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                      DE LA MALADIE, DE LA CONFESSION, DE LA MORT,
                     ET DE L'APPARITION DU  JÉSUITE
                     BERTHIERAVEC LA RELATION DU VOYAGE DE 
                     FRÈRE GARASSISE,  ET CE QUI
                     S'ENSUIT, EN ATTENDANT CE QUI S'ENSUIVRA.
                     (1759) Notice de Beuchot: Cet opuscule est
                     de novembre 1759. Voltaire en parle dans sa
                     lettre à Thieriot du 5 décembre
                     1759. La première édition, en
                     trente pages in-8°, est intitulée
                     Relation de la maladie, de la confession, de la
                     mort, et de l'apparition du jésuite
                     Berthier. Elle fut suivie d'une édition,
                     même format, en quatorze pages. Quelque
                     temps après, une nouvelle édition
                     parut sous ce titre: Relation de la maladie, de
                     la confession, de la mort, et de l'apparition du
                     jésuite Berthier, avec la Relation du
                     voyage de frère Garassise, et ce qui
                     s'ensuit, en attendant ce qui s'ensuivra, 1760,
                     petit in-8° de cinquante-quatre pages, dont
                     il existe une traduction italienne, 1760,
                     in-8° de trente-neuf pages. Il parut, en
                     1761, une Relation de la maladie, de la
                     confession, de la fin de M. de Voltaire, et de
                     ce qui s'ensuivit, par moi Joseph Dubois. Cet
                     opuscule, plusieurs fois
                     réimprimé, est de Sélis.
                     Voltaire, dans un billet du 26 mars 1764,
                     l'appelle une fade imitation.   
                     
                     
Ce fut le 12 octobre 1759 que frère
                     Berthier alla, pour son malheur, de Paris
                     à Versailles avec frère Coutu, qui
                     l'accompagne ordinairement. Berthier avait mis
                     dans la voiture quelques exemplaires du Journal
                     de Trévoux , pour les présenter
                     à ses protecteurs et protectrices; comme
                     à la femme de chambre de madame la
                     nourrice, à un officier de bouche,
                     à un des garçons apothicaires du
                     roi, et à plusieurs autres seigneurs qui
                     font cas des talents. Berthier sentit en chemin
                     quelques nausées; sa tête
                     s'appesantit: il eut de fréquents
                     bâillements. « Je ne sais ce que
                     j'ai, dit-il à Coutu, je n'ai jamais
                     tant bâillé. - Mon
                     révérend père,
                     répondit frère Coutu, ce n'est
                     qu'un rendu. - Comment! que voulez-vous dire
                     avec votre rendu? dit frère Berthier. -
                     C'est, dit frère Coutu, que je
                     bâille aussi, et je ne sais pourquoi,
                     car je n'ai rien lu de la journée, et
                     vous ne m'avez point parlé depuis que je
                     suis en route avec vous. » Frère
                     Coutu, en disant ces mots, bâilla plus que
                     jamais. Berthier répliqua par des
                     bâillements qui ne finissaient point.
                     Le cocher se retourna, et les voyant ainsi
                     bâiller, se mit à
                     bâiller aussi; le mal gagna tous
                     les passants: on bâilla dans toutes
                     les maisons voisines. Tant la seule
                     présence d'un savant a quelquefois
                     d'influence sur les hommes! Frère Berthier n'est mort qu'en
                     décembre 1782; il s'était
                     retiré à Bourges, et le
                     clergé venait de lui donner une pension,
                     pour le remercier d'avoir fait à la
                     religion des ennemis de tous les Français
                     qui se distinguaient dans les lettres par leurs
                     connaissances ou par leurs talents.
                     (K.) - Dans un Éloge
                     historique du P. G.-F. Berthier, par Monjoye,
                     1817, in-8°, l'auteur, attribuant à
                     Voltaire cette note des éditeurs de Kehl,
                     faisait une belle sortie contre le philosophe de
                     Ferney. L'erreur fut signalée; et,
                     quoique l'Éloge fût posthume, on
                     fit un carton pour les pages 135-138.
                     (Beuchot.) Cependant une petite sueur froide s'empara
                     de Berthier. « Je ne sais ce que j'ai,
                     dit-il, je me sens à la glace. - Je le
                     crois bien, dit le frère compagnon. -
                     Comment, vous le croyez bien! dit Berthier;
                     qu'entendez-vous par là? - C'est que je
                     suis gelé aussi, dit Coutu. - Je
                     m'endors, dit Berthier. - Je n'en suis pas
                     surpris, dit l'autre. - Pourquoi cela? dit
                     Berthier. - C'est que je m'endors aussi »,
                     dit le compagnon. Les voilà saisis tous
                     deux d'une affection soporifique et
                     léthargique, et en cet état
                     ils s'arrêtèrent devant la porte
                     des coches de Versailles. Le cocher, en leur
                     ouvrant la portière, voulut les tirer de
                     ce profond sommeil; il n'en put venir à
                     bout: on appela du secours. Le compagnon, qui
                     était plus robuste que frère
                     Berthier, donna enfin quelques signes de vie;
                     mais Berthier était plus froid que
                     jamais. Quelques médecins de la cour, qui
                     revenaient de dîner, passèrent
                     auprès de la chaise; on les pria de
                     donner un coup d'oeil au malade: l'un d'eux, lui
                     ayant tâté le pouls, s'en alla en
                     disant qu'il ne se mêlait plus de
                     médecine depuis qu'il était
                     à la cour. Un autre, l'ayant
                     considéré plus attentivement,
                     déclara que le mal venait de la
                     vésicule du fiel, qui était
                     toujours trop pleine; un troisième assura
                     que le tout provenait de la cervelle, qui
                     était trop vide. Pendant qu'ils raisonnaient, le patient
                     empirait, les convulsions
                     commençaient à donner des signes
                     funestes, et déjà les trois doigts
                     dont on tient la plume étaient tout
                     retirés, lorsqu'un médecin
                     principal, qui avait étudié sous
                     Mead et sous Boerhaave , et qui en savait plus
                     que les autres, ouvrit la bouche de Berthier
                     avec un biberon, et, ayant attentivement
                     réfléchi sur l'odeur qui s'en
                     exhalait, prononça qu'il était
                     empoisonné. A ce mot tout le monde se récria.
                     « Oui, messieurs, continua-t-il, il est
                     empoisonné; il n'y a qu'à
                     tâter sa peau, pour voir que les
                     exhalaisons d'un poison froid se sont
                     insinuées par les pores; et je maintiens
                     que ce poison est pire qu'un mélange de
                     cigüe, d'ellébore noire, d'opium, de
                     solanum, et de jusquiame. Cocher, n'auriez-vous
                     point mis dans votre voiture quelque paquet pour
                     nos apothicaires? - Non, monsieur,
                     répondit le cocher; voilà l'unique
                     ballot que j'y ai placé par ordre du
                     révérend père. » Alors
                     il fouilla dans le coffre, et en tira deux
                     douzaines d'exemplaires du Journal de
                     Trévoux. « Eh bien, messieurs,
                     avais-je tort? » dit ce grand
                     médecin. Tous les assistants admirèrent sa
                     prodigieuse sagacité; chacun reconnut
                     l'origine du mal: on brûla sur-le-champ
                     sons le nez du patient le paquet pernicieux, et
                     les particules pesantes s'étant
                     atténuées par l'action du feu,
                     Berthier fut un peu soulagé; mais comme
                     le mal avait fait de grands progrès, et
                     que la tête était attaquée,
                     le danger subsistait toujours. Le médecin
                     imagina de lui faire avaler une page de
                     l'Encyclopédie dans du vin blanc, pour
                     remettre en mouvement les humeurs de la bile
                     épaissie: il en résulta une
                     évacuation copieuse; mais la tête
                     était toujours horriblement pesante, les
                     vertiges continuaient, le peu de paroles qu'il
                     pouvait articuler n'avaient aucun sens: il resta
                     deux heures dans cet état, après
                     quoi on fut obligé de le faire
                     confesser. Deux prêtres se promenaient alors dans
                     la rue des Récollets: on s'adressa
                     à eux. Le premier refusa: « Je ne
                     veux point, dit-il, me charger de l'âme
                     d'un jésuite, cela est trop scabreux: je
                     ne veux avoir à faire à ces
                     gens-là, ni pour les affaires de ce
                     monde, ni pour celles de l'autre. Confessera un
                     jésuite qui voudra, ce ne sera pas moi.
                     » Le second ne fut pas si difficile. «
                     J'entreprendrai cette opération, dit-il;
                     on peut tirer parti de tout. » Aussitôt il fut conduit dans la
                     chambre où le malade venait d'être
                     transporté; et comme Berthier ne pouvait
                     encore parler distinctement, le confesseur prit
                     le parti de l'interroger. « Mon
                     révérend père, lui dit-il,
                     croyez-vous en Dieu? -Voilà une
                     étrange question, dit Berthier. - Pas si
                     étrange, dit l'autre; il y a croire et
                     croire: pour s'assurer de croire comme il faut,
                     il est nécessaire d'aimer Dieu et son
                     prochain; les aimez-vous sincèrement ? -
                     Je distingue, dit Berthier. - Point de
                     distinction, s'il vous plaît, reprit le
                     confessant; point d'absolution si vous me
                     commencez par ces deux devoirs. - Eh bien! oui,
                     dit le confessé, puisque vous m'y forcez,
                     j'aime Dieu, et le prochain comme je peux.-
                     N'avez-vous point lu souvent de mauvais livres?
                     dit le confessant. - Qu'entendez-vous par
                     mauvais livres? dit le confessé. - Je
                     n'entends pas, dit le confessant, les livres
                     simplement ennuyeux, comme l'Histoire romaine
                     des frères Catrou et Rouillé, et
                     vos tragédies de colléges, et vos
                     livres intitulés des Belles-Lettres, et
                     la Louisiade de votre Lemoine, et les vers de
                     votre Ducerceau sur la ravigote, et ses nobles
                     stances sur le messager du Mans, et le
                     remerciement au duc du Maine pour des
                     pâtés, et votre Pensez -y bien, et
                     toutes les finesses du bel-esprit monacal;
                     j'entends les imaginations de frère
                     Bougeant , condamnées par le parlement et
                     par l'archevêque de Paris; j'entends les
                     gentillesses de frère Berruyer, qui a
                     changé l'Ancien et le Nouveau Testament
                     en un roman de ruelle dans le goût de
                     Clélie, si justement flétri
                     à Rome et en France ; j'entends la
                     théologie de frère Busembaum et de
                     frère Lacroix , qui ont si hautement
                     renchéri sur tout ce qu'avaient
                     écrit frère Guignard, et
                     frère Gueret, et frère Garnet, et
                     frère Oldcorn, et tant d'autres;
                     j'entends frère Jouvency, qui compare
                     finement le président de Harlai à
                     Pilate, le parlement aux Juifs, et frère
                     Guignard à Jésus-Christ, parce
                     qu'un citoyen trop emporté, mais
                     pénétré d'une juste horreur
                     contre un professeur du parricide, s'avisa de
                     cracher au visage de frère Guignard,
                     assassin de Henri IV, dans le temps que ce
                     monstre impénitent refusait de demander
                     pardon au roi et à la justice; j'entends
                     enfin cette foule innombrable de vos casuistes,
                     que l'éloquent Pascal a trop
                     épargnés, et surtout votre
                     Sanchez, qui, dans son livre De Matrimonio, a
                     fait un recueil de tout ce que l'Arétin
                     et le Portier des Chartreux auraient
                     tremblé de dire . Pour peu que vous ayez
                     fait de telles lectures, vous êtes en
                     grand danger de votre salut. - Je distingue,
                     répondit l'interrogé. - Point de
                     distinction, encore une fois, reprit
                     l'interrogeant. Avez-vous lu tous ces livres,
                     oui ou non? - Monsieur, dit Berthier, je suis en
                     droit de tout lire, attendu le poste
                     éminent que j'occupe dans la Compagnie. -
                     Eh! quel est donc ce grand poste? dit le
                     confessant. - Eh bien! répondit Berthier,
                     c'est moi, afin que vous le sachiez, qui suis
                     l'auteur du Journal de
                     Trévoux. - Quoi! c'est vous qui êtes l'auteur
                     de ce livre qui damne tant de monde ? -
                     Monsieur, monsieur, mon livre ne damne personne;
                     dans quel péché pourrait-il faire
                     tomber, s'il vous plaît? -Ah!
                     frère, dit le confessant, ne savez-vous
                     pas que quiconque appelle son frère Raca
                     est coupable de la géhenne du feu ? o!
                     vous avez le malheur de faire venir à
                     quiconque vous lit la tentation prochaine de
                     vous nommer Raca: combien ai-je vu
                     d'honnêtes gens qui, ayant lu seulement
                     deux ou trois pages de votre livre, le jetaient
                     au feu, transportés de colère!
                     Quel impertinent auteur! disaient-ils;
                     l'ignorant! le butor! le cuistre! le cheval!
                     Cela ne finissait point l'esprit de
                     charité était totalement
                     éteint en eux, et ils étaient
                     évidemment en risque de leur salut. Jugez
                     de combien de maux vous avez été
                     cause! Il y a peut-être près de
                     cinquante personnes qui vous lisent, et ce sont
                     cinquante âmes que vous mettez en
                     péril tous les mois. Ce qui excite
                     surtout la colère parmi les
                     fidèles, c'est cette confiance avec
                     laquelle vous décidez de tout ce que vous
                     n'entendez point. Ce vice prend visiblement sa
                     source dans deux péchés mortels:
                     l'un est l'orgueil, et l'autre l'avarice.
                     N'est-il pas vrai que vous faites votre livre
                     pour de l'argent, et que vous êtes atteint
                     de la superbe quand vous critiquez mal à
                     propos l'abbé Velly, et l'abbé
                     Coyer, et l'abbé d'Olivet, et tous nos
                     bons auteurs? Je ne puis vous donner
                     l'absolution, que vous n'ayez fait un ferme
                     propos de ne travailler de votre vie au Journal
                     de Trévoux. » Frère Berthier ne savait que
                     répondre; sa tête n'était
                     pas bien libre, et il tenait furieusement
                     à ses deux péchés favoris.
                     « Eh quoi! vous hésitez, dit le
                     confessant; songez que dans peu d'heures tout va
                     finir pour vous: peut-on chérir encore
                     ses passions quand il faut renoncer pour jamais
                     à les satisfaire? Vous demandera-t-on au
                     jour du jugement si vous avez réussi ou
                     non à faire le Journal de Trévoux?
                     Est-ce pour cela que vous êtes né?
                     est-ce pour nous ennuyer que vous avez fait voeu
                     de chasteté, d'humilité et
                     d'obéissance? Arbre séché,
                     arbre rabougri, qui allez être
                     réduit en cendres, profitez du moment qui
                     vous reste; portez encore des fruits de
                     pénitence; détestez surtout
                     l'esprit de calomnie qui vous a
                     possédé jusqu'à
                     présent; tâchez d'avoir autant de
                     religion que ceux que vous accusez d'être
                     sans religion. Sachez, frère Berthier,
                     que la piété et la vertu ne
                     consistent pas à croire que votre
                     François Xavier ayant laissé
                     tomber son crucifix dans la mer, un cancre vint
                     humblement le lui rapporter. On peut être
                     honnête homme, et douter que le même
                     Xavier ait été en deux endroits
                     à la fois; vos livres peuvent le dire;
                     mais, mon frère, il est permis de ne rien
                     croire de ce qui est dans vos livres. « A propos, frère, n'auriez-vous
                     point écrit à frère
                     Malagrida et complices? Vraiment j'oubliais
                     cette peccadille vous croyez donc que parce
                     qu'il n'en coûta autrefois qu'une dent
                     à Henri IV, et qu'il n'en coûte
                     aujourd'hui qu'un bras au roi de Portugal, vous
                     pourrez vous sauver avec la direction
                     d'intention? Vous pensez que ce sont là
                     des pêchés véniels, et
                     pourvu que le Journal de Trévoux se
                     débite, vous vous souciez peu du
                     reste. - Je distingue, monsieur, dit Berthier. -
                     Encore des distinctions! dit le confessant; eh
                     bien! moi, je ne distingue point, et je vous
                     refuse net l'absolution. » Comme il disait ces mots arrive frère
                     Coutu en hâte, tout courant, tout
                     essoufflé, tout suant, tout haletant,
                     tout puant; il s'était informé de
                     celui qui avait l'honneur de confesser son
                     révérend père. «
                     Arrêtez, arrêtez, cria-t-il, point
                     de sacrements, mon cher révérend
                     père, point de sacrements, je vous en
                     conjure, mon cher révérend
                     Père Berthier, mourez sans sacrements;
                     c'est l'auteur des Nouvelles
                     ecclésiastiques avec qui vous êtes,
                     c'est le renard qui se confesse au loup: vous
                     êtes perdu si vous avez dit la
                     vérité. L'étonnement, la honte, la douleur,
                     la colère, la rage, ranimèrent
                     alors un moment les esprits du patient. «
                     Vous l'auteur des Nouvelles
                     ecclésiastiques! s'écria-t-il; et
                     vous avez attrapé un jésuite!
                     -Oui, mon ami, répondit le confessant
                     avec un sourire amer. - Rends-moi ma confession,
                     coquin, dit Berthier; rends-moi ma confession
                     tout à l'heure. Ah! c'est donc toi,
                     l'ennemi de Dieu, des rois et même des
                     jésuites; c'est toi qui viens abuser de
                     l'état on je suis: traître, que
                     n'es-tu en apoplexie, et que ne puis-je te
                     donner l'extrême onction! Tu crois donc
                     être moins ennuyeux et moins fanatique que
                     moi? Oui, j'ai écrit des sottises, j'en
                     conviens; je me suis rendu méprisable et
                     haïssable, je l'avoue; mais toi, n'es-tu
                     pas le plus bas et le plus exécrable de
                     tous les barbouilleurs de papier à qui la
                     démence a mis la plume à la main?
                     Dis-moi donc si ton histoire des convulsions ne
                     vaut pas bien nos Lettres édifiantes et
                     curieuses? Nous voulons dominer partout, je le
                     confesse; et toi, tu voudrais tout brouiller.
                     Nous voudrions séduire toutes les
                     puissances; et toi, tu voudrais exciter la
                     sédition contre elles. La justice a fait
                     brûler nos livres, d'accord; mais
                     n'a-t-elle pas fait aussi brûler les
                     tiens? Nous sommes tous en prison dans le
                     Portugal, il est vrai; mais la police ne
                     t'a-t-elle pas poursuivi cent fois, toi et tes
                     complices? si j'ai eu la bêtise
                     d'écrire contre des hommes
                     éclairés qui dédaignaient
                     jusque-là de m'écraser, n'as-tu
                     pas eu la même impertinence? ne nous
                     tourne-t-on pas tous deux également en
                     ridicule? et ne devons-nous pas avouer que dans
                     ce siècle, l'égout des
                     siècles, nous sommes tous deux les plus
                     vils insectes de tous les insectes qui
                     bourdonnent au milieu de la fange de ce
                     bourbier? » Voilà ce que la force de
                     la vérité arrachait de la bouche
                     de frère Berthier. Il parlait comme un
                     inspiré; ses yeux, remplis d'un feu
                     sombre, roulaient avec égarement; sa
                     bouche se tordait, l'écume la couvrait,
                     son corps se roidissait, son coeur palpitait:
                     bientôt une défaillance
                     générale succéda à
                     ces convulsions; et dans cette
                     défaillance il serra tendrement la main
                     de frère Coutu. « J'avoue, dit-il,
                     qu'il y a bien des pauvretés dans mon
                     Journal de Trévoux; mais il faut excuser
                     la faiblesse humaine. - Ah! mon
                     révérend père, vous
                     êtes un saint, dit frère Coutu;
                     vous êtes le premier auteur qui ait jamais
                     avoué qu'il était ennuyeux; allez,
                     mourez en paix; moquez-vous des Nouvelles
                     ecclésiastiques; mourez, mon
                     révérend père, et soyez
                     sûr que vous ferez des miracles.Ainsi passa de cette vie à l'autre
                     frère Berthier, le 12 octobre, à
                     cinq heures et demie du soir. haut de
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