Celle-ci est
peut-être plus marquée pour les
muscles hyo thyroïdiens que pour les sterno
-mastéroïdiens ; cependant la
faiblesse de ces derniers muscles semble
réelle ; l'inflexion de la tête en
avant, la rotation, n'opposent aux mouvements
passifs en sens contraire qu'une
résistance diminuée ; les
dimensions du corps du sterno-mastoïdien
semblent également inférieures
à ce qu'elles devraient être, vu
l'âge du malade. Le trapèze, au
contraire, est parfaitement
conservé.
-
- Pas de bruits anormaux du coeur, le pouls
est à 96, peut-être un peu
irrégulier. Et jamais il n'a
existé d'incontinence d'urine L'urine
aurait, quand on examina cette enfant pour la
première fois, présenté
d'une façon très nette, par
l'emploi de la liqueur de Fehling, la
réaction du glucose. Un examen
ultérieur fait le 14 au taux de 1893, on
ne put cependant constater aucune trace de cette
réaction. Pas d'albumine. M. Courtade,
qui a eu l'obligeance de faire, d'une
manière tout à fait
extemporanée, l'examen électrique
de ce petit malade, nous a remis la note
suivante. Comme nous avions omis d'appeler son
attention sur l'état des muscles du cou,
cette note ne s'applique qu'à l'examen
des muscles de la face : « La
sensibilité cutanée au courant
faradique et galvanique est conservée, et
le malade accuse de vives douleurs
aussitôt que le courant devient un peu
intense. Quant à la motilité, la
réaction faradique est fortement
diminuée dans tous les muscles
paralysés. Si on se sert d'un fort
courant, on obtient quelque légère
contraction, surtout dans les muscles
mentonniers.
-
- « La réaction galvanique est
aussi de beaucoup diminuée, et c'est
à peine, si avec 0,020 et le pôle
négatif, on peut obtenir une
légère contraction, qui n'augmente
pas davantage si on augmente la force du courant
: cela est dû probablement un grand
degré d'atrophie ; il faut donner une
intensité de 0,025 pour obtenir une
légère contraction avec le
pôle positif.
- « En somme, il n'y a pas de
réaction de
dégénérescence : 1° la
contractilité faradique et très
affaiblie ; 2° la contractilité
galvanique n'est pas augmentée : elle
subit dans sa diminution la même
proportion que la contractilité
faradique. Peut-être cette diminution de
contractilité tient-elle à la
grande atrophie des fibres musculaires ; 3°
il n'y a pas, enfin, d'inversion de la formule :
le négatif est plus fort que le positif.
»
-
- Parmi les effets intéressants
contenus dans cette observation, il en est
quelques-uns sur lesquels nous voulons appeler
particulièrement l'attention : tout
d'abord, le groupement des
phénomènes paralytiques et fort
singulier, puisque ceux-ci frappent à la
fois le releveur de la paupière, les
muscles innervés par le facial
supérieur et par le facial
inférieur, la langue, les muscles du
larynx, certains muscles du cou. C'est là
une association qui, à première
vue, semble tout à fait extraordinaire.
En effet, dans presque tous les cas de paralysie
bulbaire, du moins dans les cas de paralysie
bulbaire du type classique (paralysies
labio-glosso-laryngée, sclérose
latérale amyotrophique), si la paralysie
de la langue et du larynx se trouve
coïncider avec celle des muscles
innervés par le facial inférieur,
jamais on ne la voit s'associer à la
paralysie du facial inférieur ni à
celle du releveur de la paupière. Un
semblable groupement, quelque rare qu'il soit,
compte cependant, dans la bibliographie des
paralysies bulbaires, d'autres exemples
parfaitement nets.
-
- Nous signalerons notamment le cas I, de E.
Remarck (1), dans lequel existaient
également le ptosis, la paralysie du
facial supérieur et du facial
inférieur, la paralysie de la langue, des
troubles de la déglutition, la paralysie
des muscles du cou. Dans le cas II, du
même auteur, on trouve encore associer
à la paralysie du facial supérieur
et du facial inférieur, celle de la
langue et aussi des troubles respiratoires
tellement intenses qu'ils amenèrent la
mort. Bernhardt (2) a également
observé un cas de paralysie bulbaire dans
lequel le facial supérieur et le facial
inférieur étaient
intéressés. De même
Loewenfeld (3), Eisenlohr (4), Wachsmuth (5),
Hoppe (6), Senator (7), Dreschfeld (8), Schaffer
(9). Mais tous les cas, en
réalité, à part la
coexistence de paralysies bulbaires diverses
avec celle du faciale supérieur et
inférieur, différents plus ou
moins du nôtre par la présence
d'une paralysie, soit des muscles moteurs de
l'oeil, soit des muscles masticateurs, ou encore
des muscles des membres. En outre, dans aucun de
ces cas, on ne vit, comme par le nôtre,
deux individus consanguins être
frappés de la même affection. Au
contraire, dans une récente communication
Fazio (10) a rapporté l'histoire d'une
mère et d'un fils qui auraient
présentés l'un et l'autre des
symptômes d'une paralysie bulbaire
progressive telle, que les
phénomènes morbides
constatés notamment chez le fils
paraissent être fort analogues à
ceux qui existaient chez notre malade. Ce cas
est donc en réalité le seul, du
moins parmi ceux que nos recherches
bibliographiques nous ont permis de trouver, qui
puisse être étroitement
comparé à celui qui fait l'objet
du présent travail.
-
- Quoiqu'il en soit, un fait
intéressant ressort de
l'énumération que nous venons de
faire, à savoir qu'il y a là une
association où l'on ne peut rien voir de
fortuit de paralysies portant sur
différents nerfs crâniens,
principalement sur le facial supérieur en
même temps que sur le facial
inférieur.
-
- Dans cette association, la coexistence de la
paralysie de la langue avec celle du facial
inférieur ne mérite guère
d'être relevée, c'est là une
notion banale, puisque dans la paralysie
labio-glosso-laryngée, dans la
sclérose latérale amyotrophique,
on l'observe une façon courante.
-
- La coexistence de la paralysie
glosso-labiée avec celle des muscles du
larynx est également de connaissance
vulgaire ; on la retrouve communément
dans la paralysie labio-glosso-laryngée
et l'hémiatrophie linguale du tabes ; P.
Koch et P. Marie ont insisté
particulièrement sur ce point.
-
- Il est un peu moins banal, mais cependant
assez ordinaire, de rencontrer
simultanément la paralysie
glosso-labiée avec celle des muscles de
la région antérieure du cou. Ces
derniers muscles étaient notamment
atteints dans le cas de la paralysie bulbaire
observée par Hoffman (1) chez un jeune
garçon.
-
- Un fait beaucoup plus rare, et nous venons
de montrer qu'on ne l'a jusqu'ici noté
qu'exceptionnellement, consiste dans la
coexistence de la paralysie glosso-labiée
avec celle du facial supérieur. Enfin, un
autre fait, non intéressant, consiste en
ce que : à la paralysie de l'orbiculaire
des paupières (facial supérieur)
s'associe une parésie du releveur ; tous
les autres muscles, innervés par l'oculo-
moteur commun, restant intacts. Nous ferons
remarquer que dans notre cas cette
parésie du releveur de la paupière
supérieure, tout en existant
certainement, était extrêmement
légère, à tel point qu'un
examen rapide et superficiel, elle eût
été certainement méconnue.
Il ne s'agissait pas là,
évidemment, d'une de ces phases si
prononcées que nous montre soit le
tabès soit les paralysies syphilitiques
de la troisième paire ; aussi y a-t-il
lieu de se demander si notre cas peut être
interprété comme venant de l'appui
de l'hypothèse de Mendel. On sait, en
effet, que d'après le professeur de
Berlin, le noyau du facial supérieur se
confondrait, jusqu'à un certain point,
avec la masse des noyaux de l'oculo-moteur
commun et en occuperait le segment
postérieur.
-
- Or, dans notre cas, l'absence de toute
paralysie des muscles moteurs de l'oeil
était absolue, et en présence du
faible degré de la parésie du
releveur de la paupière, nous serions
tentés de faire la supposition suivante :
il existerait dans les centres nerveux un noyau
ou un groupement cellulaire (soit anatomique,
soient purement physiologique) innervant
simultanément l'orbiculaire des
paupières et le releveur, surtout dans
l'acte du clignement ; dans notre cas, c'est ce
noyau où se groupement cellulaire qui
seules serait atteint ; quant à la masse
du noyau du releveur, c'est-à-dire
à la partie la plus considérable
de ce noyau, qui est en relations intimes avec
les centres des muscles moteurs de l'oeil, elle
aurait été respectée, ce
qui expliquerait le peu d'intensité de la
parésie du releveur. Si la paralysie du
releveur de la paupière reste peu
prononcée, on peut admettre encore que le
ptosis est dû à l'insuffisance de
la tonicité antagoniste de l'orbiculaire
lui-même. L'un d'eux nous a soutenu cette
manière de voir au sujet du léger
ptosis qu'on observe dans un bon nombre de cas
d'hémiplégie vulgaire. D'ailleurs,
rien ne permet d'affirmer que
l'intégrité des muscles
extrinsèques de l'oeil, innervés
par la troisième paire et par la
sixième, persistera indéfiniment.
Il est, à la rigueur, très
possible que ses muscles se paralysent à
leur tour, et alors il faudra considérer
notre cas commun restant de plein droit dont la
catégorie des polio-encéphalites
à envahissement progressif
irrégulier.
-
- Un autre fait bien intéressant
mérite d'être relevé. Notre
petit malade a présenté des
troubles trophiques de la peau, du squelette
facial est de l'appareil dentaire qui ne sont
pas communs dans les paralysies bulbaires. Il
nous semble que cette particularité
trouve son explication toute naturelle dans le
fait même que la maladie affecte un sujet
tout jeune et qui est encore bien loin d'avoir
achevé son développement. Il
s'agit là, en somme, d'un
phénomène absolument comparable
à l'atrophie en masse d'un membre ou de
certaines parties d'un membre qu'on observe dans
la polio-myélite antérieure de
l'enfance. Chez un adulte, pareil fait,
croyons-nous, ne se serait pas produit ; et ce
n'est pas dans les noyaux moteurs des muscles de
la face qu'on localiserait des troubles de
nutrition des parties molles ou du squelette.
Mais le point capital, sur lequel nous voulons
appeler l'attention, c'est que les deux
frères sont atteints de la même
affection. S'agit-il d'une maladie familiale, ou
même héréditaire, si l'on
s'en rapporte aux observations de Fazio ?
faut-il même rapprocher notre cas à
celui de Berhardt (1) , qui avait une paralysie
bulbaire, à la vérité
différente que celle-ci par le groupement
des symptômes, survenus chez plusieurs
mondes d'une même famille?
-
- Enfin, est-il permis de soupçonner,
du moment que la maladie n'est pas
héréditaire, mais simplement
familiale, que les accidents amyotrophiques sont
survenus, chez les deux frères, par le
fait d'une intoxication quelconque ? Nous sommes
tout disposés à croire que, pour
quelques-unes des prétendues maladies
nerveuses familiales décrites dans ces
dernières années, on a
méconnu que la cause n'était pas
inhérente à l'individu
lui-même, mais qu'elle lui était
purement extérieure, dérivant fort
souvent soit d'un empoisonnement, soit d'une
infection. Il ne nous est pas
démontré, par exemple, qu'une
amyotrophie de la forme Charcot - Marie, en
dépit de ces apparences de maladie
héréditaire ou familiale, n'est
pas purement acquise par une de ces
circonstances pathogéniques ayant
frappé, dans certains cas, plusieurs
individus de la même famille.
-
- Dans notre cas de diplégie
facio-glosso-laryngée, nous n'avons rien
trouvé, à part un mal de gorge
survenu au début des accidents, qui soit
de nature à nous faire incriminer un
processus d'intoxication.
-
- Chez un petit malade de Loewenfeld, la
paralysie bulbaire semble s'être
développée sous l'influence
très nette une maladie infectieuse
compliquée de néphrite (2).
D'ailleurs, en l'absence d'autopsie, nous ne
devons concevoir l'étiologie de notre cas
en restant sur la plus grande réserve.
Nous ne devons d'autant plus qu'un certain
nombre d'autopsies de paralysies bulbaires dans
lesquelles on avait noté la participation
du facial supérieur, sont restées
absolument négatives (Wilks, Eisenlohr,
Oppenheim, Hoppe, Senator, Dreschfeld). En
présence de cas de ce genre, Hoppe se
demandait aussi si l'on ne devait pas regarder
ces paralysies bulbaires comme très
probablement causées par une
intoxication. Jusqu'à présent on
ne saurait trop rappeler les beaux travaux de M.
le professeur Charcot, tendant à
établir d'une façon précise
la topographie des lésions au point de
vue anatomique pur. Peut-être l'avenir
nous réserve-t-il devoir
déterminer la localisation physiologique
des différents processus morbides. Quelle
raison nous force, en effet, d'admettre, comme
le voulait Duchenne (de Boulogne) pour expliquer
le groupement si singulier des symptômes
dans les paralysies bulbaires, que la
lésion doive forcément se propager
d'un noyau à l'autre par la voie
ascendante ou descendante ? il nous est
absolument impossible d'expliquer ainsi les
variations symptomatiques si nombreuses que nous
constatons suivant les cas. N'est-il pas plus
simple de supposer que la cause, quelle qu'elle
soit, intoxication, infection, dystrophie
évolutive, ne s'arrête pas aux
délimitations topographiques, qu'elle les
franchit à sa guise et qu'elle frappe
telles cellules dans un noyau, telles autres
cellules dans des noyaux plus ou moins
éloignés, et n'ayant entre eux
aucune relation anatomique directe. La relation
physiologique des noyaux ou de leurs cellules
gouverne la répartition des
symptômes selon la fonction, et cela d'une
façon entièrement élective,
déterminée d'avance par les
réactions physiologiques ou les
connexions fonctionnelles de ces cellules. Des
systèmes anatomiques, en matière
de pathologie nerveuse, n'ont pas l'importance
des systèmes fonctionnels. Ferrier et
Horsley l'ont démontré avec
éclat dans les localisations corticales
de l'hémisphère. Cette
démonstration s'applique également
aux localisations fonctionnelles de certains
centres spinaux ou la distribution anatomique
des noyaux n'a rien à voir. De jour en
jour il semble plus évident qu'il en est
de même pour les localisations bulbaires.
Peut-être arrivera-t-on, dans un avenir
plus ou moins proche, à fixer les
connexions anatomiques, les réseaux
anastomiques qui relient, d'étage en
étage, les groupes cellulaires
destinés aux mêmes fonctions et
qui, dans l'ordre pathologie, sont le substratum
encore indéterminé des
perturbations fonctionnelles.
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- Dissociated
preservation of automatic-voluntary jaw
movements in a patient with biopercular and
unilateral pontine infarcts
Ghika J, Vingerhoets F,
Bogousslavsky J Eur
Neurol 2003;50:185-188
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