île de Cos,
460 av. J.-C. - Larissa, v. 370 av.
J.-C.
Né d'une famille vouée au
culte d'Asclépios, le dieu grec de la
médecine, Hippocrate apprend la
médecine sacerdotale et l'anatomie
auprès de son père,
Héraclide. Puis il quitte son île
natale et commence un périple qui le
mène en Thrace, en Tessalie et en
Macédoine. Devenu médecin
itinérant, il acquiert une solide
réputation en tant que praticien. Il
regagne alors Cos et fonde son école vers
l'an 420 av. J.-C. Plus tard, il montera une
nouvelle école en Tessalie où il
mourra vers 370 av. J.-C.
Le
traité des Vents
Hippocrate se propose de montrer que
les maladies, malgré leur
diversité apparente, ont toutes une seule
et même cause : l'air.
Parmi les arts, il en est certains qui sont
pénibles pour leurs détenteurs
mais très utiles pour leurs utilisateurs
et qui apportent aux profanes un bien commun
mais ne causent aux praticiens que du
chagrin.
A une telle catégorie d'arts
appartient précisément celui que
les Grecs appellent médecine. En effet le
médecin voit des spectacles effrayants,
touche des choses répugnantes, et
à l'occasion des malheurs d'autrui
récolte pour lui-même des chagrins.
Les malades au contraire échappent,
grâce à l'art, aux maux les plus
grands, maladies, affliction, souffrances, mort;
car c'est à tout cela que s'oppose la
médecine.
De cet art, les mauvais côtés
sont difficiles à comprendre tandis que
les bons côtés sont faciles
à saisir. Les mauvais côtés,
eux, ne peuvent être connus que par les
seuls médecins et non par les profanes ;
car ils sont l'affaire non du corps, mais de
l'intelligence. En effet, dans tous les cas
où le travail de la main est
nécessaire, il convient d'en
acquérir seulement l'habitude (car
l'habitude, quand il s'agit des mains, est
l'école la meilleure); en revanche, pour
les maladies les plus cachées et les plus
difficiles, c'est par le jugement plus que par
le savoir-faire que l'on tranche. Or c'est dans
ces maladies que l'écart se
révèle le plus grand entre la
compétence et l'incompétence.
L'une des questions relevant de ce domaine
est la suivante : quelle est donc la cause des
maladies et quelles sont l'origine et la source
des maux à l'intérieur du corps?
De fait, si l'on connaissait la cause de la
maladie, on serait en mesure d'administrer au
corps ce qui lui est utile, en partant des
contraires pour s'opposer à la maladie.
Cette médecine est en effet la plus
naturelle. Par exemple la faim est une maladie ;
car ce qui afflige l'homme reçoit
précisément le nom de maladie.
Quel est donc le remède de la faim? Ce
qui supprime la faim. Or cela c'est la
nourriture. C'est donc par ce remède-ci
qu'ii faut soigner cette maladie-là.
Autre exemple : la boisson supprime la soif ; ou
encore, la réplétion est
soignée par la vacuité, la
vacuité par la réplétion,
l'exercice par le repos, le repos par
l'exercice.
Bref, en un mot, les contraires sont les
remèdes des contraires; car la
médecine est soustraction et addition,
soustraction de ce qui est en excès,
addition de ce qui est en défaut. Qui
s'acquitte le mieux de cette tâche est le
meilleur médecin ; qui en est le plus
éloigné est le plus
éloigné de l'art. Ces propos ont
été prononcés en
hors-d'uvre au discours qui va
suivre.
Chapitre II Pour toutes les
maladies, le mode d'être est le
même, mais c'est la localisation qui
diffère. En apparence donc, les maladies
n'ont aucune ressemblance entre elles, à
cause de la diversité des localisations ;
mais en réalité, il n'existe pour
toutes les maladies qu'une seule et même
forme, une seule et même cause.. Quelle
est cette cause? C'est ce que je vais essayer
d'expliquer grâce au discours qui va
suivre.
Chapitre III
Le corps des êtres vivants en
général et de l'homme en
particulier est nourri par trois sortes de
nourritures. Ces nourritures ont les noms
suivants : aliments, boissons, souffle. Le
souffle à l'intérieur du corps
s'appelle vent, à l'extérieur du
corps, air.
L'air est un souverain très puissant
qui règne en tout et sur tout. Il vaut la
peine d'en contempler la puissance. Le vent est
un flux et un écoulement d'air. Quand
donc l'air en grande quantité provoque un
flux puissant, les arbres sont arrachés
jusqu'à la racine à cause de la
violence du souffle, la mer se gonfle de vagues,
des navires de transport d'une taille immense
sont projetés en tous sens. Telle est
donc la puissance qu'il détient dans ces
domaines.
Pourtant il est invisible pour l'il,
mais il est visible pour la raison. Car, quel
être pourrait exister sans lui? ou de quel
être est-il absent? ou en quel être
n'est-il pas conjointement présent? Car
tout l'espace entre la terre et le ciel est
rempli de souffle. Celui-ci est la cause de
l'hiver et de l'été, devenant en
hiver dense et froid, et en été
doux et serein. En outre, la marche du soleil,
de la lune et des astres s'effectue grâce
au souffle ; car pour le feu, le souffle est la
nourriture; et le feu, privé d'air, ne
pourrait pas vivre; en conséquence, ce
qui assure au soleil une vie éternelle,
c'est l'air qui est éternel et subtil. En
outre, la mer participe également au
souffle, c'est une évidence. Car les
êtres vivants qui nagent ne pourraient pas
vivre un instant, s'ils ne participaient pas au
souffle ; or, comment pourraient-ils y
participer autrement qu'en tirant l'air à
travers l'eau et de l'eau? Du reste, la terre
est une base pour l'air; l'air est un
véhicule pour la terre ; rien n'est vide
d'air.
Chapitre IV
Ainsi donc, que l'air est puissant dans
l'univers, voilà qui a été
exposé. Pour les êtres mortels,
maintenant, ce principe est la cause de la vie,
et des maladies pour les malades.
Si grand est le besoin du souffle pour tous
les corps, que l'homme, s'il était
privé de tout le reste, aliments et
boissons, pourrait subsister pendant deux ou
trois jours, ou davantage, tandis que si l'on
fermait les accès du souffle dans le
corps, il suffirait d'une petite partie d'un
jour pour qu'il meure, tant est grand le besoin
du souffle pour le corps.
De plus, alors que pour toutes les
activités en général les
hommes observent des pauses - car la vie est
pleine de changements -, c'est la seule
activité qui soit continuelle chez tous
les êtres vivants mortels, qui
tantôt soufflent l'air, tantôt
l'inspirent.
Chapitre V Ainsi donc, que tous les
êtres vivants participent grandement
à l'air, voilà qui a
été exposé.
Immédiatement après cela, il faut
exposer que la source des indispositions n'est
autre, selon toute vraisemblance, que ce
principe, quand il est en trop grande ou en trop
petite quantité, ou trop amassé,
ou quand il est souillé par des miasmes
morbifiques en pénétrant dans le
corps. 2 Ainsi donc, pour la question prise dans
son ensemble, ces remarques me suffisent.
Après cela, abordant les faits
eux-mêmes dans ce même discours, je
vais montrer que les maladies découlent
et dérivent de ce principe, dans leur
totalité.
Chapitre VI
Tout d'abord, je vais commencer par la
maladie la plus commune, la fièvre ; en
effet cette maladie se tient aux aguets pour
s'associer à toutes les autres maladies.
Il y a deux espèces de fièvres,
pour orienter l'exposé suivant cette
voie, l'une commune à tous qui est
appelée pestilence l'autre
particulière qui survient chez ceux qui
ont un mauvais régime. De ces deux
fièvres, l'air est la cause.
La fièvre commune à tous doit
un tel caractère au fait que le souffle
inspiré par tous est identique ; or comme
le souffle, qui est semblable, se mêle de
façon semblable au corps, les
fièvres aussi sont semblables. Mais
peut-être objectera-t-on : « Pourquoi
donc de telles maladies s'abattent-elles non sur
tous les êtres vivants, mais sur une
espèce parmi eux? ». Parce que,
répondrai-je, le corps diffère du
corps, la nature de la nature, et la nourriture
de la nourriture. Car les mêmes choses ne
sont ni inappropriées ni
appropriées à toutes les
espèces d'êtres vivants, mais les
unes sont utiles aux unes et les autres
nuisibles aux autres. Quand donc l'air est
imprégné de miasmes qui ont pour
propriété d'être ennemis de
la nature humaine, ce sont alors les hommes qui
sont malades ; mais quand l'air est
inapproprié à une autre
espèce d'êtres vivants, ce sont
alors ces êtres-là qui sont
malades.
Chapitre VII.
Ainsi donc, pour les maladies communes, il a
été exposé pourquoi,
comment, chez qui et d'où elles naissent.
Je vais maintenant traiter de la fièvre
qui est due à un mauvais régime.
Est mauvais un régime de ce genre : d'une
part quand on donne au corps plus de nourriture,
humide ou sèche, que le corps n'en peut
tolérer, sans contrebalancer par aucun
exercice la quantité de nourriture,
d'autre part quand on ingère des
nourritures variées et dissemblables
entre elles. Car les aliments dissemblables
entrent en dissension, et les uns sont
digérés plus rapidement, les
autres plus lentement.
Or, avec une grande quantité
d'aliments, il est nécessaire que
pénètre aussi une grande
quantité de souffle ; car avec tout ce
qui est mangé et bu, du souffle
pénètre dans le corps en plus ou
moins grande quantité. La chose est
évidente par le fait suivant : des
éructations se produisent après
l'ingestion des aliments et des boissons chez la
plupart des gens. C'est que l'air qui
était emprisonné remonte
précipitamment, quand il a rompu les
bulles dans lesquelles il se cache. Une fois
donc que le corps, empli de nourriture, est
également rempli de souffle, comme les
aliments séjournent plus longtemps - les
aliments séjournent car la
quantité les empêche de cheminer -,
et comme la cavité d'en bas est
obstruée, les vents se répandent
précipitamment dans l'ensemble du corps.
Se jetant sur les parties les plus sanguines du
corps, ils les refroidissent. Une fois que ces
lieux sont refroidis, là où se
trouvent les racines et les sources du sang, un
frisson parcourt le corps tout entier; et quand
le sang tout entier est refroidi, c'est le corps
tout entier qui frissonne.
Chapitre VIII
Voilà donc pourquoi les frissons se
produisent, avant les fièvres. De la
quantité et du froid des vents qui
s'élancent dépend la nature du
frissonnement, plus fort quand ils sont plus
abondants et plus froids, moins fort quand ils
sont moins abondants et moins froids.
Au cours des frissons, il se produit aussi
des tremblements du corps pour la raison
suivante : le sang fuyant devant la
présence du frisson, se rassemble
précipitamment et s'élance
à travers tout le corps vers ses parties
les plus chaudes. Une fois que le sang bondit
des extrémités du corps vers les
viscères, il y a tremblement. C'est que
les parties du corps deviennent les unes pleines
de sang, les autres privées de sang.
Dès lors, les parties privées de
sang, par suite du refroidissement, ne restent
pas immobiles, mais s'affaissent ; car le chaud
les a quittées. Quant aux parties pleines
de sang par suite de la quantité de sang,
elles tremblent ; car le sang ne peut, du fait
qu'il est devenu abondant, rester immobile.
3
Des
bâillements se produisent
avant les fièvres parce que de l'air, qui
s'était amassé en grande
quantité, remontant en masse,
soulève à la manière d'un
levier et ouvre la bouche ; car par cette voie,
l'air peut sortir facilement. En effet, de
même que de la vapeur
s'élève des chaudrons en grande
quantité quand l'eau bout, de même
aussi, quand le corps s'échauffe, l'air
qui s'était rassemblé et qui est
violemment expulsé s'élance par la
bouche.
Quant aux articulations, elles se
relâchent avant les fièvres. Car en
s'échauffant les tendons se
distendent.
Mais une fois que la majeure partie du sang
s'est rassemblée, l'air qui avait
refroidi le sang se réchauffe à
son tour, vaincu par la chaleur. Devenu
incandescent et indistinct, il produit de la
chaleur dans tout le corps. Et il trouve un
allié dans le sang; car le sang se
liquéfie en s'échauffant et du
souffle s'en dégage.
Quand le souffle se heurte aux parois des
passages du corps, la sueur se produit ; car le
souffle qui se condense s'écoule en eau,
et, empruntant les passages, il débouche
à l'extérieur de la même
façon que la vapeur qui
s'élève d'eaux bouillantes, si
elle rencontre un corps solide auquel elle doit
se heurter, s'épaissit et se condense, et
l'on voit des gouttes tomber des couvercles
auxquels la vapeur s'est heurtée.
Les maux de tête qui accompagnent les
fièvres sont dus à la cause
suivante. L'espace devient étroit pour le
cheminement du sang dans la tête. Car les
vaisseaux sont remplis d'air. Étant
remplis et gonflés ils provoquent le mal
de tête. Car le sang, contraint
d'emprunter par force des passages
étroits, ne peut pas, bien qu'il soit
chaud, progresser rapidement : nombreux sont les
obstacles et les barrages qui entravent sa
marche ; c'est pour cette raison aussi que les
battements se produisent dans la région
des tempes.
Chapitre IX
Telles sont donc les causes des
fièvres ainsi que des douleurs et
maladies accompagnant les fièvres. Parmi
les autres affections, les ileus, les coliques,
les tranchées ou les douleurs fixes sont
le fait des vents ; c'est clair, je pense, pour
tous". Car dans tous les cas de ce genre il n'y
a qu'une seule médication" : retirer du
souffle. En effet quand il se jette dans des
endroits intacts et tendres, inhabitués
et intouchés, s'enfonçant comme
une flèche il pénètre
à travers la chair. Il se jette parfois
sur les hypocondres, parfois sur les flancs,
parfois sur les deux à la fois.
C'est pourquoi justement en
échauffant par des fomentations externes,
on essaie d'amollir l'endroit ; en effet, rendu
plus ténu par la chaleur de la
fomentation, le souffle se répand dans le
corpsz, de sorte qu'il se produit une accalmie
des souffrances.
Chapitre X
Peut-être objectera-t-on : comment
donc les flux peuvent-ils être
également causés par les vents? ou
de quelle façon ce principe est-il cause
des hémorragies dans la poitrine? Je
pense pouvoir montrer que ces affections aussi
sont dues à cette cause : quand les
vaisseaux de la tête sont gorgés
d'air, tout d'abord la tête s'alourdit,
car les vents l'oppressent, ensuite le sang
tourbillonne car les vents ne peuvent le laisser
couler à cause de l'étroitesse des
voies ; seule la partie la plus ténue du
sang est exprimée par le canal des
vaisseaux.
Et lorsque ce liquide s'est amassé en
grande quantité, il coule par d'autres
passages. Dans la partie du corps où il
parvient en masse, là se forme la
maladie. Si donc le flux parvient à
l'il, c'est à cet endroit qu'est la
souffrance ; si c'est aux oreilles, c'est
là qu'est la maladie ; si c'est aux
narines, c'est un coryza ; si c'est à la
poitrine, on appelle cela
«enrouement». Car le phlegme,
mêlé à des humeurs
âcres, cause, partout où il se
jette dans des endroits inhabitués
à sa présence, des
ulcérations.
Quand un flux se jette sur la gorge, qui est
une partie tendre, il y provoque des
rugosités. Car le souffle qui est
inspiré traverse la gorge pour gagner la
poitrine et ressort par cette voie-là.
Quand donc le souffle montant rencontre le flux
descendant, de la toux survient et le phlegme
est rejeté vers le haut. Les choses
étant ainsi, la gorge s'ulcère,
devient rugueuse, s'échauffe et attire
l'humide de la tête, du fait de sa chaleur
; et la tête, puisant (l'humide) dans le
reste du corps, le donne à la gorge.
Quand donc le flux s'est habitué
à couler par cet endroit et que les
passages sont ravinés, il se
répand désormais jusque dans la
poitrine. Étant âcre et se jetant
sur la chair le phlegme l'ulcère' et
rompt les vaisseaux. Et quand le sang s'est
déversé dans un endroit
étranger, il y séjourne, se
corrompt, et devient du pus. Il ne peut en effet
ni se porter vers le haut ni sortir par le bas :
pour ce qui est du haut, il n'est pas facile
pour un liquide de progresser en montant4 ; pour
ce qui est du bas, la clôture que
constitue le diaphragme fait obstacle.
Mais pourquoi donc maintenant le sang qui
fait éruption sans qu'il y ait de flux
(de phlegme) peut-il faire éruption. Cela
se produit soit spontanément, soit
à la suite d'efforts ; eh bien donc,
l'hémorragie est spontanée lorsque
l'air pénètre spontanément
dans les vaisseaux et rétrécit
l'espace pour le cheminement du sang; à
ce moment-là en effet, le sang, qui est
comprimé s'accumule et rompt les passages
à l'endroit où sa pression est la
plus forte. Dans les cas où
l'hémorragie se produit à la suite
d'une foule d'efforts, dans ces cas
également, à cause des efforts,
les vaisseaux se remplissent de souffle ; car il
est inévitable que la partie qui fait des
efforts retienne le souffle. Pour le reste, tout
se passe comme dans le cas déjà
exposé.
Chapitre XI Les ruptures sont toutes
dues à la cause suivante : quand les
chairs, sous l'effet de la violence, se
déchirent en s'écartant, et
qu'à l'intérieur de la
déchirure s'insinue précipitamment
du souffle, cela provoque de la
souffrances.
Chapitre XII
Si les vents, pénétrant
à travers les chairs, relâchent les
passages du corps et si les vents contiennent
une humidité, l'air fraie la voie
à l'humide. Le corps devenant tout
imbibé, les chairs se fondent
insensiblement et des gonflements descendent
dans les jambes. On appelle une telle maladie
«hydropisie»".
Voici une très grande preuve que les
vents sont cause de la maladie. On a
déjà vu des hydropiques dans un
état désespéré, qui
furent purgés et vidés de leur
eau. Alors, sur le moment, l'eau sortie du
ventre parait abondante, mais avec le temps,
elle devient moins abondante. Pour quelle raison
le devient-elle? Cela aussi est évident.
C'est que, sur le moment, l'eau est pleine d'air
- or l'air donne un gros volume -, tandis qu'une
fois l'air sorti, il ne reste que l'eau seule.
Voilà pourquoi l'eau paraît moins
abondante, alors qu'en réalité la
quantité est égale.
En voici une autre preuve. Une fois que le
ventre est complètement vidé,
moins de trois jours après, les malades
sont à nouveau pleins (d'eau). Qu'est-ce
donc qui les a remplis sinon le souffle? En
effet, quoi d'autre aurait pu les remplir aussi
rapidement? Ce n'est évidemment pas la
boisson : elle n'a pas
pénétré en aussi grande
quantité dans le corps. Ce ne sont pas
non plus les chairs : il n'y en a plus qui
puissent se liquéfier ; car il ne reste
que les os, les tendons et la peau qui ne
sauraient être la source d'aucune
augmentation d'aucune quantité
d'eau.
Chapitre XIII
Voilà donc exposée la cause de
l'hydropisie. Quant aux « apoplexies
», elles sont dues aux vents ; car lorsque
ces derniers, étant froids et
pénétrant en abondance, gonflent
les chairs, ces parties du corps deviennent
insensibles. Si donc des vents abondants
parcourent le corps tout entier, c'est
l'individu tout entier qui est frappé
d'« apoplexie » ; mais s'ils ne
parcourent qu'une partie, c'est cette partie
seulement qui est frappée.
Et si ces vents sortent, la maladie cesse ;
mais s'ils demeurent, la maladie demeure. La
preuve qu'il en est ainsi, c'est que les malades
ont constamment la bouche entrouverte.
Chapitre XIV
A mon avis, la maladie dite sacrée
est également provoquée par cette
cause. C'est avec les raisons mêmes qui
m'ont convaincu que j'essaierai de convaincre
les auditeurs. J'estime que, chez aucun
individu, aucun des composants du corps qui
concourent à la pensée n'est plus
prééminent que le sang. Tant que
ce composant demeure dans son état
normal, la pensée aussi demeure. Mais
quand le sang subit des modifications la
pensée aussi change.
Qu'il en est ainsi, bien des
témoignages l'attestent. Tout d'abord, ce
qui est commun à tous les êtres
vivants, le sommeil, témoigne en faveur
de ce qui a été dit ; en effet,
quand le sommeil s'empare du corps, alors le
sang se refroidit ; car le sommeil a pour
propriété naturelle de refroidir.
Or, une fois que le sang est refroidi, son
cheminement est plus lent. C'est évident
: les corps s'affaissent et s'alourdissent, tout
ce qui est lourd ayant pour
propriété naturelle de se porter
vers le bas ; les yeux se ferment, la
pensée se modifie et d'autres
représentations s'installent, que l'on
nomme rêves.
Ou encore dans l'état d'ivresse,
comme le sang devient soudain plus abondant,
l'âme change ainsi que les pensées
de l'âme ; elle devient oublieuse des
malheurs présents et pleine de confiance
dans les bonheurs futurs. Je pourrais citer bien
d'autres cas analogues dans lesquels les
altérations du sang altèrent la
pensée. Dans ces conditions, si le sang
tout entier est totalement troublé, la
pensée disparaît totalement ; car
connaître et reconnaître sont
affaire d'habitude. Quand donc nous sortons de
notre état habituel, notre pensée
disparaît.
Je prétends donc que la maladie
sacrée se produit de la façon
suivante : quand le souffle répandu en
grande quantité à travers le corps
tout entier se mêle au sang tout entier,
de nombreux obstacles se forment en de nombreux
endroits dans les vaisseaux. Quand donc de
l'air, parvenu en grande quantité dans
les gros vaisseaux qui contiennent beaucoup de
sang, y exerce une pression et y demeure en
exerçant cette pression, le cheminement
du sang s'en trouve entravé. Dès
lors, à tel endroit il est
immobilisé, à tel autre il chemine
lentement, et à tel autre plus
rapidement.
Or, comme la marche du sang à travers
le corps devient irrégulière, il
se produit des irrégularités de
toute sorte (le corps tout entier est
tiré de tout côté, et les
parties du corps, soumises au trouble et au
tumulte du sang, sont secouées) et des
contorsions de toute sorte se produisent de
toutes sortes de façons. Durant cette
crise, les malades sont privés de toute
sensation, sourds à ce qui se dit,
aveugles à ce qui se produit, insensibles
à la souffrance. C'est ainsi que l'air,
qui est troublé, trouble le sang et le
souille.
De plus, des flots d'écume remontent
précipitamment par la bouche, ce qui est
naturel ; car l'air, se glissant par les
vaisseaux « sphagitides ». Il, remonte
lui-même, et fait remonter avec lui la
partie la plus fine du sang. Or l'humide,
mêlé à l'air, blanchit ; car
travers de fines membranes, l'air, qui est pur,
transparaît ; voilà pourquoi les
flots d'écume paraissent tout à
fait blancs.
À quel moment donc ceux qui sont en
proie à ce mal sont-ils
libérés de la maladie et de la
tourmente présente, je vais l'expliquer :
quand le corps, qui a pris de l'exercice par
suite des efforts, s'est échauffé,
le sang aussi s'échauffe ; le sang, une
fois qu'il est bien échauffé,
échauffe les vents ; ceux-ci, une fois
qu'ils sont bien échauffés, se
dispersent et dispersent l'accumulation du sang
tandis qu'ils sortent en partie avec la
respiration, en partie avec le phlegme. Une fois
que l'écume est sortie en bouillonnant,
que le sang s'est apaisé, que le calme
est revenu dans le corps, la maladie cesse.
Chapitre XV
Il est donc clair, grâce à
toutes ces considérations, que les vents
sont les agents les plus actifs. Tout le reste
n'est que cause concomitante et cause
secondaire. Que la cause des maladies
réside là, je l'ai
démontré.
J'avais promis d'expliquer la cause des
maladies. J'ai montré que le souffle
exerce sa souveraineté sur l'univers et
sur les êtres vivants. J'ai fait porter
mon discours sur les maladies et les affections
connues, pour lesquelles ma thèse s'est
révélée vraie. Si je
parlais de toutes les affections, mon discours
deviendrait plus long, mais il n'en serait
nullement plus exact ni plus convaincant.