- Abstract
- Théodule Ribot (1839-1916) is the
founder of French scientific psychology and a
prolific writer. In 1862, he entered the
"École Normale Supérieure" and
obtained his "agrégation" in 1866. In
1872, he decided to quit teaching for a time. He
defended at the Sorbonne with success in 1873
his theses, the Latin one on "Hartley" and the
French one on "Psychological Heredity". He
established in 1876 a new review ("Revue
Philosophique de la France et de
l'Étranger") devoted to new trends in
philosophy and psychology. Ignoring the polemics
to which his early works gave rise, he next
devoted his energies to an attempt to approach
the normal mechanism of mind from the
pathological point of view: In 1885, he was
placed in charge of the first course in
experimental psychology at the Sorbonne. In
1888, a chair of 'experimental and comparative'
psychology was created for him at the
'Collège de France'. He trained many
students in the new psychology (Pierre Janet and
Georges Dumas) and encouraged the foundation in
the Sorbonne of the first french laboratory of
experimental psychology directed by Henry
Beaunis (1889) and then by Alfred Binet
(1894). During the last years of his life, he
was the author of numerous books, largely in the
field of affect.
-
- Résumé
- Théodule
Ribot (1839-1916) fut le fondateur de la
psychologie scientifique française. En
1862, il entra à l'École Normale
Supérieure et obtint son
agrégation en 1866. En 1872, il
décida de quitter l'enseignement pendant
un certain temps. Il soutint en 1873 à la
Sorbonne avec succès ses deux
thèses, la première en latin sur
Hartley et la seconde en français sur
l'hérédité psychologique.
Il fonda en 1876 une nouvelle revue (Revue
Philosophique de la France et de
l'Étranger) centrée sur les
nouvelles tendances qui émergeaient en
philosophie et en psychologie. Désireux
d'ignorer les polémiques que ses premiers
travaux avaient suscitées, il employa
toute son énergie à tenter
d'élucider le fonctionnement normal de
l'esprit en partant de sa pathologie. En 1885,
il fut chargé du premier cours de
psychologie expérimentale à la
Sorbonne. En 1888, on créa pour lui une
chaire de "psychologie expérimentale et
comparée" au collège de France. Il
forma beaucoup d'étudiants à la
nouvelle psychologie dont Pierre Janet et
Georges Dumas et encouragea aussi la fondation
à la Sorbonne du premier laboratoire
français de psychologie
expérimentale qui fut d'abord
dirigé par Henry
Beaunis (1889) puis Alfred Binet (1894).
Durant les dernières années de sa
vie, il fut l'auteur de nombreux ouvrages
centrés sur la psychologie de
l'affectivité.
-
-
- pages 12 - 19
- «L'activité volontaire nous
apparaît comme un moment dans cette
évolution ascendante qui va du
réflexe simple, dont la tendance au
mouvement est irrésistible à
l'idée abstraite, où la tendance
à l'acte est à son minimum. On
n'en peut fixer rigoureusement ni le
commencement ni la fin, la transition d'une
forme à l'autre étant presque
insensible.
-
- À dessein et pour des raisons de
clarté, nous n'avons pas examiné
le problème dans sa complexité.
Nous avons même éliminé l'un
des éléments essentiels,
caractéristiques, de la volonté.
Telle qu'on l'a considérée
jusqu'ici, elle pourrait être
définie : un acte conscient, plus ou
moins délibéré, en vue
d'une fin simple ou complexe, proche ou
lointaine. C'est ainsi que paraissent l'entendre
des auteurs contemporains, tels que Maudsley et
Lewes, lorsqu'ils la définissent «
l'excitation causée par des idées
» (impulse by ideas) ou bien « la
réaction motrice des sentiments et des
idées ». Ainsi comprise, la
volition, serait simplement un « laisser
faire ». Mais elle est tout autre chose.
Elle est aussi une puissance d'arrêt, ou,
pour parler la langue de la physiologie, un
pouvoir d'inhibition.
-
- Pour la psychologie fondée sur la
seule observation intérieure, cette
distinction entre permettre et empêcher a
peu d'importance; mais pour la psychologie, qui
demande au mécanisme physiologique
quelque éclaircissement sur les
opérations de l'esprit, - et qui tient
l'action réflexe pour le type de toute
activité, - elle est capitale.
-
- La doctrine courante admet que la
volonté est un fiat auquel les muscles
obéissent on ne sait comment. Dans cette
hypothèse, il importe peu que le fiat
commande un mouvement ou un arrêt. Mais si
l'on admet, avec tous les physiologistes
contemporains, que le réflexe est le
type, et la base de toute action, et si, par
conséquent, il n'y a pas lieu de chercher
pourquoi un état de conscience se
transforme en mouvement, - puisque c'est la loi
- il faut expliquer pourquoi il ne se transforme
pas. Malheureusement, la physiologie est pleine
d'obscurités et d'indécisions sur
ce point.
-
- Le cas le plus simple du
phénomène d'arrêt ou
d'inhibition consiste dans la suspension des
mouvements du cur par l'excitation du
pneumogastrique. On sait que le cur
(indépendamment des ganglions
intra-cardiaques) est innervé par des
filets venant du grand sympathique, qui
accélèrent ses battements, et par
des filets du nerf vague. La section de ce
dernier augmente les mouvements; l'excitation du
bout central au contraire les suspend plus ou
moins longtemps. Il est donc un nerf
d'arrêt, et l'inhibition est
géneralement considérée
comme le résultat d'une
interférence. L'activité
réflexe des centres cardiaques est
ralentie ou suspendue par les excitations venant
du bulbe. En d'autres termes, l'action motrice
du pneumoastrique se dépense dans les
centres cardiaques en activité et produit
un arrêt. Tout ceci n'a pas une
portée psychologique immédiate;
mais voici qui nous touche plus.
-
- C'est un fait bien connu que
l'excitabilité réflexe de la
moëlle augmente, quand elle est soustraite
à l'action du cerveau. L'état des
animaux décapités en fournit des
preuves frappantes. Sans recourir à ces
cas extrêmes, on sait que les
réflexes sont bien plus intenses pendant
le sommeil qu'à l'état de veille.
Pour expliquer ce fait, quelques auteurs ont
admis dans le cerveau des centres d'arrêt.
Setschenow les plaçait dans les couches
optiques et la région des tubercules
quadrijumeaux. Il s'appuyait sur ce fait qu'en
excitant, par des moyens chimiques ou autres,
les parties précitées, il
produisait une dépression des
réflxes. Goltz place ces centres
d'arrêt dans le cerveau proprement
dit.
-
- Ces hypothèses et d'autres analolgues
ont été fort critiquées, et
beaucoup de physiologistes admettent simplement
que, a l'état normal, les excitations se
répartissent à la fois dans le
cerveau par une -voie ascendante et dans la
moëlle par une voie transverse; que,au
contraire, dans les cas où le cerveau ne
peut jouer un rôle, les excitations ne
trouvant plus qu'une seule voie ouverte, il en
résulte une sorte d'accumulation dont
l'effet est une excitabilité
réflexe exagérée.
-
- Dans ces derniers temps, Ferrier, se
plaçant a un point de vue dont
l'importance psychologique est évidente,
a admis dans les lobes frontaux l'existence
de centres modérateurs qui seraient
le facteur essentiel de l'attention.
-
- Sans entrer dans plus de détails, on
voit que, pour expliquer le mécanisme de
l'inhibition, il n'y a aucune doctrine claire et
universellement acceptée comme pour les
réflexes. Les uns admettent que
l'arrêt vient de deux tendances contraires
qui s'entravent ou s'annihilent. D'autres
admettent des centres d'arrêt (et
même des nerfs d'arrêt) capables de
supprimer une action transmise, au lieu de la
renforcer. Il y a encore plusieurs
hypothèses qu'il est inutile de
mentionner. Dans cet état d'ignorance
examinons la question de notre mieux.
-
- Dans tout arrêt volontaire, il y a
deux choses à considérer : le
mécanisme qui le produit, - nous venons
d'en parler; l'état de conscience qui
l'accompagne, - nous allons en parler.
-
- D'abord, il y a des cas où
l'arrêt n'a pas besoin d'être
expliqué, ceux où l'incitition
volontaire cesse d'elle-même : quand nous
jetons de côté, par exemple, un
livre décidément ennuyeux. t
-
- D'autres cas paraissent s'expliquer, par
l'une des hypothèses
précitées. Nous arrêtons
volontairement le rire, le bâillement, la
toux, certains mouvements passionnés,
en mettant en action, à ce qu'il semble,
les muscles antagonistes.
-
- Pour les cas où l'on ignore comment
l'arrêt se produit, où le
mécanisme physiologique reste inconnu, la
psychologie pure nous apprend encore quelque
chose. Prenons l'exemple le plus banal, un
accès de colère
arrêté par la volonté. Pour
ne pas nous exagérer le pouvoir
volontaire, remarquons d'abord que cet
arrêt est loin d'être la
règle. Certains individus en paraissent
tout à fait incapables. Les autres le
sont très inégalement; leur
puissance d'arrêt varie au gré du
moment et des circonstances. Bien peu sont
toujours maitres d'eux-mêmes.
-
- Il faut, pour que l'arrêt se produise,
une première condition : le temps. Si
l'incitation est si violente qu'elle passe
aussitôt à l'acte, tout est fini;
quelque sottise qui s'ensuive, il est trop tard.
Si la condition de temps est remplie, si
l'état de conscience suscite des etats
antagonistes, s'ils sont suffisamment stables,
l'arrêt a lieu. Le nouvel état de
conscience tend à supprimer l'autre et,
en affaiblissant la cause, enraye les effets.
Il est d'une importance capitale pour la
pathologie de la volonté de rechercher le
phénomène physiologique qui se
produit en pareil cas. On ne peut douter que la
quantité de l'influx nerveux (quelque
opinion qu'on ait sur sa nature) varie, d'un
individu à l'autre, et d'un moment
à l'autre chez le même individu. On
ne peut douter non plus qu'à un moment
donné, chez un individu quelconque, la
quantité disponible peut être
distribuée d'une manière variable.
Il est clair que, chez le mathématicien
qui spécule, et chez l'homme qui
satisfait une passion physique, la
quantité d'influx nerveux ne se
dépense pas de la même
manière et qu'une forme de dépense
empêche l'autre, le capital disponible ne
pouvant être employé à la
fois à deux fins.
« Nous voyons, dit un physiologiste, que
l'excitabilité de certains centres
nerveux est atténuée par la mise
en activité de certains autres, si les
excitations qui atteignent ces derniers ont une
certaine intensité : tel est le fait. Si
nous considérons le fonctionnement normal
du système nerveux, nous constatons qu'il
existe un équilibre nécessaire
entre les différents appareils de ce
système. Nous savons que cet
équilibre peut être rompu par la
prédominance anormale de certains
centres, lesquels semblent détourner
à leur profit une trop grande part de
l'activité nerveuse: dès lors, le
fonctionnement des autres centres nous
apparaît troublé...Il y a des lois
générales qui président
à la répartition de
l'activité nerveuse dans les
différents points du système,
comme il y a des lois mécaniques qui
gouvernent la circulation du sang dans le
système vasculaire : si une grande
perturbation survient dans un département
vasculaire important, l'effet ne peut manquer
d'être ressenti datis tous les autres
points du système. Ces lois
d'hydroodynamique, nous les saisissons, parce
que le fluide en circulation nous est accessible
et que nous connaissons les
propriétés des vaisseaux qui les
contiennent, les effets de
l'élasticité, ceux de la
contraction musculaire, etc. Mais les lois de la
répartition de l'activité
nerveuse, de cette sorte de circulation de ce
qu'on a nommé le fluide nerveux, qui les
connait ? On constate les effets des ruptures
d'équilibre de l'activité
nerveuse; mais ce sont là des troubles
essentiellement variables, qui se
dérobent encore à toute tentative
de théorie. Nous ne pouvons qu'en noter
la production en tenant compte des conditions
qui les accompagnent. ».......
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